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Kian frissonna dans l'air frais, presque froid, quand il se dégagea en douceur du poids du corps de Seren la laissant profondément endormie. Il accomplit ses ablutions puis se vêti d'une simple tunique nuit. Il agrafa sa cape déposa un baiser sur le front de la jeune femme et sorti dans la nuit.
Les premiers oiseaux accueillaient le matin par leur doux chants. Les larges rues encore vides de toutes activitées résonnaient des seuls pas de Kian et du bruissement de sa cape ciel.
Le premier rayon du soleil frappa la porte d'or à double battant du temple de Camul au moment où Kian se tenait sur le seuil. Il ferma les yeux ébloui, baignant dans la lumière du dieu gravé à droite et du taureau tenant le soleil entre ses cornes à gauche.
Contrairement aux autres lieux sacré, il se pratiquait dans les différents temples du dieu Camul des sacrifices sanglants selon les besoins du moment. Ils étaient accomplit par un ritualiste d'Ogma ou sous sa surveillance.
Rarement la victime était humaine, mais il se trouvait quelques volontaires souhaitant honorer leur dieu en faisant don de leur vie. Leurs armes étaient ensuite brisées, participant à l'offrande suprême. La cérémonie se déroulait toujours dans le calme et le respect des guerriers qui choisissaient d'emprunter ce chemin. Un hommage particulier leur étaient ensuite rendu puis ils étaient porté par des chants jusqu'au au tertre où ils reposaient sous la protection du dieu.
L'intérieur du temple était frais, il y régnait en permanence une légère odeur d'encens de basilic choisi pour ses vertues particulières. Il apportait concentration, confiance en soi, détermination et courage. Trois portes menaient à trois salles; la porte d'or, la porte de fer et la porte de bronze.
Kian franchit la première salle entre les brasero qui illuminaient les murs de plâtres où étaient peint l'histoire de la naissance du dieu Camul jusqu'à l'âge adulte. Un autel recouvert d'or se trouvait au centre où était déposé des offrandes végétales ou des cruches contenant des huiles, du vin ou de l'hydromel. Cette partie était ouverte au public. Kian salua le garde à l'entrée de la porte de fer. Ils échangèrent quelques mots à voix basse. Le soldat lui serra l'épaule puis s'écarta pour le laisser passer. Il poussa la lourde porte décorée de scènes de guerres.
Cette pièce-ci était réservée aux soldats. L'histoire de Camul se poursuivait, décrivant les batailles qu'il avait menées entouré de ses compagnons. Des râteliers s'alignaient où étaient exposées des épées. Il s'agissait des armes appartenant aux guerriers qui étaient tombés sur le champ de bataille. Leurs noms, les dates de naissance et de décès ainsi que le lieu où ils avaient trouvé la mort étaient gravé sur les lames.
Il déposa une gerbe de blé devant celle de Fergal. Kian adressa une prière silencieuse au dieu afin que son ami soit reconnu parmi les siens et profite des largesses qu'offraient l'Annwyn. Ses genoux craquérent quand il se redressa.
Il poussa la porte de bronze où était gravé le taureau tenant le soleil entre ses cornes. Un long couloir où des torches brûlaient en permanence, menait dans la dernière salle où se déroulait les sacrifices. Seuls ceux qui étaient convié pouvaient y entrer. Là, les scènes sur les murs représentaient la rencontre du dieu avec le taureau jusqu'à l'ultime sacrifice. Kian n'y était venu qu'à trois reprises, mais il en gardait un souvenir intense. Cependant le moment n'était pas encore venu.
Il tourna la poignée d'une porte noire sur sa droite. Il y entra et referma derrière lui avec un léger claquement. C'était là que s'isolait le futur initié avant la cérémonie, quelle qu'elle soit. La pièce était sobre, légèrement vaporeuse. Les murs beiges étaient sans décorations, un simple brasero se trouvait à l'entrée où brûlait de l'encens d'oliban. Un petit coffre en cèdre contenait quelques pièces de lin à côté du petit bassin rituel qui servait aux ablutions. L'initié devait se purifier aussi bien l'esprit que le corps.
Il dégrafait sa cape quand on frappa à la porte. Il fronça les sourcils en la jetant sur le coffre. Cynfarch lui avait assuré que personne n'était censé venir le déranger du moment qu'il était entré dans cette salle. C'était un lieu de médiation. Il se coupait volontairement du monde extérieur et rien ne devait venir perturber la sérénité du lieu. C'était raté!
Kian sentit le bouillonnement de la colère sous-jacente en voyant la superbe femme aux longs cheveux acajou qui se tenait devant lui. Il sorti dans le couloir.
Elle était vêtue d'un ensemble jaune cintré, laçé comme celles des guerrières du Territoire du Mouton où elle avait vécu un temps avant de repartir. Le seul défaut physique visible qu'elle présentait était ses mains; une mince pellicule rosâtre presque imperceptible incrustée en permanence sous ses ongles ainsi que sur les lignes de ses paumes. Il s'en était aperçu plus tard, trop tard.
-Pourquoi? demanda Kian avec méfiance appuyé contre le mur bras croisés.
-J'ai donné mon congé au palais, répondit Brigh de sa voix suave. Je veux retrouver ma place de cavalière. Je ne veux plus jouer les bourreaux pour un cinglé qui donne des ordres déments.
-Ça ne te gênait pas il y a encore quelques semaines, fit remarquer le guerrier blond d'un ton narquois.
-C'est vrai, j'y ai même pris du plaisir, admit-elle ses yeux clair brillants d'une joie sauvage. (Elle sourit en voyant Kian grimacer). Oh, pas la peine de faire cette tête, d'ailleurs, ça te rends beaucoup moins séduisant.
Elle s'avança, il se redressa sur ses gardes en serrant les poings. Elle s'arrêta à moins d'un mètre et le regarda la tête légèrement penchée sur le côté.
-Tu as aussi tué plus d'un homme avec allégresse.
-Je n'ai jamais pris mon pied en faisant souffrir un pauvre type enchaîné durant des jours! cracha Kian avec venin.
-Excuse-moi, soupira-t-elle, il semblerait que nous soyons toujours obligés de nous écharper.
-Il n'y a pas de nous! s'emporta le guerrier blond. Que...
-Kini, le coupa-t-elle sa voix à peine audible par-dessus le crépitement des torches. Je...
-Ne m'appelle pas comme ça! gronda le cavalier ses yeux bleu foncé brûlants de colère.
-Ma parole, tu es devenu bien soupe au lait, rouspéta Brigh agacée qui secoua ses cheveux en les ramenant en arrière.
-Que veux-tu? aboya Kian une main sur la poignée de la porte.
-Je suis venue te donner des informations sur ce qui se passe réellement au palais, expliqua-t-elle calmement. Je sais que ton amante s'y rends régulièrement, (Kian se tendit). Elle ne t'a rien dit, n'est-ce pas?
Il réagit d'instinct, avec elle il n'avait pas d'autre choix. Il lui faucha les jambes en lui donnant un coup de paume sous la mâchoire. Avant qu'elle ne se remette de sa surprise, il la bloqua d'un genou sur le bas-ventre, endroit qu'il savait être particulièrement sensible chez elle, en lui immobilisant les bras. Elle gémit.
-Je ne te laisserai pas foutre la merde dans mon couple, avertit Kian d'une voix rendue sourde par la fureur à quelques centimètres de son visage. Tu m'as assez pourri la vie en prenant ce que tu voulais de moi. Tu l'as eu. Si tu l'approches, je te tuerai!
Il la relâcha brutalement puis tourna les talons.
-Ne la laisse plus approcher du temple de Poséidon ni du palais, l'avertit-elle d'une voix tremblante les yeux brouillés de larmes en s'appuyant contre le mur pour se relever.
Il se retourna vivement pour voir les portes de bronze battres puis se refermer. Laissant éclater sa colère, il rugit en frappant dans le mur.
******
Kian était assis nu en tailleur sur le sol de marbre gris-bleu le dos bien droit, ses mains reposant sur ses genoux. Après le départ de Brigh, un torrent d'émotions l'avait assailli; Honte, fureur, déception, trahison, horreur ainsi qu'une minuscule part de regret. Il avait mis du temps avant de retrouver son calme et de chasser les souvenirs qu'il avait d'elle. Deux ans qu'il ne l'avait pas revue. Mais si des rumeurs la concernant étaient parvenus à ses oreilles, la réalité s'était avérée bien pire.
Des coups légers le sortir de sa transe, l'heure était venue. Il se leva. Le ritualiste ouvrit la porte.
-Tu es prêt? demanda Baelag de sa voix chaude en entrant dans la pièce un verre de vin à la main.
-Je crois, acquiesça le guerrier blond.
Le ritualiste était roux clair ses cheveux étaient ramené en arrière par un lacet de cuir. Si son visage était rude ses yeux bleu adoucissait l'ensemble. Un bandeau doré ornait son front. Il était vêtu d'un ensemble blanc, d'un cape teinte d'un jaune d'or et chaussé de sandales de cuir doré. Une ceinture de cuir gravée retenait le fourreau du poignard sacrificiel au manche argenté et une bourse.
-Nous avons encore une demie heure devant nous. Je vais rapidement t'expliquer le déroulement de la cérémonie ensuite tu mangera ça, (il sorti une petite galette d'avoine de sa bourse emballée dans du lin), et tu boira le verre de vin.
Il déposa le toute sur le coffre.
-Très bien, acquiesça Kian la gorge sèche.
Le ritualiste lui adressa un sourire rassurant. Kian avait déjà une vague idée de ce qui l'attendait. La seule chose qu'il redoutait était ce qu'il devrait ingurgiter car il ne maîtriserai plus son corps ni son esprit.
-Tu as des questions? s'enquit Baelag dix minutes plus tard.
Le guerrier atlante secoua la tête.
-Bon appétit! lui dit-il avec un sourire malicieux en lui tendant la galette.
Kian mangea la galette noircie. Il détectait le goût terreux des champignons ainsi que celui très léger du miel. Il avala péniblement. Il sentit le gâteau tomber comme une pierre dans son estomac. Il dut serrer les dents pour contenir la vague de nausée qui le submergeait, la tête lui tournait violemment. On le retint par les aisselles.
-Kian? appela Baelag en posant une main sur l'épaule du guerrier.
Kian à quatre pattes voyait trouble le visage du ritualiste au-dessus de lui alors qu'il ne se souvenait pas d'avoir chuté. Son corps tout entier fut pris de tremblements, il hoqueta prit de hauts-le-cœurs, son visage ruisselant de sueur.
-Ne vomit pas! entendit-il de loin en sentant Baelag l'aider à se redresser et à s'adosser contre le mur. Il y en a plus pour longtemps!
Baelag ajouta une pincée de fine poudre vert clair tirant sur le jaune dans le vin. Il s'accroupit devant le guerrier gémissant qui avait les genoux remonté contre son torse et se balançait d'avant en arrière en proies aux hallucinations qu'induisaient les champignons.
Kian sentit le ritualiste écarter de force ses mains de son visage puis lui verser du vin puissamment anisé entre les lèvres. Il sentit le liquide brûlant descendre le long de son oesophage jusqu'à son estomac. Il eut à nouveau envie de vomir.
Puis il eut la sensation de se dédoubler, son cœur qu'il entendait battre dans ses tempes ralentit, son souffle se fit plus profond plus lent. Il se sentit se détacher de son corps tout en y étant présent.
Une main sur l'épaule de Baelag il le suivit en ayant l'impression de flotter. Le mugissement grave du taureau fit trembler les murs autour de lui. Il passa une main dans ses cheveux blonds coupé en brosse pour en faire tomber la poussière de plâtre. Quelle taille pouvait avoir ce monstre? se demanda-t-il avec légèreté.
Il donna une claque sur le groin du sanglier qui passait successivement du rouge au bleu et le retenait par le bras à l'aide de son sabot. Il l'agacait avec ses poils rêche qui lui frottaient le flanc et le démangeaient. Il était sûr que cette fichue bestiole était couverte de puces. Le sanglier s'écrasa avec un bruit sourd contre le mur en bramant. Satisfait Kian ricana. Il suivit la grenouille multicolore clignotante qui aboyait.
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