Les joies du palais

La famille royale tenait à nous saluer un par un. Quelle belle image reflétait-elle ! Nous défilâmes donc lentement devant eux en nous présentant, chacun notre tour.

Quand ce fut le mien, je m'avançai dans les bras du roi qui m'embrassa chaleureusement sur les joues. Je voyais qu'il était réellement heureux de nous accueillir. On aurait dit un vieil homme devant ses petits enfants : il aimait ses sujets.

Je pense qu'il croyait aux bonnes intentions de la Chasse. On a dû lui épargner les points les plus sombres pour lui donner bonne conscience.

Ou alors c'était un excellent comédien.

Je fis le tour de la petite table, passant de joues en joues et de sourires en sourires. Tous n'étaient pas si heureux de nous voir, mais des masques chaleureux leur collait au visage sans qu'ils montrent leur vrai ressentit.

Après ces rapides salutations, les organisateurs nous invitèrent à quitter le grand salon. Nous partîmes tous ensemble, dirigés par la femme un peu âgée de la voiture. Elle nous fit traverser les grands couloirs sans s'arrêter. Mais ils étaient si longs que, même à cette allure, je ne perdis rien du spectacle.

De grandes fenêtres couvraient les murs à intervalles réguliers et éclairaient si bien le corridors que les grands lustres dorés alignés au plafond étaient inutilisés. Je rêvais déjà du soir, quand toutes les bougies seraient allumé et que leur lueur éclairerait le marbre blanc du sol et les dorures des murs. Mon avenir avait beau être obscure, je n'en restais pas moins une jeune fille dans un décors royale, des rêves de princesses plein la tête.

Tyler me rassure. Lui aussi voulait voir les lustres s'allumer. Comme quoi, on est tous un peu éblouis par l'éclat de la royauté...

Enfin bon, notre guide nous conduisait rapidement - descendant un grand escalier et galoppant dans les corridors - à l'une des pièces les plus intéressantes du palais qui avait été spécialement privatisée pour notre déjeuné : la salle à manger.

Encore plus grande et royale que les autres salles, il s'y déroulait les plus prestigieux événement. C'est ici qu'ont été accueillis le président de Finlande, le roi d'Afrique du Sud et même l'impératrice de Chine. Les banquêts qui y étaient organisés ont toujours été connus pour leur qualité légendaire. Pour avoir goûter aux spécialités et écouté la musique qu'on y jouait, je peux t'assurer qu'ils étaient vraiment exceptionnels.

Dix chasseurs étaient déjà installés aux grandes tables rondes dressés admirablement bien. En nous rapprochant, nous constatâmes que les places étaient attitrées. Heureusement, ils m'avaient placé à côté de Tyler. Même si je ne le supportais pas à l'époque, ça me rassurait de rester avec lui.

Les caméras tournaient dans toute la salle. Derrière ma télévision je ne me rendais pas compte de leur nombre, mais leur présence était vraiment pesante en réalité. Chaque sourire, chaque bride de conversation était enregistrée et pouvait être retransmise au récap de la soirée. De quoi surveiller tous ses gestes. 

Les autres tirés au sort arrivèrent par groupes. Une heure plus tard, il ne manquait plus que le couple Réoumenois. Les conversations fusaient autour des tables et je m'efforçai d'y prendre part. Avec Tyler, nous étions encadrés par le couple des régions Bolfrom, Cevalo et Alorchar, respectivement habillés de rose, bleu et marron. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils étaient causants.

Malheureusement, nous nous coltinions encore les bavardages incessants de Molly assise devant moi. Mais de l'autre côté, j'étais plutôt contente d'avoir Lucas dans mon champ de vision.

Nous nous présentâmes rapidement à notre entourage. Les noms défilaient dans mes oreilles sans que je ne les retienne vraiment, absorbée par le beau bleu des yeux de mon voisin de table.

Lui aussi semblait s'ennuyer ferme, et lui aussi me jetait quelques regards furtifs. Je relevais donc la tête et me tenais la plus droite possible, priant pour que mes joues ne rougissent pas trop. Mes mains tremblaient légèrement quand je tournai la tête vers lui, mais Molly me fournissait le prétexte parfait pour regarder Lucas sans trop d'insistance.

Mais n'y a pas de quoi s'emballer. Je te vois venir avec tes yeux remplis d'étoiles - âme romantique. Seulement mon cœur ne battait pas encore pour lui. J'étais loin de ce que j'allais éprouver...

Au bout d'un moment, et bien que distraite par le Cevalois, je commençai tout de même à m'impatienter. Mon léger petit déjeuné ne pesait plus rien dans mon ventre qui gargouillait. J'avais faim.

Et j'ai encore faim d'ailleurs, ça creuse de parler... De toute façon j'ai tout le temps faim moi ! Mais je voudrais bien une pomme quand même. Tu peux aller m'en chercher une dans la réserve Tyler ? Je vais pas tenir sinon.

Fin bref, ce ne fut que vers 2 heures de l'après-midi qu'ils se décidèrent à nous amener les plats. Après nous avoir servit les boissons sur commande, les 26 serveurs revinrent dans la salle et posèrent leurs assiettes surmontées de cloches en argent devant chaque sélectionné. Ils les dévoilèrent dans un même mouvement et se retirèrent aussi rapidement qu'ils étaient venus.

Le plat qui s'offrait à moi était magnifiquement monté. Je n'avais jamais vu ça de toute ma vie. Tant de soin étaient apporté à ces quelques légumes, je n'avais presque pas envie de toucher à cette œuvre d'art.

Bien entendu, je n'avais rien mangé depuis de nombreuses heures donc mon estomac de goulue ferma les yeux. Étonnamment, je ne fus pas celle qui dévora ce plat le plus vite. Tyler mangea même plus rapidement que moi, ainsi qu'un garçon d'Alorchar. Mais nous étions tous dépassés par le Normagnois en tunique argentée.

Sans exagérer, je pense que son plat ne constitua que deux grandes bouchées. Je suis sûre que tout le monde a ensuite entendu son esprit appeller le plat principal.

Celui-là n'arriva malheureusement que quand les maniérés eurent fini leur entrée. Et beaucoup mirent tout leur temps...

Mais ça valait le coup d'attendre, je fus à deux doigts de pleurer quand le plat chaud se dévoila sous mes yeux. Je n'avais jamais rien mangé d'aussi bon de toute ma vie.

Le dessert - un beau gâteau glacé - fut lui aussi largement à la hauteur de mes attentes. Le palais venait de conquérir mon ventre, et il n'était pas loin de prendre aussi mon cœur.

Quand nos assiettes furent finies, Leo se rapprocha de nous. Il posa une main sur l'épaule de Tyler qui se retourna calmement.

- Venez, souffla-t-il, nous allons commencer la visite.

Trop contente de me tirer de ces longues discussions, je me levai immédiatement. Les yeux de tous mes voisins se tournèrent vers moi, surpris par mes gestes brusques. Je rougis légèrement et Tyler partit d'un petit rire en se levant à son tour.

- Merci pour ce repas, fit-il poliment entre deux gloussements. À une prochaine fois.

Embarrassée, j'esquissai une petite révérence et tournai rapidement la tête. Leo traversa la salle et je me concentrai sur ses pas, veillant à ne pas aller trop vite. J'espérais que les caméras n'avaient pas capturés ce moment. Je me voyais déjà surnommée "l'ermite" pour ma froideur.

- Détends-toi Coline, ce ne sont pas encore nos adversaires, me reprit Tyler en sortant de la salle.

Je soupirai, énervée à l'idée qu'il me fasse la morale.

- Profite un peu de ces quelques jours de tranquillité, me conseilla-t-il. Et n'oublis pas ce qu'on nous a conseillé : prends-toi au jeu. On en aura besoin.

Sa voix baissa de volume pour ces derniers mots ce qui me calma immédiatement. Venait-il vraiment de m'avouer son plan machiavélique ? À partir de ce moment, je regardai mon allié d'un tout nouvel œil. Qui aurait pu croire que derrière ses airs de garçon amical et jovial se cachait un esprit si calculateur ?

L'opinion que j'avais de moi-même en pris un coup. Il avait déjà compris la mécanique de ce jeu et, malgré son visage chaleureux, il prévoyait ses actes avec une intelligence froide.

J'étais peut-être plus informée que toi Tyler, mais tu avais parfaitement assimilé la faible quantité d'information qu'on nous avait donné. Très habile comme garçon...

Je me jurai alors de me montrer moins froide. Si lui le faisait malgré ses doutes, je ne voyais pas pourquoi je ne le ferais pas moi aussi.

- Tu as raison, confirmai-je. C'est peut-être mon manque de sommeil qui déteint sur mon humeur. Mais peu importe. C'est vrai que ça n'arrive pas tous les jours des voyages à la capital, merci de me rappeler d'en profiter !

Mon enthousiasme soudain ne le convainquit pas. Devant son air sceptique, je me sentis obligée de rajouter, plus sérieusement :

- Je soignerai mon apparence, tu peux compter dessus. 

Son aide me sera utile, autant m'en faire un allié. Je le revoyais dans des habits moins soignés déambuler dans la cours de mon lycée. Deux ans que je le connaissais, ça représentait déjà beaucoup. Malgré ma rancune, je décidai qu'il était la personne la plus sûre ici. Je ne pouvais pas tenir mon masque et mes soupçons seule de toute façon, autant le laisser érafler mon armure.

Il n'était pas encore question qu'il connaisse mes secrets, mais je décidai de ne pas jouer de comédie avec lui. C'était déjà un bon début.

Et j'eus bien raison. Quel bon allié tu es Tyler ! Et quel bon ami aussi...

Après un rapide échange de regards, nous rejoignîmes Leo au bout du couloir. Un caméra-man se dirigea vers nous, bredouillant deux trois mots et brandissant sa caméra. Leo acquiesca, un peu agacé, et commença la visite comme si il n'existait plus.

Le reste de l'après midi passa rapidement, le palais gigantesque nous occupa un long moment. Nous allâmes d'abord voir la bibliothèque royale, la plus grande que je n'avais jamais vu.

Étendue sur deux étages, tous ses murs étaient couverts de livres. Pour y être retournée de nombreuses fois après, je sais  qu'ils étaient en plus très bien rangés. Je pouvais sentir le poids de l'histoire que portaient tous ces ouvrages rien qu'en les regardant.

Nous visitâmes encore une multitude de bureaux, tous semblant n'avoir servit qu'une fois depuis leur construction, et d'autres pièces plus géniales les unes que les autres. Leo nous amena ensuite voir les jardins, soignés et bien organisés, pour finir la visite dans l'aile des chambres. 

Il laissa Tyler à l'entré de celle qui lui était attribuée et me fit monter vers la mienne à l'étage au dessus. Ce fus le seul moment où je croisai d'autres chasseurs. Le couple violet de Bredie traversait lui aussi le couloir des filles accompagné de leur guide et de leur caméra-girl. Je leur servis un grand sourire auquel seule la fille répondit. Le garçon, un peu lunaire, ne me regarda même pas.

Leo s'arrêta devant la porte de ma chambre et me récita le même discours qu'à Tyler quelques minutes plus tôt. Je lui confirmai rapidement que j'avais bien pris conscience du programme de la soirée et il me laissa, après une dernière révérence.

J'entrai alors dans la pièce, et je tombai presque d'admiration. Une chambre de princesse, voilà exactement ce que j'avais sous les yeux. Autant les dorures, je m'y étais presque habituée après en avoir vu toute la journée. Mais l'immense lit à baldaquin qui s'offrait à moi me donnait envie de pleurer. Je me précipitai dessus et m'y jetai, savourant le moelleux des couvertures et des coussins. 

La pièce comprenait encore deux canapés luxueux en face du lit ainsi qu'une superbe télévision accrochée au mur. Une belle commode blanche et or était plaquée contre un mur et portait le sac que j'avais laissé dans le train. Un petit tour de suite plus tard et je pouvais encore rajouter une salle de bain royale et un beau balcon avec vue sur les jardins à cette chambre parfaite.

Alors que je m'installai au bout du lit pour regarder les informations (et surtout pour voir si on diffusait des images de moi), ma porte trembla sous deux coups secs. J'allai ouvrir aux trois préparateurs qui entrèrent sans rien me demander, chargées d'une multitude de robes vertes. Mon sourire se figea quand je constatai qu'elles étaient en tenue de travail. Leo n'avait pas mentionné une autre séance de torture dans son speech... Ou était-ce moi qui avais mal écouté ?

- Bonjour madame Turner, commença la mieux habillée. Je m'appelle Paula, et je suis chargée de votre apparence pour la durée de votre séjour au palais. Veuillez vous installer dans la salle de bain, nous devons vous préparer pour la soirée.

- Je ne reste pas comme ça ? Je m'exclamai-je, surprise.

Ils n'avaient pas passé assez de temps dans le train ce matin pour que ma coiffure et mon maquillage tiennent la journée ?  Mes habits étaient si beaux que je les aurais gardé pour toutes les grandes occasions. Là, ils ne m'avaient servis que pour un repas ! Je voyais ça comme du pur gâchis.

Mais c'était le mode de vie du palais : avoir toujours plus que ce qui est nécessaire. J'ai eu bien du mal à m'adapter à cette philosophie...

Paula me regardais avec de gros yeux. Elle considérait ma remarque ridicule, c'était comme si je venais de proposer de sortir toute nue. Elle me répondit rapidement, atterrée :

- Bien sûr que non !

Elle se tourna ensuite vers les deux autres et s'exclama, à mon grand malheur :

- Au boulot les filles ! On n'a que deux heures.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top