Chapitre 4 : Une solitude chaleureuse
Quand Cæru ouvre les yeux le lendemain même, il comprend à la hauteur du soleil dans le ciel qu'il est déjà tard dans la journée. À ses côtés plus d'Astarion et le feu s'est complètement consumé. Il aurait dû s'en douter, l'elfe pâle ne semblait pas être friand des adieux. C'est sans doute mieux ainsi. Cela permettra à Cæru de tirer un trait sur cette nuit très étrange et ces événements quelque peu déroutants. Il ne regrette pas ces courts moments passés avec l'elfe. Grâce à lui il se sent un peu plus confiant pour aller vers les autres et désormais, il a sa propre carte.
Il faudra un peu moins d'une heure pour que Cæru s'organise correctement pour son départ. Sur la carte les quelques gribouillis lui permettent de se situer et ainsi de comprendre où il est. À en juger par la distance il n'est pas très loin d'une route marchande, le meilleur moyen de trouver une ville. Le nom des villes est impossible à lire, la langue employé est peut être celle qu'il a apprise mais ce n'est pas pour autant qu'il en comprend les symboles. C'est encore trop complexe pour le peu qu'il connait.
C'est donc le cœur léger que notre félidé reprend son chemin comme si il ne s'était jamais interrompu. L'épaisse forêt laisse très vite place à des arbres plus fins, plus clairs, laissant la lumière se faufiler plus aisément à travers les feuillages. Ce n'est pas pour lui déplaire. Même si le feu était savoureux, il n'y a rien de meilleur que les rayons du soleil pour se réchauffer. Après avoir compris dans quelle direction aller il décide de ranger la précieuse carte dans sa besace pour ne pas la perdre. Ce serait bête de perdre un trésor au début de son périple. Il ne s'est pas encore fixé d'objectif précis, encore moins de destination. C'est certain qu'il trouvera un but à son voyage, il lui faut simplement un peu de temps pour en décider la finalité.
Soudain une légère brise le fait frissonner. Il a beau avoir un cardigan sur les épaules cette fraîcheur le surprend. D'après ses connaissances ce n'est pas encore l'arrivé de l'hiver, bien au contraire, ce n'est que le début du printemps et par conséquent, il ne devrait pas faire si frais dans la journée. Cela veut donc dire qu'il entre dans un climat différent qui n'est absolument pas indiqué sur la carte. Encore une fois c'est un élément qui l'intrigue autant que cela le fascine.
Escaladant les racines et évitant les rochers tranchants, il finit par apercevoir le fameux chemin menant à la ville. Il presse le pas, excité comme jamais il ne l'a été. Il baisse les yeux quand ses pieds foulent le sol rugueux. Ça c'est une vraie route, rien à voir avec les chemins terreux du Nid. Tournant la tête à droite, puis à gauche, il sait parfaitement par où aller. Les mains visser sur la lanière de son sac il se met sur le bas côté et entame l'ascension en direction de la ville. Il est presque fasciné quand il voit la trace de fer à cheval sur le sol, signe qu'une diligence est passé par là. C'est comme dans les livres mais en bien plus réel car c'est la réalité. Cæru est sur son petit nuage de conte de fée.
C'est donc avec entrain qu'il continue sa route, le soleil descendant peu à peu dans le ciel, signe que la nuit approche à grand pas. Il ne sait pas combien de temps il lui reste avant que le soleil ne se couche entièrement. Il espère simplement avoir le temps d'atteindre la ville.
Le bruit des sabots tambourinant sur le sol le sort de ses pensées. Il se retourne précipitamment quand le vacarme se rapproche. Deux soldats en armures sortant tout droit d'une de ses nombreuses lectures lui font face. Les chevaux sont impressionnants vu de près.
- Hé toi, tu viens de Karnack ? Cæru se désigne du doigt. Oui, c'est à toi que je parle.
- Heu... Non. Je viens de la forêt. Dit-il en désignant les arbres derrière eux. Ils se retournent comme un seul homme avant le regarder de haut en bas.
- De la chasse par les temps qui court ? Tu n'as pas froid aux yeux. Rigole son acolyte.
- Je devrais ? Demande Cæru, incertain.
- Évidemment ! On ne t'a rien appris à l'école ? Chasser du vampire quand le soleil se couche n'est clairement pas une bonne idée.
Cæru fronce les sourcils, encore plus perdu. Des vampires ? La dernière fois qu'il a entendu parler de telle créature c'était une nouvelle fois dans l'un de ses livres relatant des différentes espèces du monde. Elle ne fait pas partie des plus répandue et encore moins des plus appréciée. Selon certain c'est une espèce éteinte depuis des siècles mais pour d'autre elle sévisse encore. Cæru n'a pas vraiment son mot à dire sur le sujet. Ce n'est pas comme si il en côtoyait. Il ne peut donc se faire une idée sur cette haine qui est, selon lui, injustifiée.
- Je ferais plus attention à l'avenir. J'étais simplement de sortie pour dénicher quelques herbes médicinales. Dit-il en désignant sa besace.
- Oh, tu es donc apothicaire ? Ce n'est pas une profession qui court les rues, surtout à un si jeune âge. Ils se remettent tous les deux dans la bonne direction pour repartir. Si tu n'as nulle part où dormir présente toi à l'auberge Grenat. Ils te donneront une chambre pour quelques pièces.
Sans plus de cérémonie ils reprennent la route dans la même direction que prend Cæru, signe que la ville n'est plus si loin. Contrairement à lui ils vont bien plus vite avec leurs chevaux mais cela ne décourage pas le félidé qui est habitué à la marche.
C'est donc sereinement qu'il arpente le chemin, croisant de plus en plus d'êtres différents. Il se sent soudainement moins seul et surtout, il ne se sent pas à l'écart. Entre le physique des gobelins, celui des dragons ou le sien, il passe inaperçu. Sans s'en rendre compte, trop absorbé par les autres, il arrive au pied du chemin, celui-là même qui se termine face à une immense arche surplombé de mur de par et d'autre. C'est donc bel et bien la ville qu'il est parvenu à situer sur la carte. Le nom est gravé sur la pierre mais impossible pour lui d'en déchiffrer ne serait-ce qu'une lettre. Il ne peut s'empêcher de faire la moue. Cela l'embête autant que cela le freine dans son intégration mais il sait que ce n'est qu'une étape qu'il doit surmonter. Il va rencontrer des obstacles encore plus intrépides qu'un simple problème linguistique.
Avec un étrange sentiment lui entourant le cœur il franchit l'arche, pénétrant dans l'enceinte de la ville qui est, à son plus grand étonnement, grouillante de monde : marchants ambulants, voyageurs, soldats, chasseurs ou encore villageois, les rues sont bondées. À tel point qu'il est obligé de se faufiler dans la foule, jouant de ses épaules et profitant de son habilité à paraître inaperçu. Cela lui rappelle étrangement la place du marché du Nid. Elle est toute aussi grouillante d'individu mais pas aussi diversifiée. Si Cæru possédait de l'argent il pourrait se faire plaisir à moindre coût : viande, armes, légumes, vêtements, il y a de tout ! Il en perdrait ses priorités si il se laisse distraire l'espace d'une seconde.
Parvenant enfin à s'extirper de ce bain de foule, il atteint une place vide, contrastant avec les rues noires de monde. En son centre une fontaine à l'effigie d'une femme qu'il ne connait pas, cette dernière tenant fièrement une lance dans une main et une tête sans corps dans l'autre. Cette statue dégage une aura puissante, symbole de force et de pouvoir. Il se rapproche, fasciné par cette architecture qu'il n'a jamais vu. C'est la première fois qu'il voit la pierre sous un autre aspect que brut. Le travail est d'une grande justesse et le détail, impressionnant. Cette femme a l'apparence humaine lui parait tellement vivante. Cette représentation est sans nulle doute fidèle à la réalité.
- Elle est magnifique, n'est-ce pas ?
Le sortant de sa contemplation la voix d'un vieil homme lui parvient aux oreilles. Cæru baisse le regard sur cet homme prenant place à ses côtés, les mains dans le dos. Ses vêtements ne sont pas de première jeunesse et pour un humain il est très petit, se dit Cæru pour lui-même.
- La statue est très belle. Répond-il simplement, regardant de nouveau cette femme. La détaillant de haut en bas il remarque une inscription sur son socle, à la limite de l'eau. Dites-moi, pouvez-vous me dire ce qui est écrit ?
Le regard brun de l'homme croise celui de Cæru, et ce dernier lui sourit, d'un sourire des plus chaleureux.
- "À notre héroïne qui a vaincu le roi de l'ombre, rendant au soleil sa place véritable".
- Cette femme a sauvé la ville ? Demande Cæru en regardant la tête décapitée, essayant d'en définir les traits mais, comparé à cette héroïne, aucune finesse n'a été apportée.
- Vous n'êtes pas de la région. Constate le vieil homme en s'asseyant sur la fontaine, déposant sa canne près de lui.
- Et on ne peut pas dire que j'ai reçu une éducation linguistique. L'homme parait étonné mais reprend vite un visage neutre.
- Pour en revenir à votre question oui, cette femme a jadis sauvé notre contrée avec ses compagnons. Elle a vaincue le roi des Vampires.
Cæru est immédiatement impressionné par cet exploit, lui qui ne connait pas grand chose aux héros de ce monde dont il fait pourtant partie. Néanmoins, une question le turlupine.
- Si le roi n'est plus, comment se fait-il qu'il y ait encore des... Il ne termine pas sa phrase, faisant simplement un mouvement de main pour se faire comprendre.
- Des vampires ? Cæru hoche la tête. Contrairement aux légendes, ce n'est pas parce que les rejetons ont étés transformés avec son sang qu'ils sont tous reliés entre eux. Certains ont fuis, d'autres ont péris de la main de chasseur et d'autres encore vivent tapis dans l'ombre. Mais vous savez, ils ne sont pas uniquement à Zarïakri. Ils sont répandues partout dans la région. Il hausse les épaules, soupirant. Que voulez-vous, la vermine est tenace. Il rigole doucement, n'imaginant pas la hauteur de ses paroles.
Cæru n'est peut-être pas un vampire mais entendre ces mots lui fait de la peine. Sans en connaitre la cause, il s'imagine à leur place. Une vie à errer, longeant les murs, raclant les ombres, persécutés pour ce qu'ils sont, alors que parmi eux, certain n'ont sans aucun doute désiré ce sort. Oui, Cæru se met facilement à leur place. Il n'a beau ne pas avoir une soif de sang, il a une vie outrageusement similaire à la leur.
- Vous venez d'arriver en ville ? L'homme change de sujet, non pas qu'il ne souhaite pas discuter des vampires, mais cela fait bien longtemps qu'il n'a pas vu d'étranger dans la région.
- Oui, j'ai décidé de mener ma propre aventure. Il désigne sa maigre besace.
- Si maigrement armé ? Cæru hoche doucement la tête. Les jeunes de nos jours sont d'une inconscience. Ce n'est pas parce que la paix cours les rues qu'il faut sortir les mains légères. Il fouille dans sa poche trouée et en sorte deux pièces d'or. Tenez, prenez ça et achetez vous de quoi tenir à l'extérieur. Vous ne risquez pas de faire long feu.
Cæru, étonné par cette gentillesse mais gardant les paroles venimeuses en tête, se saisie timidement de ces deux pièces. Il les regarde longuement dans le creux de sa main avant de les mettre dans sa besace.
- Ne me remerciez pas. Dit le vieil homme en tendant sa main, coupant l'herbe sous le pied à notre cher félidé. On ne peut pas dire que j'en ai grande utilité. Il regarde le coucher de soleil, les yeux débordant d'émotion. Si vous ne savez pas où loger, il y a l'auberge Grenat. Il désigne une grande bâtisse au toit de chaume entourée de dizaine de maison de bois.
- Merci pour votre aide. Il fait une révérence, tenant la lanière de son sac fermement.
Il se dirige d'un pas décidé vers cette auberge, non sans jeter un ou deux coups d'œil derrière lui. L'homme a repris sa canne et marche d'un pas fébrile sur les pavés. Cæru sourit, toujours entouré de cette chaleur sur le cœur.
Il pousse de ses deux mains l'imposante porte qui est d'une lourdeur ridicule. Il est immédiatement accueillie par un chien qui vient se faufiler entre ses pieds, la langue pendante et le regard heureux comme jamais. Ne s'attendant pas à un tel accueil il met de longue secondes avant de poser une main sur lui pour le remercier, en quelque sorte, de cet accueil. Le chien, ravie, s'assoit pour savourer cette main fourrageant dans son pelage épais.
Suivant Cæru comme son ombre ils avancent comme une seule personne. L'endroit est très haut de plafond, sûrement qu'il existe des êtres bien plus grand encore, et l'espace est déconcertant. Un comptoir trône au bout du tapis, droit devant lui, tandis que des deux côtés de la pièce, à contrebas des escaliers, se trouve des grands espaces de vie. Sans doute les voyageurs ont pour habitude d'attendre dans ces immenses salons. Des tables faites de bûche tout comme les chaises, et une immense cheminée réchauffent les lieux. Des peaux de bête sur le sol apportent une touche rustique tandis que les murs arborent des cadres remplie de cartes, de fleurs et même de papillons.
- Oh, toutes mes excuses, je n'attendais pas de visite un jour de marché. Une elfe apparaît dans le coin de la pièce vêtue d'un tablier, alors qu'elle sort d'un encadrement de porte fort bien dissimulé. Cæru la trouve immédiatement adorable avec ce corps de chaire et ses joues bien remplie. Enfin quelqu'un comme lui, qui n'a pas un corps taillé dans une pierre précieuse. Je suis Daïria, je tiens l'auberge Grenat ! Elle tape fièrement dans ses mains et rejoint Cæru à la vitesse de la lumière. J'espère que Trarak ne vous a pas fait peur ?
- Absolument pas ! Cæru s'empresse de la rassurer. C'est un vrai nounours. Comme pour confirmer ses dires il revient vers lui pour une énième session de caresse.
- Je suis rassurée. Ils se dirigent tous les trois vers le comptoir et Daïria passe naturellement derrière. Vous souhaitez donc une chambre ?
- Oui, on m'a plus d'une fois conseillé votre auberge.
- J'en suis ravie. Dit-elle avec un grand sourire. Vous souhaitez rester combien de temps ?
- Ce sera juste pour cette nuit.
- Très bien, comme nous n'avons pas beaucoup de monde je vais pouvoir vous donner une chambre avec un seul lit. Elle prend une clé puis fait une pause, regardant Cæru du coin de l'œil. Sauf si vous attendez de la visite ?
- Du tout ! Répond immédiatement Cæru en s'agitant et en rougissant. Je suis seul.
- Sait on jamais ! Dit-elle avec un clin d'œil. Et vous vous appelez ?
- Je m'appelle Cæru. Dit-il en lui rendant son sourire, la suivant à l'arrière de l'auberge.
Elle lui donne la clé en lui souriant une nouvelle fois.
- C'est peu commun, mais ça vous va bien. Elle désigne les escaliers. Votre chambre est la dernière au fond du couloir. Malgré les apparences nous n'avons qu'un seul étage. Pour payer vous réglerez votre note demain à votre départ.
Elle disparaît comme elle est apparue, laissant Cæru atteindre sa chambre seul tandis que l'imposant toutou le regarde monter les escaliers, en silence. Le couloir est effectivement très long et une nouvelle fois le plafond est très haut. Une fois arrivée devant il ouvre sans difficulté et referme derrière lui, on ne sait jamais ce qu'il pourrait arriver. Pour plus de précaution, ou bien par superstition, il laisse la clé dans la serrure et ferme à double tour. Satisfait il peut enfin découvrir l'endroit où il va dormir ce soir. Cela n'a clairement rien à voir avec la grotte d'hier.
En plein milieu de la pièce se trouve le lit qui, pour lui, correspond à un deux places. Grand, large mais surtout à l'apparence très douillette, il sait qu'il va bien dormir. En s'approchant il reconnait sans mal une couverture en laine sur le dessus ainsi que l'odeur caractéristique des plumes d'oies dans les oreillers. Au sol il trouve sans grande surprise une peau de bête qui fait littéralement la taille de sa chambre. Cette dernière est très spacieuse et possède plusieurs mobiliers pratiques : un bureau avec sa chaise, une table de chevet, un petit tabouret, un pot de chambre sous le lit ainsi qu'une coupe de fruit sur le rebord de la fenêtre. Cette dernière ne possède pas de rideaux et donne vue par delà les maisons et la ville. Il aperçoit le forêt de cèdre ainsi que plusieurs montagnes. La nuit a prit place et la Lune a fait son apparition, accompagnée de quelques étoiles. Il n'y a pas à dire, son voyage ne commence pas si mal et cela se passe sous les meilleurs auspices.
Il dépose son sac sur le bureau et s'assoit sur le lit, regardant le ciel étoilé. Vu qu'il est dans une ville il pourrait en profiter pour trouver un lieu pour prendre un bain, et peut-être même s'acheter quelques vêtements de rechange, ou alors un sac plus grand ? Ou mieux, refaire un plein de nourriture pour la route ! Sans grand étonnement, il est impossible pour lui de déterminer le plus important. Secouant la tête il se dit qu'un bain lui ferait du bien.
Il décide donc de quitter sa chambre qu'il retrouvera plus tard, et part à la recherche de Daïria qui trouvera sans doute solution à son problème.
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Alors ce quatrième chapitre ? Pas mal, hum ? J'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire, surtout les descriptions, comme toujours. Même si Cæru attendait cette première ville avec impatience tout cela est nouveau pour lui. Il a encore la tête en fusion et les idées en ébullition MAIS au moins il a un toit sur la tête ce soir ^^
Qui sait ce que lui réserve cette escapade nocturne, fufufu
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