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Seren son panier à la main referma derrière elle la porte de la maison qui était d'un vide abyssal sans Kian.
Elle avait fait rentrer des provisions dans la grande réserve qui se trouvait à côté de la cuisine. Un petit tonneau de pommes, de la viande, des noix, des légumes, du fromage, des œufs, du beurre, de la farine, un bloc de sel, deux cruches d'huile de lin, de la bière brune, du vin rouge. Les produits frais attendraient le retour du guerrier. Elle avait ensuite donné deux bracelet en or au charretier et à son fils qui l'avait aidé à transporter et décharger le toute.
La jeune femme se dirigea vers le port. La foule était moins nombreuse qu'une demi-heure auparavant. Elle se dirigea vers un éventaire puis choisit deux beaux saumons qu'Ilane ferait cuire sous la braise ce soir au temple. Le marchand les lui emballa en lui faisant les yeux doux, elle les rangea dans son panier en échangeant souriante, quelques mots avec lui.
Elle pressa le pas, sa robe de lin claire voletant derrière elle, découvrant sa jambe fine. Linaëlle devait déjà l'attendre à la taverne.
-Allez! oust! entendit Seren en reconnaissant la voix grondante de Linaëlle. (Elle esquissa un sourire). Sinon tu auras une bonne raison de piallier quand je fourrerai des serpents dans tes braies!
Un jeune garçon blond d'une dizaine d'années, un large sourire aux lèvres, une friandise à la main, la frôla en passant devant elle à toutes jambes pour se précipiter vers la sortie. La jeune femme se dirigea vers la table à travers la salle presque pleine.
-Ah! Te voilà enfin! s'exclama Linaëlle. (Elle désigna la porte du menton pendant que Seren s'asseyait). Il a essayé de négocier une deuxième friandise, mais il m'avait déjà remis le message.
Elles s'esclafférent. Elle sorti de sa bourse une tablette d'argile emballée et la tendit à Seren.
-Il est pour toi, précisa Linaëlle.
-Pour nous tu veux dire, rectifia Seren en passant son doigt sur le coin supérieur gauche du cuir brun clair où rien n'était visible. (Elle sourit en la tendant à son amie). Il n'y a qu'Owain qui envoie des messages emballés dans du cuir de taureau noué avec des lacets. Touche.
Linaëlle effleura de sa main fine le cuir souple aux légères irrégularités. Elle sentit sous son doigt un léger creux. Surprise, elle y reconnut l'emblème du taureau et en dessous une partie du continent de l'Atlantide, ou plutôt un petit dauphin qui représentait la capitale.
-Ingénieux, admit la guérisseuse, les cavaliers sont donc revenus? (Elle se tourna à demi sur sa chaise en faisant un grand signe à Dalach). On meurt de soif ici! Deux bières blonde mon vieux!
-Tu es chiante Lena! s'exclama joyeusement le tavernier barbu derrière son comptoir qui discutait avec une femme rousse.
Dalach amena les boissons, accompagné de pain frais, de fromage et de viande froide en se disputant avec la blonde. Il serra brièvement Seren contre lui, puis débarrassa les tables en discutant avec les clients.
Un aboiement joyeux résonna. Féol la queue battante qui s'était faufilé par la porte entrouverte, vint rejoindre les deux femmes. Il récolta au passage des caresses des clients qui avaient eut droit à un coup de langue pour certains, d'autres un coup de queue ou alors une truffe froide sur un mollet dénudé. Seren se pencha de côté et ébouriffa les oreilles du chien, qui surexcité, mis ses pattes avant sur ses genoux puis lui lécha le visage. Linaëlle secoua la tête dépitée.
-Alors que dit-il? demanda Linaëlle en buvant une gorgée de son verre pendant que Féol tournait en rond cherchant comment s'installer.
Seren ouvrit l'étui puis en sorti la tablette qu'elle déposa entre elles.
"Chers, cette femme m'épuise ainsi que la réserve de bière que j'ai dû, (pour ce qu'il en restait), mettre en lieu sûr. Je ne vous dirai pas où, au cas où elle pointerait le bout de son nez et lirait ce message. Chemin faisant, nous avons eût le déplaisir de tomber sur trois elfes noirs. Ils étaient planqués comme des serpents dans les arbres. Il y ont fini pendus avec leurs intestins. Y a pas à dire, ils sont ignobles et tordus! Nous nous en sommes sortis avec quelques blessures légères, mais nous y avons perdu un bon cheval. Saletés!
Seren donna un reste de jambon à Féol qui s'était assis, sa tête posée sur ses genoux. Il lui avait adressé un petit regard de ses chaleureux yeux bruns, auquel personne n'aurait pu résister.
D'après ce qu'on m'a rapporté, ces chiffes molles, ou devrais-je dire ces "trou-du-cul-des-basses-fosses", comme les surnommes ma chérie depuis qu'ils ont détruit sans pitié aucune ses cruches, infestent tout le continent. J'en appel à toi mon cœur, pour te bouger les fesses et renvoyer ces connards à la maison!
Linaëlle lâcha un grognement, tandis que Seren était secouée d'un petit rire.
Six sont revenus, l'un comme vous le savez déjà tous, s'est fait bouffer par tes monstres, n'est-ce pas mon cœur?
-S'il me cherche il va me trouver! gronda Linaëlle sous les reniflements de Seren.
L'un a perdu son chemin. Je suppose qu'à force de ce rincer l'œil, il l'a perdu en route. Je ne suis pas non plus surpris d'apprendre l'absence de l'autre blaireau. Il doit encore être en train de tirer joyeusement son coup.
-Il manque celui qui est parti au sud, réfléchit Linaëlle à voix basse en sirotant son verre. Là-bas les femmes se promènent seins nu.
-Le deuxième se trouvait dans le Territoire du Corbeau, ajouta Seren en caressant la tête de Féol qui bailla.
Bref, après avoir fouiné, ils ont constaté des disparitions. Pas assez nombreuses pour mettre la puce à l'oreille de qui que ce soit, mais régulière depuis six mois. Hommes, femmes, enfants, aucun n'a été retrouvé.
Elles échangèrent un regard accablé avant de retourner à la lettre.
Je vous avouerai que nous sommes plutôt inquiet. Un, a émit l'hypothèse qu'ils auraient été vendus comme esclaves, peut-être en Égypte ou en Europe? J'ai discuté avec des guerriers qui ont voyagés, pour certains récits, ils sont véritablement affreux! Mais apparemment, c'est pratique courante sur les autres continents. Ma fois, ça nous paraît plausible. Sinon, je n'ai rien qui me vient à l'esprit au moment où je t'écris. Ma petite flamme, penses-tu pouvoir y voir plus clair?
Linaëlle buvant sa bière lui jeta un coup d'œil intrigué.
-Je t'expliquerai, promit la jeune femme, de toute façon, je doute pouvoir le garder pour moi encore bien longtemps. (Elle lui adressa un clin d'œil). Les secrets tendent à se révéler.
-Pas faux, acquiesça la guérisseuse en lissant sa robe grise sur sa poitrine. Bientôt, chacun saura ce que fait l'autre dans son lit.
Elles s'esclafférent à nouveau. Seren fit un petit signe à Dalach qui amena gracieusement une autre tournée.
-Tu crois que ces gens ont été vendus? demanda Seren qui avait perdu son sourire. Mais contre quoi? Qu'ont-ils que nous n'avons pas? Nous sommes le continent le plus riche et le plus évolué en matière de savoir.
-Ce n'est pas tout à fait vrai, la corrigea Linaëlle, en tout cas en ce qui concerne l'Égypte. Bien que nous leurs ayons transmis certaines de nos connaissances, elle se sont depuis, bien développées. J'ai passé deux semaines à Thèbes avec leurs prêtres, cela s'est révélé tout à fait intéressant. J'y serais bien restée plus longtemps, mais le pays était en plein chaos et puis il y faisait beaucoup trop chaud.
Seren la regarda les yeux écarquillés.
-Un jour je te raconterai, promit-elle avec un sourire énigmatique ses yeux gris pétillants de malice. (Elle reprit son sérieux). Il est tout à fait possible qu'ils aient été vendus là-bas. (Elle s'adressa à son chien en plissant les yeux en agitant son doigt sous sa truffe). Féol! Si tu as besoin, tu vas lever la patte dehors!
L'animal qui semblait sourire, la langue pendante, trottina jusqu'à la sortie. Seren fut secouée d'un petit rire.
Ma petite flamme, un bateau est parti, il devrait y être à l'heure où tu reçois ce message. Nous nous retrouverons pour Taureia avec d'autres informations."
************
Il était très tard quand Seren regagna sa petite chambre au temple. Elle avait mangé le saumon braisé avec les autres novices dans le jardin, puis finit la soirée avec des jeux et des histoires. Blodwen qui était sortie tôt dans l'après-midi, n'était pas encore rentrée de son rendez-vous.
Elle passa une chemise qui avait appartenue à Kian. La fenêtre entrouverte au voilage tiré, laissait entrer le clair de lune ainsi que le hululement des chouettes.
Kian parti depuis quatre jours, lui manquait énormément. Sa voix profonde, son humour, sa chaleur, ses baisers. Elle s'assit sur son lit dos au mur, les genoux remonté contre sa poitrine en retournant le petit taureau d'ambre entre ses mains.
Un meuglement. La jeune femme ferma les yeux, ralenti sa respiration puis ouvrit ses sens comme son amant le lui avait appris.
Une senteur d'humus, un bruit de sabots étouffé dans un sous-bois, la sensation sous ses doigts d'un pelage lisse. Elle rouvrit les yeux dans un bois sombre. Sept cavaliers chevauchaient au pas en file évitant les racines des arbres et contournant les buissons épineux. Les sons étaient quasiment inaudibles, Seren n'entendait pas les échanges des guerriers qui discutaient à voix basse.
Les chevaux étaient chargés, ils devaient poursuivre leur voyage. Bizarre qu'ils choisissent de chevaucher de nuit, Finn lui avait assuré qu'ils ne le feraient pas, car aucun d'entre eux ne connaissait assez bien la région qui était marécageuse plus à l'est, donc dangereuse.
Peut-être qu'un guerrier du territoire les conduisaient? Mais ils n'étaient que sept, ou alors ils avaient laissé Mara en sécurité au palais? Il semblait que non, Seren la voyait à cheval entre Kian et Mabon, frêle silhouette entre ses guerriers en armes, grands et bien bâtis.
Kian... dans la faible clarté lunaire illuminait ses cheveux blonds des ombres jouant sur son beau visage qu'elle voyait de profil. Attentif aux pas de Taram, il s'adressait au cavalier devant lui qui n'était autre que Finn montant Melba. Elle reconnut Fergal qui allait devant, Idriel se trouvait derrière Mabon, identifiable lui aussi à ses cheveux clair et fermant la marche venait Peadar.
Une ombre voleta au-dessus d'eux, puis retourna à l'avant du groupe et parti vers la droite. Fergal la montra du doigt. Il la suivit entraînant les autres derrière lui. C'était une petite chouette chevêche. Seren la reconnut, c'était elle qui accompagnait Téa durant la nuit.
On frappa à la porte, Seren s'éveilla de sa transe dans un brusque sursaut. Elle était à nouveau dans sa chambre, sa statuette entre les mains.
-Oui? demanda la jeune femme.
-C'est moi, s'annonça Blodwen, je peux entrer?
-Bien sûr.
La porte s'ouvrit sur sa supérieure vêtue de lin vert. Blodwen referma la porte derrière elle et s'assit sur le lit.
-Il y a un problème? questionna la jeune femme.
-J'ai vu Cynfarch aujourd'hui, grommela Blodwen. À la demande de ton beau guerrier blond, qui as un instinct bien trop aiguisé à mon goût, par l'intermédiaire de Finn, Cynfarch m'a demandé si je pouvais obtenir un entretien avec la reine pour discuter avec elle des petites sauteries de son mari.
-Quoi? s'exclama Seren ahurie.
Blodwen laissa échapper un grognement.
-Apparemment, Kian a découvert que Serbet avait une maîtresse qui n'est autre que la supérieure du temple de Scathach.
La jeune femme la regarda bouche-bée.
-Finn et ton amant fouineur, gronda-t-elle, se sont mis en tête que Serbet serait manipulé par Eithn. Ils voulaient savoir jusqu'à quel point son influence s'exerçait sur lui, aux vue des décisions absurdes qu'il prend. (Elle soupira). Malheureusement, je crains qu'ils n'aient vu juste et que le pouvoir d'Eithn sur le grand roi est considérable. Vu que je suis une femme et que je m'entends bien avec la reine, c'est à moi que Cynfarch s'est adressé.
Seren pris quelques minutes pour digérer l'information. Elle déglutit. Blodwen hocha la tête.
-Tu crois que la reine acceptera de t'écouter sans en prendre ombrage? s'inquiéta Seren.
-Franchement je n'en sais rien, admit sa supérieure. Mais il nous faut une réponse, ensuite, nous pourrons peut-être agir pour empêcher le pays de sombrer dans le chaos.
Seren se leva. Elle prit sur une petite table en bois ronde, deux verres qu'elle remplis de vin rouge. Elle en donna un à Blodwen en s'asseyant à côté d'elle.
-C'est à ton guerrier que tu vas devoir le demander, dit sa supérieure en sirotant son vin dans la pénombre devinant la question que se posait Seren. Moi, je n'ai pas eu de détails. Mais j'ai obtenu de voir la reine dans six jours. Je ne souhaite pas que tu t'y impliques, trop tard sans doute, j'aurais mieux fait de me taire. Mais comme ça concerne également ton Kian, j'ai pensé qu'il valait mieux t'en informer.
-Je viendrai avec toi, souffla-t-elle d'une voix mal assurée en essuyant une goutte de sueur glacée sur sa tempe. Il faut également que je puisse consulter le Lia Fáil. (Elle soupira). J'ai des choses à te dire qui ne sont pas plus agréables à entendre.
-Je t'écoute...
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