Le cœur de Kian explosa d'une joie silencieuse à la vue de Seren qui l'attendait sur le quais dans sa robe bleue pâle qui épousait ses formes parfaites, ses yeux saphirs brillants de larmes contenues. Il fut par contre stupéfait de voir qu'elle était en compagnie de la reine, Blodwen se trouvant avec elles.

Le pont du navire s'abaissa. Guerriers et guerrières déscendirent du bateau. Ils s'alignèrent sur le quais où ils mirent le genou droit à terre, devant la reine. Seren aperçu Mara dans l'ombre du navire ses cheveux cuivrés couvrant son visage sans dissimuler totalement le large hématome qui en couvrait la partie gauche. Finn et Idriel blessés, ne purent qu'incliner la tête, Mabon ne semblait pas souffrir. Il manquait Peadar et Fergal. Sa gorge se serra.

-Bienvenus guerriers, les salua Caelan. Relevez-vous, j'ai envoyé chercher Cynfarch et Linaëlle, mes soldats s'occuperont de vos chevaux et de vos compagnons d'armes. Suivez-moi au temple, afin que nous puissions soulager vos souffrances.

Les guerriers se relevèrent, inclinant à nouveau la tête pour remercier la reine de sa générosité. Ils se mirent en route derrière elle, tandis qu'une dizaine de soldats montaient sur le bateau.

Seren se précipita dans les bras de Kian qui la serra contre lui.

-Tu vas abîmer ta robe, lui chuchota-t-il d'une voix enrouée dans une tentative de plaisanterie. Je n'ai pas pu me laver depuis deux jours.

Elle fondit en larmes. Il ressera son étreinte en déposant tendrement un baiser sur sa tempe de ses lèvres sèches et gercées.

-Ne pleure pas mon amour, dit-il doucement en lui caressant le dos, l'autre main sur sa nuque. Grâce à ton intervention nous avons évité le pire.

-Et toi tu va bien? demanda-t-elle d'une voix étouffée en se dégageant doucement pour mieux l'observer.

Il avait les traits tirés par la fatigue en plus d'avoir le teint verdâtre de celui qui avait le mal de mer. Ses joues étaient couvertes d'un fin duvet. Son arcade sourcilière était couverte d'une croûte de sang séché autour duquel s'étalait un large bleu jusque sous son œil enflé. Son bras droit se mit à trembler quand il le leva pour caresser avec délicatesse sa joue du dos de son doigt.

-Je m'en sors bien, la rassura-t-il avec douceur. Que tu es belle. (Il se pencha sur lèvres et l'embrassa tendrement).

Son haleine avait celle douce de la bière, ses petits poils la picotaient. Elle retrouvait son odeur musquée sous les autres, son corps chaud, ses mains, sa langue qui effleurait la sienne. Elle répondit avec passion.

-Je ne sais pas si je vais pouvoir te faire plus qu'un tout petit câlin, lui souffla-t-il à l'oreille d'un ton d'excuses. Même si j'en meurs d'envie.

-Je m'en contenterai pour ce soir, dit-elle avec un sourire malicieux. (Elle perdit son expression joyeuse en le regardant d'un air inquiet). Où sont Fergal et Peadar?

-Fergal est mort, l'informa-t-il la gorge nouée. (Il esquissa tout de même un petit sourire). Peadar ronchonne sur son brancard, il a eut la jambe écrasée sous son cheval.

Il vit de nouvelles larmes couler de ses yeux, il les essuya avec douceur.

-Et Taram? demanda-t-elle d'une voix étranglée.

À ce moment Taram qui descendait le pont en clopinant derrière le soldat qui le tenait, hennit bruyamment un bonjour. Le soldat esquissant un sourire, vint à la rencontre du couple. Taram frotta sa tête contre eux, ils le caressèrent. Il fouilla la robe de ses naseaux.

-Je n'ai pas de carottes avec moi cette fois, s'excusa-t-elle en lui caressant l'encolure, mais tu en auras une double ration la prochaine fois.

-Il est assez gras de toute façon, souria Kian en tapotant le ventre de son étalon avec affection qui fouetta l'air de sa queue. Une carotte en moins ne lui fera pas de mal.

Ils lui dirent au-revoir avant que le soldat l'emmène. Les autres chevaux suivirent, puis les blessés.

-C'est pas bientôt fini ces mamours? grogna Peadar hirsute couché sur sa civière portée par deux hommes en voyant Seren et Kian. Et moi j'y ai pas droit?

Seren souriante déposa un petit bisou sur sa joue et salua les gardes.

-Au moins tu sens bon, avoua-t-il en rougissant légèrement, pas comme cet immonde bateau.

-Merci, s'esclaffa-t-elle.

-Je t'aurais bien invité pour une danse à Taureia, mais vu mon état, ça ne va pas être possible. (Ses yeux couleurs de vieux chêne pétillèrent de malice). Je ne suis pas non plus aussi bon danseur que Kini, au moins tu auras toujours tes pieds à la fin de la soirée.

-Ce sera pour une autre fois, assura-t-elle avec un sourire, je mettrais des bottes rembourrée.

Ils éclatèrent de rire.

-Allons-y les gars! J'en ai vraiment ma claque de ce truc!

-Si tu arrêtais de faire du charme à la demoiselle tu en serais déjà sorti, plaisanta un garde brun en se mettant en marche.

-Il faut bien que je profite de ma position de blessé, rétorqua-t-il avec bonne humeur, comme ça Kini ne pourra pas râler.

-Ça, c'est ce que tu crois mon vieux, répliqua le guerrier blond amusé en tenant la main de Seren. Attend que tu sois de nouveau sur pieds, que je te fasse payer pour le bisou que tu lui as extorqué.

-Bah, (il haussa les épaules). Ça valait le coup.

Ils se chamaillèrent tout le long du chemin jusqu'au temple, sous les rires des trois autres. Kian serra l'épaule du vieux guerrier alors que les soldats s'apprêtaient à le transporter dans la salle de repos pour se faire soigner. Peadar lui serra l'avant-bras.

-Merci, dit Peadar, sans toi on serait toujours entrain de tabasser ces connards.

-Remets-toi vite, souria Kian, on se reverra bientôt.

Les soldats l'emmenèrent. Seren le conduisit vers la salle à manger au milieu des gens qui se pressait dans tous les sens. Le corps de Fergal avait été déposé avec respect dans le petit temple, tandis que le bateau repartait avec ses propres morts et les guerriers du taureau qui n'avaient pas souhaité rester.

Linaëlle était déjà au travail avec Blodwen. Elle finissait de soigner la cuisse d'Idriel assis sur une chaise une serviette nouée autour de la taille une guerrière brune se tenant derrière lui, la main sur son épaule. Mabon buvait une tasse de thé chaud appuyé contre la table discutant avec eux. Finn était avec Cynfarch et Edwen.

-Kini! s'exclama Linaëlle en se redressant.

Elle les rejoignit et les serra dans ses bras.

-Viens t'asseoir que je te soigne, dit-elle en lui faisant signe de le suivre.

-Ce n'est rien, refusa-t-il, tout ce que je veux c'est rentrer me coucher. J'étais seulement venu dire que Peadar était à côté.

-On va rester avec lui, assura Mabon en lui serrant l'avant-bras avant d'étreindre légèrement la jeune femme. Rentrez chez vous.

-Tu es aussi têtu qu'une mule, grommela Linaëlle en secouant la tête et fourrant dans la main de Seren un petit pot au contenu verdâtre.

Il lui adressa un petit sourire malicieux. Seren embrassa Finn, elle salua Cynfarch en inclinant la tête qui en retour lui serra l'épaule avec un petit sourire. Elle embrassa Blodwen, remercia Edwen et Arianelle qui la regardaient avec une curiosité bienveillante, puis salua Idriel qui l'étreignit brièvement.

Il l'entraîna vers la sortie au moment où la reine entrait, ils s'inclinèrent.

-Vous avez tout ce qu'il vous faut? demanda-t-elle. Je peux vous prêtez un cheval pour rentrer.

Seren jeta un bref coup d'œil à Kian qui avait le teint pâle.

-Volontiers, répondit la jeune femme en hochant la tête avant que son amant ait eu le temps de protester.

Caelan esquissa un petit sourire.

-Tu pourras le laisser au temple de Belisama, j'enverrai un des palefreniers le récupérer après-demain dans la soirée. (Elle se tourna vers un de ses gardes). Donne-leur Rivière.

Il acquiesça et sorti.

-Merci, dit Kian en s'inclinant.

-Allez sous la protection de Camul, les bénit-elle. Seren nous nous reverrons bientôt.

-Oui ma reine, acquiesça-t-elle en s'inclinant à son tour.

Kian lui jeta un regard intrigué alors qu'elle l'entraînait vers la sortie. Le guerrier roux les attendait tenant une jument baie à la crinière noire, qui avait un air doux.

-Merci, dit Kian en prenant les rênes qu'il lui tendait.

-Rentrez bien, souria le soldat.

Seren monta devant, Kian s'installa derrière elle un bras autour de sa taille et donna un léger coup de talon à la jument pour la faire avancer.