PLUMES ET PAILETTES • PT. I

« Voilà. Les garçons, je vous présente Martin. C'est un peu notre leader à nous. Il a été l'organisateur de pas mal de manifs et de marches. » Avait dit Amanda en emmenant Icare et Apollodore devant ledit garçon. Elle semblait lui vouer une certaine admiration et après l'avoir entendu parler, il était chose aisé de comprendre pourquoi.

Il serra consécutivement la main à Icare, puis à Apollodore, avec on sourire sincère.

« Bienvenu dans notre petit groupe. Vu comme ça ne paye pas de mine, mais on a des idées, et des bonnes. Je suis sûr qu'on pourra devenir bons camardes. Vous viendrez demain à La Sorbonne ? »

« Compte sur moi. » Répondit aussitôt Icare.

Martin porta son regard sur Apollodore. Ce dernier ne savait pas trop quoi dire. Il ne se sentait pas tellement concerné par cette histoire. La fermeture de la faculté de Nanterre était un événement regrettable, mais il n'y étudiait pas. Il n'était pas certain de se sentir à sa place dans ce genre de manifestation.

Remarquant son hésitation, Martin ajouta :

« T'en fais pas, ça n'a rien d'une obligation. Et puis tu sais tu as encore toute la nuit pour te décider. »

La soirée continua, avec la ferveur des discussions nocturnes autour desquelles il semblait permis de réinventer le monde.

Alberta, assise à côté d'Apollodore apportait une note de légèreté avec son rire si communicatif. Le garçon lui avait beaucoup parlé et il avait adoré la découvrir. C'était vrai qu'en arrivant, il avait pu avoir certains aprioris, parce qu'il avait toujours en bouche le goût amère de la soirée de la veille où toute l'attention d'Icare avait été sapé par l'arrivée dans ce bar des deux filles. Il ne savait même pas pourquoi il n'arrivait à se défaire de ce sentiment, alors même que c'était Icare qui lui avait couru après pour aller prendre un café. Mais au final il aimait la compagnie sincère qu'Alberta lui offrait. D'ailleurs, il se retrouvait en elle. Venue en France pour ses études, elle non plus ne se sentait pas toujours la bienvenue dans ce pays, pourtant Apollodore lui, y était né. Ça faisait du bien de parler avec quelqu'un qui comprenait cette sensation toute particulière de rejet dissimulé partout dans la société.

La nuit était depuis longtemps tombée quand au bout du troisième bâillement, Amanda décréta qu'elle allait se coucher. Elle proposa à ceux qui le souhaitaient de passer la nuit là. Elle avait des douillettes qu'elle pouvait étendre au sol en guise de couchage d'appoint, mais Apollodore refusa. Il n'était pas si loin de sa propre chambre à l'académie. Quand il dit au revoir à tout le monde et se leva pour partir, il fut surprit de voir Icare en faire de même. Toute la soirée, il avait comme bu les paroles de Martin, mais cette fois il ne sembla pas ignorer la présence d'Apollodore puisqu'il le suivit à l'extérieur.

En sortant dehors, il en profita pour s'allumer une blonde tout en remettant son manteau sur ses épaules. Apollodore, pour sa part garda le sien sous son bras et glissa ses mains dans ses poches,

« Tu... tu rentres chez toi ? » Interrogea Icare.

Pour une fois, le blondinet avait l'air gêné.

« Pas toi ? »

« Pas envie. »

Apollodore réfléchit. C'était vrai que lui aussi avait l'envie de prolonger cette soirée maintenant qu'il avait l'attention d'Icare seulement pour lui.

« J'ai peut-être un petit quelque chose à te proposer. »

Le regard d'Icare s'illumina. C'était tout ce qu'il attendait. Et d'ailleurs, c'était tellement évident qu'Apollodore n'attendit pas de réponse pour ajouter :

« Je connais un endroit une rue plus bas. C'est peut-être encore ouvert. »

« Je te suis. Fait-moi découvrir un nouveau monde. »

Icare glissa sa main dans celle d'Apollodore, et c'était marrant comme en si peu de temps -d'eux jours à peine- c'était presque devenu une habitude, sans que ni l'un ni l'autre n'y ait fait attention.

Apollodore les guida dans la ruelle du chat-qui-pêche, célèbre venelle de Paris, connue pour être l'une des plus étroite. Titre qu'elle se disputait avec le sentier des merisiers dans le douzième arrondissement. Nommée ainsi dès le Moyen-Âge, en l'honneur du chat noir d'un alchimiste connu pour attraper les poissons de la Seine d'un simple coup de patte. Un chat qui aurait été soupçonné d'être l'incarnation du diable. Des habitants du quartier auraient tenté de le noyer, avant qu'il ne réapparaisse quelques jours plus tard.

Et c'était aussi de cette légende que l'enseigne de l'endroit où ils se rendaient était tirée. Il s'agissait d'un club de Jazz. Au chat-qui-pêche, dans une cave, 4 rue Huchette. Apollodore poussa la porte de la petite boutique et immédiatement la musique leur parvint. Icare était bien loin de son élément. A peine trois pas faits à l'intérieur, un grand homme, sûrement plus d'un mètre quatre-vingt les repèrera et vint taper sur l'épaule d'Apollodore avec une rudesse seulement contrasté par son grand sourire.

« Alors comme ça le petit prodige vient nous rendre visite ? Je croyais que tu faisais des études, mais te voilà à sillonner les clubs comme ton vieux père. D'ailleurs comment va-t-il ? »

« Al ! Mon père va bien. Il travaille beaucoup depuis chez lui en ce moment. Mais il ne louperait pas vos sessions du dimanche, tu le verras bientôt. Et pour les études, la fac ce n'est que la journée. J'ai mes soirées libres. »

« Ha jeunes et libres. Qu'est-ce que je donnerais pour retourner à cette époque là de ma vie. Maintenant que je suis vieux, je n'ai plus l'énergie nécessaire à la liberté. »

« Tu n'es pas si vieux. Et la liberté n'a rien à voir avec l'âge. La liberté, c'est quelque chose qu'on décide de prendre, on ne la demande pas, on ne l'attends pas. On la prends, c'est tout. Et cela a n'importe quel âge. »

Il ne fallut que ces quelques mots à Icare pour le trouver encore plus magnifique et tomber amoureux. Là, dans la lumière rougeoyante et tamisée, embrumée des fumées de cigares. Aussi sûrement que quelques temps plus tôt, dans la bibliothèque de l'école, il s'était fixé sur Apollodore, sans autre raison apparente que l'envie de découvrir le mystère qu'il renfermerait, son obsession se transforma en amour. Il n'y avait pas de logique à chercher à cela, ce n'était pas quelque chose qui suivait un schéma identique à toutes les autres histoires, pas un sentiment qui s'expliquait avec un théorème. C'était juste l'amour qui frappait comme les flèches de cupidon transperçaient les cœurs.

« Tu comprendras plus tard avec les responsabilités. La liberté demande de l'énergie. » Réfuta Al dans un rire tonitruant.

Il ne se moquait pas, il trouvait juste attendrissant de voir la jeunesse encore baignée de tous ses espoirs, se croyant détentrice de tous les secrets, comme si ces secrets les adultes ne les avaient pas percés avant eux pour ne se rendre compte qu'ils n'étaient qu'illusion.

« Peut-être bien. »

« Alors, tu me présentes ton ami ? Ne sois pas timide, viens plus près que je te vois bien. »

Icare s'approcha, quelque peu impressionné. L'homme, moustachu, était bien plus grand que lui et quand il fut plus près, Icare se rendit compte de la réelle différence de taille. Il était imposant, mais son regard était doux et bienveillant. Ses cheveux grisonnants contrastaient avec sa peau foncée. Il posa un doigt sous le menton d'Icare afin de lui relever le visage. Comme cela, le blond avait l'impression de passer une évaluation. Et il n'avait jamais été si stressé, pour aucune d'entre elles au paravant. Mais là il ne savait guère pourquoi mais c'était différent.

« Je te présente Icare. On est dans le même cours de peinture. »

« Alors comme ça, toi aussi tu peins, Icare ? »

« Ça m'arrive. »

Al lâcha un rire bruyant.

« Voyez-vous ça. Étudiant à la prestigieuse académie des beaux-arts et ''ça lui arrive'' de peindre. »

« Je suis pas très... comment pourais-je exprimer cela... discipliné. Au grand damne de mes professeurs. »

« M'enfin la discipline ? C'est aux antipodes de ce qu'est l'art. Le vrai. »

« Vous devriez parler avec plus de professeurs des beaux-arts. Ils sont loin de partager votre point de vue. »

« Oh tu sais, moi je me tiens éloigné à tout prix de ces gens-là. Je n'ai pas besoin de leur aval pour savoir que je suis artiste. Je n'ai besoin de du bonheur de créer et de l'assentiment de mes pairs. Mais toi, qu'est-ce que tu en penses vraiment. »

« Je crois que dans toute création il y a une part non négligeable de chaos. Qu'importe ce qu'essaye faire croire l'artiste. Une toile a beau être la plus codifiée possible, avec une construction millimétrée, au final, ce sera toujours un peu de hasard qui en fera une œuvre majeure. Un chat rajouté dans un coin, une mèche de crinière rebelle sur un cheval, une étoffe au drapé imprévu. Et l'académie des beaux-arts fait tout pour brouiller les pistes pour ne pas que ce chaos prenne l'ascendant sur toutes leurs belles théories. Ils répriment l'art dans l'art. »

Al se tourna vers Apollodore, avec un petit quelque chose de fierté dans le regard.

« Lui, j'l'aime bien. »

Icare avait l'impression d'avoir passé l'épreuve haut la main, et ça lui fit plaisir.

« Ce que tu dis sur le chaos est tout à fait pertinent. Prends l'exemple de la musique de Jazz. C'est principalement de l'improvisation. Quoi de plus chaotique que plusieurs musiciens qui jouent non pas à l'unisson, mais en plus de cela chacun sur un rythme et une idée qui leur est propre. Comme s'ils suivaient la mélodie de leur cœur, insufflée en eux par dieu lui-même et retranscrite jusqu'aux oreille du public ? Et pourtant de cela naissent les accords parfaits. Des symbioses inexplicables entre des musiciens qui parfois ne se connaissaient même pas mais qui après cela ne pourront jamais plus jouer l'un sans l'autre, en une harmonie inextricable. C'est cela le jazz. On dit que l'œil averti voit le seigneur en chaque chose, mais c'est bel et bien dans l'art, au travers de la main de l'artiste, dans la musique qu'il s'entend le plus. »

« Tu devrais lui montrer. » Sourit Apollodore, parce qu'il avait plus que tout envie de faire découvrir un petit peu de son univers à son camarade. Il voulait voir l'admiration dans ses yeux et être la source, même indirectement, de cela.

« Je crois que tu as raison. » Concéda Al.

Il se leva et prit place sur la petite scène au devant de la pièce, au coin d'un trio d'autres musiciens. Il s'installa derrière une immense contrebasse, et d'un silencieux accord, ils se mirent à jouer. Dans les premières mesures, il est vrai que tout cela aurait pu paraître légèrement brouillon, mais au plus le temps passait, au plus les notes devenaient précises, s'accordant à merveille les unes aux autres. En un mot, c'était magistral. Merveilleux. Fantastique.

Ce qui se dégageait de cette musique, c'était la vie elle-même. Elle était à la fois douce et entraînante, enivrante presque. Parfois violente, parfois plus calme. La vie. L'art.

« Je t'offre un verre ? » Demanda au bout d'un instant Apollodore, longtemps perdu dans la contemplation du blond et de ses yeux qui semblaient ouvrir une porte sur le ciel, immense et sans frontières.

« Bien volontiers. »

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Pour ceux qui ne me suivent pas sur Insta, je fais le petit update ici aussi : comme vous avez pu le constater, j'ai pas trop tenu mes délais de publication, parce que je suis un peu exténuée par le taff en ce moment. Mon horizon devrait ce dégrader d'ici janvier, et je vous ferais un update sur mon planning à ce moment-là. Pour le moment, on va essayer de publier au mieux une fois par semaine, et au pire une fois toutes les deux semaines. En attendant je vous remercie encore de me suivre et de me lire, it mean the world to me :)

❣️

Avec amour et dévotion,

ParadoxalementParadoxale.

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