AVEUX AU SOLEIL • PT. III

Apollodore ignorait quand la discussion avait commencé à déraper, mais une chose était certaine, il aurait voulu pouvoir enregistrer les mots d'Icare dans son cœur pour pouvoir les réécouter en boucle quand il le souhaitait. Ça n'aurait pas dû, mais son organe palpitant battit plus vite, comme si les mots d'Icare n'avaient été qu'une douce mélodie prédestinée à le charmer pas une litanie funèbre qui appellation à le séquestrer.

Comme s'il n'avait pas déjà été assez clair et que maintenant qu'il avait ouvert les vannes, son cœur ressentait ce besoin de s'épancher jusqu'à la vidange, Icare ajouta :

« J'crois que t'imagines pas à quel point tu me rends malade et à quel point je lutte pour pas te serrer trop fort et te détruire, t'étouffer. À un point que que si je le pouvais je me baignerais dans ton sang, pour m'imprégner de toi tout entier, de ton essence. J'voudrais pouvoir t'absorber pour que jamais tu ne me quittes. Et après je me rappelle de ton talent, de ton art. Et alors rien n'importe plus que ça. Et je sais que si jamais je t'attache à moi, que je te prive de ta liberté, alors je te prives aussi de ton art. Parce que l'art ne s'exprime qu'en étant libre. Alors ne pense jamais que ton art est médiocre ou que tu ne mérites pas ta place. Tu es le plus grand artiste dont j'ai jamais admiré les œuvres. »

C'était la chose la plus emprunte de romantisme qu'on lui ait jamais dite. Pas le romantisme commercial, ce sentiment au rabais mis en avant un peu partout comme un produit de consommation. Non, le vrai romantisme, celui qui fait mal, qui laisse à exprimer des sentiments bien trop fort, dévastateurs pour un seul homme. Voilà pourquoi c'était un sentiment qui se devait d'être partagé, car c'était quelque chose qui vous détruisait. Même partagé, le risque subsistait. Car plutôt que voir la puissance des sentiments divisée, elle pouvait tout aussi bien s'en montrer décuplée et plus terrible encore. Pour autant, c'était somme cela qu'étaient nées les plus belles tragédie. Et si Icare devait vouer sa vie entière à l'Art, il ne voulait pas que ce soit entre les mêmes quatre murs d'un atelier, il voulait que ça se fasse sur les toits du monde en une histoire si tragique qu'on la raconterait encore des siècles et des siècles après. Un peu comme l'histoire du savant Dédale et de son fils, piégés dans le labyrinthe que le premier avait lui-même construit et dont la seule échappatoire était le ciel, ciel sur lequel régnait Apollon le dieu soleil. Une histoire millénaire qu'on raconte encore et encore, de génération en génération, qui a été l'inspiration d'innombrables artistes. C'était à cela qu'Icare aspirait. Devenir une inspiration. Donner sa vie entière à l'art et que celui-ci, au travers de légendes, de peintures et d'histoires le rendre éternel. Parce que c'était la seule éternité qui soit, celle de l'histoire sans fin, qui n'en finit pas de recommencer, en d'autres lieux, en d'autre termes, parfois travestie mais pourtant dans le fond toujours belle et bien identique, à la Roméo et Juliette. Icare voulait être son propre Shakespeare, et faire d'Apollodore son premier rôle, au même titre que lui-même était le protagoniste principal de sa propre vie. Voilà ce qu'était le vrai romantisme, des sentiments puissants et séculaires, piégés entre les pages d'un livre, d'une histoire trop racontée mais qui n'en perdra jamais sa flamme, parce que cette dernière brûle aussi vivement qu'un brasier, à en faire mal et sans s'en cacher, elle continent si bien la douceur des instants partagés, que la fougue des corps qui se découvrent, mais surtout, l'horreur, l'effroi de s'offrir à quelqu'un, de lui appartenir et de se dévoiler à cette personne sans artifices pour lisser tous les défauts, les aspérités de nos âmes, même les plus sordides. Et la magie du romantisme, c'est peut-être que ce soit ces détails les plus infâmes, ceux que l'on se garde partager avec le reste du monde qui renforcent l'amour que notre partenaire peut ressentir. De fait, le romantisme c'est embrasser la part la plus sombre, poisseuse, vilaine de l'être de la personne que l'on a choisi et lui exposer la nôtre, afin que les deux s'entremêlent, pour le pire comme le meilleur. Et si Icare connaissait son âme, il savait que ce serait sûrement le pire qui serait à venir, mais comme se complaisaient à penser les romantiques du dix-septième siècle, le pire en matière de sentiments était sûrement ce qui se faisait de mieux.

Juste à côté de lui, Apollodore était comme un fruit mûr qu'il aurait voulu goûter. Un fruit défendu, interdit, mais si tentateur. De ses cuisses glabres à l'échancrure de sa nuque, tout chez lui appelait à commettre le péché. Il aurait pu vouloir le dessiner, mais pour cela, il aurait fallu le lâcher des yeux. Et Icare ne pouvait détourner le regard de son délicieux profil. Leurs mains étaient toujours étroitement liées, elles l'étaient restées tout ce temps se rendit compte Icare au moment où Apollodore le lâcha. La porte de l'atelier s'ouvrit en un grincement désagréable. Comme dans un réflexe étrange et tout à fait vexant, Apollodore remit une certaine distance entre lui et Icare. Le blond ne comprit pourquoi que quand il se tourna vers l'importun qui osait les déranger. Son regard croisa celui d'Alain C. Laurent, le professeur de sculpture d'Apollodore. Instinctivement, sa mâchoire se serra et ses sourcils se froncèrent. Et sans un mot de plus, il quitta la pièce, prenant bien soin de bousculer de l'épaule l'homme qu'il considérait, injustement peut-être, comme son rival. Alain accusa le coup sans riposter. Il avait finit par comprendre que la meilleure réponse à ce genre d'attaques de la part d'Icare était l'ignorance. Le blond n'était qu'un enfant gâté qui s'était persuadé qu'Apollodore était son jouet et qui ne souffrait pas de le voir poursuivre talentueusement sa voie. Son problème, Alain en était persuadé, était qu'à toujours tout avoir eut tout cuit dans la bouche, Icare ne connaissait pas la valeur du travail et dès qu'il fallait fournir le moindre effort, il se désintéressait aussitôt de sa tâche. Il n'avait qu'à voir ce que ses professeurs disaient de ses travaux ou de son assiduité aux cours. La seule chose qui lui permettait de ne pas s'être renvoyé était l'influence et l'argent de son père, certainement pas son talent ou ses efforts. Et un élève intéressé, doué et travailleur comme Apollodore ne gagnerait jamais rien à côtoyer ce genre d'individu. Quoi qu'Icare ait pu lui faire croire. Alain était persuadé qu'il avait promit à Apollodore l'accès à des cercles de la haute société qui lui seraient fermés autrement, mais ce n'était qu'un leurre. Une fois qu'il se serait amusé avec lui, Icare trouverait une autre occupation qu'Apollodore et il l'abandonnerait sans un égard pour ce qu'il a sacrifié en étant avec lui plutôt qu'en se concentrant sur son travail. Alain était bien placé pour en connaître quelque chose, il s'était lui aussi, dans sa jeunesse laissé aveugler par des promesses de paillettes et il y avait laissé des plumes. Il aurait pu être grand artiste et pas simple professeur, bien qu'il adore enseigner, mais il n'avait pas misé sur les bonnes personnes et avait laissé filer sa chance pour des petits bourgeois prétentieux qu'il croyait être ses amis. Les gens de cette caste sociale étaient tous les mêmes, ils ne valuaient rien d'autre que leur propre réussite, s'amusaient avec les autres sans se préoccuper des conséquences que leurs actes pourraient avoir sur ceux qui ne venaient pas du même monde et ne bénéficiaient pas de la protection de papa. Icare ne faisait pas exception à la règle.

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J'espère que jusque là cette histoire vous plaît, je n'ai pas tellement de retours pour le moment, mais j'ose croire qu'elle saura attirer sa communauté comme l'a fait CUPDUB

(Petit rappel que les chapitres sont disponibles avec un mois d'avance sur Neovel pour ceux qui voudraient lire plus loin haha)

Avec amour et dévotion,

Paradoxalementparadoxale.

Kisu ❣️

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