10
Niall rentrait après trois jours d'absence, son étalon couvert d'écume séchée en avait perdue sa belle robe noire. Dans un grincement de cuir, il descendit de selle et mena son cheval à l'écurie attenant à la maison. Pagaille, la jument pie de Linaëlle ne s'y trouvait pas et Féol ne vint pas non plus l'accueillir. Elle était sûrement allée soigner quelqu'un. Il posa ses sacoches contre la porte de l'écurie.
Conteur, faiseur d'objets, Niall avait suivit sa formation dans le territoire des sangliers et son dieu tutélaire était Lugh. Âgé de vingt-huit ans, cela faisait dix ans qu'il vivait avec Linaëlle dans la capitale. Ils avaient un fils de sept ans, parti depuis deux ans déjà dans le territoire des chevaux, car comme tout les enfants de l'Atlantide, il était allé suivre sa formation en fonction de son don.
Niall voyageait régulièrement dans les autres territoires, pour commercer; échangeant des objets en bois utilitaires, jouets pour les enfants, effigies sculptées, bijoux, fabriqué par ses soins et auxquels, par son souffle, il avait donné vie. Il dormait en général à l'auberge du village, sa venue était annoncée des semaines à l'avance si bien que la taverne était toujours bondée, car chacun, adultes et enfants, venaient pour écouter un conte ou une légende, après un repas partagé tous ensemble.
Pour sa part, il recueillait des informations du continent, revenait avec de nouvelles histoires à conter, divers matériaux à transformer, tissus, friandises et plantes rares pour Linaëlle.
Il possédait un autre don pour lequel on faisait appel à lui, celui-là était rarement évoqué; par son chant, il aidait les âmes à trouver le chemin d'Annwyn.
Il finit de nourrir et de soigner Sephiroth, il était fatigué et il avait faim. Le soleil doré se couchait sur les collines, ils habitaient un quartier paisible au nord un peu en dehors de la ville. Une rivière coulait au milieu des maisons que traversait un petit pont et une pommeraie embaumait l'atmosphère.
Il accomplit ses ablutions, enleva le bandeau argenté de son front qui le désignait comme conteur et brossa ses cheveux noirs qu'il noua en catogan. Il se rendit à la cuisine et avisa la marmite qui reposait sur son socle dans le foyer. Il fit repartir le feu, prit une cruche d'eau fraîche qu'il posa sur la table.
Du pain l'attendait, avec du fromage, des fruits et des gâteaux de miel fourrés aux noisettes. Il sourit, Linaëlle mangeait avec Kian à la caserne.
Le chaudron bouillonnait, il se servit puis s'installa à table.
Il amait le guerrier qu'il considérait un peu comme un fils, bien qu'ils n'aient que trois ans d'écart. Il était heureux de savoir qu'il ait trouvé Seren, ils étaient faits l'un pour l'autre, réunis par les dieux.
Il éprouvait cependant une crainte diffuse. Niall, connaissait le sens caché des contes, ses avertissements et grâce à cela, avait appris à pénétrer les secrets de l'âme et du cœur des hommes. Il savait comment la jalousie d'une femme délaissée avait déjà entraîner un pays dans le chaos puis comment cela s'était terminé. Il avait essayé d'avertir Kian de ne pas s'approcher de Mara, mais son ami, envoûté par la sensualité et les plaisirs que promettaient la jeune femme, n'avait pas écouté.
Personne ne pouvait aller contre la marche de l'histoire...
Son sentiment d'appréhension s'était accentué quand il avait vu Mara à la taverne qui attendait Kian et ceux qui la dévisageaient avec amusement et, il fallait bien le dire, avec une certaine cruauté. Il l'avait vue blessée, avait sentit son cœur se fermer, puis, dans ses yeux verts, avait vu danser une flamme de haine pure.
Il se frotta les yeux, couvrit le feu puis sorti prendre l'air. La nuit était tombée, les premières étoiles scintillaient et la lune voilée entamait son ascension. Le chant du ruisseau était doux, apaisant, les insectes stridulaient, les chauves-souris voletaient et les chouettes qui s'apprêtaient à se mettre en chasse hululaient.
Un aboiement joyeux vint mettre un terme au calme qui régnait. Féol avec son enthousiasme habituel, lui sauta dessus et faillit le faire basculer par-dessus la rambarde du pont contre laquelle il était appuyé.
-Doucement mon vieux, souria-t-il en lui ébouriffant les oreilles.
Dix mètres derrière, arrivait tranquillement au pas, Linaëlle sur Pagaille. La jument hennit en le reconnaissant et se mit à trotter. Arrivée à sa hauteur, elle lui chatouilla le cou de ses naseaux. Il lui caressa le chanfrein. Linaëlle se pencha légèrement par dessus l'encolure de sa monture et déposa un baiser sur ses lèvres, il la souleva de sa selle et la serra contre lui.
-Comment s'est passé ton séjour? questionna Linaëlle en glissant sa main dans la sienne.
-Étrange, répondit-il en la regardant intrigué la tête légèrement penchée.
-Bon, fit-elle en haussant nonchalamment les épaules, c'est le lot habituel là-bas. Tu as pu assister au rituel lunaire?
Ils se mirent en route main dans la main Féol allant frétillant à côté de Niall, la jument suivant d'un pas paisible derrière.
-Non, déclara-t-il gentiment, rien ne s'est déroulé comme prévu. (Il la vit pester en elle-même regrettant d'avoir posé la question, il la connaissait parfaitement, sa soudaine grimace inconsciente le lui confirmait). Tu savais qu'ils allaient m'accueillir de cette manière?
-Non, répondit-elle avec franchise, tu les connais bien, je pensais qu'ils se comporteraient avec toi comme d'habitude.
Pagaille hennit en sentant la maison, ils entendirent de loin Sephiroth répondre. Ils suivirent le chemin pavé, longeant jardins fleuris et parfumés. Ils se baissèrent alors qu'une escouade de chauves-souris les survolaient dans un froufroutement d'ailes. Féol aboya et sauta en essayant d'en attraper une. La jument secoua les oreilles.
-Et avec Kini? s'enquit-il sachant qu'il était inutile d'insister.
-Il a vu Owain, l'informa-t-elle à voix basse, il n'a rien lâché, même si il l'aidera. Finn et Téa ont aussi pris sont partit. Mais tu n'auras la suite qu'une fois que tu m'auras fait un gros câlin.
Il lui chuchota à l'oreille et eût la satisfaction, encore au bout de dix ans, de voir ses joues se colorer vivement, il déposa un baiser sur ses lèvres.
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