Chapitre 4 Le Cercle


La veilleuse du Sanctuaire vint nous voir, prit acte de nos identités et de notre demande de nous entretenir avec le Cercle des prêtresses, puis elle repartit à l'intérieur, nous laissant sur le seuil. Nous savions que ça pouvait prendre plusieurs minutes avant d'être autorisé à entrer. Nous patientâmes donc bien volontiers en silence, admirant les colonnes de marbre, le fronton sculpté ou l'armure d'écailles des guerrières. Au bout d'un moment, ce ne fut pas la veilleuse qui reparut devant nous, mais Ys dans une robe de coton rouge écarlate. La couleur du deuil, ce qui répondait à la question du report du début de la migration.

— Suivez-moi s'il vous plaît.

— Ys que s'est-il passé pendant notre absence ?

— Sahiane, j'ai beaucoup de choses à dire. Mais, je ne sais pas trop par où commencer.

— Commence déjà par nous dire pour qui vous portez le deuil ?

Elle s'arrêta en plein élan au beau milieu du couloir, laissant retomber dans son dos ses beaux cheveux noirs. Elle braqua sur moi ses pupilles d'un violet profond qui exprimaient une note de chagrin derrière la bienveillance.

— Tu n'as jamais eu beaucoup de patience, petite sœur. Nous arrivons au Cercle, peux-tu attendre jusque-là ?

Je pouvais percevoir rien qu'au son de sa voix un léger sourire, ce n'étaient donc pas de véritables reproches. Mais elle avait bien raison et les rires étouffés de tous mes amis ne faisaient que le confirmer. Je dus donc me contenter de lui rendre un sourire pincé et de la suivre jusqu'à la salle où se réunissait le Cercle.

C'était une pièce circulaire avec des bancs en gradins, surmontée d'une coupole percée d'un oculus. L'atmosphère était solennelle et l'éclairage doux. Nous nous plaçâmes au centre sous les regards de l'ensemble des prêtresses du Cercle. Soit actuellement une vingtaine de femmes de tous âges. Le Cercle rassemblait les plus sages parmi toutes celles que comptait le Sanctuaire. Comme la sagesse n'a pas de nombre, il n'a pas d'effectif fixe car il serait injuste de priver des femmes d'en faire partie par manque de sièges, de même qu'il ne serait pas sage de remplir les places pour qu'elles ne soient pas vides. Ys referma la double porte derrière nous.

— Notre confrérie est là et au complet, annonça-t-elle.

— Merci Ys, reprend ta place parmi nous, lui répondit une des plus âgées de l'assemblée.

Passé les quelques secondes d'hésitation, je finis par lâcher un morne et timide « bonjour », avant de me décider à parler.

— Peut-on savoir laquelle d'entre vous nous a quitté ?

— Deinillana Ant Oceina, notre grande prêtresse.

— Mais quand ?

Cette nouvelle me retournait complètement.

— Si nous avions su que la grande prêtresse était en danger nous aurions forcé l'allure pour rentrer.

— Votre dévotion pour votre tâche a toujours été louable autant qu'admirable. Cependant vous n'auriez pu y changer grand-chose, poursuivit une autre d'un âge moyen.

— Peut-on avoir une explication ? réclama Angal.

— Bien entendu, vous êtes là pour ça, entre autres raisons.

— Jeunes gens, savez-vous ce que dit votre Code sur vos obligations vis-à-vis du Sanctuaire ? questionna la plus âgée.

La question me surprit, ce fut donc Auroria qui prit la parole.

— Pas vraiment. Nous n'avons presque jamais eu de demande du Sanctuaire, la question ne s'est jamais posée.

— Dans ce cas où se trouve le livre qui vous sert de code ?

— Sur Narim, entre les mains de Maïdim, la responsable de leur nouvelle Confrérie, l'informa Mnémésyne.

— Ys, pouvez-vous contacter le Sanctuaire de Narim, demandez-leur de faire appeler Maïdim qu'elle s'y rende avec le Code.

Ys fit un léger signe de tête en guise d'approbation avant de se lever et de ressortir.

— Mais enfin qu'est-ce qu'il se passe ici ? interrogea Drake.

— J'avoue que je me pose la question. De même comment la grande prêtresse a-t-elle perdu la vie ? exigeai-je à mon tour.

— Elle est morte des suites de son accouchement.

— Comment est-ce possible ? s'exclama Alia.

— Ça n'arrive pratiquement jamais à ma connaissance, surenchérit Éloa tandis que ses yeux verts cherchaient notre soutien.

— Notre médecine permet de presque tout soigner. Comment la grande prêtresse a pu perde la vie ? questionna Styx secoué.

— Ça a été son choix, répondit laconiquement une autre prêtresse du Cercle.

— Comment ça son choix ? s'enquit Angal interloqué, sourcils froncés.

— J'avoue que je ne comprends pas non plus. Et quel est le rapport avec nos obligations vis-à-vis du sanctuaire ? marmonnai-je.

— Parce que vous allez devoir effectuer quelques actions pour le Cercle. Et pour cela vous devrez avoir la confirmation par votre Code, que les ordres du Sanctuaire sont absolus, même pour le Haut roi.

— Mais vous devriez déjà vous douter de cet état de fait, poursuivit une autre.

— Non pas vraiment, lui répondis-je le plus honnêtement du monde, à sa surprise d'ailleurs.

— Ainsi donc, Linéas ne vous a jamais dit que c'était sous les directives du Cercle qu'il n'avait pu tenir sa promesse envers vous, au sujet de vos origines.

Cette révélation me causa un choc, je n'avais jamais connu mes parents lors de ma première vie. J'avais à l'époque accepté la tâche de chef de la Confrérie des étoiles, car Linéas m'avait promis de me parler d'eux. Finalement, il avait reconnu être contraint de ne pouvoir honorer cette promesse. J'avais vécu ça comme une trahison. Et ce n'est qu'avec le soutien de tous que j'avais surmonté l'épreuve. Je conservais toujours le médaillon d'orichalque qui restait mon seul lien avec eux.

— Il ne me l'avait pas expliqué, puis-je savoir pourquoi ?

— Cela aurait pu modifier le futur, et nous ne pouvions le permettre, me dit-elle simplement.

Ce qui était loin de me satisfaire comme réponse.

— Je ne vois pas en quoi cela aurait pu...

— Cela n'est pas le propos de la discussion qui nous préoccupe aujourd'hui, coupa la plus âgée.

Je ravalai la réplique acerbe que j'avais dans la gorge et me contins pour garder mon calme. Je repris avec une question plus en rapport.

— Quelle est donc la tâche que nous devons accomplir pour le Sanctuaire ?

— Deinillana va vous l'expliquer elle-même.

— Pardon ? s'exclama Mnémésyne. Mais elle n'est pas morte ?

— Si.

Mnémésyne me regarda incrédule, se demandant sans doute si l'on ne se moquait pas de nous. Je tentai donc de trouver une explication logique.

— A-t-elle laissé un enregistrement holographique en guise de testament ?

— Pas tout à fait. Avant de vous en dire davantage, vous devez savoir que personne en dehors de cette salle ne doit apprendre ce qui va ressortir de cet entretien. Nous allons attendre que...

À cet instant, Ys revint avec entre les mains un transmetteur intergalactique à projection holographique. Elle le plaça entre nous au centre de la pièce, puis l'alluma. Après quelques secondes, il projeta l'image de Maïdim, en taille réelle et en chemise de nuit. Elle tenait le code et me semblait tout autant terrorisée que perdue.

— Bonjour Maïdim.

— Bonjour Sahiane, bonjour à tout le monde. Y a-t-il un problème ?

— Non, nous devons juste interroger le code, lui appris-je.

— Ah... et c'était si urgent ?

— Visiblement, oui.

— Bien. Que dois-je lui demander ? dit-elle en ouvrant le petit volume.

— Quelles sont nos obligations vis-à-vis des ordres du Sanctuaire ?

Elle parut surprise, mais ne fit pas de remarques. Je savais qu'elle cherchait dans son esprit la façon la plus appropriée de formuler la question pour que le code y réponde, ce qu'il finit par faire. Elle lut alors à voix haute.

— La Confrérie doit se sentir honorée d'accomplir quelque tâche qu'il soit pour un Sanctuaire des anciens, car ils ont la responsabilité de conserver le passé et d'œuvrer pour le futur.

Elle reprit son souffle et continua.

— Si une Confrérie était contrainte de choisir entre les ordres d'un souverain ou d'un dirigeant lambda et ceux du Sanctuaire, elle doit se ranger du côté de la sagesse des prêtresses, acheva-t-elle. Cela répond t-il à vos questions, ou dois-je formuler autre chose ?

— Non, ce ne sera pas la peine, c'est parfait. Merci d'avoir été si rapide.

— Avec plaisir, je ne dormais presque pas, ironisa-t-elle.

— Bonne nuit Maïdim, et mes amitiés à tous.

— Merci, à très bientôt, j'espère.

Elle fit un signe de tête probablement à l'attention d'une prêtresse à côté d'elle et son image disparut. Ys éteignit le dispositif entre nous, le posa sur un banc vide et repartit s'assoir.

— Bien. Cela étant fait, nous pouvons continuer, Ys mène-les au cœur du Sanctuaire, prépare-les, et ensuite allez voir Deinillana.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top