Chapitre 9
Alors qu'un impertinent sourire dansait sur les lèvres de Lila, Ladybug se mordit la joue jusqu'au sang pour ravaler les acerbes répliques qui lui montaient aux lèvres.
- « Allez, soit une gentille fille et donne-moi ton miraculous », lui ordonna sa camarade d'un ton péremptoire.
- « Et si je refuse ? », gronda Ladybug, fermement décidée à ne pas se laisser faire sans combattre.
Lila laissa échapper un petit rire arrogant, et d'un geste, envoya l'une de ses bombes droit sur l'un des immeubles voisins. Devant le regard horrifié de Ladybug, l'imposant édifice explosa aussitôt dans un bruit assourdissant. Le fracas de l'explosion se mêlait aux hurlements de terreur des passants, qui fuyaient de toute part pour éviter la mortelle chute de débris qui menaçait de s'abattre sur eux.
Toujours perchée sur le toit d'ardoise sur lequel la forçait à rester Lila, Ladybug assistait à la scène avec un désespoir incrédule. Rarement elle s'était sentie aussi impuissante, et une violente sensation de nausée lui tordit rapidement les entrailles tandis que la foule affolée continuait de se disperser aussi loin que possible des lieux du sinistre.
Tout était de sa faute.
Si elle n'avait pas ainsi poussé ainsi Lila dans ses retranchements, jamais elle n'aurait placé sa camarade et d'innocents citoyens dans une aussi périlleuse situation.
Elle était l'héroïne de Paris, et son attitude inconséquente les avait tous mis en danger.
Ladybug jeta un regard désespéré à Lila, dont les lèvres se tordirent d'un sourire maléfique.
- « Ton miraculous », répéta la brune italienne en tendant la main d'un geste impérieux. « Vite, sinon je fais sauter un autre immeuble. »
Avalant péniblement sa salive, Ladybug leva les yeux vers le visage résolu de son adversaire. Son esprit fonctionnait à toute vitesse, mais en dépit de ses brillantes capacités d'analyse qui faisaient d'ordinaire sa fierté, elle ne voyait aucune issue au terrible piège dans lequel l'avait placée Lila. Sans Chat Noir, et avec les bâtiments alentours ainsi pris en otage, elle était coincée.
Levant l'une de ses mains en signe de reddition, elle porta lentement ses doigts à ses oreilles, s'apprêtant à en détacher son précieux miraculous tandis qu'un rire triomphal s'échappait de la bouche de Lila.
Soudain, une fraction de seconde à peine avant qu'elle n'achève son geste, quelque chose attira son attention.
Tout en haut de l'immeuble que venait de détruire Lila, un lourd bloc de béton vacilla, tanguant de plus en plus, avant de finalement se précipiter en contrebas. Il rebondit contre l'un des murs du bâtiment dans un fracas assourdissant, décrivant ensuite une absurde arabesque qui le projeta en direction de la rue. Cette nouvelle trajectoire aurait pu être sans conséquences si elle n'avait pas croisé le chemin d'un innocent pigeon, qui volait à proximité de l'édifice en cours d'effondrement. Le massif projectile fondit à une vitesse stupéfiante vers le malheureux volatile, qui n'avait guère plus de chance de l'éviter que de survivre à une pareille collision.
A un instant, l'immense bloc de béton était prêt à s'écraser impitoyablement sur l'oiseau.
Et une fraction de seconde plus tard, dès qu'il eut à peine effleuré l'une des plumes du volatile, le gigantesque projectile se dissipa dans un nuage de fumée tandis que le pigeon poursuivait sa route sans le moindre dommage.
Ladybug interrompit brusquement la course de ses doigts, se figeant sur place tandis qu'une lumineuse prise de conscience se faisait soudain dans son esprit, brillant telle une étincelle d'espoir au milieu d'une nuit d'ébène.
La capacité de Lila n'était pas de manipuler des explosifs si destructeurs qu'ils pouvaient raser un immeuble entier en une fraction de seconde. Non, Lila, menteuse parmi les menteuses, était devenue la reine des illusions.
La main de Ladybug retomba contre son corps, tandis que son cerveau fonctionnait à présent avec une intensité renouvelée. Tout lui semblait soudain évident, lumineux, et la jeune fille avait presque l'impression de pouvoir ressentir la moindre décharge traversant ses neurones en ébullition.
Les évènements de cet absurde après-midi s'éclairaient brusquement d'un jour nouveau.
Tout, absolument tout ce qui s'était passé depuis l'apparition de Volpina n'était rien d'autre que les multiples facettes d'un piège soigneusement orchestré par Lila, qui avait utilisé ses illusions afin de manipuler les héros de Paris.
Il n'y avait jamais eu de météorite.
Il n'y avait jamais eu de Papillon.
Depuis le début, il n'y avait que Lila, et ses pouvoirs dont elle s'était admirablement servie afin de séparer Chat Noir et Ladybug et de leur dérober leurs miraculous pour le compte du Papillon.
Serrant les dents de rage alors qu'elle se maudissait intérieurement de s'être laissée duper si facilement, Ladybug se saisit de son yo-yo d'un mouvement vif avant de le lancer vers les bombes de Lila. Les engins explosifs disparurent dans un nuage de poussière orangée, le contact physique avec l'arme de l'héroïne suffisant à dissiper les illusions que sa camarade de classe avait jusque-là maintenues.
- « C'est ça ! », s'exclama Ladybug d'une voix victorieuse, tandis que Lila laissait échapper un hurlement de fureur et de dépit mêlés. « Les bombes, l'immeuble, le Papillon, ce ne sont que des mirages ! C'est ton pouvoir, Lila. Le mensonge, les illusions ! »
L'héroïne récupéra son yo-yo d'un habile mouvement de poignet, avant de faire de nouveau face à Lila, son regard d'un bleu limpide brillant d'une lueur menaçante. Les pupilles de la brune italienne se dilatèrent d'inquiétude, puis elle recula d'un pas quand la jeune héroïne lança de nouveau son arme, dans sa direction cette fois. Le câble s'enroula vivement autour de Volpina mais dès que Ladybug tira dessus pour achever de ligoter son adversaire, celle-ci se dissipa dans un nuage de fumée orange.
Une illusion, encore.
- « Evidement », murmura Ladybug avec une amère déception, avant de prendre une grande inspiration pour tenter de retrouver son calme.
Son cœur battait lourdement dans sa poitrine, tandis que ses doigts tremblaient alors qu'elle réalisait soudainement à quel point elle était passée près de la catastrophe. Sans l'intervention providentielle de ce pigeon qui lui avait permis de réaliser en un éclair que toutes les attaques de Volpina n'étaient rien d'autre que de très réalistes mirages, elle lui aurait très certainement abandonné son miraculous. La jeune héroïne passa brièvement sa main sur son visage, puis, poussant un lourd soupir, ouvrit son yo-yo pour contacter Chat Noir. Une dévorante culpabilité lui rongeait toujours les entrailles, la jeune fille ne pouvant s'empêcher de s'en vouloir à la fois pour l'akumatisation de sa camarade de classe et pour le fait d'avoir été si proche d'abandonner le combat, mais Ladybug était malgré tout encore assez lucide pour savoir qu'elle aurait bien assez de temps pour s'apitoyer sur son sort plus tard.
Pour l'instant, la priorité était d'arrêter Lila.
Il ne fallut que quelques instants à l'héroïne pour informer Chat Noir de la tournure imprévue que venaient de prendre les évènements. Tous deux tombèrent rapidement d'accord sur le fait que Lila avait certainement été akumatisée suite à son altercation avec Ladybug, et qu'elle allait très probablement chercher à rentrer en contact avec Adrien pour chercher à rétablir sa réputation.
Etant plus proche du manoir de la famille Agreste que sa coéquipière, le jeune homme se proposa aussitôt pour jouer les appâts. Il se hâta en direction de chez lui afin d'y intercepter Lila et de gagner assez de temps pour permettre à Ladybug de le rejoindre.
Leur plan hâtivement monté fut d'une réussite relative. Comme ils s'y attendaient, Lila surgit dans la chambre d'Adrien à peine une poignée de secondes après que celui-ci se soit détransformé. Mais si le jeune homme réussit à distraire suffisamment sa camarade de classe pour laisser à Ladybug le temps d'arriver à son tour, les deux héros ne parvinrent pas pour autant à neutraliser immédiatement cette redoutable adversaire. Dès que sa coéquipière fit son apparition, Adrien profita de la diversion qu'elle lui offrait pour effectuer une prudente retraite en direction de sa salle de bain. Une fois à l'abri des regards, il se métamorphosa aussitôt en Chat Noir, avant de se faufiler rapidement par la fenêtre et de surgir de nouveau dans sa chambre sous l'héroïque apparence de son alter-ego.
Se voyant cernée par les deux héros de Paris, Lila porta vivement à ses lèvres la flûte qui lui permettait de donner vie à ses illusions. Elle en tira une brève mélodie, et une vingtaine de Volpina surgit soudain du néant sous les yeux stupéfaits de Ladybug et de Chat Noir. Les multiples copies de la victime du Papillon se ruèrent aussitôt sur les deux adolescents, et durant quelques minutes, le chaos fut total. Incapables de distinguer la véritable Volpina parmi cette foule d'imitations, les héros se placèrent dos à dos, tentant de protéger leurs arrières. Les intangibles illusions avaient en effet beau être inoffensives, la véritable Volpina était quant à elle parfaitement dangereuse et cherchait très certainement à profiter de l'anarchie ambiante pour placer un coup en traître.
Cependant, alors que les copies disparaissaient une à une sous l'effet de leurs attaques, les deux héros finirent rapidement par se retrouver seuls dans la chambre d'Adrien.
Lila avait profité de la confusion pour s'enfuir.
- « Là ! », s'exclama soudainement Ladybug, pointant du doigt une silhouette orange qui venait de surgir sur un toit voisin.
C'était Lila, qui tenait par le bras un Adrien manifestement terrifié. Elle toisa les deux héros d'un air narquois, avant de s'enfuir en direction de la Tour Eiffel tout en entrainant son otage avec elle.
- « Sérieusement... », grommela Ladybug, se tapant le front du plat de la main pour marquer sa lassitude.
- « Il faut voir le bon côté des choses », répliqua Chat Noir avec un petit rire satisfait, « Là on est certains qu'il s'agit d'un faux. »
Le jeune homme s'interrompit un instant, une lueur espiègle s'allumant au fond de ses iris d'un vert lumineux. Sa coéquipière lui jeta ce qui était sans le moindre doute un regard d'avertissement, mais ce dernier ne fut manifestement pas suffisant pour interrompre la tirade du héros.
- « Enfin, on peut au moins reconnaitre une chose à Volpina », reprit-il en adressant un bref clin d'œil à Ladybug, « Elle est douée pour faire des clones, même si cet Adrien est nettement moins chat-rmant que l'original. »
La pause qu'il imprima sur l'un des mots qu'il venait de prononcer avait beau être légère, elle était néanmoins suffisamment marquée pour ne laisser planer aucun doute quant à la présence d'un approximatif jeu de mots. Ladybug poussa un soupir exagérément prononcé, avant de tendre vivement la main vers son partenaire pour lui assener une légère pichenette sur le bout du nez.
- « Mia-ouch ! », geignit Chat Noir en portant vivement ses doigts à son visage pour protéger son précieux appendice nasal d'une éventuelle seconde agression. « Mais pourquoi ? »
- « C'était juste pour être sûre, chaton », rétorqua sa partenaire avec un sourire malicieux. « ça aurait été dommage que tu sois l'illusion et que le véritable Adrien soit dans les griffes de Volpina. »
- « Humpf », rétorqua le jeune homme en relevant fièrement, tentant d'afficher une dignité offensée que contredisait la légère incurvation amusée qui se dessinait sur ses lèvres. « Je maintiens tout de même que je suis beaucoup mieux que cette copie. Le visage passe encore, mais côté expression, tu as vu l'air benêt qu'elle m'a donné ? »
- « C'est sûr que ça ne te ressemble pas du tout, chaton... », le taquina gentiment Ladybug, avant d'enrouler son yo-yo autour d'une cheminée voisine et de s'élancer dans les airs.
Un affectueux sourire illumina le visage de Chat Noir, puis le jeune homme sortit son bâton d'un geste vif pour bondir à la suite de sa partenaire.
Ce petit échange ne leur avait fait perdre que quelques secondes, et les deux héros réussirent rapidement à rattraper Lila. Non pas que la jeune fille ait cherché à leur échapper. Leur camarade les attendait au niveau de la Tour Eiffel, crânement perchée sur l'une des plus hautes poutres métalliques de cet impressionnant monument qui s'élançait telle une flèche allant à la rencontre des cieux de Paris.
A ses côtés se trouvait toujours le faux Adrien, le visage marqué par une indescriptible terreur. Ladybug n'aurait pas su dire à quel point elle était soulagée de savoir que le véritable Adrien n'était quant à lui certes pas totalement hors de danger au vu de leurs périlleuses activités, mais qu'il était tout du moins dans une relative sécurité derrière le masque de Chat Noir.
La fin de l'affrontement fut brève, les deux héros se taillant au passage une remarquable réputation d'insensibilité auprès de leur camarde quand ils ignorèrent royalement ses menaces de précipiter Adrien dans le vide. Au lieu de tenter de porter secours au blond clone du jeune homme, ils se désintéressèrent totalement de son sort pour se concentrer sur leur combat contre Volpina. Celle-ci, bien que manifestement choquée par tant d'indifférence, essaya néanmoins de leur opposer une farouche résistance. Mais en dépit de ses efforts acharnés, Chat Noir et Ladybug étaient trop forts pour elle. Ils s'emparèrent rapidement de son collier afin de purifier l'akuma qui y avait trouvé refuge, laissant derrière eux une Lila brûlante de rage. Se sentant toujours autant coupable de l'avoir placée dans une telle situation, Ladybug lui présenta de sincères excuses, mais la jeune italienne les rejeta avec hargne avant de s'enfuir dans les escaliers de la Tour Eiffel.
- « Bon, au moins on en a fini », soupira Chat Noir en suivant du regard l'orageuse fuite de leur camarade de classe.
Se tournant ensuite vers sa coéquipière, il tendit son poing fermé dans sa direction.
- « Bien joué, ma Lady », s'exclama-t-il en souriant.
- « Oui... Bien joué », répondit-elle avec un manque d'enthousiasme flagrant.
C'est à peine si Chat Noir sentit la pression de sa main contre la sienne, et il lui était impossible de manquer de remarquer qu'elle évitait délibérément son regard.
- « Bon, j'y vais », articula-t-elle avec une certaine gêne, avant de s'élancer dans le vide sans laisser à son partenaire le temps de placer le moindre mot.
Chat Noir la suivit des yeux, soucieux. L'attitude de Ladybug tranchait très clairement avec son comportement habituel, et il se demandait avec une légitime inquiétude quelle pouvait être la cause de ce changement. Etait-ce lié à l'altercation de la jeune fille avec Lila ? A la déception de découvrir que le Papillon qu'ils avaient poursuivi n'était rien d'autre qu'un mirage ? A la peur bleue qu'avait engendrée l'apparition de la météorite dans les cieux de Paris ?
Quoi qu'il en soit, sa Lady ne semblait pas être dans son état normal, et cela le préoccupait au plus haut point.
Refusant de la laisser seule, Chat Noir s'élança à sa poursuite.
Lorsqu'il la rattrapa enfin, Ladybug s'était détransformée. Elle avait trouvé refuge à l'abri des arbres d'un minuscule parc et se trouvait à présent assise sur un banc, menton enfoui dans ses mains tandis que ses coudes reposaient sur ses cuisses. Son regard d'un bleu azur était perdu au loin, et c'est à peine si elle tourna les yeux vers Chat Noir lorsque celui-ci atterri souplement à ses côtés.
Le héros jeta un bref coup d'œil aux alentours, puis, estimant que le lieu avait l'air suffisamment sûr, se détransforma à son tour avant de s'assoir aux côtés de Marinette. La jeune fille lui jeta un bref coup d'œil, avant se détourner de nouveau tout en poussant un lourd soupir.
- « Hey », murmura Adrien en passant sa main le long de son dos. « Qu'est-ce qui ne va pas ? »
Car quelque chose n'allait pas. C'était plus qu'évident.
Marinette se mordit les lèvres, battant furieusement des paupières alors qu'elle constatait que ses tentatives pour cacher sa détresse à Adrien échouaient lamentablement.
- « C'est... c'est Lila », répondit la jeune fille d'une voix tremblante qui fit voler en éclats le cœur de son partenaire. « Tout... tout est de ma faute. Si je ne l'avais pas provoquée, si je n'avais pas été aussi jalouse... »
Elle s'interrompit, se sentant incapable de poursuivre sans que sa phrase ne se brise sur un sanglot. Son visage se mit soudainement à rougir, la peau de ses joues lui semblant s'embraser sous l'effet de l'embarras cuisant qu'elle ressentait toujours, tandis que son estomac se tordait tant qu'elle se sentait presque nauséeuse.
Elle avait honte. Terriblement honte.
Elle n'était même plus capable de regarder Adrien dans les yeux tant la sensation de dégoût d'elle-même qu'elle ressentait se faisait vive.
- « Shhh », reprit Adrien d'une voix apaisante, voyant que le silence de Marinette s'éternisait. « C'est fini maintenant, on a réussi à la libérer de l'emprise du Papillon. »
- « Tu ne comprends pas ! », s'exclama brusquement la jeune fille. « Je... j'ai... Elle s'est faite akumatisée à cause de moi ! Parce que j'étais jalouse et que je n'en pouvais plus de la voir te tourner tout le temps autour. »
Marinette se tu un instant, des larmes perlant à présent au coin de ses yeux qui ressemblaient désormais à deux océans d'un bleu pur prêts à déborder.
- « Je suis sensée être une héroïne », poursuivit-elle avec un sanglot. « Je suis sensée aider les gens. Pas les humilier ou les pousser à bout pour qu'ils se transforment en super-vilains. Tout ça parce que j'ai été stupide, jalouse, impatiente... Je ne suis pas digne d'être Ladybug », conclut-elle avec désespoir.
Tout d'abord stupéfait par le profond désarroi qui frappait sa coéquipière, Adrien se reprit rapidement. Il se déplaça légèrement le long du banc pour se rapprocher d'elle autant que possible, tous deux se trouvant à présent hanche contre hanche et épaule contre épaule. Il fit glisser la main qui se reposait jusque-là le long de son dos pour la passer autour de sa taille, pressant son corps contre le sien. De sa main libre, il passa délicatement ses doigts sous le menton de Marinette, la forçant doucement à tourner son visage vers lui pour plonger son humide regard dans ses yeux verts.
- « Ne dit pas ça », souffla-t-il d'une voix chaleureuse avant de faire retomber son bras pour serrer les doigts de Marinette entre les siens, tentant de lui apporter autant de réconfort que possible par ce rassurant contact. « Tu es la fille la plus extraordinaire que j'ai jamais rencontré », reprit-il avec une conviction absolue. « Tu es la plus brillante et la plus courageuse des héroïnes, et je ne t'ai jamais vu laisser tomber quelqu'un qui avais besoin d'aide. Je ne connais personne qui ne soit plus digne d'être Ladybug que toi. »
- « Mais quelqu'un a été akumatisé à cause de moi », gémit Marinette en secouant la tête. « Une vraie héroïne n'aurait jamais fait ça... Comment... Je ne sais même pas comment te regarder en face », poursuivit-elle avec un hoquet d'horreur. « Oh, Adrien, pardon... Pardon...Tu dois être tellement déçu... » balbutia-t-elle, les mots peinant à franchir ses lèvres tremblantes.
N'y tenant plus, Adrien se pencha vers elle pour la serrer avec force entre ses bras.
- « Je ne suis pas déçu, ma Lady », lui assura-t-il avec une sincère conviction. « Je ne serai jamais déçu. »
- « Ce n'est pas toi qui a causé l'akumatisation de quelqu'un », protesta-t-elle en reniflant légèrement, avant de passer vivement sa main sur ses joues.
Relâchant son étreinte, Adrien s'écarta de Marinette d'une dizaine de centimètres à peine, tout en prenant grand soin de garder ses yeux plongés dans les siens.
- « Hem... Tu sais, il y a quelque chose dont je ne t'ai jamais parlé », commença-t-il avec une quinte de toux gênée. « Quelque chose dont je ne suis vraiment pas fier... Tu te rappelles de ce sculpteur qui avait fait notre statue ? Celui qui avait pris mon apparence après avoir été akumatisé ? »
Son regard rivé à celui d'Adrien, Marinette hocha la tête en signe d'approbation. La surprise se lisait dans ses grands yeux bleus, la jeune fille ne voyant manifestement pas où son partenaire voulait en venir.
- « Et bien... », reprit Adrien, rougissant de honte à ce cuisant souvenir, « Il est possible... Enfin, non, c'est sûr... C'était entièrement de ma faute... Je veux dire, il t'admirait beaucoup et j'étais tellement jaloux que je lui ai dit qu'on sortait ensemble, et c'est pour ça qu'il s'est fait akumatiser... »
Marinette le fixait, bouche bée. La stupeur que lui causait cette révélation avait chassé en elle toute trace de tristesse et de culpabilité, tandis que la jeune fille tentait de fouiller dans sa mémoire pour se rappeler de la moindre bribe de cette journée où elle et Chat Noir avaient eu à affronter un double de son partenaire.
- « Tu... tu es sûr que c'est à cause de ça ? » bredouilla-t-elle d'une voix où perçait un indubitable scepticisme.
- « Pour quelle autre raison aurait-il prit mon apparence ? », répliqua Adrien avec un petit sourire penaud. « Il me détestait. »
Il leva de nouveau sa main vers le visage de Marinette, traçant le contour de ses lèvres du bout ses doigts avant de poser délicatement sa paume contre sa joue. Il pouvait sentir la douce chaleur de la peau de la jeune fille, et son pouce suivit machinalement la délicate courbe de sa mâchoire, d'une caresse si légère qu'elle aurait pu être sans nulle peine celle d'une plume.
Le regard de Marinette était rivé au sien, si fiévreux qu'elle semblait être presque dans un état second, et Adrien était presque certain qu'elle retenait son souffle dans l'attente de ses prochaines paroles.
Le jeune homme déglutit péniblement, cherchant des mots qu'il espérait de tout cœur être justes afin de consoler au mieux sa Lady désemparée.
Et afin de s'excuser aussi, très certainement.
Jamais il n'avait osé reparler à Ladybug de cet élan de jalousie qui avait causé l'akumatisation du sculpteur, et cette tentative de réconfort était également pour lui l'occasion de soulager sa conscience. Adrien déposa un léger baiser sur le front de la jeune fille, avant de replonger son regard dans le sien.
- « On a beau être des héros, on reste aussi des êtres humains, ma Lady. Ni toi ni moi ne sommes infaillibles », déclara-t-il avec sérieux. « Nous ne sommes pas à l'abri de faire des erreurs. »
D'un mouvement fluide, il glissa ses doigts dans les cheveux de Marinette, dont le noir profond prenait de fascinants reflets bleutés.
- « Mais je reste tout de même persuadé que personne n'est plus digne que toi de porter le miraculous de Ladybug, » conclut-il d'un ton résolument optimiste, tandis qu'un franc sourire illuminait son visage.
Alors que Marinette laissait échapper un grognement incrédule, Adrien se pencha de nouveau vers elle.
- « Ma Lady », lui demanda-t-il d'un ton grave, « Est-ce que tu penses que je ne mérite plus d'être Chat Noir après ce qu'il s'est passé avec le sculpteur ? Il a été akumatisé parce que je me suis montré horrible avec lui. »
Marinette sursauta violement, ses doigts cherchant frénétiquement ceux de son partenaire tandis que son cœur battait soudain à grands coups indignés. Adrien, ne pas mériter d'être le brillant héros qu'il était ? La jeune fille était scandalisée qu'il puisse sous-entendre une telle infamie, alors qu'il était si dévoué à son héroïque rôle de protecteur de Paris, qu'il était si courageux, si fort, qu'elle-même aurait été incapable d'être Ladybug sans le précieux soutien qu'il lui apportait...
- « Personne ne ferait un meilleur Chat Noir que toi ! », répliqua-t-elle farouchement, d'une voix vibrante de surprise et de colère. « Ce n'est pas parce qu'il y a eu une akumatisation que... »
Elle s'interrompit brusquement, ne manquant pas de noter l'éclat qui s'était brusquement allumé dans les yeux d'Adrien. A la lueur du soleil, son regard d'un vert si limpide se parait d'envoutantes nuances dorées, mais au-delà de ce fascinant spectacle, il était impossible de manquer l'étincelle de triomphe qui dansait au fond de ses prunelles.
Oh, ce chat...
Marinette laissa échapper un léger soupir, secouant la tête en signe de reddition. Son partenaire la connaissait décidément trop bien, et avait parfaitement réussi à retourner ses arguments en sa faveur. Si elle acceptait que Chat Noir ait pu faire une erreur par le passé, il fallait qu'elle fasse preuve de la même indulgence avec elle-même.
Mais si elle acceptait de renoncer à mettre en doute sa légitimité en tant qu'héroïne de Paris, il restait malgré tout un point qu'elle tenait à éclaircir.
- « Je suis désolée d'avoir été aussi odieuse tout à l'heure », s'excusa-t-elle dans un souffle. « J'étais vraiment jalouse de Lila. J'étais en colère contre elle, pas contre toi. Jamais je n'ai cru que tu pouvais me tromper et je... je n'aurai pas dû agir comme ça. J'aurais dû te faire confiance pour gérer la situation. »
Les lèvres d'Adrien s'incurvèrent en un sourire où se lisait un indescriptible soulagement, et il déposa aussitôt un furtif baiser sur les fines phalanges de Marinette.
- « Ce n'est pas grave, ma Lady », murmura-t-il contre ses doigts. « Et sincèrement », reprit-il en passant nerveusement sa main dans ses mèches blondes, « je crois qu'à ta place j'aurais déjà craqué bien avant. J'ai beau avoir l'habitude d'être jaloux, je dois bien avouer que Lila était particulièrement crispante. »
- « Pardon ? » releva aussitôt Marinette, surprise. « L'habitude d'être jaloux ? »
- « Heu... Oui », avoua Adrien avec un petit sourire contrit. « Enfin, je préfèrerai dire que j'ai un instinct possessif assez développé, mais je te jure que j'essaye de faire avec. Oh, ma Lady, tu n'imagines même pas tout ce que ton pauvre chaton doit endurer », poursuivit-il avec un franc éclat de rire, tandis que sa coéquipière le fixait avec des yeux ronds comme des soucoupes. « Déjà, il y a Ladybug », reprit-il malicieusement, son ton se faisant soudain plus léger. « Je pense que la quasi-totalité des adolescents de Paris doit déjà avoir rêvé au moins une fois de sortir avec toi. Puis il y a Marinette », continua-t-il en souriant tendrement devant les vives nuances de rouge dont se paraient les joues de la jeune fille. « Je ne donnerai pas de nom pour préserver leur anonymat, mais je peux t'assurer qu'au moins la moitié des garçons de la classe a été amoureux de toi à un moment ou à un autre. J'ai tellement de concurrents potentiels, difficile de ne pas être un peu jaloux de temps à autre », acheva-t-il avec un clin d'œil espiègle.
- « Mais je... je... », balbutia Marinette en cachant son visage entre ses mains, ne sachant soudainement plus si elle devait disparaitre sous terre tant elle était embarrassée, exploser de bonheur face à cette surprenante confession ou s'inquiéter des potentielles répercutions que son inattendu succès pouvait avoir sur le couple qu'elle formait avec Adrien.
Cette dernière pensée la glaça brusquement d'effroi, son cœur ratant un battement à l'idée de son partenaire pensant qu'il puisse avoir la moindre raison de s'inquiéter. Relevant vivement la tête, elle tendit les mains vers Adrien pour le saisir par le col, manquant de le faire basculer en avant alors qu'elle le tirait vers elle.
- « Peu importe les autres garçons, il n'y a que toi qui compte ! » s'exclama-t-elle farouchement, son regard brillant d'un éclat féroce qui dissuadait quiconque de remettre en doute la sincérité de ses sentiments.
Adrien lui sourit amoureusement, puis profita de la brusque proximité de son visage pour se rapprocher de quelques centimètres supplémentaires et déposer un léger baiser sur ses lèvres.
- « Je sais, ma Lady », répondit-il d'une voix douce, avant de l'embrasser de nouveau. « Je te fais entièrement confiance. Que ce soit mon cœur, mon âme ou ma vie, je te confie tout sans hésitation. »
La jeune fille resta un instant muette de stupeur face à cette déclaration d'une intensité inattendue.
Si l'on disait que les yeux étaient le miroir de l'âme, jamais cela n'avait été aussi vrai que dans le cas de Marinette. Son regard qui avait pris des allures de ciel d'orage lorsqu'elle était en proie à une tempétueuse fureur s'était ensuite transformé en une triste mer d'un fade bleu grisâtre quand elle avait été en proie au doute et à la culpabilité. Et à présent, sous l'effet des paroles amoureuses d'Adrien, ses yeux se semblaient se métamorphoser de nouveau. Les pupilles de Marinette s'étaient sensiblement dilatées tandis que le bleu limpide de ses iris se parait de nuances plus riches, plus profondes, leur donnant ainsi la plus envoûtante des couleurs. Son regard étincelant brillait désormais avec autant de chaleur que la plus recherchée des pierres précieuses, avec autant d'éclat que la lumineuse des étoiles, et Adrien se noyait avec délice dans l'hypnotisant océan que formaient maintenant ces yeux bleus.
- « Je te fais confiance moi aussi », murmura Marinette d'une voix rauque, avant de se pencher à son tour vers lui pour l'embrasser avec ferveur. « Je t'aime, Adrien. »
Ces quelques mots suffirent à envoyer une décharge électrique dans la colonne vertébrale d'Adrien, comme si un violent courant parcourrait soudain chacune de ses vertèbres pour le faire finalement frissonner de tout son être. Comme mues par un pur instinct, ses mains s'enroulèrent brusquement autour de la nuque et des épaules de Marinette, pressant la jeune fille contre lui alors que sa bouche s'écrasait brutalement contre la sienne.
Sa coéquipière laissa échapper une brève exclamation de surprise, vite étouffée alors qu'Adrien glissait sa langue entre ses dents pour inviter la sienne à partager une langoureuse danse.
- « Je t'aime », chuchota-t-il avec un soupir haletant, rompant brièvement le contact avant de l'embrasser de plus belle.
Même après toutes ces années, les déclarations d'amour de Marinette plongeaient toujours Adrien dans un état indescriptible. Les battements éperdus de son cœur résonnaient sous son crâne avec autant de force que les lourds roulements d'un tambour tandis qu'il remontait ses mains de part et d'autre de la tête de la jeune fille, prenant son visage en coupe entre ses doigts. Abandonnant un instant la langue de Marinette, il s'attaqua méthodiquement la chair rosée de ses douces lèvres, savourant leur goût si familier et pourtant toujours si ensorcelant. Les baisers brûlants d'Adrien arrachaient de mélodieux gémissements de plaisir à Marinette, qui se faisait une joie de répondre avec une égale ardeur à ses étreintes enflammées.
Durant de longues minutes, le silence qui régnait dans le minuscule parc où les deux adolescents avaient trouvé refuge ne fut rompu que par leurs langoureux soupirs, leurs lèvres restant scellées autant que l'étaient leurs cœurs.
Ils finirent néanmoins par s'écarter l'un de l'autre, leurs souffles courts s'entremêlants tandis que leurs cœurs battaient à tout rompre. Alors que sa voix se faisait légèrement éraillée sous l'effet des intenses baisers qu'elle venait d'échanger, Marinette fit remarquer à regret que leur absence du lycée n'avait probablement que trop durée et qu'il était sûrement temps pour eux de rentrer. Bien que son esprit ne lui hurle que le lycée, les cours et même le monde entier n'avaient qu'une piètre importance en comparaison de ces doux moments passés avec la jeune fille, Adrien approuva avec résignation. Il déposa un ultime et chaste baiser sur les lèvres entrouvertes de Marinette, avant de se lever et de lui tendre la main pour l'aider à se redresser à son tour.
Les deux jeunes gens regagnèrent rapidement le lycée, se glissant discrètement au milieu de leurs camarades qui commentaient encore l'apparition de la météorite et de la supposée nouvelle héroïne. Lila resta étrangement hors de vue, et le reste de la journée se déroula sans nouvel incident.
L'après-midi avait été si riche en évènements et émotions qu'Adrien était au bord de l'épuisement lorsqu'il regagna enfin son domicile. C'est à peine s'il prêta attention à Nathalie lorsque celle-ci lui adressa l'éternel récapitulatif de son emploi du temps des jours à venir, et il engloutit son repas en moins de temps qu'il ne faut pour le dire avant de se réfugier dans sa chambre et de s'écrouler de fatigue sur son lit.
Il sombra presque aussitôt dans un sommeil sans rêves, et le lendemain matin, c'est avec l'impression de n'avoir fermé les yeux que quelques minutes qu'il fut brutalement tiré de son profond repos par la sonnerie stridente de son réveil. Le jeune homme se leva en poussant le plus profond des soupirs, avant de se préparer pour une journée de cours dont il espérait vivement qu'elle soit plus calme que celle de la veille.
Presque une demi-heure plus tard, alors qu'il passait devant le bureau de son père, l'attention d'Adrien fut soudainement attirée par la voix furieuse de Gabriel Agreste. Le blond jeune homme jeta un bref coup d'œil à l'intérieur de la pièce, et ce qu'il y aperçu faillit lui arracher un hoquet de surprise.
Le célèbre styliste était au téléphone, fulminant tandis que son interlocuteur semblait incapable de lui fournir des réponses satisfaisantes. Mais les froides colères de Gabriel Agreste étaient monnaie courante, et ce n'était pas ce qui avait interpellé le héros de Paris.
Non, ce qui le stupéfiait, c'était la présence d'un ouvrage manifestement très ancien sur le bureau de son père, ainsi que celle plus surprenante encore d'un coffre-fort encastré dans le mur et dont il ignorait jusque-là l'existence.
Bien qu'il ait été élevé dans le strict respect de la vie privée de son prochain, Adrien avait toujours été curieux, et la présence de cet élément inattendu dans une maison qu'il pensait pourtant connaitre par cœur avait largement de quoi attiser cette curiosité naturelle. Alors que son père mettait un terme à sa conversation téléphonique, le jeune homme se faufila derrière l'une des nombreuses colonnes de marbres bordant le hall de la vaste demeure familiale. Depuis sa cachette, il avait une vue parfaite sur l'intérieur de la pièce, et il y n'eut aucun mal à y voir son père se saisir délicatement du livre qui reposait jusque-là sur son bureau. Gabriel rangea l'ouvrage dans le coffre-fort qu'il dissimula ensuite en faisant pivoter sur lui l'immense portrait de sa femme qui décorait l'un des murs de son bureau. Vu de l'extérieur, il était à présent impossible de deviné que ce gigantesque tableau cachait quoi que ce soit.
Un fois le portrait parfaitement en place, Gabriel Agreste tourna les talons avant de sortir de la pièce. Dès que l'écho des pas de son père se fut évanoui dans les couloirs, Adrien se rua dans le bureau. Il déplaça à son tour le chef-d'œuvre représentant sa mère, mettant à jour le coffre-fort dont la présence l'intriguait tant.
Cependant, étant loin d'être pourvu de talents de cambrioleur, le jeune homme n'avait à présent aucune idée de ce qu'il pouvait faire pour accéder au contenu de ce précieux coffre. Utiliser son pouvoir pour détruire la porte blindée lui semblait plus qu'hasardeux, le risque d'être surpris étant au moins aussi grand que celui de détruire malencontreusement l'un des objets qui s'y trouvaient. Contre toute attente, ce fut Plagg qui lui offrit une aide aussi précieuse qu'inattendue.
Le minuscule kwami traversa la porte métallique, qui s'ouvrit ensuite avec un doux cliquetis.
- « Et voilà le travail », lança fièrement Plagg, tandis qu'Adrien tendait les mains vers le livre qui avait attiré son attention.
Alors qu'il en tournait distraitement quelques pages, le jeune homme se demanda ce que cet ouvrage pouvait avoir de si précieux pour que son père le conserve avec un tel luxe de précautions. Il était manifestement très ancien, très coûteux peut-être, et couvert d'inscriptions indéchiffrables qui étaient probablement une langue d'une époque perdue.
Déçu, Adrien s'apprêtait à reposer le livre, lorsque la vue d'une illustration le fit brusquement sursauter. Les recherches acharnées de Nino et d'Alya n'avaient certes jusque-là été d'aucune aide pour découvrir l'identité du Papillon, mais les comptes-rendus détaillés que lui avaient adressés ses deux amis lui permettaient désormais d'être capable d'identifier un héros quand il en voyait un.
Et il ne faisait nul doute pour l'adolescent que l'homme à carapace de tortue dessiné sur la fragile feuille de papier en était précisément un super-héros.
D'un doigt tremblant, il tourna d'autres pages, faisant apparaitre de nouveaux personnages qui lui étaient indéniablement plus familiers. Chaque gravure qu'il découvrait représentait incontestablement le porteur d'un miraculous d'un autre temps.
Volpina. Ladybug. Chat Noir.
Le Papillon.
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