🫛

-Quel serait votre plus grand défaut?

-Je n'aime pas travailler.

-Partez.

Il s'agissait du neuvième candidat que Sergio rencontrait cette semaine et il commençait sérieusement à perdre espoir. Un des candidats était arrivé trente minutes en retard à l'entrevue, un autre fumait du cannabis à l'intérieur pendant l'entrevue (Sergio avait dû tout nettoyer pour enlever l'odeur atroce après son passage) et les autres répondaient des bêtises de toutes sortes à des questions pourtant bien simples.

Il aurait aimé ne pas avoir à embaucher qui que ce soit, mais son équipe de recherche avait absolument besoin d'une personne de plus pour s'assurer que le tout se passe à merveille. Le poste avait pourtant l'air alléchant. Il venait avec un salaire non négligeable et des avantages sociaux difficiles à refuser. La seule raison pour laquelle le poste n'était pas pourvu, c'est parce qu'il demandait un niveau élevé de qualifications. Sergio aurait vraiment aimé que son offre d'emploi ait atteint les oreilles de quelques chercheurs instruits, mais en attendant, il devait faire avec ce qu'il avait sous la main.

Il prit en main les dossiers des candidats ayant postulé et malgré ses réticences, il s'arrêta sur un candidat. Fernando Ferrari était probablement le candidat le moins affreux qu'il avait dû rencontrer durant ces entrevues catastrophes. À contrecœur, il envoya un courriel à celui-ci pour lui demander de le rencontrer une deuxième fois. Après tout, il avait absolument besoin d'une personne de plus et peut-être que la deuxième rencontre allait être moins catastrophique. Découragé, il ferma brusquement le clapet de son ordinateur et partit se reposer sans penser à ses tourments du boulot.

***

Maélie faisait la fierté de sa famille. En tout cas, elle essayait. Elle venait d'obtenir son diplôme d'une somptueuse université. Depuis toute petite, elle rêvait de faire de la recherche. Elle était obsédée par l'idée de trouver des réponses à des phénomènes inconnus. Lors de sa jeunesse, il lui était arrivé à plusieurs reprises de capturer des insectes pour les observer et analyser leur comportement. Même en grandissant, cette passion ne l'avait jamais quittée.

Son seul problème, c'est qu'elle n'arrivait pas à trouver un emploi. Elle était trop jeune, elle n'avait pas assez d'expérience et il s'agissait de laboratoire de renom, lui disaient tous les employeurs qui l'avaient refusé. « Le seul problème, ne pouvait-elle pas s'empêcher de penser, c'est que si personne ne veut m'embaucher nulle part, je n'aurai jamais d'expérience de travail! »

Elle songeait à tout cela en profitant de sa marche journalière. Marcher lui permettait de remettre ses idées en place et d'évacuer sa frustration. Au bout d'un moment, elle passa devant un gros bâtiment de verre. Sur la porte, elle remarqua un écriteau où il était écrit : « Chercheur recherché ». Cette inscription attira tout de suite son attention. Elle s'approcha pour en lire davantage et l'espoir prit possession de son corps. Enfin, la chance lui souriait!

Elle ne prit même pas la peine de réfléchir et se précipita à l'intérieur du bâtiment. Au diable les rendez-vous pris à l'avance! Au diable le CV! Elle se dirigea vers le comptoir et s'annonça à la secrétaire sans attendre. La vieille dame semblait surprise de son arrivée, mais malgré l'absence des documents requis, elle l'envoya rencontrer l'employeur.

Lorsqu'elle entra dans le bureau de l'employeur, un certain Sergio, si elle en lisait l'écriteau sur la porte, elle fit face à un homme déprimé. Elle pouvait le voir à son regard vide et à sa posture recourbée. Toutefois, elle ne perdit pas une seule fois son sourire et prit place en face de son, elle l'espéra de tout son cœur, futur patron. La jeune fille ne perdit pas une seconde avant de prendre la parole.

-Bonjour, je m'appelle Maélie Bélanger, je suis enchantée de vous rencontrer!

L'homme sembla surpris par son sourire rayonnant et son enthousiasme apparent pour cette entrevue. Toutefois, la surprise ne resta pas longtemps puisqu'il prit la parole peu de temps après.

-Bonjour, je me nomme Sergio et je suis responsable de l'embauche. Je suis aussi le patron de cette entreprise. Je vais commencer par vous poser quelques questions.

-Parfait, je suis prête!

-Comme vous n'avez pas présenté de CV, je vais être obligé de vous poser les questions directement. Où avez-vous étudié?

-À l'université de recherche Cherche le Chercheur en Toi.

-En quelle année avez-vous terminé vos études?

-L'année passée.

-L'année passée!?

Sergio avait crié sa réponse. Il ne s'attendait sûrement pas à avoir devant lui une chercheuse tout juste sortie de l'école. Maélie fut tout de suite offensée. La quantité de refus qu'elle avait dû subir à cause de cette condition stupide! Elle ne prit pas la peine d'attendre que Sergio lui fasse part de ses ressentis qu'elle senti la colère prendre possession de son être.

-Oui, je sais que je n'ai obtenu mon diplôme que très récemment, mais cela ne change rien à mes capacités! Je suis motivée, travaillante, à mon affaire et je n'ai surtout pas peur des défis! Je n'ai besoin que d'une chose et c'est qu'on me laisse la chance d'essayer de faire mes preuves.

Sergio s'en alla pour répondre, impressionné par la passion et la sincérité de sa réponse, quand la porte s'ouvrit en un claquement.

-Bonjour, je suis enfin là! Je sais que mon arrivée était attendue!

Maélie se tourna brusquement pour observer l'intrus. Il n'était pas très grand, mais juste à son regard, on pouvait voir à quel point il semblait avoir confiance en lui. Sans même attendre qu'on le lui demande, il prit une chaise qui reposait sur le côté du mur et vint s'assoir à côté de la jeune fille.

-Alors, vous êtes prêt à m'embaucher?

Il regarda Sergio qui semblait figé, la bouche grande ouverte. On aurait dit que, par son arrivée, l'homme avait transformé l'employeur en statue. Comme il ne semblait pas prendre la parole, Maélie le fit à sa place.

-Mais qui êtes-vous?

-Fernando Ferrari, pour vous servir! Et vous?

-Maélie Bélanger... Mais vous faites quoi ici?

-Je suis ici pour signer mon contrat, ma chère!

-Vous devez vous tromper, je suis en ce moment même en plein entretien d'embauche.

-Je suis navré de vous décevoir, le poste est déjà pris!

Maélie avait horreur de ce fameux Fernando Ferrari. Il semblait si orgueilleux et se comportait comme s'il était le meilleur au monde. Elle avait horreur de ce genre de personne. Sergio, quant à lui, semblait avoir repris conscience, mais il avait réellement l'air perdu. Maélie sentait qu'il n'y avait plus une once de patience dans son corps et se fâcha après le patron qui aurait dû au moins dire quelque chose à l'arrivée de l'individu.

-Allez-vous dire quelque chose, au moins?

-Euh, je, oui, peut-être, euh, quoi?

-Non, mais c'est une blague!

Maélie se leva de sa chaise et se mit à faire les cent pas dans le bureau de Sergio, comme si elle avait été dans le sien. C'est le moment que choisit Fernando pour prendre la parole.

-Il serait temps pour vous de partir, mademoiselle, j'ai un contrat à signer.

Au moment où Maélie allait répondre à son opposant, l'employeur décida enfin de faire part de son avis.

-Attendez. Je vous embauche tout les deux pour une semaine et celui qui sera le meilleur chercheur restera dans l'entreprise pour de bon.

Aucun des deux ne prononça un seul mot, mais on voyait à leur regard qu'ils acceptaient le défi. Mais surtout, on voyait qu'ils étaient prêts à tout pour gagner.

Le lendemain, Maélie arriva en avance et commença tout de suite sa recherche. Elle voulait prendre le temps de s'appliquer pour prouver à Sergio qu'elle était à la hauteur. Fernando, quant à lui, arriva à l'heure et commença lui aussi sa recherche. Sergio était présent lui aussi et il se contentait de prendre des notes en regardant les deux adversaires travailler.

Le protocole qu'ils devaient suivre était compliqué, Sergio s'était arrangé pour qu'il s'agisse d'un défi de taille afin de pouvoir réellement juger de leurs capacités. Le plus gros défi de ce protocole, c'est qu'aucun élément extérieur ne devait pénétrer dans l'objet de leur recherche, car si cela venait à arriver, tous les résultats allaient être faussés.

Au fil des jours, on voyait clairement une différence de niveau entre les deux concurrents. Il est vrai que Fernando se débrouillait, mais il n'arrivait clairement pas à la cheville de Maélie qui maniait les outils comme si elle avait fait ça toute sa vie. Sergio était impressionné par son talent et on voyait que ses résultats étaient énormément plus précis que ceux de Fernando.

Pendant que Maélie gagnait en confiance, Fernando gagnait en jalousie. Il voulait à tout prix avoir le poste et ses avantages (surtout ses avantages, disons-le). La veille du dernier jour, Maélie n'était pas seulement confiante. Non, elle savait qu'elle allait gagner. En une journée, Fernando n'allait jamais réussir à la dépasser. Elle le savait, Sergio le savait et Fernando aussi le savait. C'est pourquoi Fernando attendit que tout le monde soit parti avant de quitter les lieux. Toutefois, avant de partir, il sortit un petit pois de sa poche et le mit en plein dans la recherche de Maélie.

Le lendemain, quand l'ancienne étudiante arriva dans le laboratoire, elle eut la mauvaise surprise de trouver le pois dans l'objet de son travail de la semaine. Tous ses résultats étaient maintenant faussés. Elle poussa un cri tellement puissant, que Sergio l'entendit depuis la rue. Il se précipita dans le laboratoire et à son arrivée, il trouve Maélie en larmes sur le sol. Elle lui pointa le pois et il comprit tout de suite. Sa recherche avait été sabotée.

Quand Fernando arriva avec un sourire satisfait, les deux autres comprirent instantanément ce qui s'était passé. Sergio se prépara à disputer le tricheur, mais Maélie le prit de court.

-Tu as voulu saboter ma recherche? Très bien. Je vais te prouver que je suis capable de rattraper le coup.

Il n'eut pas le temps de répondre que Maélie se mettait déjà au travail. Toute la journée, elle travailla sans relâche. Elle travailla comme personne n'avait jamais travaillé, même Sergio n'avait jamais mis autant d'ardeur dans un de ses projets. Elle travailla tellement fort, qu'à la fin de la journée, on aurait pu croire que le pois n'avait jamais existé. Non seulement elle avait réussi à sauver sa recherche du petit pois, mais en plus, elle avait réussi à la finir dans les temps.

Fernando était furieux. Malgré son ambition et son orgueil, il n'était pas stupide. Il savait qu'il avait perdu. Il ne prit même pas la peine d'attendre le verdict du patron avant de quitter le laboratoire avec colère. Non seulement il n'allait pas pouvoir bénéficier des avantages reliés au travail, mais en plus, il s'était fait battre à plate couture par une jeune chercheuse tout juste sortie de l'école.

Après son départ, ils n'entendirent plus jamais parler d'un homme appelé Fernando Ferrari. C'était à croire qu'il n'avait jamais existé.

Un coup qu'il ne restait plus que Maélie et Sergio dans le local, toute la pression sembla retomber d'un coup. Sergio, qui était désespéré de ne pas trouver personne, avait enfin trouvé la pièce manquante à son équipe. Il eut un sourire sincère avant de prononcer une phrase qui changea la vie de Maélie.

-Seul le meilleur des chercheurs peut réussir à arriver à un résultat pareil, en ayant en plus du réparer un sabotage. Maélie, tu es embauchée.

Depuis ce jour, Maélie travaille dans l'équipe de recherche de Sergio et jamais, elle ne l'a déçu. Travaillant avec acharnement, elle réussit à se faire un nom dans le domaine de la recherche et s'il lui était venu à l'idée de postuler dans une autre entreprise de recherche, aucune n'aurait pu commettre l'erreur de la laisser filer. Car Maélie était passionnée et travaillante et cela lui permettait de briser toutes les barrières.

De toute façon, ce n'est clairement pas un simple petit pois qui aurait pu l'empêcher d'atteindre ses rêves.   

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top