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Cynfarch l'avait libéré après le repas de la mi-journée et lui avait confirmé qu'il viendrait chercher Blodwen le lendemain en début de soirée. Kian était allé prendre un bain au thermes et s'était habillé d'une chemise blanche aux manches larges. Il avait un peu d'avance, mais espérait que Seren pourrait se libérer plus tôt.

Avant que Kian ait pu signaler sa présence, il dut sauter en arrière, car la porte s'ouvrit brusquement sur une novice d'environ quatorze ans, habillée d'une robe rouge, rousse, au visage joyeux et aux yeux bleus pétillants.

-Ça devient dangereux ici! plaisanta-t-il.

-Excusez-moi, dit la jeune femme rougissante, nous ne vous attendions pas si tôt. Ils sont encore en train de discuter dans le jardin.

Elle le prit part la main et le conduisit à l'intérieur.

-Vous avez de la visite? Je peux repasser plus tard, proposa-t-il.

-Non non, assura-t-elle, Seren ne va pas tarder à se libérer. Blodwen a bien dit qu'elle ne voulait plus la voir une fois que vous aurez pointé le bout de votre nez.

Il lâcha un petit rire.

-Elle est comme ça, souria la jeune femme en haussant les épaules. De toute façon, si on ne les arrête pas, ils peuvent discuter jusqu'au matin.

-Il vient régulièrement ici? demanda-t-il d'un ton neutre.

Il ressentait une légère pointe de jalousie, c'était bien la première fois.

-Oui, confirma-t-elle, Niall un conteur, vous le connaissez? Comme il voyage beaucoup et qu'il connaît bien Blodwen, il passe toujours chez nous et nous donne des nouvelles du continent.

Elle s'arrêta et le regarda intriguée.

-Je le connais, acquiesça Kian soulagé.

Elle se remit en marche, le tenant toujours par la main, à travers le couloir qui menait au jardin.

-De temps en temps, il mange avec nous et quand il ne se chamaille pas avec Blodwen, nous avons droit à plusieurs contes raconté par eux deux. C'est vraiment quelque chose! assura-t-elle avec enthousiasme.

Papotant sans reprendre son souffle, sous le regard bienveillant de Kian, ils pénétrèrent dans le jardin lumineux une charmille décorée d'une vigne. Des abricots gorgés de soleil s'étendaient sur les murs et au milieu, se trouvait une petite fontaine dont les jets étaient crachés par deux dauphins qui retombaient dans un bassin de marbre bleuté.

Une couverture était étendue sur l'herbe émeraude où se trouvait trois novice qui jouaient au jeu du serpent, (jeu de l'oie antique). Leurs figurines, taillées dans de l'ambre, représentaient des animaux. Ils étaient superbes, Kian y reconnut là tout le savoir-faire de Niall. Appuyée contre un arbre lui tournant le dos, Seren habillée d'une robe de lin teinte en bleu discutait avec le conteur.

-Elouan, la gronda gentiment Blodwen en venant vers eux, tu n'as pas bientôt fini de jacasser? Le pauvre va devenir sourd! Allez file.

La jeune femme écarlate salua le guerrier et rejoignit ses amies.

-Bienvenue Kian, guerrier du taureau, le salua Blodwen avec un sourire malicieux pendant que Seren rayonnante et Niall souriant les rejoignaient.

Il la salua avec respect et lui chuchota à l'oreille. Le visage de la supérieure du temple s'illumina.

-Je savais que je pouvais compter sur toi! affirma-t-elle souriante, la déesse te bénisse, (elle serra sa main). Grâce à toi je vais pouvoir manger autre chose que ce qu'on me propose ici, boire autant de bière que je le veux et après j'aurais droit à un gros câlin.

-Content d'avoir pu vous être utile, assura-t-il avec un sourire, profitez bien de votre soirée.

-Par les couilles du taureau sacré! s'exclama-t-elle, tu peux en être certain!

Ils s'esclafférent et avant de partir, Blodwen lui adressa un clin d'œil. Seren glissa sa main dans la sienne et lui déposa un bisou sur la joue. Ils se regardèrent un instant les yeux brillants et il entremêla tendrement ses doigts aux siens.

-Niall! le salua Kian. (Ils s'éteignirent brièvement). Tu as fait bon voyage?

-J'étais dans le territoire du serpent, l'informa-t-il, ils étaient méfiants et j'ai été mis sous surveillance discrète, sans pouvoir assister au rituel lunaire.

Kian fronça les sourcils, il ne s'y était rendu qu'une dizaine de fois, les habitants étaient habituellement sympathiques et si ils ne s'ouvraient pas vraiment, on ne l'avait jamais rejeté.

Le territoire du serpent était un peu irréel en lui-même, il y régnait mystère et magie. La région était toujours légèrement embrumée et la forêt qui recouvrait un bon tiers du territoire, était plus sombre qu'ailleurs. C'était là aussi que tumulus et cercles de pierres étaient le plus nombreux, utilisés comme tombeaux, pour des rituels et servant à l'observation astronomique.

Niall baissa la voix.

-Je n'ai pas pu découvrir ce qui se trame, mais Seren m'a dit qu'une de ses amies qui se rendait régulièrement là-bas, refusait désormais tout contact avec elle.

-Son comportement est étrange, confirma-t-elle, nous nous sommes toujours bien entendues, elle est revenue dans la capitale il y a peu. Elle est née dans le territoire du serpent et y a poursuivi sa formation. Je ne connais pas moi-même cette région et elle n'en a jamais beaucoup parlé. Il s'est passé quelque chose là-bas, ce doit être assez récent.

Il la regarda avec une certaine inquiétude, sa nuque le picotait, il se tourna vers Niall.

-Tu as pu te renseigner auprès de Linaëlle?

-Elle est réticente à parler de ce territoire, avoua Niall en passant une main dans ses cheveux noirs. Elle y retourne quelques fois par année et ne m'a jamais rien dit de ce qu'elle y faisait.

Ils le regardèrent avec surprise.

-Moi tout ce que j'en sais, continua-t-il en haussant les épaules, c'est ce qu'en disent les légendes. Enfin, si on peut dire, elles sont obscures et ne s'étendent pas au-delà du territoire. Je m'y suis rendu plusieurs fois, j'y ai été bien accueilli jusqu'ici, mais leurs secrets sont bien gardés. Lena n'en parlera contrainte, que si quelque chose de grave s'y passe, et encore, je n'en suis même pas sûr. Mais je vous ai assez retenu, (il sourit), allez-y, on se reverra bien assez tôt.

Ils le saluèrent et se retrouvèrent hors du temple main dans la main sur la petite place.

-Tu avais prévu quelque chose de particulier? demanda-t-elle avec curiosité.

-Je pensais t'emmener dans un petit espace où je pourrais échanger tranquillement avec toi un vrai baiser, répondit-il avec franchise une lueur malicieuse dans les yeux en l'entraînant au bout de la rue. Puis, si j'arrive à me détacher de tes lèvres, le temps d'avaler une bouchée, nous pourrions aller manger.

-Et ensuite? demanda-elle taquine en le regardant dans les yeux.

-Tout dépend de ce que tu souhaites, lui chuchota-t-il à l'oreille, en caressant sa joue d'un doigt.

Il déposa un léger baiser sur ses lèvres.

-Mais par pitié, ajouta-t-il suppliant, pas de poisson!

Elle éclata de rire, il glissa sa main autour de sa hanche, elle appuya un instant sa tête contre son épaule. Elle reconnut le temple de Lugh avec ses statues de sangliers, bâtiment allongé où il y avait divers ateliers; menuiserie, forge, sculpture et autres. Une petite clairière naturelle avait été aménagée à côté, où se réunissaient les conteurs.

Elle haussa un sourcil étonné quand il la mena dans une petite ruelle tristounette qui montait en serpentant sur une vingtaine de mètres que rien n'agitait.

-Ce n'est plus très loin, l'informa-t-il avec un sourire en coin, fais-moi confiance.

************

Il s'esclaffa en voyant le ravissement de la jeune femme quand ils furent arrivé.

C'était une petite place herbue, ouverte, sur l'avancée d'une colline. Une petite barrière en bois l'entourait décorée de fleurs blanches. Un joli cabanon en bois proposait boissons et pâtisseries. Une dizaine de tables étaient à la disposition des clients.

Un prunier en fleurs étendait ses branches au centre de l'espace, contre lequel une femme blonde vêtue d'une robe bleue pâle était assise sur un petit tabouret, entourée de quatre enfants. Assis sur une couverture garnie de coussins, ils la regardait une lueur d'excitation dans les yeux.

Trois tables étaient occupées, les parents des enfants avec qui, le tenancier, Ceiclio, plaisantait. Il était de taille moyenne, vêtu d'une chemise teinte en vert un tablier bleu noué autour de la taille. Il avait un visage avenant, des yeux gris et des cheveux bruns. Il les salua d'un geste de la main quand il les vit arriver. Ils répondirent chaleureusement.

-Viens voir, proposa Kian en l'entraînant derrière l'arbre.

La vue donnait sur la vallée, la pente herbeuse était douce, une rivière brillait en contre-bas sous le soleil de l'après-midi. Des chevaux broutait, des moutons bêlaient, les agneaux gambadaient et un village était visible au loin.

-C'est fantastique, s'émerveilla-t-elle.

-Mon père, qui travaillait comme forgeron, m'emmenait déjà ici pour écouter un conte l'après-midi, pour que je me tienne tranquille et que ma mère puisse souffler. (Il esquissa un doux sourire). J'y suis revenu quelques fois par la suite.

-Tes parents habitent toujours la capitale? demanda-t-elle intriguée en s'asseyant à une table en bois.

-Aujourd'hui, commença l'épouse du tenancier en s'adressant aux enfants d'une voix douce, je vais vous conter l'histoire
d'un guerrier venu du nord, du pays de la glace. Là où ils sont tous grands, blonds, ont les yeux bleus, une grosse barbe pour se protéger du froid et qui naviguent à bord d'immenses drakkar.

-Ils sont morts peu après mon retour à Atlantis, répondit-il tranquillement. La maison où je vis, dans le quartier du port, était la leur. Ma mère aimait l'océan, deux grandes terrasses donnent sur la promenade, si bien que le logement est toujours frais. (Il ajouta d'un ton léger). Elle n'a jamais pu nous faire avaler le moindre poisson.

Ils éclatèrent de rire. Kian remercia le tenancier d'un ton joyeux, qui avait déposé devant eux du cidre et deux tartelette aux pommes.

Seren ferma les yeux en savourant sa tarte. Les pommes fondantes étaient légèrement caramélisées, la pâte était dorée et les noisettes broyées apportait un petit goût piquant qui se fondait parfaitement avec le reste. Kian l'appréciait tout autant et le cidre était délicieux. Ils discutaient tranquillement, leurs doigts s'effleurant de temps à autre.

Ceiclio, sous le charme du couple, déposa une boîte sur la table en leur resservant un nouveau verre de cidre.

-Pour le dessert, précisa-t-il en leur adressant un clin d'œil.

-Merci, souria la jeune femme, je n'en ai jamais mangée de meilleures.

-Vous pouvez compter sur nous pour revenir plus souvent, renchérit Kian les yeux pétillants de malice en buvant une gorgée de cidre. Mais vous risquez d'y perdre au change, surtout si vous y mettez plus de noisettes.

Ils s'esclafférent. Ceiclio s'essuya les yeux.

-Ne vous inquiétez pas pour ça, assura-t-il amusé, ce ne sont pas les noisettes qui manquent dans le coin. Vous serez les bienvenus tant que vous le voudrez et la prochaine fois, je me ferais un plaisir de vous confectionnez une de mes spécialités. (Il serra l'épaule de Kian et prit avec délicatesse la main de Seren). Allez sous la garde bienveillante de Macha.

Kian le salua de son index et de son majeure réuni en se touchant le front et Seren réunissant ses deux mains les écarta et dessina un cercle parfait ses mains se rejoignant à hauteur de sa poitrine. Ceiclio après un dernier signe de tête amical s'éloigna.

-J'attend toujours mon baiser, chuchota Seren à l'oreille de Kian.

-La tartelette ne t'a pas suffi? s'étonna le guerrier atlante en l'attirant doucement sur ses genoux face à lui.

Elle secoua la tête, un léger sourire aux lèvres, en passant ses bras autour de sa nuque.

-Dans ce cas, déclara-t-il nonchalamment en caressant son dos, ses mains se perdant dans ses longs cheveux, voyons ce que je peux faire pour toi.

Ses yeux bleus foncés se noyant dans ceux saphir de la jeune femme, il se pencha sur ses lèvres entrouvertes, fermant les yeux au contact doux et chaud de sa bouche.

Face à face, leur souffle se mêlant, leur langue s'effleurant, le baiser se fit plus profond, intense. Elle glissa ses mains sous sa chemise caressant son torse musclé. Elle sentait sa main brûlante sur sa cuisse, sur ses fesses. Elle frissonna au contact de ses lèvres sensuelles sur sa gorge. Kian reprit ardemment sa bouche, les caresses de la jeune femme et leur bassin qui se frôlait enflammaient ses sens.

-Rentre avec moi, souffla-t-il d'une voix rauque.

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