Chapitre 7
Marinette avait toujours été intimement convaincue que jamais personne ne l'horripilerait autant que ne le faisait Chloé.
Mais ça, c'était avant de faire la connaissance de Lila.
Assez ironiquement elle était même pour une fois sur l'exacte même longueur d'onde que sa blonde rivale, toutes deux s'accordant pour détester cordialement la nouvelle venue, bien que leurs raisons d'avoir du mal à digérer sa présence ne diffèrent légèrement.
Au visible agacement de Chloé, il avait fallu à peine une poignée d'heures à Lila pour accaparer l'attention de tous. Son prénom était sur toutes les lèvres, chacun semblant avoir une anecdote à raconter sur la nouvelle venue ou cherchant à en savoir plus sur elle, et rapidement le lycée entier ne parla plus que de la brune italienne. Pour Chloé qui s'estimait être l'une des célébrités de l'école, voir quelqu'un se placer aussi rapidement au centre de l'attention de tous était proprement insupportable, d'autant que Lila semblait gérer cette fulgurante notoriété avec une aisance déconcertante. Comme pour ajouter encore à l'affront, la popularité de la brune italienne croissait de de seconde en seconde, pour rapidement atteindre des sommets avec lesquels Chloé ne pouvait espérer rivaliser.
A vrai dire, à l'exception peut-être de Chat Noir et de Ladybug, personne ne semblait être en mesure de pouvoir faire concurrence à l'auréole de gloire qui entourait Lila.
Car en plus de bénéficier d'un indéniable charisme et d'être entourée de l'aura de mystère d'une nouvelle élève arrivant de l'étranger, la jeune fille semblait également avoir une vie trépidante, dont l'éclat était sans commune mesure avec le fait d'être la fille du maire. L'orgueilleuse Chloé tirait une grande fierté d'être issue d'une des familles les plus influentes de Paris, mais à son grand désarroi, elle se voyait forcée d'admettre que cet illustre fait faisait pâle figure en comparaison des extraordinaires révélations que leur faisait leur nouvelle camarade.
Lila racontait à qui voulait bien l'entendre à quel point son quotidien était extraordinaire. Elle avait par exemple eu le privilège de rencontre le célèbre Jagged Stone, avec qui elle s'était si bien entendu qu'il lui avait offert de composer une chanson en son honneur. Ladite chanson n'avait pas encore été enregistrée en studio, mais Lila affirmait qu'il la lui avait déjà interprétée et que c'était sans nul doute l'un des plus beaux morceaux qu'elle ait jamais entendu. Lorsque, au détour d'une conversation, Rose avait fait part à la nouvelle arrivante de son admiration sans borne pour le prince Ali, Lila lui avait également déclaré avoir déjà eu l'occasion de voyager compagnie du jeune homme. Elle avait alors promit à une Rose trépignant d'excitation qu'elle ferait tout son possible pour la mettre en contact avec son royal ami, obtenant en retour la gratitude et l'admiration inconditionnelles de sa camarade de classe.
Au grand dam de Chloé, qui avait une très haute opinion de sa propre position sociale, Lila assurait de plus être issue de la haute aristocratie italienne. Ses nombreux voyages à travers le monde ainsi que les multiples relations de ses parents lui avaient permis de fréquenter les acteurs ou chanteurs les plus célèbres, ainsi que des personnes d'aussi noble extraction que la sienne. Elle avait visité des lieux si incroyables qu'aucun mot n'aurait pu leur rendre justice, avait assisté à plus de bals et de réceptions qu'elle n'aurait pu les compter, et s'était même vue proposer des rôles dans des films par de grands producteurs, offres qu'elle avait déclinées pour se concentrer sur ses études.
Très clairement, Chloé ne pouvait pas rivaliser avec Lila.
La simple existence de la nouvelle venue lui faisait de l'ombre, et c'est avec une jalousie dévorante qu'elle écoutait la jeune fille conter ses sensationnelles aventures, tandis que sa rancœur ne faisait que s'accroître au fil des jours.
Lila ne semblait cependant guère être affectée par l'antipathie qu'elle inspirait à sa camarade de classe. Elle paraissait même de presque s'en amuser, un sourire condescendant se dessinant sur son visage chaque fois qu'elle croisait le regard haineux de la blonde fille du maire.
Si la plupart des gens ne semblaient pas mettre un instant en doute la parole de la jeune italienne, Marinette, quant à elle, avait un énorme doute quant à la véracité de ses dires. Bien entendu, elle ne pouvait décemment pas affirmer qu'absolument tout ce que racontait sa camarade était faux. Cependant, il y avait un point dont elle pouvait être sûre : lorsque Lila affirmait haut et fort avoir déjà été sauvée par Ladybug et être depuis restée en contact avec elle, il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un énorme mensonge.
Il était absolument horripilant pour Marinette d'entendre Lila déblatérer sur ses prétendus liens avec l'héroïne de Paris, sans pour autant pouvoir la contredire publiquement au risque de trahir son secret. La jeune fille se consolait néanmoins en se disant que dans son malheur, elle avait au moins la chance que ses proches connaissent la vérité. Adrien, Nino et Alya savaient en effet parfaitement que Ladybug était bien loin d'être amie avec la nouvelle venue, et c'était déjà un énorme soulagement.
Mais ce mensonge était loin d'être ce qui agaçait le plus Marinette.
Non, le pire était qu'Adrien avait très visiblement et très fortement attiré l'attention de Lila.
Et que cette dernière se moquait manifestement complètement du fait que le jeune homme soit déjà en couple.
La jeune italienne ne perdait pas une occasion d'approcher Adrien, tentant ostensiblement de flirter avec lui sans même se soucier du fait que Marinette l'aperçoive ou non. Au grand désarroi de l'héroïne, Lila avait réussi à faire en sorte que leur professeur désigne Adrien pour lui faire découvrir le lycée et pour l'aider afin que son intégration se passe au mieux. Le jeune homme n'avait donc pas d'autre choix que d'accompagner Lila quand le besoin s'en faisait sentir, lui faisant visiter les lieux ou l'épaulant dans ses démarches auprès de l'administration, et la nouvelle venue se faisait un plaisir de profiter du moindre prétexte pour tenter de se retrouver en tête à tête avec lui.
- « Je vais craquer », gronda Marinette d'une voix sourde, en observant de loin Lila et Adrien qui attendaient devant la porte du bureau d'un de leurs professeurs.
Sa brune camarade minaudait, penchant son torse vers son partenaire, tout en posant ses doigts fins sur son bras. Adrien avait beau se dégager d'un air gêné et reculer de plus en plus, levant les mains pour signifier son refus de contact, Marinette n'en fulminait pas moins. Son coéquipier et elle avaient à plusieurs reprises rappelé à Lila qu'ils étaient en couple et que son comportement était plus que gênant pour eux, mais la jeune italienne avait rétorqué d'un ton innocent qu'elle ne voyait pas de quoi ils parlaient et que son attitude était purement amicale, argumentant qu'elle avait toujours été quelqu'un de très tactile et qu'il ne fallait pas y voir du mal.
Cependant, du point de vue de Marinette, Lila semblait très clairement être en train de faire des avances à Adrien, une fois de plus.
- « Je comprends », compatit Alya en lui donnant une petite tape amicale sur le bras. « A ta place, ça m'énerverait moi aussi. »
- « Purement amicale, mais bien sûr », poursuivit Marinette, qui ne décolérait pas. « Elle me prend vraiment pour une idiote. Regarde un peu ça ! », lança-t-elle à sa meilleure amie tout en désignant d'un geste les deux lycéens qui entraient enfin dans le bureau du professeur, mais pas sans que Lila n'ait décoché une dernière œillade incendiaire à un Adrien dont le malaise était palpable même à une pareille distance. « Elle est aussi amicale avec Adrien que moi, sauf que moi, je sors avec lui. »
Les joues de Marinette se marbraient peu à peu de rouge tandis qu'elle serrait les poings de rage, enfonçant ses ongles dans la tendre chair de ses paumes. Il était rare qu'elle déteste des gens à ce point, mais Lila avait décidément le don de la mettre hors d'elle.
- « Mais ce n'est pas comme si tu avais de quoi t'inquiéter », répondit Alya avec un sourire réconfortant. « Adrien est définitivement amoureux de toi, et même un millier de Lila ne feraient pas le poids en comparaison. »
- « Je sais bien, mais ... », commença Marinette, avant de s'interrompre un instant.
Repoussant machinalement en arrière ses cheveux qu'elle portait aujourd'hui détachés, elle poussa un lourd soupir.
- « Je sais que Lila n'a aucune chance, mais cette fille est tellement... » Elle s'arrêta de nouveau, ravalant une insulte qui lui montait aux lèvres. « Je ne la supporte plus », reprit-elle avec un vif geste de la main. « Adrien lui demande de se montrer moins amicale », expliqua-t-elle avec ironie, « et en plus elle est parfaitement au courant qu'on sort ensemble, mais elle s'en moque. Sincèrement, je crois que ma réserve de patience arrive à bout. »
- « Hey, courage, elle finira par se lasser », rétorqua sa meilleure amie. « Regarde, Chloé a bien essayé de récupérer Adrien, et on ne peut pas dire que ça ait été un franc succès. Tu te rappelles à quel point elle a été odieuse ? »
Alors que Marinette esquissait une grimace de dégoût au souvenir de l'exécrable comportement qui avait été celui de la fille du maire durant les mois qui avaient suivi le fait qu'elle et Adrien se mettent à sortir ensemble, la jeune apprentie-journaliste se pencha pour poser doucement sa main sur l'épaule de sa meilleure amie.
- « Et bien là ça va être pareil », continua-t-elle d'une voix confiante. « Rien ni personne ne peut résister à Adrien et toi. »
- « Mais avec Chloé au moins je savais à quoi m'attendre », grommela Marinette, tout en levant néanmoins sa main pour serrer les doigts de son amie dans les siens, marquant ainsi toute sa reconnaissance pour le soutien moral qu'elle lui procurait. « Tout le monde savait à quoi s'attendre. Alors qu'avec Lila, c'est plus... je ne sais pas. Insidieux. Chloé ne pourrait pas avoir l'air sympathique même si sa vie en dépendait, alors que Lila est devenue amie avec presque tous les gens de l'école en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. »
- « Oui, je sais », approuva Alya, avant d'afficher un visage parfaitement impassible. « Je ne disais ça que pour rester politiquement correcte. Si jamais tu as besoin qu'on enlève Lila et qu'on fasse disparaitre son corps dans la forêt, tu peux compter sur moi. »
Marinette la regarda un instant, muette de surprise, avant de finalement éclater d'un rire franc et clair. Même si elle ne comptait bien sûr pas en arriver à de telles extrémités, cela faisait du bien à entendre, et le soutien indéfectible de sa meilleure amie lui réchauffait indubitablement le cœur.
- « Oh, Alya, qu'est-ce que je ferais sans toi ? », s'esclaffa-t-elle en la serrant affectueusement dans ses bras.
- « Tu n'aurais personne pour enterrer les cadavres de tes rivales au fond des bois », répliqua-t-elle malicieusement, tout en lui rendant volontiers son étreinte.
- « Et ça serait à charge de revanche », renchérit aussitôt Marinette avec un léger clin d'œil. « N'hésite pas à faire appel à moi si besoin. »
- « Je te remercie », répondit la jeune blogueuse avec un large sourire, « Mais est-ce que ça ne serait pas incompatible avec tes... activités ? »
- « Pas plus que d'enterrer des cadavres au fond des bois », répliqua Marinette en riant. « Ceci dit, il doit exister d'autres solutions moins compromettantes. Comme enfermer Lila à double tour dans une salle de classe et jeter la clef... Ou demander au prince Ali de la renvoyer chez elle dans son avion, ou même attendre que Chloé se lasse avant moi et se charge d'elle... »
- « Faire en sorte qu'elle ait les mauvais produits en cours de chimie et que tout explose... », renchérit Alya, ses yeux étincelants alors que son imagination se mettait en marche à la suite de celle de Marinette.
- « A condition de sécher le cours », intervint aussitôt son amie. « Je ne tiens pas à faire partie des dégâts collatéraux. Lui faire manger un repas préparé par Nino ? »
- « Cruel », rétorqua la blogueuse. « Mais j'approuve. Lui faire gagner un saut à l'élastique sans élastique ? »
Marinette hocha vivement la tête en signe d'approbation, et Alya et elle suggérèrent tour à tour d'enfermer leur camarade pendant quatre heures avec leur professeur de philosophie pour qu'elle en meure d'ennui, de lui faire faire une course de roller avec Alix après avoir saboté son équipement ou encore de l'enfermer accidentellement dans une malle à destination de Tombouctou.
Les deux amies bavardèrent joyeusement durant tout le reste de la récréation, continuant de plaisanter en imaginant milles et une façons de faire disparaitre Lila de leur lycée. Rien de tout ça n'était bien sûr constructif, mais cette conversation eut au moins le mérite d'adoucir légèrement les humeurs belliqueuses de Marinette. Le fait de réfléchir aux plus absurdes manières dont pourrait se volatiliser sa rivale avait un effet étrangement relaxant sur ses nerfs, et c'est à regret qu'elle interrompit ses réflexions lors que retentit la sonnerie indiquant la reprise des cours.
Cependant, en dépit des rassurantes paroles d'Alya et de la conviction profonde de Marinette que les avances de Lila à Adrien étaient vaines, la jeune fille avait du mal à contenir son constant énervement, qui se teintait peu à peu de ce qu'elle considérait comme une légitime inquiétude. Elle avait une foi absolue en Adrien, bien sûr, mais il était indéniable que Lila avait beaucoup de charme et qu'elle savait parfaitement en user. De plus, bien qu'elle prétende qu'elle voulait uniquement être amie avec le blond jeune homme, il était clair pour Marinette que sa camarade poursuivait avec une inflexible volonté ses tentatives de séduire Adrien.
La colère et l'angoisse tordaient tour à tour les entrailles de la jeune fille dès que Lila approchait Adrien, Lila battant alors outrageusement des cils comme pour tenter de l'envoûter de ses yeux d'un vert sombre. Marinette s'interposait dès qu'elle le pouvait, mais lorsqu'un professeur demandait à son partenaire d'accompagner la jeune italienne quelque part, elle ne pouvait rien faire d'autre que d'assister à la scène avec une rage impuissante, serrant ses poings avec tant de force les jointures de ses doigts en blanchissaient.
Dans ses sombres moments, l'inquiétude revenait, plus vive encore, et de venimeuses pensées faisaient leur apparition dans le cerveau de Marinette en lui susurrant au creux de l'oreille qu'il y avait peut-être une infime chance que Lila arrive un jour à ses fins. Après tout, elle était belle, vive et intelligente. Et brune. Et si Adrien avait un type pour les brunes ? Marinette tentait alors désespérément de se focaliser sur autre chose, buvant les paroles de son enseignant ou griffonnant furieusement des croquis sur son cahier pour occuper son esprit, mais cette petite boule d'angoisse restait toujours désespérément lovée au fond de son ventre, pesant sur elle comme un poids de plomb.
Et comme pour accentuer encore son mal-être, elle avait honte.
Honte de se montrer aussi possessive.
Honte de se sentir aussi vulnérable.
Elle faisait de son mieux pour cacher sa jalousie à Adrien, mortifiée de d'éprouver de tels sentiments et ne souhaitant surtout pas lui faire croire qu'il s'agissait là d'un manque de confiance en lui.
Mais en dépit de toutesses précautions, Adrien connaissait trop bien Marinette pour ne pas remarquer le malaise qu'elle tentait tant de lui dissimuler.
Lui-même avait énormément de mal avec l'attitude de Lila, dont les tactiles gestes lui rappelaient vivement les sombres heures où Chloé se pendait à son cou au moindre prétexte, sans se soucier le moins du monde de son propre avis concernant de tels contacts. Il n'avait jamais aimé être traité ainsi, comme une poupée sans âme dont seule l'apparence importait et dont l'opinion n'avait que peu d'importance. Il avait plusieurs fois signifié poliment mais fermement à Lila qu'il ne voulait plus qu'elle le touche comme cela, et celle-ci s'était à chaque fois excusée en lui affirmant qu'elle ne se rendait même pas compte qu'elle agissait ainsi, qu'il s'agissait pour elle d'une seconde nature que de se montrer physiquement proche des gens et qu'il ne fallait pas le prendre pour quoi que ce soit d'autre qu'une affectueuse amitié.
Avant de recommencer, encore.
Adrien laissait encore le bénéfice du doute à Lila concernant ses amicales intentions. S'il n'avait jamais eu le moindre doute quant à celles de Chloé, il ne connaissait pas encore suffisamment bien sa nouvelle camarade pour pouvoir interpréter ses gestes. De plus, comme lui avait déjà fait maintes fois remarquer la blonde fille du maire, Adrien était bien trop gentil pour son propre bien, et il avait du mal à l'idée de rabrouer violement une personne qui venait à peine d'arriver dans le lycée et qui n'avait aucun ami dans ce nouvel environnement. Lui-même avait si souvent été seul qu'il lui aurait semblé cruel de faire une scène à Lila si celle-ci tentait effectivement seulement de s'intégrer maladroitement. Cependant, son attitude était pour lui si pesante que bien des fois, seule sa stricte éducation le poussant à bien paraître en toutes circonstances l'empêchait de la fuir définitivement ou de lui hurler de le laisser tranquille une bonne fois pour toutes.
Ça, et le fait que Lila s'arrangeait presque toujours pour être à portée de l'oreille bienveillante d'un professeur pour lui demander service, plaçant le jeune homme dans l'impossibilité de refuser quoi que ce soit.
Indépendamment d'à quel point l'attitude envahissante de la nouvelle venue lui aurait déjà été pénible en temps normal, les choses étaient encore aggravées par les vifs sentiments qu'il éprouvait pour Marinette. Chaque fois que la brune italienne requérait ses services, c'était autant d'instants de moins qu'il pouvait passer auprès de son adorable partenaire.
Des instants de moins à sentir la chaleur de sa main dans la sienne, à entendre le son mélodieux de sa voix et celui de son rire cristallin.
Des instants de moins à tenter de trouver des jeux de mots plus absurdes les uns que les autres pour le simple plaisir de voir son visage s'éclairer d'un lumineux sourire, avant qu'elle ne lui ébouriffe affectueusement les cheveux en l'appelant son chaton.
Même s'ils continuaient de se voir en dehors des cours et quand il parvenait à échapper à Lila, Marinette lui manquait dès l'instant où un professeur le contraignait une fois de plus à servir de guide à la nouvelle venue.
Cette situation agaçait sa partenaire autant que lui. Adrien pouvait le dire rien qu'à voir ses yeux bleus étinceler de fureur quand Lila s'approchait de lui, ou quand une mine peinée se peignait subtilement sur son visage quand un de leurs enseignants venait le chercher. C'était toujours bref, furtif, Marinette faisant de son mieux pour faire bonne figure auprès de lui, mais il la connaissait trop bien pour rater les signes d'une sourde colère.
Le contrôle dont faisait preuve la jeune fille était par ailleurs remarquable. Si un garçon avait eu le malheur de tourner autour de Marinette de la même façon que papillonnait Lila autour de lui, Adrien ne doutait pas un seul instant qu'il aurait explosé de rage bien avant, et peu importe les conséquences. Cette certitude ne faisait qu'exacerber sa culpabilité de faire subir cette situation à Marinette, et il avait hâte que cela cesse enfin.
Lors de la pause de midi suivante, il fut un instant retenu par la brune italienne, mais réussi à la repousser habillement pour retrouver ensuite Marinette à l'extérieur du lycée, sur une petite place voisine où ils savaient tous deux pouvoir être tranquilles.
- « Je suis désolé », s'excusa-t-il dans un souffle, alors que la jeune fille se levait du banc sur lequel elle l'attendait. « Lila est un vrai pot de colle. »
- « J'ai vu ça », répliqua Marinette, le regard étincelant. « Et je n'arrive pas à croire qu'elle ait encore réussi à convaincre un prof qu'il fallait que tu lui fasses visiter une nouvelle partie du lycée après manger. C'est quoi cette fois-ci ? Le gymnase ? »
- « Exactement », soupira Adrien, tout en glissant ses bras autour de la taille de sa partenaire pour la serrer contre lui. « Mais elle commence à arriver à cours de prétextes », poursuivit-il avec un clin d'œil malicieux. « Elle ne pourra plus profiter très longtemps de son statut de petite nouvelle pour demander aux profs que je l'accompagne partout, encore un jour ou deux et ça sera bon, à mon avis. Une fois que je n'aurais plus Mr. Mendeleïev pour me faire les gros yeux à la moindre tentative de refus, ça sera beaucoup plus simple de l'esquiver. »
Alors que Marinette affichait une moue sceptique, Adrien se pencha pour déposer un léger baiser sur ses lèvres, avant de poser son front contre le sien.
- « Tu sais que tu n'as aucune raison de t'inquiéter, ma Lady », murmura-t-il en la regardant droit dans les yeux.
- « Je sais, chaton... », maugréa Marinette, levant la main pour la faire glisser avec douceur le long de la mâchoire de son partenaire, dont les formes étaient plus marquées que lorsqu'ils avaient commencés à sortir ensemble.
Les rondeurs de l'enfance s'effaçaient peu à peu du visage d'Adrien au fil des ans, le rendant plus séduisant que jamais. Ses traits de plus en plus affirmés laissaient présager que le jeune adulte qu'il allait bientôt devenir serait certainement encore plus attrayant qu'il ne l'était déjà, et il ne faisait nul doute pour Marinette qu'il faudrait qu'elle apprenne à apprivoiser sa propre jalousie tant le charme de son petit ami continuerait indubitablement à faire des ravages dans les années à venir.
- « Je le sais bien », reprit la jeune fille en grinçant des dents, « mais elle m'agace. »
- « Je te rassure, moi aussi », répliqua Adrien avec un sourire contrit. « Mais tant que les profs m'obligent à jouer les guides touristiques... »
Marinette leva ses immenses yeux vers le ciel auquel ils empruntaient la couleur, avant de finalement se mordre l'intérieur de la joue. Sa nouvelle camarade lui gâchait déjà suffisamment la vie comme ça, hors de question qu'elle en fasse autant de son déjeuner. Elle prit une grande inspiration puis, se dressant sur la pointe des pieds, elle embrassa de nouveau Adrien, emprisonnant ses lèvres chaudes et fermes sous les siennes.
Le jeune homme resserra sa prise autour de la taille de Marinette, lui rendant son baiser avec un plaisir non dissimulé tandis que ses préoccupations concernant Lila s'évanouissaient instantanément de son esprit. Ses mains décrivaient de paresseux va-et-vient le long de la colonne vertébrale de sa partenaire, se déplaçant jusqu'à ses omoplates pour redescendre ensuite de nouveau vers sa taille, allant parfois jusqu'à s'aventurer vers ses côtes avant de reprendre leur route vers son dos. La langue de Marinette dansait langoureusement autour de la sienne, tandis que les doigts de la jeune fille agrippaient sa nuque comme pour ne jamais le laisser partir.
Et si ça n'avait tenu qu'à lui, Adrien serait d'ailleurs bien resté ici des heures durant, à couvrir le visage de sa coéquipière de brûlants baisers.
- « Mmm, Princesse... », murmura-t-il d'une voix rauque, s'arrachant à regret à la bouche de Marinette. « Je n'ai pas beaucoup de temps ce midi... »
La jeune fille poussa un léger soupir, secouant la tête en signe de dépit. Elle était si proche d'Adrien que ce simple geste suffit à faire parvenir jusqu'à lui le léger parfum de fruits rouges que dégageaient ses cheveux. Son shampoing, très certainement. Comme mués par une vie propre, les doigts du héros s'enfoncèrent dans les mèches brunes de Marinette, jouant machinalement avec elles tandis que les yeux d'un bleu perçant de la jeune fille semblaient incapables de se détacher de son visage.
- « Si on va chercher des sandwiches », commença-t-elle d'une voix hésitante, « on devrait pouvoir manger en dix minutes à peine. Et avoir encore du temps libre ensuite, » poursuivit-elle alors que ses joues se coloraient d'un merveilleux rouge.
Le visage d'Adrien se fendit d'un lumineux sourire, avant qu'il ne se penche de nouveau vers Marinette pour l'embrasser.
- « J'ai toujours adoré les sandwiches », répliqua-t-il avec un petit rire.
Marinette avait sincèrement prévu de prendre sur elle et de faire au mieux pour ignorer l'horripilante attitude de Lila.
Très sincèrement.
Et ce d'autant plus qu'Adrien trouvait à présent tous les prétextes possibles pour décliner la moindre sollicitation de la jeune italienne. Il restait avec elle aussi courtois que possible, mais sauf demande explicite de l'un de leurs enseignants, il évitait soigneusement de passer le moindre moment avec elle.
Mais un matin, alors qu'Adrien était tranquillement en train de bavarder avec Alya, Nino et Marinette, Lila surgit brusquement.
- « Adrien », l'interrompit-elle, tout adressant un bref salut amical au petit groupe. « Tu peux venir avec moi ? Mr. Mendeleïev aimerait nous voir. »
Le jeune homme jeta coup d'œil désolé à sa coéquipière, dont le regard s'était fait aussi dur que deux agates, avant de saisir sa main pour y déposer un tendre baiser. Bien qu'un subtil agacement soit toujours visible sur son visage, l'expression de la jeune fille s'adoucit sensiblement devant le doux geste d'Adrien. Serrant délicatement les doigts de jeune homme entre les siens, Marinette se dressa vivement sur la pointe des pieds pour l'embrasser brièvement sur la joue, puis, à regret, elle laissa ses phalanges glisser le long des siennes alors qu'il s'éloignait aux côtés de Lila.
Adrien suivit sa brune camarade dans les couloirs du lycée, l'esprit toujours préoccupé par l'éclair de colère froide qu'il avait vu dans les yeux de Marinette.
- « Qu'est-ce que Mr. Mendeleïev nous veux, au fait ? », se renseigna-t-il poliment.
- « Oh, je ne sais pas », répondit distraitement Lila. « On verra bien. »
Adrien nota soudainement que la direction qu'ils empruntaient était tout sauf celle du bureau de leur professeur. Alors qu'il fit part de cette réflexion à sa camarade, pensant qu'elle s'était égarée dans ces lieux qu'elle ne connaissait pas encore parfaitement, celle-ci lui répondit évasivement qu'elle savait exactement où elle allait.
Au détour d'une volée de marches, elle ouvrit une porte avant d'inviter d'un geste Adrien à en franchir le pas. Alors qu'il s'exécutait, le jeune homme constata avec surprise qu'ils venaient de quitter le lycée par une sortie secondaire, et que tous deux se trouvaient à présent dans l'une des paisibles rues qui bordaient le bâtiment.
Il fit quelques pas dehors, sentant un sombre pressentiment monter dans sa poitrine, et c'est avec un regard accusateur qu'il se tourna ensuite vers Lila.
- « Il n'y a pas de Mr. Mendeleïev, je suppose ? », demanda-t-il avec froideur.
Lila lui répondit de son sourire le plus enjôleur, avant de s'avancer de lui sans le quitter un seul instant du regard, s'approchant tant et tant qu'Adrien fini par faire un pas en arrière pour éviter une compromettante proximité avec sa brune camarade.
- « Non, effectivement », répliqua-t-elle d'une voix aussi caressante que de la soie. « Je voulais juste discuter un peu avec toi. »
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