Chapitre 5 Le cœur du Sanctuaire


Ys fit un signe de tête en guise d'assentiment à sa collègue, se tourna vers nous et nous indiqua de prendre la porte. Nous étions tous des plus dubitatifs. Je ne comprenais pas pourquoi avoir tiré Maïdim du lit pour questionner le code sur nos obligations envers le Sanctuaire. Je ne voyais pas non plus, en quoi l'identité de mes premiers parents devait m'être cachée pour ne pas modifier le futur. Il semblait évident que si nous voulions démêler quoi que ce soit à tout cet imbroglio, nous allions bien devoir suivre ma sœur.

— Ys, enfin que passe-t-il ici ? Je n'ai pratiquement rien compris, bougonnai-je.

— La grande prêtresse a commencé à ressentir les prémisses de l'accouchement avant le départ du premier vaisseau. Comme des prêtresses devaient conduire cette installation, nous avons d'abord différé la date, puis suspendu par la suite. Nous en avons averti le Haut roi sans l'intermédiaire du Conseiller suprême, ce qui l'a pas mal agacé, s'amusa-t-elle. Ensuite, une nouvelle grande prêtresse a été choisie selon le vœu de Deinillana.

— Elle parle semble-t-il beaucoup pour une morte, fit remarquer Styx qui avait gentiment gardé le silence jusqu'à présent.

C'était à mon sens irrespectueux, et à la vue de la mine horrifiée de Drake, ça l'était encore plus que ce que je pensais.

— Vous pourrez constater ce fait par vous-même, nous dit Ys. À présent suivez-moi.

— Peut-on savoir qui est la nouvelle grande prêtresse ? demanda Éloa curieuse.

— He bien, Deinillana a souhaité que je prenne sa suite et le Cercle l'a appuyée, je n'ai pas pu refuser, débita rapidement Ys.

Je m'arrêtai sous le coup de l'étonnement, avant de rire nerveusement.

— Ça y est, on l'a perdue, dit Drake faussement désolé.

— Non, non, c'est juste que... Enfin je ne m'y attendais pas, c'est rare d'être investi à cet âge. Tu te sens suffisamment forte pour prendre les responsabilités de la grande prêtresse à dix-sept ans.

— Dit ma petite sœur de quatorze ans, qui a repris les siennes en tant que chef de Confrérie seulement à treize, car le Conseiller suprême n'a pas voulu qu'elle le fasse avant.

— Celle-là tu l'as cherchée, ricana Drake.

Il fit sourire Ys mais devant mon regard réprobateur il ajouta aussitôt.

— Je suis désolé princesse, mais elle n'a pas vraiment tort, tu dois bien l'admettre.

— Techniquement, je suis quand même plus vieille que ça, argumentai-je.

— Je ne suis pas sure qu'il faille s'en vanter. Et puis, as-tu quoi que ce soit t'indiquant que mon âme est plus jeune que la tienne ? demanda-t-elle, toujours avec son grand sourire et des yeux pétillants du plaisir de me taquiner ainsi.

Mes compagnons aussi appréciaient la situation, tous étaient passablement hilares.

— Bon, revenons-en à tes explications avant que je ne perde encore plus de crédibilité et les capacités de les tenir un tant soit peu sous contrôle.

Elle éclata d'un rire franc et cristallin avant de reprendre sa marche dans les couloirs du Sanctuaire. Elle nous fit descendre un escalier, menant aux sous-sols. Ils abritaient archives, machinerie, quelques salles de travail et des remises où étaient entreposées fournitures et nourritures. Ys nous dirigeait vers un corridor que je n'avais jamais eu l'occasion de parcourir. Elle s'arrêta devant une paroi des plus ordinaires et manipula l'un des cristaux incrustés dedans et qui servaient d'éclairage. Au bout de quelques secondes, la paroi s'escamota pour laisser paraître une porte d'orichalque, Ys pianota sur la console et la porte s'ouvrit.

— Tu nous emmènes où là, exactement ? demanda Éloa visiblement pas très rassurée par le passage sombre qui se trouvait face à nous.

— Je vais vous montrer ce que le Sanctuaire est chargé de protéger depuis des millénaires. Suivez-moi sans crainte.

À peine eut-elle franchi le seuil qu'un éclairage s'activa. On se décida donc à la suivre. Une fois tous passés, la porte se referma toute seule derrière nous.

— Je n'ai jamais aimé ça, siffla Styx.

— De quoi tu parles ? questionna Auroria.

— De la porte qui s'est refermée, précisa Styx.

— Je suis d'accord avec Styx, on n'a jamais eu que des problèmes à chaque fois, constata Drake. Une entité meurtrière, un savant siphonné, il y a presque tout le temps une mauvaise surprise.

— Ce ne sera pas le cas cette fois, lui assura Ys avant de s'engager dans l'escalier dont les marches s'illuminaient à chaque pas.

— On ne va quand même pas avoir peur d'un escalier, leur assénai-je avant de suivre ma sœur.

— Je n'ai pas dit ça ! se vexa Drake.

Après plusieurs mètres de descente, nous débouchâmes sur un boyau terra formé. Nous le suivîmes sur près de cinquante mètres avant d'arriver devant une autre porte d'orichalque encadrée par deux sphinx ailés.

— Ne bougez pas pour l'instant, et inutile d'avoir peur, précisa Ys.

Les yeux des sphinx s'éclairèrent d'une lueur bleue, des rayons lumineux en sortirent et nous scannèrent avant de s'éteindre. La porte s'ouvrit en rentrant dans la roche. Pendant quelques instants, nous fûmes un peu aveuglé par une clarté azur nettement plus importante que la douce lumière du couloir. Un spectacle à couper le souffle s'offrit à nous.

Se cachait derrière ce battant une immense cavité circulaire qui s'élevait jusque au moins vingt mètres de haut. Un cristal d'un bleu opalescent en était le centre, d'une taille plus que remarquable, il atteignait la voute et semblait même la traverser en passant par un vide au sommet de celle-ci. Il devait bien faire dix ou douze mètres de circonférence et produisait la lumière qui nous avait éblouis. Tout autour, sculptés dans les parois, je constatais la présence d'innombrables bustes, presque tous féminins. Au niveau de leurs plexus solaires, un petit cristal incrusté irradiait d'une lumière blafarde et chaleureuse à la fois.

— Voici le cœur du Sanctuaire.

C'était vraiment grandiose, l'atmosphère était étrange. Nous étions seuls, pourtant j'avais la sensation d'être épiée par des dizaines, ou peut-être, une centaine de personnes. Mais en même temps, je me sentais apaisée, comme hors de tout danger. Je comprenais pourquoi elles appelaient cet endroit le cœur du Sanctuaire. Je me sentais envahie par d'étranges sentiments qui n'étaient pas tous à moi. J'entendis des voix murmurer de façon inaudible dans mon esprit, à moins que ça ne soit qu'une conséquence de l'atmosphère.

— On est où là ? demanda Alia subjuguée.

— Nous sommes sous la pyramide du Grand Conseil.

— Comment ? s'étonna Mnémésyne.

— Vous n'avez pas pu rater le cylindre bleu qui traverse le Conseil. Il protège ce cristal.

— Tu veux dire que ce n'est pas qu'une grosse lampe décorative, et encombrante disposée ça et là dans la pyramide, commenta Styx.

— Non, ce cylindre est parfaitement vertical, les téléporteurs dans le Conseil donnent l'illusion qu'il n'est pas continu, ce qui est un peu fait exprès, mais je vous l'assure, bien que sa taille se réduise considérablement au sommet, il est d'un seul bloc.

— C'est donc ce cristal qui protège l'île via la salle de contrôle, située aux dessus des appartements du Conseiller suprême, souffla Éloa.

— Il fait bien plus que générer un bouclier d'énergie pour protéger la cité en cas d'attaque. Il permet de gérer les courants telluriques et d'influer sur le climat général de l'île. C'est pour cette raison que l'on subit beaucoup moins les effets de la modification du courant marin nous réchauffant et qui ne cesse de faiblir. Ce cristal est aussi un super ordinateur et une source d'énergie.

— Pourquoi est-ce que ce sont les prêtresses qui en ont la charge ? demanda Auroria.

— Parce qu'il peut servir d'arme tout autant que de bouclier, une arme extrêmement puissante et dévastatrice. Voilà pourquoi seules les prêtresses en connaissent tous les secrets.

— Bien et qu'en est-il de tous les autres, les petits que l'on voit dans les statues ? demanda Mnémésyne.

— Chacun contient l'âme d'une prêtresse ou d'un individu important pour notre peuple.

— Quoi ! Tous ces cristaux contiennent des âmes emprisonnées, s'offusqua Mnémésyne plus habituée à les libérer qu'à les enfermer.

— Pas emprisonnées, toutes ces personnes ont fait le choix, une fois le moment de leur mort physique venu de rester parmi nous de façon à pouvoir nous aider par leur savoir ou leur sagesse.

— Ça veut dire qu'ils peuvent nous parler ? déduisit Angal.

— Absolument. De même, nous alimentons tous le grand cristal par nos différents souvenirs ou faits importants pour notre peuple de façon à ce qu'il les conserve pour le futur. Mais dans ces petits cristaux, il n'y a qu'un seul individu pareil à ce qu'il était de son vivant, capable de penser, ressentir et évoluer.

Tout cela était proprement impressionnant et il était difficile pour moi d'ouvrir la bouche ou même de détacher mon regard du cristal. Je ne savais pas si c'était la lumière qui s'en dégageait ou bien l'impression que des fumées diaphanes dansaient en un rythme hypnotique en son sein.

— En d'autres termes, cette pierre est une mémoire vivante de notre civilisation, continua Ys, sur un ton véritablement empreint de fierté.

Je m'étais approchée suffisamment pour n'être plus qu'à quelques centimètres du socle immense sur lequel le cristal reposait, à moins qu'il ne soit enchâssé dedans. Je commençais tout doucement à enregistrer et comprendre les explications d'Ys. Si ce prisme était une mémoire vivante et que c'était bien les prêtresses qui avaient fait garder le secret sur mes parents lors de ma première vie, il contenait peut-être les réponses à leur sujet. Il me suffisait de m'approcher encore un peu. Il était possible que juste en le touchant, je puisse y accéder, possible que je revois des images comme le jour de l'intronisation. Je devais juste encore m'approcher, tendre mon bras, j'y étais presque.

— N'y touche pas ! cria soudain Ys en saisissant mon poignet, me faisant sursauter. Je t'assure, tu n'aimerais pas la sensation.

— Pourquoi ? Je veux simplement savoir, protestai-je.

— Si tu entres en contact avec lui de cette manière sans y être autorisée et préparée, ça te tuera, m'avertit-elle.

— D'accord, si tu le dis, lui répondis-je frustrée et déçue de ne pouvoir apprendre ce que je voulais. Je décidais donc de participer à la conversation pour l'oublier un peu. Je suppose que Deinillana se trouve ici, dans un de ces cristaux.

— Non, elle est avec sa fille. Elle souhaitait attendre votre arrivée auprès d'elle.

— Donc tu nous as amené ici pour...

— Pour mieux illustrer mon propos, si je vous l'avais expliqué ailleurs qu'ici tu m'aurais tanné pour le voir toi-même, me reprocha-t-elle.

— C'est fort probable, admis-je en tournant mon regard vers le cristal avec envie. Tu me connais plutôt bien.

— Ravie de voir que tu peux l'admettre. Si vous n'avez pas de questions, nous allons remonter jusqu'à la chambre de Deinillana.

Nous nous retournâmes tous vers Auroria particulièrement silencieuse, vu les circonstances.

— Eh bien quoi ?

— Tu n'as pas de questions ? s'étonna Drake.

— Non...

— Tu n'as vraiment aucune question ? insista Styx.

— Eh bien... si vous insistez. Comment est-ce qu'ils font pour communiquer avec nous depuis l'intérieur de ce cristal ?

Je ne pus m'empêcher de rire, avec tous les efforts du monde, Auroria était incapable de résister au fait de pouvoir apprendre quelque chose, toutefois il arrivait souvent que nous nous posions tous la même question.

— Tout dépend s'ils sont en sommeil ou non. On peut placer le cristal dans un adaptateur relié à un ordinateur qui servira d'interface pour communiquer, mais complètement éveillés et plein d'énergie, ils peuvent projeter leur image telle qu'ils s'en souviennent ou telle qu'ils la souhaitent. Ils peuvent nous parler comme au travers d'un projecteur holographique.

— C'est le cas pour la grande prêtresse, supposa Alia. Euh... la grande prêtresse...

— Est-ce que même morte on reste une grande prêtresse ? s'inquiéta Éloa.

— J'avoue que je ne me suis jamais posée la question. Pouvons-nous remonter à présent ? questionna Ys.

— Oui, on te suit. Je t'en prie Ys, ouvre la voie.


Profitez de ce chapitre tant que wattpad autorise les chapitres en privé demain il disparaîtra

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