41
Elle rangea les produits frais qu'elle était allée chercher dans le cellier. Kian devait déjà s'être rendormi, sinon il l'aurait probablement attendu sur la terrasse.
Hier en rentrant du temple en début d'après-midi, elle avait dû aider Kian à monter à l'étage ce qui n'avait pas été une mince affaire vu son gabarit et son état de fatigue. Elle l'avait déshabillé puis malgré ses ronchonnements, l'avait aidé à se laver, avait soigné son bras, ses coupures et ses bleus. Il s'était endormi avant qu'elle ne referme la porte derrière elle.
Elle était redescendue pour s'occuper de la jument qu'elle avait installée dans le petit enclos attenant à la forge. Elle s'était ensuite rendue à la brasserie qui possédait deux stalles à deux pas d'ici, leurs demander un peu de foin et du grain. Duach, le fils du tenancier, s'était empressé de répondre à sa demande, insistant pour transporter le foin lui-même jusqu'à l'enclos. Kian, sans se réveiller tout à fait, l'avait prise dans ses bras quand elle était venue le rejoindre pour la nuit puis s'était endormi d'un sommeil de plomb.
Elle monta à l'étage.
-Tu en as mis du temps, grommela son amant couché sur le dos à moitié réveillé encore vêtu de ses braies.
Elle se pencha et l'embrassa tendrement.
-J'ai discuté dehors avec un jeune guerrier sympathique qui m'a remis un message que je t'ai laissé sur la table, l'informa-t-elle d'un ton enjoué en tirant le voilage pour laisser entrer de l'air.
Kian grogna en plissant ses yeux cernés de mauves dans la soudaine clarté de la chambre.
-Il avait l'air un peu triste, continua-t-elle en lui donnant une chemise, alors je lui ai offert de la bière et une pâtisserie.
-Que veux-tu que je fasse avec ça? bougonna-t-il en se tournant sur le côté en agitant le vêtement sous son nez.
-Que tu t'habilles mon chéri, nous sortons.
-Mon cœur je suis épuisé, lâcha-t-il d'une voix douce, la dernière chose que j'ai envie de faire c'est de quitter notre lit.
-Tu dormira mieux après avoir pris un bon bain, ensuite je te préparerai un repas.
Il serra les dents pour contenir la vague de nausée qui le saisit lorsqu'elle évoqua la nourriture. La baignade était au-dessus de ses forces. Il refusa d'un signe de tête.
-Viens, insista-t-elle en déposant sa cape sur le lit, tu feras moins de cauchemars et moi j'aurais mon câlin.
Il ravala la bouffée de colère qui l'envahissait. Il avait trop peur de la perdre en se comportant comme il l'avait fait avec le jeune cavalier.
-Tu n'as rien à perdre mon chéri, dit-elle avec douceur en s'asseyant à côté de lui. Tu as essayé de dormir ça n'a fait qu'empirer. Je te propose seulement d'essayer autre chose, (elle déposa un baiser sur ses lèvres). Si ça ne fonctionne pas, je ne t'embêterai plus avec ça.
-Très bien, céda-t-il frustré en se redressant en position assise puis en passant sa chemise avec des gestes brusque. (Ce qu'il regretta aussitôt car il eut l'impression que son bras était transpercé par une lame chauffée au rouge). Tu ne viendra pas te plaindre si tu n'as pas ton câlin, ni si je t'écrase ou je te noie ou encore si je te vomit dessus!
-Promis, gloussa-t-elle en se blotissant dans ses bras.
Il l'enlaça tendrement le nez dans ses cheveux, respirant la délicieuse odeur de miel, sa colère envolée aussi vite qu'elle était apparue.
**********
-C'est Linaëlle qui m'a parlé de cette source quand tu as refusé ses soins, expliqua-t-elle en trempant un pied fin dans l'eau chaude. Elle s'appelle le repos du guerrier.
C'était un petit bassin naturel entre des rochers, qui se situait à un quart d'heure à cheval de la promenade du port en direction du sud. L'endroit discret, peu connu des habitants, se trouvait entre un bosquet d'arbres, en lisière de forêt.
-Mmmmh?
Trop occupé à la regarder se déshabiller et à contempler les courbes gracieuses de son corps en sentant son désir revenir, il n'avait pas écouté un mot de ce qu'elle avait dit. Elle s'esclaffa en le prenant par la main.
Ils se glissèrent prudemment dans l'eau fumante entre les rochers glissant. Kian assis sur une pierre contre le bord, l'eau lui arrivant au niveau des épaules. Il ferma les yeux, se détendant complètement depuis ce qui semblait être une éternité. Seren à côté de lui faisait de même, battant de temps à autre des pieds en écoutant le chant des oiseaux nocturnes.
Le bruit du clapotis de l'eau et une vaguelette venant caresser sa poitrine lui fit ouvrir les yeux pour retrouver Kian face à elle. Elle passa les bras autour de sa nuque et sentit ceux du jeune homme se déposer au creux de son dos puis l'attirer contre lui. Elle glissa ses jambes autour de sa taille, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre.
-Et maintenant? demanda le guerrier sa voix chaude résonnant à la surface de l'eau. Tu comptais utiliser ton don pour atténuer mes souvenirs?
Elle le regarda bouche-bée. Il lui sourit malicieusement.
-Finn sait garder un secret, ce n'est pas lui qui a vendu la mèche.
Elle vit dans ses yeux bleu foncé passer une lueur de regret.
-Je peux t'aider si tu le souhaites, assura-t-elle en lui caressant le visage avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Mais je pensais que la source suffirait.
Il passa une main aux doigts fripés dans ses cheveux blonds mouillés coupés en brosse. Des fumerolles montaient autour d'eux.
-Tu es obligée de les regarder et moi de les revivres? questionna-t-il d'une voix hésitante.
-Je peux ne pas me focaliser dessus ainsi ils m'apparaîtrons flous, le rassura-t-elle. Tu n'es pas contraint non plus de te souvenir si tu ne le veux pas.
-Comment vas-tu t'y prendre? s'enquit-il légèrement inquiet.
Elle lui adressa un petit sourire en se penchant sur ses lèvres. Il lui rendit passionnément son baiser en la déposant doucement sur la rive, leurs corps dégoulinant d'eau. Seren l'attira à elle puis l'accueillit en elle. Kian sentit une douce chaleur l'envahir et n'y pensa plus.
Seren se concentra, son corps répondant à celui de son amant, sont esprit centré sur le cœur de Kian. Elle appela les souvenirs à elle. Mara vint d'abord, floue, mais reconnaissable.
Mara se trouvait dans la tente de Kian. Nue, elle tentait de le séduire. Ils se disputaient. Le guerrier furieux la prenait par le bras et la mettait dehors. Elle changeait d'apparence pour prendre celle d'une vieille femme à la nuque cassée au vagin béant.
La jeune femme aux cheveux cuivrés se trouvait dans les bras de Kian dans un couloir, elle se putréfiait, son visage dégoulinant de pus qui s'écrasait en gouttant sur le sol de marbre blanc.
Kian vomissait derrière un buisson, un tapis blanc s'amoncellant autour de lui.
Seren puisa en elle et envoya une vague de chaleur. Puis un souvenir qu'elle n'avait pas appelé surgit.
Kian en tenue de cavalier, se tenait adossé à une fontaine où flottaient des fleurs bleues et blanches, bras croisés, un pied appuyé contre la colonne. Il discutait avec Mara un petit sourire aux lèvres, sous le soleil brillant de l'après-midi, dans la rue animée. La jeune femme était vêtue d'une robe vert-d'eau nouée autour de la nuque et chaussée de sandales, un panier posé à côté d'elle. Elle lui répondait en renouant nonchalamment ses cheveux cuivrés, une lueur amusée dans ses yeux vert vif.
Une porte entrouverte laissait filtrer une douce clarté dans le couloir sombre de bois brute. Une chambre. Mara la tête penchée en arrière, à cheval sur Kian, laissait voir son buste fin, ses seins ronds et le haut de ses fesses, le reste étant recouvert d'un drap. Kian son torse musclé découvert, avait les mains agrippées à ses hanches.
Seren, le cœur morcelé, bloqua le souvenir. Elle entendit la voix lointaine de son amant lui chuchoter à l'oreille; "Il n'y a que toi que j'aime". Une vague de bien-être lui fut transmise en retour. Elle sentait ses lèvres sur son cou, son torse frôler ses seins, ses cuisses musclées entre les siennes, ses fesses fermes se contracter. Elle bougea avec lui, accélérant le rythme, caressant son large dos puis s'accrocha à sa taille.
Kian âgé de cinq ans, avait les cheveux coupé au bol, une mèche blonde cachant malicieusement un œil. Il était vêtu d'un ensemble vert menthe, chaussé de bottes noires. Radieux, il se tenait bien droit, les jambes largement écartées de part et d'autre d'un cheval, une touffe de crin noir entre ses petites mains.
Son père, qui guidait la jument noire en direction de la ville, avait des cheveux châtain clair, noué avec un lacet de cuir. Ses yeux étaient de la même couleur que ceux de son fils, il avait un beau visage souriant. Il était grand, bien bâti, portait une tunique bleue et une cape brune. Il tenait la main d'une femme blonde, vêtue de lin blanc, qui se retourna à ce moment pour parler à Kian. Sa mère, dont il avait hérité les traits doux et fins, avait des yeux couleur noisette pétillants.
Une pluie fine se mit à tomber dans un doux murmure, la jument s'ébroua. Les premières étoiles s'allumaient dans le ciel noir. La pierre chaude dégageait une odeur agréable.
Seren se concentra à nouveau cherchant les souvenirs plus récents. Fergal qu'elle avait vu dans le Lia Fáil peu avant d'apprendre sa mort.
Fergal frissonnant, son visage reflétant une expression lointaine était assis à table avec Kian dans une salle vide en dehors d'eux. Il lui montrait son doigt, que son ami touchait avec perplexité.
Kian, Mabon et Fergal, bouillonnant de rage étaient couchés à la lisière des arbres, regardant impuissant, cinq adolescents, nu, des traces de larmes sur leur visages souillés, se faire emmener par une escorte sinistre sur un bateau. Les corps étaient lacérés, couverts de sang séché, enchaînés les uns aux autres.
Seren entendait la respiration rauque de son amant, elle-même se sentait approcher de l'orgasme. Son pénis durcissait s'introduisant profondément, rendant le frottement plus délicieux encore, glissant dans son sexe qui s'humidifiait davantage. Elle gémit de plaisir et l'encouragea de ses mouvements du bassin, il étouffa un grognement dans son cou.
Kian dormait d'un sommeil agité, une ombre noire faite de fumée planait au-dessus de lui cherchant un moyen de s'introduire par son nez, pour prendre possession de son esprit. Le guerrier atlante, sans en avoir conscience, le repoussait.
La clairière sinistre aux arbres tordus, prenait une teinte rouge sang dans le soleil couchant. Mara était évanouie sur le sol, la lèvre inférieure fendue le menton barbouillé de sang, son visage devenant bleu. Finn qui s'était agenouillé à côté d'elle, avait prit sa gourde, humidifié sa cape et lui nettoyait le visage avec douceur. Kian s'était accroupi au côté de Fergal après avoir vomit. Le corps de l'éclaireur était désarticulé, le crâne avait éclaté comme une pastèque trop mûre, ses côtes ressortaient dans son dos.
Il s'enfonça profondément d'un coup de rein une derrière fois faisant crier son amante, tandis qu'un déferlement de chaleur le submergeait, multipliant l'intensité de l'orgasme qui explosa. Le visage écarlate, il retenait ses propres cris, son corps tout entier parcourus de soubresauts en se déversant longuement.
Ils restèrent longtemps enlaçés sous la pluie tiède. Kian toujours en elle, ne voulait pas se détacher de son corps. Il essuya les larmes de Seren, puis une main dans ses longs cheveux mouillés il poussa sa tête contre son épaule où elle se nicha. Il se sentait à nouveau lui-même.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top