NOUVELLE VOLIÈRE • PT. II

A peine assis, à l'ombre d'un arbre, la silhouette d'un garçon au loin l'interpella. Debout, bras écartés, sur la margelle du bassin octogonal, comme défiant la statue d'Hannibal Barca en face de lui, le mettant au défi de revendiquer son ascendance sur le lui. Comme poussé par une force invisible, créatrice ; l'Inspiration, Apollodore sortit un carnet de croquis et se mit à le dessiner, sans le reconnaître, rapidement, à grands traits flous, comme s'il avait peu que cette vision fugace ne puisse disparaître avant qu'il n'ait su la figer ailleurs que dans son œil. Il le quitta des yeux un seul instant, et comme un mirage, il se volatilisa. Il ne se rematérialisa que quelques pas derrière lui, penché sur son épaule, à observer ce qui était son portrait. C'était Icare. Évidement que c'était Icare. Qui d'autre pour  braver l'honneur d'un des plus grands tacticiens militaires de l'histoire avec pour seule arme que sa jeunesse impérieuse et optimiste ?

« Tu me dessines en secret maintenant ? Et moi qui croyais être celui qui avait une obsession. »
Apollodore ne répondit pas. La vérité, c'est qu'il était surpris de se retrouver face à lui, et qu'il était toujours un peu vexé pour la veille.

« Enfin bon. Ça tombe bien que tu sois là. Tu as dû sentir que j'allais venir te voir. Ce soir, tu vas venir avec moi. Je vais nous faire rentrer dans l'une des meilleures soirées de la capitale. C'est encore un secret, mais c'est une soirée qui va changer le monde. Et c'est hors de question que je sois seul là-bas. »

Et la magie opéra. En quelques mots seulement, Apollodore oublia tout des fâcheux événements de la veille. Comme cela, en un instant, toute son attention se focalisa sur Icare, et il mit de côté le sentiment d'exclusion qu'il avait ressenti quand le blond s'était prit d'intérêt pour ces deux filles, au point de le délaisser totalement. Dans le fond, ça devait être un peu stupide. Sa jalousie et sa colère étaient totalement malvenues et il était inutile de les cultiver plus longtemps. Surtout quand le blond se retrouvait devant lui, avec son visage angélique et ses invitations qui étaient en fait des obligations. Il ne proposait pas à Apollodore de venir avec lui, il lui imposait de le suivre. Mais contre toute attente, le brun ne s'en offusqua pas. Il aimait cette impression d'importance que ça lui donnait.

Voyant le sac en papier à côté de lui, Icare s'en saisit. Il avait beau venir de l'aristocratie, il agissait en permanence comme s'il n'avait aucune manière, totalement effronté, dans ce qu'il y avait de plus beau. Libre.

« Merveilleux. Je mourrais de faim. »

Il n'ajouta rien de plus avant de mordre dans la part de tarte aux pommes. Et Apollodore n'y trouva rien à redire.

« Donne voir ? »

Icare prit le carnet de croquis d'Apollodore, le rouvrit, tourna quelques pages pour retrouver celle sur laquelle il venait d'être dessiné.

« J'ai vraiment la classe ! »

Sur cela, Apollodore n'aurait pas pu le contredire. Sur ce croquis, Icare paraissait libre comme un oiseau et fort comme un lion. Mais ce n'était qu'en représentation de pâle figure face à la force du modèle original, Apollodore en avait bien conscience.

« On y va ? » Demanda Icare, pressé.

« J'ai toujours pas dit oui. »

« Tu as besoin de le faire ? » S'étonna le blond, comme si le fait pour lui d'être suivit par ses pairs coulait de source.

« Hé bien oui. Oui je suppose. »

« Voilà chose faite, tu as donné ton aval. »

Apollodore leva les yeux au ciel mais accepta tout de même. De toute façon ç'aurait été stupide de refuser sur simple pression d'une fierté mal placée alors qu'il avait tant envie de se repaitre de la présence d'Icare, de cette sensation de brise fraîche et portant les embruns de la liberté, saveur d'épices et de cannelle, qu'il n'avait jamais su ressentir ailleurs qu'à ses côtés, hier et aujourd'hui à nouveau.

« Très bien. Je t'accompagne. Mais avant, il faut que je dépose un travail à l'école. Une dissertation que je viens de finir. »

« C'est parti alors. Qu'est-ce qu'on attends ? »

Le trajet jusqu'à l'académie se passa en un éclair, sous les babillages d'Icare. C'était un garçon plein de vie, à la personnalité fantasque. Quand il déambulait dans les rues, celles-ci semblaient lui appartenir. Quand d'un saut il montait sur le parapet au bord de la Seine, quand il tournait autour d'un arbre, bras tendu vers le ciel, il semblait gonflé par un souffle de liberté. Le genre de souffle caractérisé par un vent doux et parfumé qui ébouriffait gentiment les plumes des oiseaux. Soulevant leur duvet de velours.

Arrivés devant la cour Bonaparte, ils passèrent tous deux le grand portail. Apollodore accéléra le pas, de peur que le professeur a qui il devait rendre son travail ne soit déjà reparti. Heureusement pour lui, ce n'était pas le cas et il pu remettre sa dissertation sans encombre. En sortant de la salle de classe, Apollodore ne fit pas attention à ce qui se passait dans le couloir, et il butta sur Alain C. Laurent. Ce dernier se fendit d'un sourire.

« Décidément, Apollodore, je te vois partout aujourd'hui. D'ailleurs as-tu eut le temps de réfléchir un peu plus à ma proposition pour le concours ? »

Apollodore rit un peu nerveusement, il savait que les délais étaient courts, cependant l'insistance de son professeur ne faisait que renforcer son indécision et ses peurs.

« Je... Je n'ai pas encore pris ma décision. »

« Un concours ? Quel concours ? » S'immisça Icare, curieux.

« Le concours officiel des beaux-arts. » Explicita Alain.

« Oh, ce vieux truc. » Ricana le blond, sans accorder un regard au professeur trop occupé à détailler une tache sur le mur. Il fit un pas, et posa son doigt sur celle-ci, pour en dessiner le pourtour, ignorant totalement le reste du monde.

Personne ne fit état de sa remarque et Alain s'adressa au noiraud :

« Quoi qu'il en soit, fais-moi part de ta réponse au plus vite. Je te l'ai déjà dit, mais les dates d'inscription sont assez courtes, je ne veux pas avoir l'air d'insister, mais il serait dommage que tu te décide trop tard. Oh et au fait, j'espère que la tarte était bonne. »

À ces derniers mots, Icare releva la tête comme s'ils l'avaient brûlé. Les yeux plissés, il se mit à détailler avec attention Apollodore et Alain. La façon dont son professeur avait le buste incliné vers lui, indiquant une certaine proximité, son bras posé sur le poignet d'Apollodore, en un effleurement fugace mais bel et bien présent, son regard insistant, et les très légères rougeurs sur les joues d'Apollodore. Cette vision ne lui plu pas le moins du monde, sauf peut-être les joues rouges d'Apollodore, mais encore aurait-il fallut que ce soit dans un autre contexte. Au moins, Icare avait la satisfaction d'avoir empêché Apollodore de manger cette tarte si elle lui avait bel et bien été donnée par son professeur. Sachant cela, il se félicita d'autant plus de l'avoir mangée.

« Bon je crois qu'on a fait le tour de la question. On est attendus quelque part alors on doit y aller. »

Icare saisit la main d'Apollodore et l'entraîna à sa suite, sans laisser à M. Laurent le loisir de répliquer.

***

Le soir venu, Icare n'avait toujours pas abandonné son idée de traîner Apollodore avec lui à la soirée où il avait été invité la veille par Alberta et son amie Amanda. Il s'était bien gardé de lui dire que c'était les deux jeunes filles qui lui avaient donné l'adresse, non pas qu'il ait réellement comprit le malaise qu'Apollodore avait ressenti la veille, mais simplement parce qu'il n'avait pas envie de parler d'elles. Il n'en voyait même pas l'intérêt pour tout dire. Là, à ce moment précis, tout ce qui lui importait, c'était de dévorer Apollodore du regard. La nuit venait de tomber, et à la lueur des réverbères, il trouvait la teinte de sa peau, son sourire, son regard, encore plus éclatants. Peut-être parce que c'était la nuit et que c'était seulement pendant celle-ci que les étoiles pouvaient briller. Quoique... Apollodore était le soleil. Apollodore est la seule étoile qui n'attendait pas la nuit pour briller.

Icare détourna le regard, il ne voulait pas avoir l'air trop évident quand il le dévorait des yeux. À la place, il sortit de la poche de son pardessus une petite note. Sur cette dernière était inscrite, dans une écriture un peu brouillonne, en pattes de mouches, une adresse. 9, Quai saint Michel. Il s'agissait d'un petit immeuble du quartier latin en briques rouges avec deux balcons en fer forgé et des encadrement de fenêtres et chaînages d'angle de pierres de taille. Au troisième étage, les fenêtres possédaient des frontons surbaissés, et tout en haut, une coursive équipée du même garde-corps en fer forgé que les balcons, puis les combles sous la toiture mansardée. C'était l'immeuble qui faisait l'angle, créant un petit recoin, juste avant la ruelle adjacente. La rue du chat qui pêche. Juste en face, l'île de la cité, avec une vue imprenable sur Notre-Dame de Paris.

Ils n'étaient qu'à quelques minutes à pied. Quand elle lui avait donné l'adresse, Amanda lui avait bien précisé de passer sur le côté droit du bâtiment et de crier son nom depuis la rue.

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Je suis un peu triste de pas tellement avoir de retours sur cette histoire, parce que j'avais super hâte de la partager avec vous. Bon après je sais que c'est un peu de ma faute, j'ai trop laissé mon compte en stand-by, mais je pensais pas que ce serait si compliqué de me reconstruire un lectorat :/
BREF, merci au 5 personnes qui me suivent encore, j'espère au moins que cette histoire vous plaît 🙃

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