Chapitre 5 : Ton corps sous le soleil


Astarion ne se souvient plus de la dernière fois où il a franchit cette muraille imposante. Zarïakri est un village perdue dans les montagnes mais c'est un lieu très connu des voyageurs. Avec son auberge accueillante, ses marchés regorgeant de trésor que l'on ne trouve qu'à haute altitude, impossible de ne pas faire une halte. Ce n'est pas de bon cœur qu'il pose les pieds sur les dalles de la place, contournant sa fontaine et cette statue qui hante encore ses nuits. De léger frisson parcours son échine, peur ou dégoût, il ne saurait dire. Entrer de nuit dans un village, ce n'est pas très conseillé, encore plus quand ce dernier tient son espèce en horreur. Il ne le fait pas de gaieté de cœur mais tout ce qu'il souhaite c'est trouver une chaumière pour passer la nuit. Un lit douillet, des draps moelleux, une chaleur rassurante, le simple fait d'y penser lui donnerai presque l'impression de sentir le matelas sous ses pieds. 

Les rues sont bien calmes, et ce n'est pas pour lui déplaire. Tout le monde se connait par ici, et il n'a clairement pas la tête d'un gentilhomme. Se faire discret, il sait faire. Tourner une conversation à son avantage, il est devenu maître dans le domaine. Le seul soucis reste bien évidemment de trouver l'endroit. L'auberge serait la meilleure solution, néanmoins l'enjeu est de taille. L'époque où il voyageait à travers les paysages, sa troupe et lui-même avait pour habitude de monter un camp à même la terre, mais quand ils en avaient l'occasion et surtout les moyens, ils appréciaient la chaleur d'une auberge accueillante. En ce temps là l'auberge Grenat regorgeait de chasseur et de chevalier, et Astarion se mêlait aisément parmi eux. Ce n'est bien évidemment plus le cas aujourd'hui. Il peine à se faire discret dés qu'il s'approche d'une ville, alors impossible pour lui de franchir le seuil de cette porte. 

Secouant la tête pour chasser de vieux souvenirs, il part en quête d'un endroit sombre où il pourrait attendre quelques heures, juste à temps avant le lever du soleil. En longeant les murs des habitations ses oreilles perçoivent des rires, des discussions, tout ce qu'il y a de plus normal, mais pour lui ce sont de vrai coup de poignards dans le dos. Cela lui rappelle toujours à quel point il est seul avec pour seule compagnie, sa solitude. 

Contournant l'auberge il regarde malgré lui chaque recoin, au cas où quelqu'un aurait oublié de fermer une fenêtre. Il n'est pas du genre cambrioleur, mais aux grands mots, les grands remèdes. Une odeur alléchante, celle d'un ragoût laissé sur le feu, titille ses papilles. Du coin de l'œil il aperçoit une fenêtre à demi-ouverte. La chaleur de la pièce et la fraîcheur de l'extérieur créaient une buée épaisse sur la vitre. Astarion s'approche à pas de velours, longeant les briques avec une discrétion qui lui ait propre. Il pose les deux mains sur le rebord, faisant dépasser le haut de sa tête. La cuisine regorge d'ingrédient amoncelé ci et là, tandis qu'une grosse marmite bouillonne sur un feu doux. L'endroit est éclairé par un lustre précaire, et une chandelle sur le plan de travail. Des légumes sont mis à sécher contre les murs tandis que de la viande pend à leurs côtés. L'endroit est chaleureux à souhait. Astarion ne réfléchit pas plus et se hisse pour entrer, n'attendant pas qu'on l'invite. Pour éviter tout litige il referme la fenêtre derrière lui, et frotte son pantalon. 

La cuisine n'est pas bien grande contrairement à ce qu'il aurait pensé, l'auberge ne semble pas débordée de travail. En tendant l'oreille il ne perçoit pas d'éclat de voix, faisant contraste avec ses souvenirs. L'endroit n'a pas été abandonné, c'est certain, mais peut-être que les fréquentations se sont fait moindre avec les décennies. Il ne s'éternise pas dans la pièce, car il ne tient pas à être vu. 

Se faisant tout petit, il sort en prenant grand soin de ne faire aucun bruit. La porte ne grince pas, le parquet ne craque pas, c'est une aubaine. Les seuls sons qu'il perçoit sont ceux du feu dans la grande salle et les ronflements d'un animal. Il soupire, la voie est libre. Sans perdre une seconde de plus il gravit les marches menant directement aux chambres. Il compte se faufiler dans une pièce, prendre un lit d'assaut et a espoir de passer une meilleure nuit que les dernières qu'il a vécu. Se stoppant dans sa manœuvre ce n'est pas un bruit qui accapare son attention mais une senteur. C'est comme si cette dernière lui était familière et pourtant, elle semble bien plus alléchante que dans ses souvenirs. Il y a des choses qu'Astarion ne peut refréner, et cet instinct qui le pousse dans cette direction en est une. De mémoire cela lui rappelle un goût sucré, frais, qui reste longtemps sur la langue. Addictif et juteux, il repense à l'époque où ses papilles appréciaient encore les délices de la nature. Cette odeur ressemble à s'y méprendre à celle d'une pêche que l'on vient de cueillir. Encore jeune mais prête à être dégustée. 

Attiré comme un aimant il marche dans le couloir, empruntant un chemin qu'il ne connait pas, même dans ses souvenirs les plus lointains. Plus il avance dans cette direction plus la chaleur se fait omniprésente, l'écrasant presque sur le parquet. Il finit son chemin devant une double porte en chêne noir d'où s'échappe une fumée légère. Ne réfléchissant pas clairement, simplement dicté par cette odeur qui affame ses sens, Astarion l'ouvre en grand. À cause de cet appel d'air Astarion crée un nuage de fumée qui vient en sa direction et l'aveugle quelque seconde. La pièce se vide alors de cette buée omniprésente pour laisser place à son décor : un lieu enchanteur où verdure côtoie en harmonie un lac artificiel. L'endroit empeste la magie et les petits papillons volant en demi-cercle confirment ses pensées. L'eau doit être d'une chaleur bouillonnante pour créer pareil sensation de lourdeur. Astarion serait presque prêt à se dévêtir tant la chaleur est lourde. 

Malgré cette découverte dont il ignorait l'existence, il n'oublie pas ce qui l'a amené ici. Regardant aux alentours tout en pénétrant dans la pièce qui ressemble à une vraie forêt il prend son temps pour regarder autour de lui. Plus il avance vers le lac, plus ses yeux s'habituent à la lumière. Cela fait longtemps qu'il n'a pas marché sous le soleil, quand bien même ce dernier est factice et indolore. C'est une fois face au lac qu'il comprend qu'il n'est pas seul. Le temps s'arrête à la minute où ses yeux se déposent sur ce magnifique tableau. 

Près de la cascade, les pieds dans l'eau, se tient Cæru. Ce dernier s'est débarrassé de ses vêtements qu'il a mit de côté sur un rocher pour profiter de l'eau et laver sa peau. Ramenant ses cheveux en arrière d'un mouvement de tête habile, il passe délicatement ses doigts entre chaque mèches pour les démêler. Il en fait de même avec sa queue qu'il prend soin de savonner dans l'eau clair. Quelque mouvement de gauche à droite dans l'eau et cette dernière devient de nouveau soyeuse. Il passe ensuite à ses oreilles dont il prend toujours soin avant de continuer avec son corps. 

Au loin Astarion en est bouche-bée. Des corps nues il en a vu des centaines tout au long de sa vie, homme ou femme, il ne faisait jamais la différence. Quand il était question de chaire peu importait, tant qu'ils succombaient à ses charmes. Pourtant, devant ses yeux, il a l'impression de regarder l'interdit. C'est un ballet des plus gracieux et il se sent privilégier. Cæru ne l'a pas remarqué, trop absorbé par ses gestes, et c'est tant mieux pour l'elfe. Ce serait mentir que de dire qu'il n'apprécie pas le spectacle. Le corps du félidé, il le trouve d'une grande beauté. Sa peau est rosée, légèrement bronzée là où ses vêtements ne le couvrent pas. Par endroit il est recouvert de petites taches de rousseurs, notamment sur les épaules et le haut de son dos. Les yeux d'Astarion se perdent sur son torse, immaculé, et ce ventre légèrement rebondi. Si il n'était pas censé, il se serait déjà jeté dans l'eau pour le rejoindre et ravager son corps de baiser. Cette odeur qui l'a tant attiré n'était pas celle d'un fruit, mais de son corps. Celui-là même qui est nu sous ses yeux. Astarion finit tout de même par reprendre ses esprits quand ses yeux carmins se déposent sur les fesses de Cæru, charnues à souhait. 

Les mains plaquées sur sa bouche, caché derrière un arbre, il se retient comme il peut. C'est la première fois de toute son existence que son corps en désire un autre aussi violemment. Il s'est permis de le regarder à son insu et, que dieu le préserve, il n'en ait pas fier, et pourtant il ne regrette pas. Il l'avait trouvé adorable, quoi qu'un peu niais lors de leur première rencontre, mais il dépasse une limite infranchissable. Heureusement, il peut le désirer à sa guise car il est tout de même un adulte avec des principes, et non un jeune garçon perdu dans la jouissance nouvelle. Il secoue la tête malgré cette odeur qui ne le quitte pas. Ses crocs, qui ne le quittent jamais, le démangent presque. 

Reportant ses yeux sur Cæru, ce dernier se retourne et le temps d'un instant il pense voir ses yeux croiser les siens. Perdant l'équilibre de surprise il tombe lamentablement, son fessier heurtant une racine imposante. Il ne faut pas longtemps au félidé pour parcourir le lac, en bon nageur qu'il ait. Instinctivement il se dirige vers le bruit, contournant l'arbre où ses yeux on crut apercevoir quelque chose. Que ne fut sa surprise de tomber nez à nez avec un elfe qu'il ne connait que trop bien. Sa joie est pourtant de courte durée quand il se rend compte du regard fuyant d'Astarion et de sa tenue, dans son plus simple appareil. Rougissant au quart de tour, de la pointe des orteils au bout de ses oreilles, il se jette sur la serviette laissée sur l'herbe un peu plus loin. Il la noue autour de ses reins avant de sentir une rage monter en lui, comprenant parfaitement la situation. Astarion, qui s'est relevé entre-temps, s'avance vers lui, les mains en l'air pour clamer une innocence à peine déguisée. 

- Ce n'est absolument pas ce que tu crois. Commence t-il en avançant doucement. 

- Vous m'avez vu nu. Cela sonne bien plus comme une vérité qu'une question, et c'est bien la première fois que l'elfe se sent coupable. En tant normal, et en tant que beau parleur, il pourrait s'en tirer facilement, mais il n'en ressent pas le besoin, du moins, pas avec Cæru. 

- Je sais, et sache que ce n'était pas mon intention première. Je cherchais simplement un endroit où passer la nuit et...-

- Vous m'avez vu nu. Répète t-il en le regardant droit dans les yeux. Cæru se sent honteux, lui qui n'a confiance ni en ses capacités, ni en son physique. Depuis combien de temps Astarion est-il là ? Il se sent autant en colère que dégoûté. Il ne pensait pas qu'Astarion pouvait être ce genre d'homme. L'avait-il surestimé ? 

- Je ne voulais pas. Dit-il en continuant d'affronter son regard. Oui, mes yeux ont été attirés par ton corps, mais ce n'était pas mon intention. L'elfe marque dans un coin de son esprit le vouvoiement, ce qui marque à quel point le félidé est remonté contre lui. Astarion comprend parfaitement son état, ayant lui-même une difficulté maladive quant à certaine partie de son corps dont il ne veut pas dévoiler. 

Un silence s'en suit où Astarion garde le contact visuel pour lui faire comprendre à travers ses yeux qu'il dit la vérité. Si la réaction de Cæru avait été différente peut être aurait-il eu un autre discours, mais là il lui doit des explications qu'il tente de trouver, en vain. Il ne peut lui dire à quel point il l'a trouvé beau avec l'eau ruisselant sur sa peau, pas en voyant dans quel état il se trouve. Le félidé s'éloigne de lui, les yeux rivés vers le sol. Astarion ne le suit pas, comprenant qu'il a besoin d'espace. Il se sent soudain bête et surtout mal pour Cæru, lui qui n'avait aucune mauvaise intention, le voilà dans de beaux draps. 

- Personne ne m'a jamais vu nu. Le regardant du coin de l'œil, la queue battant l'air, le félidé s'éloigne un peu plus pour lui laisser le temps de comprendre ses paroles. Il ne faut pas beaucoup de temps à Astarion. Ses yeux s'illuminent et une ampoule s'allume. 

- Oh... Est la seule chose qu'il trouve à dire. 

Il comprend qu'il est le seul être sur cette terre à avoir vu le corps de Cæru. Dans d'autre circonstances il se serait sentie privilégier, mais il sait que beaucoup de personne attachent de l'importance à ce genre de chose, et son espèce en fait partie. Il ne se souvient plus qui était la première personne avec laquelle il a découvert les plaisirs de la chaire. C'est trop lointain et trop brumeux. Après être devenu qui il est aujourd'hui, consommer un autre corps, passer une nuit de plaisir, était devenu si machinal qu'il a fini par oublier le sens premier d'une étreinte. 

- Je suis vraiment désolé. Et Astarion pense ses mots. Je ne voulais pas te blesser. Je me suis comporté en parfait imbécile. L'elfe s'est retourné au moment où il a vu le félidé commencer à rassembler ses affaires. Il a fait l'erreur une fois, pas deux. Je cherche simplement à passer la nuit, et je suis entré mais il n'y avait personne en bas, alors je suis monté. Un petit mensonge ne fait de mal à personne, surtout en de pareille situation. Je ne pensais pas tomber sur quelqu'un, encore moins toi, si peu vêtu. C'était uniquement instinctif, il n'y avait aucune arrière pensée. Second mensonge qui ne blesse personne. 

- Vous pouvez vous retourner. Astarion s'exécute et fait face à un Cæru dignement paré. Je ne vous en veux pas, du moins, pas assez pour vous sommer de partir. Néanmoins, j'espère que ce n'est pas un de vos hobbys cachés. Le plus jeune lève un sourcil, le visage toujours renfrogné.

- Grand dieu, non ! S'esclaffe Astarion. J'ai des activités bien plus seines, du moins, en parti. Dit-il en réfléchissant faussement, provoquant un demi-sourire sur le visage de Cæru.

- C'est tout de même une bien drôle de façon. Comme seconde rencontre, je veux dire. La serviette bien pliée le félidé se dirige vers la porte, Astarion à ses côtés. Si il y a bien une chose que le plus jeune retient, c'est que l'elfe peut parfois être gêné et que, contre toute attente, cela se voit sur son visage. Dans son fort intérieur, il est content de revoir ce visage qui commence à devenir familier. Il aurait bien entendu préféré des retrouvailles différentes mais ne s'en formalise pas. Ils ont tous deux étaient embarrassés au possible alors autant oublier cette histoire.

- Je dois dire que je n'en ai jamais eu de pareil. Astarion passe devant lui et tient la porte, en parfait gentleman. Il lui offre un sourire charmeur, et Cæru y répond timidement. Malgré la sincérité de cet homme, le plus jeune ne peut empêcher son esprit de divaguer. A-t-il été dégoûté par son corps ? Lui qui ne s'est jamais montré à personne d'autre se demande si un si bel homme que lui le trouve... Attirant.

- Moi non plus. C'est unique et j'espère bien que cela le restera. 

- C'est tout de même cocasse. 

- Quoi donc ? Demande le félidé, un sourcil levé. 

- Et bien, techniquement ce ne sont pas des retrouvailles puisque nous nous sommes jamais dit adieu. Cæru plisse les yeux. 

- Techniquement, commence t-il en le pointant du doigt, nous aurions pu nous dire adieu si vous n'aviez pas décidé de partir avant moi. 

Astarion sourit en coin avant d'attraper cette main inquisitrice. Il la porte à ses lèvres et sourit de plus belle. 

- Tu m'en veux également pour ça ? Il embrasse sa phalange du bout des lèvres, lui qui voulait tant le goûter depuis leur première rencontre. Je comprend mieux le vouvoiement. C'est ma punition pour m'être enfui mais par contre... Il s'approche, sa main toujours dans la sienne. Pour le voyeurisme quel sort me réserve-tu ? 

Cæru sent un mélange de sentiment le prendre au creux de son ventre. Il est partagé entre l'embarras, l'excitation et la colère. Astarion joue clairement avec son cœur, et n'hésite pas à user de ses charmes pour lui faire oublier. Malheureusement pour l'elfe, le félidé n'est pas né de la dernière pluie. En dépit de son corps qui lui hurle de réduire la distance entre leurs lèvres, Cæru ne lui fera pas ce plaisir. Il ne donnera pas à cet homme un privilège de plus. Voir son corps c'est une chose, mais le toucher en est une autre. Et ça, Cæru n'est pas prêt à lui donner de si tôt, même avec ses meilleurs répliques. 

Collant son front à celui d'Astarion leurs mèches de cheveux se mêlent tandis qu'un air de défi prend place dans son regard. 

- On verra bien qui craquera le premier. Dit-il en sentant un élan de courage le prendre. C'est sans doute l'adrénaline qui n'est pas encore redescendu mais il se sent pousser des ailes en cet instant précis. Jamais il n'a défié quiconque dans sa tribu, mais il sait qu'avec Astarion, peu importe qui remporte la victoire, tout ceci n'est qu'un jeu, alors autant y prendre part et mener les reines. 

L'air commence à devenir pesant autour d'eux, et tandis que leurs pupilles se noient l'une dans l'autre, le moment est brisé par une personne qu'ils avaient tout deux oubliés : la maîtresse de maison. 

- Cæru ! J'ai retrouvé les livres dont je vous parlais ! J'espère ne pas vous déranger dans votre bain mais...- 

Une mouche vole, puis une seconde, et le silence règne en maître dans le vouloir. Comment expliquer cela sans paraître suspect ? 

____

Ouf ! Quel chapitre ! Honte à moi, j'ai tellement été surmené que je me suis endormie en l'écrivant... J'avais pris de l'avance le mois dernier mais on entame le mois de mars avec un chapitre en retard, je suis désolée !

En tout cas, ce chapitre était haut en couleur et plein d'émotion. Comment aurait dû réagir Cæru ? Je me suis posé la question. Plus énervé, plus désinvolte, j'était partagé. Je vais essayer de faire monter la chaleur crescendo entre eux, pour qu'ils marinent bien comme il faut avant de se jeter l'un sur l'autre. Qu'en pensez-vous ?  

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