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-Que fais-tu ici? demanda Kian calmement à l'entrée de la tente faiblement éclairée par le feu au-dehors.
Mara couchée sur le ventre les jambes relevées, l'attendait nue sur son lit de camp son corps parcouru d'un jeu d'ombres.
-Tu m'as déjà oubliée Kian? demanda-t-elle d'une voix suave en se tournant sur le côté un jambe croisée par-dessus l'autre exposant ses seins et sa taille fine.
-Je t'ai demandé ce que tu faisais ici! répéta-t-il avec froideur.
De nouveau une légère effluve putride lui parvint aux narines. Il faillit rendre son repas et la bière qu'il avait ingurgitée. De la sueur ruisselait le long de son dos. Il avait beaucoup trop bu. Elle sembla s'apercevoir de son malaise car elle esquissa un petit sourire, écarta les cuisses et commença à se caresser lentement du bout des doigts.
-Sors! ordonna-t-il d'un ton glacial en lui indiquant l'entrée du doigt le cœur au bord des lèvres incommodé par le spectacle répugnant.
-N'as-tu pas envie de moi mon amour? demanda-t-elle d'une voix qu'il entendait dédoublée l'une suave, l'autre grinçante, pleine de sous-entendus malsains.
La migraine lui battait les tempes. Sa vue en était troublée. Il voyait une vieille femme aux cheveux noirs crasseux tellement clairsemés que la peau veruqueuse de son crâne apparaissait. Sa nuque cassée pendait sur sa poitrine de manière hideuse. Sa face au teint cireux était osseuse, doté d'une paire d'yeux noirs délavé, profondément enfoncé dans ses orbites. Son nez busqué aux narines largement évasées, surmontait des lèvres décolorées ouverte sur un trou d'où dépassait de longs crocs noirâtres acérés, qui recouvrait son menton étroit. Son corps nu était déformé, décharné. Sa peau jaunâtre parcheminée était couverte de plaies purulentes où des asticots se tortillaient, et entre ses jambes tordues, son vagin béait grouillant d'immondes bestioles qui rampaient entre les doigts crochus aux ongles noirs.
-J'aurais plutôt envie de t'en foutre une! s'énerva le guerrier en reprenant ses esprits, la belle jeune femme aux cheveux cuivrés réapparaissant devant lui.
-Tu n'oserais pas! gronda-t-elle en se redressant laissant tomber toute tentative de séduction.
Kian perdant patience, s'avança à grands pas vers le lit. Malgré sa répugnance à la toucher, il la tira brutalement par le bras, lui arrachant un cri. Il ramassa les habits de la jeune femme qu'il lui fourra dans les bras puis la traîna jusqu'à la sortie, ignorant les insultes dont elle l'abreuvait d'une voix stridente.
-Je ne veux plus jamais te voir devant moi! Tu as compris? cracha-t-il en la secouant par le bras.
-Tu vas le regretter! siffla-t-elle avec hargne, ses yeux verts vifs luisant de haine en se dégageant.
Elle repoussa brusquement le rabat de la tente et sorti dans la nuit.
Idriel, Finn, Fergal, Mabon et Peadar qui avaient entendu les cris, s'étaient levés regardant par-dessus les flammes. Kian retourna à l'intérieur de sa tente, prit son sac de couchage avec dégoût, le roula en boule et ressorti. Il le jeta au feu. Le tissu s'embrasa dans un grondement, faisant vivement reculer ses camarades qui lâchèrent une bordée de jurons colorés.
Kian se dirigea vers la rivière en tremblant. Tombant à genoux, il vomit bruyamment derrière un buisson, évacuant le stresse et la peur qui l'avait saisi en voyant la chose immonde couchée sur son lit.
Une fois ses hauts-le-coeur calmés, sa gorge et l'arrière de son nez le brûlait. Son abdomen était courbaturé, mais c'était sans compter le goût infect qu'il avait dans la bouche qui faillit le faire restituer à nouveau. À moitié aveuglé par son mal de crâne, il se traîna à quatre pattes jusqu'à la rivière où il se rinça longuement la bouche avant de se laver le visage.
*************
Mara ses vêtements sous le bras bouillonnante de rage, rejoignit sa tente au sud du camp, évitant les soldats qui discutaient à voix basse. Elle s'assit sur le lit en se prenant le visage entre les mains, les veines gonflées de ses tempes battant.
La séduction ne servirait à rien avec Kian et son pouvoir n'exerçait aucune influence sur lui, il était trop attaché à cette gârce. Mais elle pouvait l'atteindre par d'autres moyens... elle sourit dans l'obscurité. Sachant que personne ne viendrais la trouver avant l'aube, elle se concentra.
Se levant de son lit de camp, elle se plaça au milieu du petit espace. Les bras levés gracieusement au ciel, la tête penchée en arrière, les yeux fermés, elle entonna une douce mélopée semblable au bruissement du vent hivernal dans les branches d'un conifère. La langue qu'elle utilisait était bien plus ancienne que celle usitée sur le continent de l'Atlantide, elle venait des profondeurs de l'Annwyn, là où se cachait les âmes perdues et corrompues aux yeux des dieux...
Elle appela les ténèbres et le brouillard...
Le froid et le vent...
Un souffle polaire s'engouffra sous la tente soulevant brièvement le rabat de peau dans un claquement sec. Tourbillonnant autour d'elle, il l'enveloppa bientôt entièrement, faisant virevolter ses cheveux cuivrés.
Elle sentit le froid l'engourdir, ses lèvres devinrent bleues, son souffle se condensa. Puis elle eût l'impression que des lames la tailladaient, elle serra les dents en proie à la douleur du déchirement. Elle retint ses sanglots, il n'y en aurait plus pour très longtemps...
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Les soldats pestaient contre le froid glacial qui s'était soudain abattu sur eux. Le feu se réduisit soudain à un tas de braises rougeoyant, les ténèbres les enveloppèrent. Les chevaux s'affolèrent, tirant sur leurs entraves en hennissant de peur.
-Qu'est-ce que....commença Mabon ahuri en voyant un flocon de neige fondre sur sa main.
-C'est ce que les habitants du nord appellent de la neige, expliqua brièvement Finn aux quatre guerriers qui regardaient les yeux écarquillés les flocons qui tourbillonnaient dans le ciel noir.
Il désigna Idriel et Mabon.
-Vous deux occupez-vous du feu. Fergal, Peadar allez calmer les chevaux, moi je vais chercher Kini.
Les soldats se détachèrent à grand peine du spectacle irréel à leurs yeux. Ils se mirent à la tâche, s'interrogeant à voix basse sur les raisons de la dispute qui avait éclatée entre Kian et Mara. Fergal qui avait une petite idée du problème ne souffla mot.
Finn se rendit dans sa tente y prit une cape en laine et une outre de vin. Il trouva le guerrier assis contre un rocher les genoux remonté contre son torse, frissonnant dans sa fine tunique noire mouillée, mais incapable de détacher son regard des gros flocons qui dansaient au-dessus de sa tête.
-C'est doux, souria Kian ses yeux bleu foncé brillants d'un émerveillement presque enfantin. Apaisant.
Un flocon se posa sur le bout de son nez rougit. Il loucha en le regardant fondre.
-Mais c'est froid.
Finn esquissant un sourire, lui donna la cape avant de s'asseoir à ses côtés. Kian se couvrit les épaules.
-Merci.
-Tiens bois ça, dit Finn en lui tendant l'outre.
Kian déboucha l'outre en prit une gorgée qu'il fit tourner dans sa bouche, se gargarisa puis la recracha sur le côté, avant d'en avaler une gorgée.
-Que s'est-il passé avec Mara?
-Elle voulait réchauffer mon sac de couchage, répondit-il calmement en reprenant la phrase de Finn quand il lui avait annoncé qu'ils partaient dans l'est. Je l'ai mise dehors. Elle l'a mal pris.
Il haussa les épaules en reprenant une gorgée de vin avant de lui passer l'outre.
-Tu as eu d'autres problèmes avec elle? s'enquit-il soucieux avant de boire à son tour.
-Non, pas moi, précisa Kian à voix basse en resserant les pans de la cape autour de ses épaules. Fergal. Mais j'ai eu du mal à lui faire cracher le morceau et ce qu'il m'a raconté était vraiment bizarre. Et toi? Les autres ne t'ont rien dit?
-Idriel et Mabon m'ont raconté qu'elle leur avait tourné autour. Ils lui ont fait gentiment comprendre qu'ils n'étaient pas intéressés elle n'a pas insisté, répondit-il sur le même ton. (Il sourit). Peadar m'a clairement dit que ce n'était qu'une pute sournoise. Il l'a vue dehors avec deux types. Il m'a demandé ce qui m'était passé par la tête en la prenant avec nous et si je comptais l'utiliser comme appât pour obtenir des faveurs au gré de ce dont on aurait besoin.
Ils s'esclafférent. La neige avait cessé, il n'en restait qu'une mince couche blanche qui poudrait les arbres et le sol.
-Elle n'a rien tenté avec moi, ajouta Finn toujours à voix basse quand il se fut reprit. Elle sait que je ne l'apprécie pas, même si je me suis montré plus coulant avec elle ces derniers jours. Elle n'est pas assez sotte pour essayer de me mettre dans sa poche. (Il but une gorgée de vin et hocha la tête en lui repassant le récipient). Même si elle a bien faillit y arriver. Je ne demanderai rien à Fergal, ni à toi, sauf s'il y a un problème. Ça te va?
-Je ne t'ai jamais rien caché, mais cette fois il ne s'agit pas de mon secret, répondit Kian en le regardant dans les yeux. Si Fergal s'est ouvert, c'est parce que je lui ai avoué qu'elle avait été mon amante.
Il frémit, une grimace de dégoût inconsciente passant sur son visage. Finn haussa un sourcil surpris.
-Une fois que j'aurais découvert ce qui se cache derrière toutes ses histoires sans queues ni têtes, tu seras le premier informé. Mais pour ça, il faut que je puisse rentrer, retrouver les bras de mon amour et discuter tranquillement avec elle pour entrevoir un début de réponse.
-Les conditions n'ont pas changées, le rassura l'officier. Tu auras ta semaine, plus si nous rentrons avant la date prévue et une compensation si nous prenons du retard.
Kian hocha la tête. D'un commun accord ils se levèrent puis se dirigèrent vers le campement. Ils passèrent devant la tente de Mara qu'ils virent frissonner sous ses couvertures.
-Demain nous serons à Ilyn, l'informa Finn en s'étirant. C'est une petite ville, d'environ deux mille habitants. Nous nous rendrons à l'auberge, ensuite, il va falloir découvrir ce qui se passe là-bas.
-Vivement que ça se termine, grommela le guerrier blond.
-Je suis bien d'accord, acquiesça son ami.
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