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Kian se réveilla un peu perdu, le soleil entamait son ascension à travers le fin voilage en lin et l'odeur de l'océan lui chatouillait les narines, sans compter les cris des mouettes qui lui assaillaient les tympans. Il n'en avait plus l'habitude. La ville, comme la caserne se trouvait à l'intérieur des terres. Les beuglements des soldats, le fracas des armes, les odeurs d'écuries, de parfums de femmes et de bière lui étaient plus familières.
Il s'étira et se leva, nu. Il écarta le fin voilage qui dissimulait la terrasse et laissa le soleil caresser son corps de ses doux rayons. Le port sur sa droite bouillonnait déjà d'activités, les poissonniers criaient pour vendre leurs marchandises, les bateaux de pêche prenaient le large. Les puissants navires à la proue élevée et courbée, ornementé d'entrelacs, avaient leurs voiles colorées encore baissées, car les marins, jurants et hurlants, étaient en train de les charger.
Après avoir accompli ses ablutions, il passa une tunique bleue, des braies noire et enfila ses bottes. La chambre était clair et aérée, impeccablement rangée, discipline militaire oblige... les murs étaient blanchis à la chaux, seul le taureau brun tenant le soleil entre ses cornes était représenté, peint, au-dessus de la tête de son lit. Il le salua avec respect. Il se drapa d'une cape ciel qui le désignait comme un habitant de la capitale, descendit l'escalier, traversa la cuisine en piochant une pomme sur la table et se dirigea vers la sortie.
Croquant dans le fruit juteux et sucré, il quitta le quartier du port et suivant les ruelles larges et animées, se rendit en ville, saluant connaissances et s'arrêtant pour échanger quelques mots.
Avec une certaine appréhension, il s'arrêta devant le temple de Belisama et essuya ses mains moites sur ses braies. C'était bien la première fois qu'il se sentait nerveux en allant voir une femme. Il prit la baguette en bois de noisetier et donna un coup léger contre le gong fixé à gauche de la porte et attendit. Seuls ceux qui servaient, pouvaient entrer sans s'annoncer.
Ce fut une femme aux cheveux blancs attachés en un nœud celtique, qui lui ouvrit.
Fermant les yeux, il toucha son front de son index et de son majeure réuni et inclina légèrement la tête. Relevant les yeux, il la vit répondre en touchant son front du dos de la main et traçer un cercle devant son visage suivant la course du soleil. C'était le salut rituel solaire du taureau, honorifique, il était réservés aux plus grands guerriers et seulement connus des initiés. Il la regarda bouche-bée. Elle s'esclaffa de bon cœur.
-J'ai bien connu Cynfarch, lui confia Blodwen avec un clin d'œil, dites-lui, quand vous rentrerez dans vos quartiers, qu'il me doit encore un dîner.
Kian esquissa un sourire, les yeux pétillants.
-Je transmettrai le message, promit-il.
-Bien, approuva-t-elle satisfaite, que vouliez-vous?
Elle savait très bien pourquoi il était là, mais c'étaient les dieux qui édictaient les règles, il fallait qu'il énonce son désir à l'entrée du temple.
-J'aurais voulu pouvoir m'entretenir avec une de vos disciples, Seren, répondit-il conscient que quelque chose qui dépassait son entendement était en train de se produire.
Il faillit même le demander à la femme, mais il se retint et l'observa plus attentivement. Si ses yeux verts étaient vifs, sa peau était parcheminée et sa posture était légèrement voûtée. Il compris rapidement que ce n'était qu'une illusion, et qu'elle ne montrait que ce que les gens s'attendaient à voir, de plus, il se dégageait d'elle une étrange énergie. Il sût soudain qui elle était, grâce à Niall et à ses contes.
-Pas la peine mon mignon, répliqua-t-elle amusée en le retenant par le bras alors qu'il s'apprêtait à s'incliner. Quant à Seren, elle devrait se trouver à la taverne à l'heure qu'il est, mes vieux genoux me font souffrir et loué soit Belisama pour ses largesses, je n'ai jamais perdu mon goût pour la bière. (Elle pencha la tête sur le côté et esquissa un sourire malicieux). Je pense pouvoir attendre ma cruche encore un petit moment, mais ne me la ramenez pas trop tard.
-Merci, souria-t-il. Le taureau vous garde.
-Vas sous la protection de la déesse, le bénit-elle.
Blodwen regarda Kian s'éloigner. Il l'avait reconnue, peu de gens en étaient capables, mais lui-même n'avait pas conscience du don qui l'habitait, il le découvrirait au temps voulus par les dieux. Elle hocha la tête.
-Le destin est en marche, souffla-t-elle.
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