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Ils chevauchaient au petit galop deux par deux dans l'herbe tendre, Finn fermant la marche. Les conversations s'étaient éteinte au fur et à mesure qu'ils approchaient du village, en même temps que le ciel s'assombrissait. Il faisait lourd, les chevaux devenaient nerveux, un orage se préparait.

Kian lâcha un juron en retenant fermement Taram qui galopait de travers en grognant. Il le ramena à la hauteur de la jument pie de Mabon. Le trou noir d'une forêt s'ouvrait devant eux. Ils ralentirent puis s'arrêtèrent en resserant les rangs. Les chevaux s'ébrouaient en tapant nerveusement du sabot.

Le bois appartenait pour nonante-cinq pourcent au territoire des ours. Quant au village qui avait brûlé, il faisait partie de la dernière zone du territoire des chiens.

-J'ai pas envie d'entrer là-dedans, grommela Peadar disant tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.

-C'est vrai que ce n'est pas très engageant, avoua Idriel en fouillant le bois du regard à la recherche de...il ne savait pas trop quoi au juste.

-Nous ferons aussi vite que possible, promit Finn lui aussi mal à l'aise en caressant de sa main gantée l'encolure de Melba pour la rassurer. Je ne suis pas sûr que l'endroit soit plus accueillant sous un soleil radieux.

-Ça pue les ennuis à plein nez, marmonna encore le vieux guerrier avant d'entraîner les autres derrière lui dans le trou béant qu'offraient les arbres.

Mara lâcha un soupir inquiet en talonnant son hongre souris qui renâclait puis suivit le mouvement.

Kian retint son étalon piaffant en tendant l'oreille, laissant les autres le dépasser. le sol vibrait sous les sabots de sa monture. Il entendait un cri lointain.

-Kini, l'appela Finn un vingtaine de mètres devant lui.

Le guerrier blond se secoua, dès qu'il fut entré dans le bois, le silence s'abatti brusquement sur lui. Cachant son angoisse derrière un juron, il adressa une prière silencieuse à Camul et rejoignit Finn au galop sur le chemin de terre poussiéreux. Il avait l'impression d'être entré dans un tunnel feuillu, les arbres noirs sous cette lumière, restaient impénétrables des deux côtés du sentier.

-Il y a des cavaliers qui approchent, dit Kian à Finn d'une voix étouffée par la forêt Taram dansant sur place.

-On ne peut pas les attendre et nous ne connaissons pas leurs intentions, argumenta l'officier. Si ce sont les guerriers félons qui arrivent, nous serons seuls tous les deux. (Il pointa du doigt la croupe noire de l'étalon d'Idriel qui disparaissait dans un virage).

-Dans ce cas rappelle-les, insista Kian en plissant les yeux. Peadar a raison, ça sent les ennuis à plein nez. Nous devrions faire demi-tour tant que nous le pouvons encore.

-Allons les rejoindre, trancha Finn tandis que Kian laissait échapper une exclamation irritée. (Kian devina l'éclat d'un sourire dans le noir). Nous trouverons une sortie de l'autre côté, nous n'allons pas traîner ici.

************

Les ruines luisaient sinistrement sous le ciel plombé qui a cet endroit était dégagé. Quelques pans de murs noircis tenaient encore debout entre les mauvaises herbes. Des débris calcinés jonchaient le sol, un chaudron éventré dépassait de sous un buisson épineux, des traînées de sang séché maculaient le toute.

Fergal et Idriel avaient continués à explorer les environs à cheval. Peadar et Mabon discutaient à voix basse sur leurs montures agitées à l'entrée du village, accompagnés de Mara qui détaillait les lieux de ses yeux émeraudes.

Kian sentit sa nuque le picoter, puis la puanteur le frappa de plein fouet. Il jura à haute voix. Il accéléra en tirant son épée de son fourreau, Finn l'imita. Il entendait à présent des grognements sourds, un bruit de course dans un fracas de ferraille et de branches brisées, qui se dirigeaient vers les ruines.

-C'est un piège! hurla-t-il en déboulant à l'entrée du village. Tandis que les premiers ennemis sortaient du bois sur leur gauche.

Mabon et Peadar dégainèrent. Ils suivirent Kian qui filait devant eux, suivit de près par Finn dont les traits s'étaient durci.

-Tiens-toi à ta selle! cria-t-il à Mara en la frôlant avant de frapper du plat de son épée la croupe du hongre souris qui réagit violemment en hennissant.

Le cheval parti à fond de train dans la direction qu'avait prise Fergal, la jeune femme couchée sur l'encolure.

Les quatre guerriers chargèrent dans un ensemble parfait. Les Blacks Shields, à pieds, ne s'étaient visiblement pas attendus à une réaction si rapide de guerriers inférieur en nombre. Ils eurent un moment de flottement, si bien que la première tête sauta.

Le combat s'engagea, violent. La trouée de la forêt que leurs ennemis avaient choisi était étroite, ils ne pouvaient pas passer à plus de trois. La masse des Fomorii aglutiné derrière eux les poussait en avant, en en faisant trébucher certains, si bien qu'ils pouvaient les cueillir un à un, ammonçelant les corps qui empêchaient les autres de passer. Mais cela ne durerait pas. Déjà les Blacks Shields tailladaient les branches pour se frayer un passage et les encercler.

Idriel arriva seul au grand galop, ses yeux clair prenant un éclat d'acier. Il projeta sa lance qui transperça la gorge d'un Fomorii qui s'effondra dans un gargouillis, du sang bouillonnant s'échappant de sa bouche. Il rejoignit Kian qui, tirant sur ses rênes, fit ruer Taram. Il toucha le soldat en plein front, le crâne éclatant sous l'impact.

"-Sur ta gauche mon amour", souffla une voix dans son esprit.

Il se tourna vivement sur sa selle, abattant le Fomorii sur sa gauche, tandis que Taram frappait de ses sabots, mordait, arrachant la chair ennemie en hurlant. Le fracas des armes était assourdissant, les jurons, les cris résonnaient dans la forêt.

"-Les renforts vont arriver, tenez encore quelques minutes et dégagez-vous", souffla à nouveau Seren dans son esprit.

-Tenez encore! cria Kian à ses compagnons qui commençaient à fatiguer sous la pression incessante des Blacks Shields.

Il planta son épée dans la cuisse d'un soldat, qui recula en hurlant, puis tomba à genoux du sang jaillissant de sa blessure.

-Où est Fergal? cria Finn suant en échangeant des passes brutales avec son adversaire.

Il bloqua la lame de son ennemi avec son bouclier, la fit dévier et lui défonça la mâchoire.

-Aucune idée! répondit Idriel en se baissant brusquement évitant la lame qui visait sa gorge.

Le cavalier répliqua en ouvrant le bas-ventre du Fomorii qui ne portait pas d'armure.

-Il y en a trois qui sortent sur la droite! averti Mabon en faisant cabrer sa jument pie pour leur faire face, Peadar à ses côtés.

-Il faut se dégager! cria Idriel son étalon tuant allègrement tandis qu'il protégeait Kian, qui avait perdu son bouclier, d'un coup de lance qui visait son flanc.

-Pas encore! le contra le guerrier blond en le forçant à se baisser, tuant l'ennemi qui le menaçait par-dessus sa tête.

Une lame faillit lui crever un œil, lâchant un flot de jurons, son arcade sourcilière ouverte, il trancha la main du Fomorii qui tenait l'épée, un jet de sang lui aspergeant le visage. Son ennemi se tenait le moignon en hurlant, sa main tranchée reposant à ses pieds. Il essuya rapidement le sang immonde de son visage avec sa manche gauche. La tranche d'une épée fendit le cuir de son protège-bras droit. Le sang gicla, serrant les dents, le bras engourdi, il resserra sa prise sur le pommeau gluant. Mais Finn, qui avait été touché à la hanche, intervint en abattant le Fomorii à la face grimaçante.

Un tonnerre de sabots arrivaient dans la clairière.

-Baissez-vous! tonna une nouvelle voix grave.

Ils se baissèrent tous en même temps, tandis que les flèches fusaient dans un bourdonnement par-dessus leur têtes.

-Dégagez-vous! ordonna Kian une fois que les sifflement se furent arrêté.

Les chevaux se tournèrent d'un bond et filèrent en contournant les ruines qui se dressaient devant eux, laissant la place aux nouveaux arrivant. Les Blacks Shields qui étaient enfin sortis du bois et ceux qui n'avaient pas été sur la trajectoire des flèches des centaures, rugirent en se lançant à leur poursuite. Arianelle, des cavaliers portant la cape jaune du territoire du taureau, Gwyn, Aedh, Tebi chargèrent la mêlée hurlante, avec une détermination meurtrière.

Le cheval de Peadar déjà blessé, s'effondra, l'arrière-train touché par une lance. La monture poussait des hennissements déchirant en se débattant, Peadar coincé sous l'animal. Deux ennemis se précipitèrent sur lui.

Kian, Idriel, Finn et Mabon firent brusquement volte-face.

-Je m'occupe de Peadar! cria Mabon en sautant de sa jument qui s'enfuit.

Il couru aider le guerrier tandis que Finn et Idriel engagèrent le combat, éloignant les Fomorii de la jument qui battait des jambes.

Peadar jurant, essayait de dégager sa jambe. Mabon évitant les coups de sabots, acheva le cheval en lui tranchant la jugulaire. La bête s'immobilisa. Mabon prit Peadar par les aisselles et un pied sur le cadavre, tira ajoutant ses propres jurons à ceux du vieux guerrier. Transpirant, il parvint à le dégager. Les combats faisaient rages autour d'eux.
Un guerrier du taureau tomba, la poitrine transpercée de part en part. Un centaure crème tua le Fomorii d'une flèche en plein centre de son œil unique.

-Tu peux te lever? lui cria-t-il à l'oreille, il faut se tirer d'ici.

-Je crois, répondit Peadar d'une voix rauque essuyant les traces de larmes sur sa joue. Elle n'est pas cassée, juste écrasée.

Mabon l'aida à se lever, fit passer son bras autour de sa nuque et clopinant, le mena à l'abri.

Kian qui combattait avec acharnement auprès de ses compagnons, cherchais une faille pour renverser le cours de la bataille, car les ennemis plus nombreux, prenaient le dessus. Il esquissa un sourire en coin. Sifflant, il entraîna derrière lui dix guerriers hommes et femmes qui avaient entendu son appel et pu se désengager dont Arianelle, Tebi et Bran.

-Le taureau vous gardes! leur cria Kian en faisant sauter sa lance dans la main.

Les guerriers les yeux brillants saluèrent la lance haute suivant Kian au grand galop qui leur faisait contourner les ruines. Kian accéléra, les guerriers prirent position derrière lui en pointe de flèche. Il sentit son cœur battre plus fort, puis s'envoler quand il abaissa sa lance à l'horizontale un cri sauvage sortant du plus profond de ses entrailles.

Sa lance s'enfonça entre les côtes du premier ennemi qui tomba comme une pierre. Il lâcha son arme et tira son épée. Ses compagnons hurlant se jetèrent à leur tour dans la mêlée, pris d'une fièvre mortelle. Les Blacks Shields eurent à peine le temps de se retourner, mais il était déjà trop tard. L'attaque de Kian avait redonné du courage à ceux qui croulaient sous le nombre. Les guerriers reprirent le combat avec une ardeur redoublée, tuant à tour de bras l'ennemi pris au piège. Ce fut la débandade.

Les Blacks Shields perdirent pieds, voyant que la bataille était perdue, la panique s'empara d'eux. Couinant comme des gorets, ils prirent la fuite par la forêt, écrasant au passage leurs compagnons les plus faibles.

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