Chapitre 20
Chat Noir ouvrit la trappe avec douceur, avant de se faufiler par l'ouverture et d'atterrir souplement au pied du lit de Marinette. Il portait à l'épaule un sac de sport sur lequel se posèrent instinctivement les yeux de la jeune fille, peu habituée à voir son coéquipier se balader avec quoi que ce soit d'autre que son bâton.
Suivant le regard de sa partenaire, Chat Noir esquissa un faible sourire tout en se détransformant.
- « J'ai ramené mon pyjama et quelques affaires de rechange », s'expliqua-t-il, tandis que Plagg s'envolait vers les profondeurs de la chambre à la recherche de Tikki.
- « Ah... Heu, oui », balbutia Marinette, encore sous le choc de l'apparition du jeune homme.
Elle secoua légèrement la tête pour tenter de reprendre ses esprits, avant de lever ses yeux clairs vers le pâle visage de son coéquipier, peinant encore à croire qu'il était bel et bien là.
Si la découverte de l'identité du Papillon avait été dramatiquement choquante pour Marinette, l'atroce terreur qu'elle avait ressentie pour la sécurité de son précieux partenaire avait été bien pire encore. Durant les terribles et interminables heures pendant lesquelles elle avait attendu Adrien, la peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose d'irrémédiable avait été si vive que l'indicible soulagement qu'elle ressentait à présent à la vue du jeune homme la paralysait presque.
Encore confuse, Marinette descendit si maladroitement de son lit qu'elle failli presque en tomber par terre, ne voyant sa chute interrompue que par la poigne ferme d'Adrien.
- « M-Merci », bredouilla-t-elle de nouveau, serrant avec force la main de son partenaire entre ses doigts, avant de l'inviter d'un geste à passer devant elle pour descendre les escaliers de sa mezzanine.
Bien qu'en proie à un invraisemblable chaos d'émotions, Marinette parvint tant bien que mal à lutter contre un presque irrésistible instinct qui lui hurlait de prendre immédiatement Adrien dans ses bras.
De le serrer de toutes ses forces contre son cœur.
De lui parler. De lui dire à quel point il lui avait manqué, combien elle tenait à lui, et qu'elle tenait plus que tout à rester à ses côtés pour le soutenir dans ces moments difficiles.
Mais Tikki avait raison.
Adrien était à deux doigts de s'effondrer, c'était l'évidence même.
Ses doigts tremblants, son regard fiévreux, ses traits tendus, tout en lui trahissait l'inhumaine fatigue qui l'accablait depuis déjà de bien trop nombreux jours. Cela tenait même du miracle qu'il ait tenu si longtemps sans s'écrouler de douleur et d'épuisement, porté seulement par une extraordinaire force de caractère.
Il fallait qu'il se repose, et le plus tôt serait le mieux.
Alors, faisant taire son impulsif désir de serrer de toutes ses forces son partenaire contre elle, la jeune héroïne accompagna ce dernier en bas de sa mezzanine.
- « Tu peux utiliser la salle de bain pour te changer », poursuivit Marinette alors qu'ils atteignaient les dernières marches, toujours seulement faiblement éclairés par la lumière tamisée de sa lampe de chevet. « Si tu veux prendre une douche, ou si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. Tu es ici chez toi. J'ai des serviettes, du savon, du shampoing... Sers-toi autant que tu veux. »
La jeune fille interrompit brusquement son petit discours, ne sachant pas quoi dire de plus.
Au-delà de son aspect dramatique, la situation dans laquelle Adrien et elle se trouvaient à présent était aussi étrange qu'inédite, et Marinette ignorait encore comment réagir. L'identité du Papillon, la détresse et les fugues nocturnes de son partenaire, le fait qu'Adrien trouve finalement refuge chez elle... Les évènements se précipitaient et s'entremêlaient, ravageant tout sur leur passage et bousculant l'héroïne avec une force extraordinaire. Le monde que les deux adolescents avaient jusque-là connu avait volé en éclat avec une violence dévastatrice, et à présent que la chambre de Marinette leur apparaissait pour ce soir comme un radeau de sauvetage au milieu de cette terrible tempête, la jeune fille peinait encore à trouver ses marques.
Ne semblant pas remarquer le trouble de sa partenaire, ou choisissant peut-être de l'ignorer, Adrien se tourna vers elle. Un nouveau sourire éclairait faiblement le visage du jeune homme, qui se pencha pour déposer un reconnaissant baiser sur le front de Marinette.
- « J'ai tout ce qu'il me faut ici », répondit-il en se redressant, tout en tapotant légèrement son sac de ses doigts fins. « Mais merci, ma Lady. »
La saluant d'un petit geste de la main, il s'écarta ensuite d'elle pour se diriger vers la salle de bain, dont il ferma doucement la porte derrière lui.
Toujours troublée par cette invraisemblable situation, Marinette resta encore quelques instants immobile, fixant sans la voir la poignée de porte qu'avait tourné son partenaire quelques instants plus tôt. Puis, sortant enfin de sa torpeur, elle secoua machinalement la tête pour tenter de s'éclaircir les idées.
- « Plagg ? » murmura-t-elle, cherchant du regard le kwami de son coéquipier dans la pénombre de sa chambre.
Une petite boule d'un noir d'encre se détacha des ténèbres environnantes, voletant doucement vers elle jusqu'à se poser dans le creux de sa main tendue. Plagg leva vers la jeune fille ses yeux d'un vert lumineux, d'une couleur si semblable à ceux de Chat Noir que l'héroïne sentit son cœur se serrer.
- « Plagg », reprit-elle à voix basse, ne cherchant pas un instant à dissimuler la vive inquiétude qui lui nouait les entrailles. « Comment va Adrien ? Comment est-ce qu'il va vraiment ? »
- « Plutôt mal, comme tu t'en doutes », répliqua le kwami. « Il a été pas mal secoué ces derniers temps. »
- « Le Papillon... », laissa échapper Marinette dans un souffle, alors que son interlocuteur s'interrompait un instant.
- « Oui. ça a été un véritable choc pour Adrien », reprit Plagg, d'un ton aussi sombre que la couleur de sa peau. « Surtout au vu des attentes qu'il avait au sujet de son père. Et bien sûr, le fait que ce gamin ait la mauvaise manie de vouloir tout endurer tout seul n'a vraiment rien arrangé », poursuivit-il en secouant la tête d'un air navré. « Tu es arrivée au bon moment. Il n'aurait certainement pas pu tenir encore longtemps comme ça. »
Alors que Marinette le regardait sans mot dire, la gorge trop nouée par l'émotion pour réussir à articuler la moindre parole, l'ombrageux kwami s'envola de nouveau.
- « Enfin, maintenant il est ici, avec toi », lui lança-t-il, tout en laissant échapper un léger soupir. « Au vu des circonstances, c'est certainement ce qu'il pouvait lui arriver de mieux. On poursuivra cette conversation plus tard », conclut-il en s'éloignant pour rejoindre Tikki.
Marinette déglutit péniblement, avant de se retourner d'un geste vif quand elle entendit s'ouvrir la porte de sa salle de bains. Alors qu'elle faisait à présent face à son coéquipier, la jeune fille laissa échapper un hoquet de stupéfaction. Adrien s'était changé, portant désormais un pantalon de pyjama et un T-shirt, accompagnés d'un gilet à capuche noir orné de vert que Marinette lui avait confectionné pour son précédent anniversaire. Mais ce n'était pas la tenue du jeune homme qui avait arraché une exclamation de surprise horrifiée à l'héroïne de Paris.
C'était son visage.
Au vu des gouttelettes d'eau qui se balançaient encore paresseusement aux extrémités de ses mèches blondes, Adrien avait profité de ces instants passés dans la salle de bain de sa partenaire pour faire un rapide brin de toilette. Ce faisant, il avait ôté les multiples couches de fond de teint qu'il avait pris l'habitude d'appliquer précautionneusement sur sa peau, et pour la première fois, Marinette réalisa à quel point la tension et l'épuisement avaient marqué les traits du jeune homme. Le plus frappant était ses yeux, creusé de cernes d'un bleu violacé si sombre qu'il en semblait presque noir.
Marinette sentit sa poitrine se serrer, comme compressée par le plus impitoyable des étaux, et elle dû se mordre la langue jusqu'au sang pour réussir à retenir les larmes qui menaçaient de déborder de ses yeux.
Voir son partenaire ainsi lui brisait le cœur.
- « Oh, Adrien... » murmura-t-elle malgré elle, s'approchant de quelques pas tout tendant machinalement le bras pour faire courir ses doigts le long de sa joue.
- « Ma Lady », répondit-il à voix basse, levant la main à son tour pour s'emparer de celle avec laquelle Marinette effleurait doucement son visage.
Le regard rivé à celui de sa coéquipière, il fit délicatement tourner la main de la jeune fille entre ses doigts avant de déposer un tendre baiser dans le creux de sa paume.
Mais il n'amorça pas un geste de plus vers elle.
Au fond de lui-même, Adrien se savait toujours aussi proche du point de rupture, et il ne se faisait pas assez confiance pour être certain de ne pas s'effondrer tout de suite si Marinette devait le prendre dans ses bras. Bien sûr, le jeune homme savait parfaitement que s'il devait craquer, s'écrouler de désespoir jusqu'à n'être plus qu'une informe masse haletante et sanglotante, sa partenaire serait là pour le soutenir de toutes ses forces.
Mais un orgueil stupide l'en empêchait encore. Il refusait de se laisser aller, tentant désespérément de garder d'ultimes bribes de contrôles sur sa vie qui volait pourtant en d'innombrables éclats.
- « Tu... J-Je... Je vais me changer moi aussi », balbutia soudain Marinette. « Je te laisse mon lit, tu peux t'installer en attendant. »
- « Ton lit ? Mais, et toi ? » demanda Adrien, haussant sourcil circonspect. « Tu vas dormir où ? »
Marinette se mordit nerveusement la lèvre inférieure, tandis que ses joues se paraient délicatement de rose. La jeune fille jeta de brefs regards à son divan, puis à son escalier, avant de finalement lever de nouveau les yeux vers le visage attentif de son coéquipier.
- « Je... Je pensais dormir sur le sofa », répondit-elle d'une voix hésitante. « Saufsitupréfèrequondormensemble », lança-t-elle ensuite d'une seule traite, ses paroles franchissant ses lèvres à une vitesse presque humainement impossible tandis que son visage s'empourprait de plus belle.
Adrien la fixa un instant du regard, interdit. Quoi qu'ai voulu dire sa partenaire, ses mots s'étaient perdus, s'écrasant les uns contre les autres tels les wagons désarticulés d'un train fou au moment même où elle les prononçait, s'entrechoquant et se mélangeant pour ne former plus qu'un amas informe où seules les syllabes « ensemble » semblaient avoir survécu.
- « Pardon ? », lâcha-t-il machinalement, ses yeux verts s'écarquillant légèrement de surprise. « Je n'ai rien compris », poursuivit-il avec un sourire d'excuse à l'attention de sa partenaire.
Marinette lui jeta un regard douloureusement perçant, tandis que la moindre goutte de sang présente dans son corps semblait avoir soudainement décidé de converger vers son visage. Les pommettes de la jeune fille étaient à présent d'un rouge presque insoutenable, et Adrien pouvait sentir une douce chaleur irradiait de ses joues.
- « S-Sauf si tu préfères que je dorme avec toi », reprit-elle en braquant vers lui ses yeux d'un bleu intense, comme pour le défier de se moquer d'elle.
Mais à cet instant, Adrien avait tout sauf envie de la taquiner.
A la grande stupéfaction de Marinette, des marbrures rouges apparurent à leur tour sur le visage du jeune homme, faisant d'autant plus ressortir ses pommettes sur sa peau anormalement pâle.
Adrien était en train de rougir.
- « Je préférerai », répondit-t-il dans un souffle, tout en se grattant nerveusement la nuque. « Je... Je suis d'accord pour qu'on dorme ensemble. S-Si... Si tu veux bien. »
Marinette hocha machinalement la tête, incapable de détacher son regard de celui d'Adrien.
- « O-Ok, on fait comme ça alors », reprit-elle brusquement, rompant le silence tendu qui commençait à s'installer entre eux. « Je te laisse grimper, j'arrive tout de suite. »
Adrien approuva d'un bref geste du menton, et la jeune fille se hâta de s'éclipser en direction de la salle de bain.
Quand elle en ressortit quelques minutes plus tard, vêtue d'un charmant pyjama rose, Adrien avait pris place sur son lit où il attendait patiemment, assis en tailleur. Déglutissant péniblement, Marinette escalada ses escaliers avant de s'asseoir à ses côtés.
Aux côtés d'Adrien. Son petit ami.
Dans un lit.
Pour y passer la nuit.
Bien que la situation dans laquelle ils se trouvaient tous deux soit clairement plus désespérée que romantique, Marinette ne pouvait s'empêcher de se sentir aussi bien gênée qu'impressionnée. Sa seule consolation se trouvait dans le fait que son partenaire semblait aussi peu à l'aise qu'elle, comme en témoignaient les battements fébrile des doigts du jeune homme sur son propre genou.
Alors qu'un silence pesant commençait à s'éterniser entre les deux adolescents, ni l'un ni l'autre ne sachant quoi dire, l'héroïne laissa finalement échapper une quinte de toux nerveuse.
- « Bon, alors... Bonne nuit ? », lança-t-elle, rougissant furieusement, maudissant intérieurement les frénétiques battements de son cœur affolé.
Adrien sourit faiblement avant de se pencher vers elle pour déposer un aérien baiser sur la douce peau de sa joue.
- « Bonne nuit, ma Lady », murmura-t-il en s'empourprant à son tour, avant de s'allonger sur le matelas.
Marinette se glissa rapidement à ses côtés, puis rabattit rapidement sur eux sa couette rose pâle avant d'éteindre la lumière, soulagée de pouvoir laisser l'obscurité engloutir le rouge insoutenable de ses joues.
Jamais Marinette n'aurait cru que la présence d'Adrien auprès d'elle puisse la rendre aussi fébrile.
Par la force des choses, Chat Noir et elle avaient toujours formé un duo assez tactile. Durant les nombreux combats qu'ils avaient à livrer, ils se trouvaient régulièrement obligés de se saisir par le bras, l'épaule ou encore la taille pour esquiver diverses attaques. Et depuis qu'ils sortaient ensemble, leurs contacts corporels ne se limitaient plus à leur strict cadre professionnel. Cela faisait plusieurs années déjà que baisers et tendres étreintes étaient devenues monnaie courante pour les deux adolescents. Marinette était habituée à sentir les doigts d'Adrien entrelacés avec les siens, la chaleur de son corps entre ses bras, la douceur de ses lèvres contre les siennes, et la présence de son partenaire dans sa chambre lui était également désormais plus que familière.
Leur proximité physique n'aurait donc en aucun cas dû présenter le moindre problème à la jeune fille.
Théoriquement.
Car en dépit de tous leurs baisers enflammés, de toutes leurs étreintes, leur situation actuelle atteignait un degré d'intimité inédit, qui intimidait Marinette bien plus qu'elle ne l'aurait cru.
Ils partageaient tous les deux le même lit.
La nuit.
Seuls.
Vêtus de simples pyjamas.
En débit des terribles circonstances qui avaient poussé Adrien à trouver refuge chez elle ce soir, la présence de son coéquipier rendait définitivement Marinette plus fébrile que jamais. Mais si la jeune fille avait espéré que ne plus voir Adrien lui permettrait de mieux contrôler sa nervosité croissante, elle réalisa rapidement qu'elle s'était lourdement trompée. Les ténèbres ne faisaient qu'amplifier la moindre sensation, le moindre son, les démultipliant à l'infini sans la plus petite considération pour les nerfs tendus à en rompre de la jeune héroïne.
Les frénétiques pulsations du cœur de Marinette étaient à présent si fortes et si rapides qu'il semblait à la jeune fille que leur son assourdissant emplissait la pièce entière.
Mais malgré le fracas tonitruant de ce vital organe, l'héroïne de Paris pouvait parfaitement entendre la respiration d'Adrien sur sa gauche, lourde et régulière.
Tout comme elle arrivait à percevoir la douce chaleur que dégageait le corps du jeune homme allongé à côté d'elle.
C'est à peine si Marinette osait bouger ou respirer, pouvant elle-même sentir sans aucune peine le moindre changement de pression sur son matelas quand Adrien effectuait ne serait-ce qu'un presque imperceptible geste. Il ne devait pas y avoir plus d'une dizaine de centimètres entre leurs deux corps, mais ce minuscule espace d'air lui semblait former comme une barrière aussi infranchissable que terrifiante.
Tendue comme elle l'était, Marinette ne doutait pas un instant qu'elle ne réussirait pas à fermer l'œil de la nuit.
Afin de tenter de retrouver son calme, la jeune fille se concentra sur la lente respiration d'Adrien, guettant avec attention le moindre de ses souffles.
Inspiration.
Expiration.
Inspiration.
Et soudain, Marinette fronça les sourcils.
La respiration jusque-là régulière d'Adrien était peu à peu devenue plus erratique, se faisant parfois profonde, parfois hachée, comme si le jeune homme tentait désespérément de maitriser le rythme de ses poumons avant d'en perdre parfois le contrôle. Marinette pouvait le sentir s'agiter sur le matelas, tandis qu'il serrait compulsivement ses poings autour des draps.
Quelque chose n'était pas normal.
L'inquiétude de la jeune héroïne était plus forte que le trouble qu'elle pouvait ressentir vis-à-vis de la perturbante proximité du jeune homme, et elle tendit doucement ses doigts dans le noir, cherchant à tâtons le visage de son partenaire. Sa main rencontra rapidement les pommettes du jeune homme, qui tressaillit à ce contact inattendu tandis que Marinette laissait échapper un hoquet de surprise.
Là où elle s'attendait à trouver une peau douce et chaude, se trouvait une surface humide. Indéniablement humide.
Aucun doute possible.
Les joues d'Adrien étaient baignées de larmes.
Les dernières traces de gêne ou d'indécision qu'aurait pu ressentir Marinette se désagrégèrent aussitôt. La jeune fille ne retira ses doigts que pour mieux passer ses bras autour des épaules et de la nuque d'Adrien, franchissant sans la moindre hésitation la dizaine de centimètres qui les séparaient pour serrer son partenaire contre son cœur.
Stupéfait, Adrien se figea un instant, avant de passer à son tour ses mains autour du torse de Marinette. Ses doigts tremblants remontèrent le long de son dos jusqu'à ses omoplates, le jeune homme s'agrippant à sa partenaire de toutes ses forces avant d'enfouir son visage dans le creux de son cou, sans plus chercher à dissimuler les lourds sanglots qui secouaient son corps fatigué.
Adrien craquait.
Violemment.
La maigre carapace qu'il avait jusque-là péniblement réussi à maintenir autour de ses émotions s'était peu à peu fissurée, avant d'être finalement emportée par de tumultueux torrents de larmes à l'instant même où les doigts délicats de Marinette avaient effleuré sa joue. Toute la peine, toute la terreur, toute la douleur qui le torturaient depuis tant de jours trouvaient à présent une incontrôlable échappatoire, et déferlaient sur le malheureux garçon avec une intensité dévastatrice que rien ni personne ne semblait pouvoir apaiser pour le moment.
La poitrine du jeune homme lui faisait mal à en hurler, ses poumons le brûlant tandis qu'il peinait à reprendre son souffle au milieu de ses inconsolables pleurs.
Se mordant les lèvres pour tenter de refréner les plaintes désespérées qui montaient depuis les tréfonds de sa gorge enrouée, Adrien sanglotait maintenant de toutes ses forces dans les bras de Marinette. Il serrait compulsivement ses doigts dans le doux tissu du pyjama de sa partenaire, quand il ne se cramponnait pas directement à elle avec autant de force et de désespoir que si elle avait été son unique bouée de sauvetage au milieu du plus horrifique des naufrages.
- « M-Mon... M-mon père », hoqueta misérablement le jeune homme, son souffle humide caressant la peau de Marinette. « T-tu aurais v-vu son regard q-q-quand il a vu ma b-bague... J-Je ne comprends p-pas... »
Adrien se tu un instant, interrompu par une nouvelle crise d'incontrôlables sanglots qui empêchait sa gorge douloureuse de laisser passer la moindre parole. Sans perdre un instant, Marinette enfoui sa tête dans les cheveux blonds de son partenaire, cherchant le creux de son oreille pour y murmurer de tendres paroles de réconfort.
- « I-Il sait », reprit enfin le jeune homme d'une voix hachée. « I-Il sait que je s-suis Chat Noir, et i-il sait que c'est d-dangereux, alors j'aurais cru... Je croyais qu'au moins... J-Je pensais que l-les attaques allaient s'arrêter m-maintenant qu'il sait, m-mais non. I-Il s'en m-moque », gémit-il avec désespoir. « J-Je pourrais être b-blessé ou tué, il s'en moque ! »
Marinette se mordit violemment les lèvres tout en serrant Adrien contre elle avec tant de force que les battements de leurs cœurs se confondaient à présent, alors même que celui de son coéquipier se brisait en mille morceaux.
- « Chaton... », laissa-t-elle échapper machinalement, ne sachant que dire pour alléger l'incommensurable peine qui s'abattait sur celui auquel elle tenait par-dessus tout.
- « J-Je ne comprends pas... », répéta Adrien avec une sorte d'horreur incrédule. « J-je ne comprends pas pourquoi il fait ça. Et j-je ne veux pas me battre c-contre lui. C'est m-ma seule famille ! »
- « Je sais, chaton, je sais », chuchota Marinette, tout en passant doucement l'une de ses mains le long du dos du jeune homme éperdu, aussi délicatement que si son partenaire avait été un objet fragile sur le point de se briser en une myriade d'éclats.
Il avait maigrit, réalisa-t-elle soudain avec vif un pincement de cœur. Ses côtes n'avaient pas toujours été aussi saillantes, tout comme la courbure de ses omoplates n'aurait pas dû être aussi marquée.
- « M-même s'il se moque de c-ce qui peux m'arriver, j-je ne peux p-pas me battre contre lui », poursuivit le jeune homme en sanglotant.
Pas contre son propre père.
C'était au-dessus de ses forces.
Son illustre géniteur n'avait beau ressentir que dédain et indifférence pour son fils unique, l'esprit d'Adrien se cabrait violement contre l'idée de devoir se battre contre cet homme dont il avait toujours recherché l'affection.
- « On va trouver une solution », lui souffla Marinette avec une conviction qu'elle était pourtant loin de ressentir. « Il doit y avoir un moyen de le neutraliser sans avoir à le combattre. »
Adrien hocha frénétiquement la tête, avant d'enfouir de plus belle son visage dans le creux de l'épaule de Marinette pour étouffer un nouveau gémissement de désespoir.
Il sanglota durant de longues minutes encore, son corps restant agité de soubresauts incontrôlables tandis que Marinette le gardait pressé contre son cœur. La jeune fille serrait son coéquipier de toutes ses forces entre ses bras, le berçant tendrement tout en lui murmurant de douces paroles de réconfort, et peu à peu, Adrien retrouva enfin un semblant de calme.
Sa respiration auparavant complètement erratique était certes toujours hachée, mais bien plus régulière, et les torrents de larmes qui avaient inondé ses joues se tarissaient enfin.
Poussant un lourd soupir, Adrien relâcha les épaules de Marinette auxquelles il était jusque-là cramponné, déplaçant ses mains pour prendre son visage en coupe entre ses doigts tremblants. Il releva la tête, son souffle humide caressant doucement la peau de sa partenaire, avant d'écraser soudainement ses lèvres contre les siennes.
Marinette laissa échapper un hoquet de surprise à peine audible, étouffé par le brusque assaut du jeune homme. Elle était stupéfaite par ce changement d'atmosphère, aussi soudain qu'intense, mais passé cet instant d'étonnement, elle se mit à répondre avec enthousiaste aux sollicitations de son partenaire.
Adrien l'embrassait avec une ardeur qui tenait presque du désespoir, mettant tout son cœur, toute son âme dans ce fiévreux contact. Ce n'était pas un baiser. C'était une tempête. Un ouragan d'émotions et de sensations qui emportait tout sur son passage, exacerbé par les sentiments à fleur de peau des deux adolescents. Adrien avait tout d'abord laissé sa détresse se noyer dans ses larmes, et c'était à présent comme s'il tentait inconsciemment de la diluer dans de brûlantes étreintes et de passionnés baisers.
Bras enroulés autour du buste de Marinette, le jeune homme se pressait contre sa partenaire, ne laissant plus un seul espace de libre entre leurs deux corps. Les doigts d'une de ses mains s'enfonçaient dans la brune chevelure de sa coéquipière, tandis qu'il partait à l'assaut de sa bouche à coup de dents, lèvres et langue, martyrisant sans le moindre remord la chair rosée de la jeune fille.Mais tout enflammés qu'ils soient, leurs baisers gardaient cruellement le goût salé des larmes d'Adrien, qui parsemaient encore la peau humide du jeune homme.
- « T-tu m'as tellement manqué », hoqueta péniblement ce dernier, s'arrachant difficilement des lèvres de sa coéquipière avant de l'embrasser une fois de plus.
Sa bouche resta scellée à celle de Marinette durant de longues minutes encore, avant que le héros ne recule de nouveau. Ses lèvres ne quittèrent celles de la jeune fille que pour s'attaquer à la douce peau de sa joue, traçant une ligne de baisers brûlants jusqu'à la jonction de sa mâchoire.
- « Je suis désolé », murmura de nouveau Adrien au creux de l'oreille de Marinette tout en la serrant avec force entre ses bras. « De... De ne t'avoir rien dit. J-Je... Ce n'est pas que je ne te faisais pas confiance. Je ne voulais pas te mettre en danger. »
- « Je sais, chaton », chuchota la jeune fille, tout en déposant à son tour un baiser au goût de larmes sur la peau incandescente de son coéquipier. « Et tu m'as manqué aussi », reprit-elle d'une voix tremblante, avant que les lèvres d'Adrien ne se posent de nouveau sur les siennes.
- « J-Je... Je refuse qu'il t'arrive quoi que ce soit. Jamais. », souffla le jeune homme, entrecoupant chacune de ses paroles d'une nouvelle pluie de baisers.
- « Il ne m'arrivera rien », lui jura farouchement Marinette. « Et à toi non plus. On trouvera une solution, je te le promets. »
Adrien laissa échapper un son étrange, qui tenait autant du bruit d'approbation que du sanglot, avant d'enfouir de nouveau son visage dans le creux du cou de sa coéquipière, prenant de lourdes inspirations pour s'enivrer du parfum apaisant de Marinette. Ses lèvres reposaient contre sa peau brûlante de la jeune fille, sous laquelle son pouls battait avec une puissance extraordinaire.
Les deux adolescents restèrent encore un long moment enlacés, bras et jambes entremêlés dans la confusion la plus totale tandis qu'ils échangeant doux baisers, sincères excuses et tendres paroles de réconfort.
Les minutes s'égrenèrent lentement, et alors que la lune poursuivait inlassablement sa course dans le ciel nocturne de Paris, l'épuisement fini par avoir enfin raison d'Adrien.
Le jeune homme sombra dans un profond sommeil dans les bras de Marinette, tandis que cette dernière continuait de faire courir avec inquiétude ses doigts dans les mèches blondes du garçon exténué.
Elle ignorait encore si elle réussirait à dormir, mais alors que la poitrine d'Adrien se levait et s'abaissait doucement contre la sienne, la jeune fille était plus déterminée que jamais à tout faire pour protéger son précieux partenaire.
Elle le sauverait.
Quoi qu'il en coûte.
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