25

Gwyn debout au fond de la grande salle presque pleine qui bourdonnait de conversations et de rires au milieu du raclement des bancs et du bruit des couverts, fit signe à Kian qui arrivait.

Le guerrier rejoignit ses amis à une table rectangulaire au milieu de plateaux de viandes froides, de fromages, de paniers de pains, de mottes de beurre, d'une petite marmite de bouillon, de cruches, de tartes aux fruits et de pâtisseries.

Gwyn, joyeux, présenta Kian à la cinquantaine de personnes assises à la table, dont de nombreux soldats et sept guerrières, plutôt jolies, constata-t-il. Mabon était déjà penché à l'oreille d'une belle blonde, vêtue d'une tunique verte cintrée, laçée sur le devant, une jupe courte arrivant à mi-cuisses, chaussée de bottines. Il remarqua que toutes les guerrières avait des tenues semblables.

-Ça fait toujours cet effet là la première fois qu'on les voit, s'esclaffa un soldat en voyant l'air surpris de Kian.

-Ça marche aussi avec l'ennemi? plaisanta le guerrier blond.

-La plupart du temps, répondit une guerrière brune à la voix chaude en lui adressant un clin d'œil coquin. Par la suite ils n'ont en général plus de quoi se rincer l'œil.

La tablée éclata de rire, il s'assit avec eux entre Mara et Idriel serrant des mains dans la bonne humeur ambiante. Ils mangèrent et burent en riant, plaisantant, faisant connaissance. Ils finirent par repousser leurs assiettes, repus. Les conversations redevinrent plus calme.

-Putains de soldats de la capitale! grogna un homme une table plus loin qui quittait sa place.

-Ta gueule! hurla une guerrière qui se leva de son banc alors qu'il passait derrière elle.

Réagissant vivement, elle le prit par le col et le repoussa vers la sortie dans le silence qui était tombé dans la salle. Kian, Fergal, Peadar et Mabon se raidir. Finn leur ordonna discrètement de garder leur calme et de ne surtout pas s'en mêler. Il avait reconnut Mabd qui s'était déjà battue à ses côtés.

-Qu'est ce que tu espères de ces trou-du-cul? cracha-t-il en se dégageant brutalement. Tu crois vraiment qu'ils vont nous aider?

-Tu la fermes! ordonna la jeune femme hors d'elle. Ils ne sont pas responsables de ce qui arrive! Dégages!

Ils étaient à présent nez à nez.

-Tu es vraiment conne ma parole! répliqua-t-il écumant de rage. Tu...

-Ça suffit! intervint un officier furieux qui s'avança à travers la salle avant que ça se transforme en boucherie.

Il prit le guerrier par le dos de sa tunique en repoussant la guerrière qui s'apprêtait à le frapper.

-Mabd tu t'en vas! Quant à toi, tu viens avec moi!

Il fit sortir à grands pas son soldat de la salle. La guerrière aux cheveux chocolat toucha son front de son index et de son majeure réuni devant les invités puis sorti à son tour.

Les conversations reprirent dans un murmure incertain. Mara ferma un instant les yeux.

-Excusez-le, dit Gwyn à voix basse, il a récemment perdu quelqu'un et il en veut à la terre entière.

Ses yeux pourtant les regardaient d'un air de défi. Une tension palpable régnait dans la salle. Finn conscient de marcher sur une corde raide, se leva de son banc et s'avança au milieu de la pièce pour se faire voir des six tables. Le silence se fit à nouveau, tout les regards étaient fixés sur lui.

-Nous sommes bien conscient de votre problème. Nous ferons tout notre possible pour appuyer votre demande auprès du grand roi, promit Finn en détaillant les visages des habitants présents et des soldats du territoire des chevaux qui avaient accompagné leur roi. Nous ne sommes pas là pour vous enfoncez, mais pour vous apportez notre soutien et notre aide, faites nous confiance.

-Tu as la mienne, déclara un guerrier du territoire des chevaux d'une voix douce qui s'était levé au fond de la salle et le salua deux doigts sur le front.

-Et la mienne, affirma la guerrière brune en se levant, Arianelle, qui auparavant avait adressé un clin d'œil à Kian.

-Vous avez également mon amitié, dit Gwyn avec douceur, si vous me pardonnez mon offense. (Il baissa la tête, gêné).

-Elle est la bienvenue, assura Finn avec un sourire qui fit rougir le guerrier.

Les gens autour de la table où ils avaient mangé et avait été si bien accueilli se levèrent comme un seul homme et les saluèrent les yeux pétillants.

Finn, le visage grave, les salua en retour.

Une enfant, aux fins cheveux blonds clair tressés sur le côté, vêtue d'une robe de lin blanche, pieds nus, prit sa main entre les siennes. Elle leva vers lui des yeux céladon emplis de confiance.

-Je remet ma vie entre vos mains, chuchota-t-elle.

Mais le silence était tel, que sa voix résonna dans toute la salle. Il se mit à sa hauteur un genou à terre en tendant les bras.

-Je te promets de tout faire pour la préserver, répondit-il la gorge nouée par l'émotion en la serrant contre lui, la fillette nichée au creux de son épaule.

Mara et les guerriers de la capitale, ému, s'avancèrent face à leur supérieur la fillette dans les bras. Dans un ensemble parfait, ils mirent le genou droit à terre, les saluèrent, prenant la promesse de Finn pour la leur.

La salle éclata en applaudissements. Les guerriers qui se relevaient furent rapidement entourés. Pas une place n'était restée occupée, l'espérance avait repris ses droits.

*********

-Fichu couillon, grogna Peadar qui revenait à la table avec des gobelets de vin chaud.

-C'était inévitable, dit paisiblement Idriel en haussant les épaules, acceptant le vin que lui tendait son ami. Que savent-ils de nous? La confiance qu'ils mettaient en Serbet est rompue. Nous débarquons de la capitale pour constater la situation par nous-mêmes, cela indique clairement que nous ne nous fions pas à leur parole.

-Ils savaient pourtant que nous n'avions pas d'autre choix, grommela Peadar en croisant les bras.

-Mets-toi à leur place, le rabroua gentiment le guerrier. S'ils croient que nous sommes les chiens de garde du Grand Roi, alors ils penseront que nous partageons son mépris envers eux. Ils ne pouvaient pas être sûr de nos intentions. (Il souffla sur le gobelet et but à petites gorgées).

-Nous avons combattus côtes à côtes! s'indigna-t-il. Ils nous connaissent!

-Les dégâts causés par Serbet sont bien plus profonds qu'il n'y paraît, répondit le guerrier blond sa voix douce résonnant comme un avertissement.

Le regard de Peadar s'adoucit quand il regarda la fillette radieuse assise par terre avec trois autres enfants devant le feu. Kian un garçonnet assis sur ses genoux et Mabon, une fillette s'accrochant à son cou en sautillant derrière lui, jouaient avec eux aux osselets en riant en attendant l'heure du conte.

-Sa seule intervention à sauvé deux alliances et engendré l'amitié qui en naîtra, dit Peadar.

-Un cadeau des dieux, confirma Idriel avec un doux sourire.

************

Finn passait de l'un à l'autre discutant à voix basse avec les habitants et les guerriers des deux territoires, écoutant leurs doléances, retenant les informations qu'ils lui donnaient sur la région. Mara habillée d'une robe de lin bleue buvait tranquillement une bière en compagnie d'une femme échangeant impressions et informations.

Des bancs avaient été avancés près de la cheminée, Kian détendu une bière brune à la main s'était assis en compagnie de Peadar et de Fergal qui se chamaillaient. Mabon était occupé par sa jolie blonde et Idriel discutait avec Gwyn en sirotant un verre de vin. Quand les bancs furent pleins et que les enfants furent tranquillement assis sur des coussins au pied de la conteuse aux cheveux auburn qui s'était installée sur un tabouret, le silence se fit dans la salle.

L'histoire était celle du taureau fabuleux Donn Cúailnge, à l'intelligence humaine appartenant à Dáre, fils de Fiachna.

Au bout d'un moment, n'y tenant plus, Kian se leva en s'excusant auprès de ses compagnons. Il prit la direction des écuries, emprunta le petit couloir, poussa une porte qui menait à l'extérieur et se soulagea contre un arbre. L'air était doux, le parfum des fleurs apaisant. Il s'étira, savourant un moment de tranquillité, dans la nuit clair. Il distinguait un petit bâtiment caché entre des saules et entendait le chant de la rivière qui coulait derrière.

Il revint dans la grande salle où le conte se déroulait; la reine Medb convoquait les principaux rois d'Irlande avec leurs armées. Elle avait prit la décision d'envahir l'Ulster où se trouvait le taureau, après avoir consulté ses druides. Kian se servit une bière en s'appuyant contre le mur les chevilles croisées. Arianelle le rejoignit s'appuyant à son tour contre la pierre, une bière blonde à la main. Elle se pencha à son oreille.

-Crois-tu vraiment que le grand roi vous écoutera?

Il se détourna de la conteuse pour l'évaluer du regard.

-Non, répondit-il avec franchise sur un ton d'excuse. Nous ferons ce que nous pourrons, mais notre parole, comme celle de n'importe quel habitant, y compris la reine, ne vaut plus rien dans la capitale. (Un rictus vint déformer ses traits). Il prend ses décisions seul, sans s'occuper de ceux qu'il gouverne.

Elle ne parut pas surprise de sa réponse, il ne faisait simplement que confirmer ce dont elle se doutait déjà. Elle se détacha du mur, l'observant attentivement.

-Nous avons besoin de guerriers courageux qui savent prendre les bonnes décisions rapidement et qui n'ont pas peur de s'opposer à l'ordre établi, dit-elle à voix basse. (Elle esquissa un petit sourire). Un guerrier qui ne gaspillera pas la vie de ceux qu'il commande en vain, mais qui consentira aux sacrifices nécessaires à la victoire.

Elle avança imperceptiblement sa jupe ciel bruissant et caressa sa joue du dos de son doigt.

-Restes avec nous, chuchota-t-elle à son oreille avant de se pencher sur ses lèvres.

Il sentait son parfum épicé, voyait son visage aux traits fin, sa peau crémeuse sans défauts qu'encadrait une longue chevelure brune parsemés d'éclats d'or, ses lèvres roses pleines et sensuelles légèrement entrouvertes. Il l'arrêta d'un geste à deux centimètres de sa bouche. Il fit non de la tête avec un petit sourire en coin en reculant d'un pas. Elle était très belle et n'avait pas froid aux yeux, mais il n'en aimait qu'une.

-Tu aimes une femme?

-Elle attend mon retour, confirma-t-il d'une voix douce.

La guerrière soupira. Un sourire illumina ses yeux noisettes.

-Elle en a de la chance, souria-t-elle. Mais cela ne change en rien ce que je t'ai dit. Ta réputation t'a précédée ici, (elle éclata de rire en le voyant soupirer en se passant une main dans les cheveux. Elle ajouta les yeux brillants). Ainsi que tes qualités. Les guerriers te suivront si un jour tu décides de revenir. Vous serez les bienvenus toi et les tiens si vous cherchez un nouveau foyer.

-Merci, répondit Kian sincèrement touché, j'y aurais peut-être recours.

C'était presque mots pour mots ce qu'Owain lui avait proposé quand il s'était entraîné avec lui; un foyer, des hommes sous ses ordres, le loisir d'enseigner aux plus jeunes. Plus alléchant encore, une liberté de mouvements que la capitale n'offrait pas.

-Nous nous retrouverons, dit-elle avec un petit sourire malicieux avant de le saluer deux doigts sur le front.

Kian posa son verre vide sur une table, Peadar, Fergal et Mara n'étaient déjà plus là, Idriel discutait à présent avec Finn. Il bailla, la plupart des convives s'étaient retiré après le conte qui avait mis officiellement fin à la soirée. Il salua les quelques personnes qu'il croisa en sortant de la salle puis monta à l'étage.

Il se retourna en entendant des voix derrière lui et esquissa un sourire.

Mabon lui adressa un clin d'œil en passant à côté de lui, ses bras autour des hanches de deux femmes. La blonde avec qui il avait passé une bonne partie de la soirée et une brune habillée de blanc qui le jauga du regard, appréciant visiblement ce qu'elle voyait. Kian secoué d'un petit rire, rentra dans sa propre chambre.

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