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Ils arrivèrent à la mi-journée dans la ville d'Ilyn qui faisait frontière entre le sud et l'est. Le fleuve Lí Ban la contournait à l'ouest si bien qu'Ilyn disposait d'un petit port, le cours d'eau filant ensuite en direction du sud-est.
Comme partout dans le sud, la température était plus élevée que dans le reste du continent. S'il s'y trouvait quelques bosquets d'arbres qui offraient des coins d'ombres, c'était pour le reste, un territoire sans véritable relief. Les habitants se nourrissaient surtout des produits de l'océan, domaine du dieu Manawydan, protecteur des navigateurs, gardien de la porte sous-marine menant à l'Autre Monde transmarin. N'ayant pas de territoire de chasse, ils faisaient venir le gibier du Territoire de l'Ours ou quelques courageux s'aventuraient dans les marais à l'est qui n'en revenaient pas toujours.
Le plus grand port du continent, se trouvait à la pointe sud. Là, se trouvait la capitale du Territoire du Chien, Oirbsen, gouverné par le roi Thurel et son épouse Olwen. La mode chez les femmes, était de se découvrir les seins, sauf à proximité du fleuve car les moustiques y foisonnaient. A cet effet, elles possédaient toutes sur leurs robes, une fine résille qu'elles remontaient pour se couvrir la poitrine.
Mara était heureuse de retrouver les paysages du sud. Elle y était née et si elle l'avait dû le quitter pour suivre sa formation dans le Territoire du Corbeau, elle avait gardé un pied-à-terre où elle revenait chaque année pendant deux mois. Elle y retrouvait ses nombreuses connaissances, ses coins favoris. Elle s'y trouvait mieux qu'à Atlantis, mais la capitale du continent offrait beaucoup plus...
Dommage pourtant, cela ne durerait plus longtemps, mais après le rejet brutal de Kian, elle avait fait son choix. Prit son destin en main...
Elle serra les dents pour ne pas laisser transparaître sa frustration et sa rage. Elle sauta sur l'occasion qu'Idriel lui offrait en lui posant une question auquel elle répondit d'un ton détendu. Elle y ajouta une anecdote pleine d'humour qui concernait une pieuvre mal-embouchée et un babouin obsédé, échappé de sa cage sur le pont d'un navire. Mabon et Idriel s'esclafférent.
Peadar ne faisait aucun effort pour s'intéresser à ce qu'elle racontait, il préférait rester derrière avec Fergal qui ne voulait plus rien avoir à faire avec elle et Kian qu'elle ignorait. Ils plaisantaient entre eux allant au pas sur leurs chevaux, répondants aux salutations des habitants qui les regardaient passer avec curiosité.
Depuis quelques temps, les soldats des autres territoires semblaient s'intéresser de près à Ilyn. Personne ne leurs avaient demandé quoique ce soit, sauf un guerrier de la région qu'ils n'avaient jamais revu. Il avait laissé ses affaires derrière lui, qui avaient été ensuite récupérée par des guerriers auprès du tavernier qui l'avait hébergé. Mais c'était la première fois qu'ils voyaient des soldats de la capitale reconnaissables à leurs tuniques noires.
-Bien, dit Finn une fois qu'ils se furent installés puis restaurés dans l'auberge. Nous allons procéder de la manière suivante; nous irons deux par deux interroger les habitants. (Il se tourna vers le vieux guerrier). Peadar, c'est toi qui tiens le mieux l'alcool, crois-tu pouvoir tirer des informations des gens qui passent ici?
-Et comment! affirma-t-il ses yeux couleurs de vieux chêne pétillants de malice.
Ils s'esclafférent.
-Kian tu vas avec Idriel?
Ils hochèrent la tête.
-Fergal tu viens avec moi?
Kian lui jeta un bref coup d'œil, Finn lui répondit d'un signe négatif de la tête.
-Ça me va, répondit l'éclaireur avant de boire une gorgée de bière fraîche.
-Mara tu veux bien aller avec Mabon?
Ils acquiesçèrent.
-Nous nous retrouverons ici dans deux heures, le cas échéant nous reprendons nos recherches demain. Si nous n'avons rien au bout de trois jours, nous rentrerons.
-Nous trouverons, assura Mara en réajustant sa robe verte. Ici les gens sont ouverts, ils aiment discuter, la meilleure façon de les aborder est de leur dire clairement ce que nous cherchons. Si elle n'en sait rien, elle nous redirigera probablement vers quelqu'un d'autre. (Elle esquissa un sourire malicieux). J'espère que vous aimez le cidre et que vous avez une bonne vessie.
-Avec cette chaleur, ce sera plus que bienvenu, souria Idriel. Pour la vessie, (il fit la moue), on se débrouillera.
Ils éclatèrent de rire. Ils finirent par se séparer. Mara entraîna Mabon du côté du fleuve, Kian et Idriel se dirigèrent sur le conseil de Mara, au nord de la ville, Finn et Fergal prirent le centre. Quant à Peadar, il menait sa petite enquête dans la taverne.
L'auberge était ronde, petite, fraîche avec ses murs de pierre, mais bondée par cette chaleur. Elle possédait quatre chambres à l'étage heureusement libres qu'ils se partageaient. Il fit le tour, discutant sa bière à la main, pendant plus d'une heure sans rien apprendre de particulier.
Il sorti un moment grommelant contre ce plan qu'il jugeait foireux. Demain, il irait faire la tournée du cidre ou changerait d'auberge car celle-là lui donnait le tournis. Il soupira et s'octroya une nouvelle bière qu'il sirota tranquillement au comptoir.
Il se sentit bientôt observé. Sur ses gardes, il jeta un discret coup d'œil sur sa gauche. Rencogné dans l'obscurité, était assis un homme vêtu d'une tunique brune aux cheveux filasses et sales qui se passait nerveusement la langue sur ses lèvres, un verre d'alcool fort devant lui.
L'homme voyant qu'il avait attiré son attention lui fit signe de le rejoindre.
-Vous êtes un des guerriers de la capitale? demanda l'homme au regard trouble.
Peadar acquiesça. L'homme de toute évidence n'en était pas à son premier verre. Outre son haleine chargée, l'odeur de sueur, de crasse qu'il dégageait, il puait la peur. Il attendit patiemment qu'il prenne la parole.
-Je vous ai entendu demander des informations sur la région, commença-t-il en essuyant la sueur qui lui piquait les yeux, sans se présenter.
-Effectivement, confirma le soldat en déposant son verre vide. Nous sommes à la recherche de tout ce qui pourrait se passer d'inhabituel.
L'homme hocha la tête en dégageant son front d'une main tremblante. Peadar plissa les yeux.
-Tout va bien? demanda-t-il en faisant signe au tavernier de leur servir une nouvelle tournée.
-Oui, assura-t-il en esquissant un sourire grimaçant, excusez-moi, j'ai très chaud.
-Bien sûr, dit Peadar d'un ton affable.
Mais après plus de quarante ans à avoir servit dans la cavalierie, (il avait suivi sa formation en même temps qu'Owain), on ne la lui faisait plus. Il était resté simple soldat, les querelles pour obtenir des droits pour ses hommes, (qui n'aboutissaient la plupart du temps à rien), les discussions à n'en plus finir, la paperasse ne l'intéressait pas. Il remercia le tenancier qui déposa les consommations devant eux.
-J'ignore pourquoi les habitants ne vous on rien dit, mais, (il déglutit), un petit village en dehors d'Ilyn a été attaqué par une dizaine de soldats renégat il y a quelques temps. (Il passa sa langue sur ses lèvres sèches).
-Des guerriers du sud? questionna Peadar intrigué.
-Oui, ils ont chassé les habitants qui se sont réfugiés pour beaucoup dans les marais ou sont revenus en ville.
-Qu'a fait le roi Thurel?
-Il y a envoyé ses soldats, mais il n'y avait déjà plus personne. (Il s'essuya à nouveau les yeux). Le village était entièrement détruit.
L'homme but son verre d'une main tremblante en en renversant au passage.
-Par la suite, continua-t-il mal assuré, il a commencé à se passer des choses inquiétantes là-bas; des feux follets y dansent la nuit, des cris qui glace le sang résonnent entre les ruines. Il y a certaines fois des odeurs putride qu'on sent jusqu'ici et des étranges cavaliers y auraient été vu...
************
Mara avait eu raison. En deux heures, il avait sifflé plusieurs litres de cidre offert par les habitants bavards chez qui ils étaient allés frapper, sans pouvoir, (pour ne pas paraître impoli), satisfaire une envie pressante. Ils avaient dû se retenir pour ne pas se tortiller. Kian se demandait comment il tiendrai une journée entière à ce rythme là. Il n'irai plus frapper aux portes demain, mais se contenterai de s'adresser aux résidents dans la rue, en regardant discrètement s'ils n'avaient pas une cruche cachée quelque part.
-Je n'en peux plus de tout ce cidre, grommela Idriel en se soulageant. Je n'ai jamais eu autant besoin de pisser de toute ma vie.
Kian à côté de lui ricana en renouant ses braies derrière le bosquet.
-Il faut reconnaître qu'il est bon et rafraîchissant. Mais trop, c'est trop! affirma Idriel en se lavant les mains dans une petite fontaine.
-Surtout que ça n'a pas été très fructueux, dit Kian en entraînant son compagnon en direction de l'auberge. Même si cette histoire de village incendié m'intrigue un peu.
Pourtant, cela lui avait fait penser à l'histoire de Linaëlle et de son village où tout avait été réduit en cendres sans nouvelles de ses habitants. Il n'aimait pas cacher ce qu'il savait où soupçonnait à ses compagnons, car dans certaines circonstances, cela pouvait entraîner un désastre qui aurait été évitable si les informations avaient été diffusées.
-C'est la seule piste que nous ayons pour le moment, acquiesça le guerrier atlante en adressant un salut à une femme brune qui leurs avaient sourit. Les détails sont flous, l'histoire diffère, mais nous devrions en faire une priorité pour l'instant.
Il tournèrent à l'angle d'une rue fleurie, le temps s'était rafraîchi. Kian s'arrêta devant un éventaire coloré sur une petite place. Il plaisanta avec la jeune femme blonde sous le charme, puis tendit une pâtisserie au miel à son camarade qui le remercia, croquant dedans avec délice.
-Il faudrait pouvoir y faire un tour, approuva Kian en secouant sa tunique pour en faire tomber les miettes. Tu as invité Arianelle pour Taureia?
-Elle viendra, confirma Idriel avec un petit sourire. Elle n'avait pas l'intention d'y participer, contrairement a Gwyn, Tebi et Aedh qui avaient prévu de camper et qui ne connaissent pas la capitale. J'ai proposé de les héberger. Vu que nous serons au repos, j'aurais le temps de leurs faire visiter.
-C'est une bonne chose, souria le guerrier blond. (Il ajouta avec un sourire malicieux). Tu ne risques pas de t'ennuyer.
-Non, surtout si Mabon et Peadar se mettent de la partie.
Ils s'esclafférent joyeusement en arrivant devant l'auberge où tout le monde les attendaient déjà.
-Vous avez trouvé quelque chose? demanda Finn.
-On a entendu parler d'un village qui aurait brûlé pas très loin d'ici, répondit Idriel, mais à part ça, (il haussa les épaules), pas grand chose.
-Pareil pour nous autres, dit Fergal en hochant la tête.
-Nous avons appris la disparition d'un navire marchand de petite taille qui revenait d'Europe, ajouta Mabon. Mais c'est Peadar qui a obtenu le plus d'informations.
Le vieux guerrier, raconta brièvement aux nouveaux arrivant la rencontre avec l'homme.
-Nous ne pouvons pas nous fiers entièrement à sa parole, précisa Peadar, mais il se passe quelque chose là-bas.
-Nous en avons conclu que c'était probablement les soldats qui avaient détourné le navire, expliqua Finn. Mais ils devaient être plus nombreux, à dix, même un bateau de petite taille, ce n'est à mon avis, pas réalisable.
-Que faisons-nous maintenant? demanda Fergal à Finn.
-Je propose de nous rendre sur place, dit Finn. La nuit ne tombera pas avant plusieurs heures et les chevaux ont eut le temps de se reposer, nous nous équiperons en conséquence. Mara, tu pourras nous attendre à l'auberge.
-Non, refusa-t-elle d'un ton ferme. Je viens avec vous. Si le village a été abandonné nous ne risquons normalement rien, de plus, je sais me servir d'une arme.
-Très bien, acquiesça Finn légèrement surpris.
Kian ne débordait pas d'enthousiasme à cette idée, les autres non plus à voir leur tête, mais Finn avait déjà donné son accord.
-C'est à moins de cinq kilomètres, précisa Peadar en jetant un regard méfiant à la jeune femme qui l'ignora. Nous aurons le temps de nous y rendre, puis de revenir avant qu'il ne fasse trop noir.
-Je vais demander aux palefreniers de s'occuper de nos chevaux, pendant que nous nous préparons, les informa Finn.
Ils acquiesçèrent et rentrèrent dans l'auberge.
-Et ta prophétie? L'ombre des Nornes? demanda Kian à voix basse à Mara en montant derrière elle à l'étage tandis que les guerriers discutaient.
-Cela signifie simplement que le destin est en marche, répondit-elle avec un sourire dans la voix.
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