Texte n°404

Prologue


Accoudé à la rambarde d'or de son vaste balcon, LE dieu semblait regarder le paysage qui s'étendait à ses pieds. Il se trouvait dans ses appartements privés, au sommet de l'imposant palais qui coiffait l'unique colline de la ville céleste.

C'était le seul endroit où il pouvait encore réfléchir, ou personne n'osait venir l'importuner.

Parfois, comme en cet instant, sa charge lui pesait. Il allait se montrer dur, il le savait, mais il ne pouvait accorder aucune dérogation.

Il se devait de demeurer impartial, même envers elle. Les sanctions nécessitaient une rigoureuse conformité, peu importait l'identité des coupables.

LUI, le Dieu des Dieux, connu pour son impassibilité et sa droiture aurait, pour la première fois de son interminable vie, donné cher pour déléguer sa tâche. Elle lui pesait d'autant plus qu'elle concernait sa propre fille.

Un raclement dans son dos lui fit tourner la tête. Il aurait pu faire mine d'être surpris, mais cela n'aurait pas leurré la jeune femme qu'il avait mandée et qui se tenait à présent dans l'ouverture de la baie vitrée.

Comme toujours, elle resplendissait, enroulée dans une robe carmin fluide et légère, ses longs cheveux noirs tressés d'or et de perles. À ses bras tintaient une multitude de bracelets et elle dardait sur lui un regard émeraude interrogateur qui reflétait à merveille les rayons du soleil.

– Elbisan, tu devrais t'asseoir.

Son ton était sans appel et d'un mouvement magistral, il lui indiqua le petit salon de jardin de jonc tressé qui reposait à quelques pas de là, le balcon permettant l'accès à un jardinet intérieur de toute beauté. Elle suivit son geste du regard avant de croiser les bras et de secouer la tête, attendant simplement de savoir ce qu'IL désirait. La jeune femme était bien la seule sur Celiesta, la planète céleste, à pouvoir lui résister.

– Père, que me veux-tu donc ? Tu n'as pas pour habitude de me mander officiellement, et je devais venir dîner demain... Cela concernerait-il une des tâches que tu m'as confiées ? Je suis pourtant certaine de les avoir accomplies à la perfection.

– Cela ne concerne aucunement tes tâches mon enfant, mais ton idylle avec le dieu de la chance. Il est marié.

Elle soupira, et replaça une mèche invisible derrière son oreille dans un geste souple et délicat.

– J'aurais dû me douter que tu le saurais tôt ou tard. Écoute, ce n'était qu'une passade, et c'est déjà fini. Sa femme n'est pas au courant, ne le sera jamais. Il n'y aura aucune conséquence.

Il leva les yeux au ciel. Elle essayait de minimiser la gravité de la situation, mais l'infidélité, chez les dieux mariés, n'était pas une mince affaire. Fièrement, elle releva le menton avant de lui sourire.

– Je t'en prie, punis-moi ! C'est pour cela que tu m'as fait venir, non ?

– Oui. Et non. Tu me parlais de conséquences et... tu es enceinte, Elbisan. Et c'est ton enfant qui devra payer pour ton erreur... Pour votre erreur.

Elle pâlit, recula à la hâte. Les bracelets ceints autour de ses chevilles tintinnabulèrent lorsqu'elle trébucha et se rattrapa à une colonne. Les lèvres pincées, la déesse releva le menton avec fierté et croisa les mains sur son ventre. Inconsciemment, elle tentait de protéger l'enfant qu'elle portait. Elbisan faisait moins la fière à présent, elle détestait l'idée que ce pauvre nourrisson innocent subirait la punition à sa place.

– Non. Punis-moi, le bébé n'y est pour rien !

– Les lois sont ce qu'elles sont Elbisan. Je ne peux les modifier pour toi...

– Que vas-tu faire ?

– Deux choses. L'enfant sera maudit, comme il convient dans ce genre de situation. Il devra découvrir seul sa malédiction, et tu ne pourras en aucun cas l'aider à y mettre un terme.

– Et la seconde ?

– Il ne devra jamais connaître son père...

IL voyait à son expression que sa fille était furieuse. Et elle le serait bien davantage quand il lui révélerait la nature même de la malédiction...

Chapitre 1 : Découverte

Alors qu'il entamait sa neuvième année de vie, dans la quiétude et l'insouciance, un événement d'apparence anodine poussa Seraphym à réaliser sa singularité.

Ce jour-là ne se distinguait pourtant pas des autres. Le soleil resplendissait et chauffait la peau de ses doux rayons, une brise légère agitait les branchages des arbres millénaires qui décoraient la large avenue. Comme souvent, il jouait avec son unique ami. Les deux enfançons couraient sur la pelouse, déracinaient les narcisses et saccageaient les parterres de tulipes au grand dam du nymphe jardinier. En réalité, le jeune Eden se contentait de suivre son camarade et ne participait que très peu au carnage.

Lorsque la mère de Seraphym revint de sa dure journée de labeur, elle trouva son fils couvert de terre de la tête aux pieds. Elbisan eut à peine l'occasion d'articuler une remontrance que le garçonnet détalait déjà, la main du petit Eden serrée dans la sienne. Pas pour fuir la colère de sa mère, elle ne demeurait jamais fâchée bien longtemps contre lui. Ni pour l'ennuyer, pas même pour se venger d'avoir rugi, mais parce qu'il estimait que rester chez lui n'avait plus d'intérêt puisqu'il ne pouvait poursuivre son jeu.

Les deux enfants quittèrent rapidement les superbes allées pavées de pierres étincelantes et Seraphym, avec son espièglerie naturelle, entraîna son ami en direction du bois enchanté. Il avait dans l'idée de lui montrer le village des faunes. Son voisin n'avait jamais eu l'autorisation de le visiter, le petit rebelle estimait donc qu'ils vivaient là l'occasion parfaite. Si le dieu des elfes, père de son ami, risquait fort de ne pas apprécier l'escapade, Seraphym savait qu'il serait considéré comme le seul responsable. Et il n'en avait cure. Le garçon n'avait jamais été dérangé par les réprimandes.

Très vite la ville céleste disparut de leur champ de vision. Les longs doigts délicats d'Eden pressés dans les siens, Seraphym s'aventura sur l'étroit sentier qui menait à une gigantesque forêt baignée d'un calme alcyonien. Dans son dos, l'enfant hésita un instant. Il tira sur son bras, chuchota quelques mots incompréhensibles avant de se remettre en marche. Où que Seraphym allât et quoi qu'il fît, le jeune garçon le suivait comme une ombre, souriant et volontaire.

Le chemin serpentait entre des troncs colossaux dont l'écorce se teintait du plus sombre des marrons au plus vif des rouges. Il traversait des clairières idylliques aux pelouses parsemées de fleurs bariolées, grimpait des reliefs cabossés. Par endroit, il bordait des cours d'eau impétueux peuplés d'étranges créatures marines.

Les garçonnets progressèrent en silence pendant de longues minutes. De temps à autre, Seraphym surprenait le regard admiratif que son ami portait sur les choses. Pourtant, lui ne voyait là que de la verdure et quelques animaux, rien qui pût provoquer l'émerveillement ou la fascination. La nature n'avait jamais éveillé en lui le moindre émoi. Il décelait sans peine sa beauté, oui, mais elle le laissait de marbre.

Sûr de lui, le jeune indiscipliné bifurqua sans crier gare. Cette piste, il la connaissait par cœur, il l'empruntait chaque matin. L'école buissonnière lui convenait bien plus que les cours rébarbatifs des dieux mineurs. Quelques foulées plus tard, ils débouchaient sur une langue herbeuse qui scindait le bois enchanté en deux.

En son centre s'agglutinait une dizaine d'habitations composées de paille et de rondins. Malgré leur apparente fragilité, les huttes formaient des logis robustes. Au milieu de l'esplanade, des faunes accomplissaient diverses besognes. Sur les toits, des femmes martelaient le chaume, la rembourraient ou la rendaient étanche. D'autres s'affairaient sur les parois, rebouchaient les trous à l'aide d'une glaise claire, nettoyaient les fenêtres et redressaient les portes bancales. Partout s'égaillaient des marmots indisciplinés que deux jeunes filles peinaient à contenir. Les bambins galopaient dans la clairière, piaillaient à qui mieux mieux, et renversaient tout sur leur passage. Les dernières, enfin, se chargeaient d'un copieux repas commun et surveillaient des brasiers où mijotaient de grosses marmites.

La scène, d'un ennui mortel, arracha un bâillement à Seraphym. Il s'apprêtait déjà à entraîner Eden pour fureter aux alentours quand une troupe de puissants mâles surgit entre deux cases. Leurs pelages et leurs cornes souillés de sang et de sueurs témoignaient de la brutalité de leur tâche. Les bras chargés de gibiers, ils roulèrent des muscles jusqu'aux foyers, se débarrassèrent de leur chasse et repartirent aussi vite qu'ils étaient venus.

Leur beauté brute et sauvage attira l'œil de l'enfant et dès cet instant il n'eut plus qu'une chose en tête : les suivre. Une impulsion plus tard, il entraînait dans son sillage un Eden interloqué, et peut-être un peu déçu.

– Mais, Sera, tu ne voulais pas me montrer ce village ?

– Oui, parce que tu ne l'avais jamais vu, crois-moi, il y a mieux plus loin, je vais te faire découvrir autre chose que la vie des femelles !

– Si les femmes ne travaillaient pas comme ça, les hommes n'auraient pas de maison ! Et puis, les bébés sont tellement choux !

Intrigué, le garçon lorgna un instant en direction des spécimens.

– Tu trouves ? Ils crient, pleurent, bavent, ils ont les poils sales et des pagnes déchirés... dégoûtants ! Allez, suis-moi !

Timide, le doux Eden hocha la tête et s'empara de nouveau de la main de son ami et sautilla dans son sillage, sur le sentier cabossé envahi par les racines. Lancés au petit galop, les mâles disparurent derrière un bosquet, et malgré tous leurs efforts, les courtes jambes des enfants ne leur permirent pas de les rattraper. Ils s'apprêtaient à rebrousser chemin lorsqu'une série de grognements étranges s'éleva d'un buisson voisin. D'un geste vif, Seraphym attira son jeune ami au sol et les dissimula derrière l'arbuste. Ainsi caché, il écarta les feuilles avec précaution pour découvrir deux corps serrés l'un contre l'autre. Ils bougeaient, roulaient, criaient, ne laissant guère l'occasion aux deux espions de les observer à leur aise. Impressionné, Eden murmura.

– Mais qu'est-ce qu'ils font ?

– Ils copulent, chuchota Seraphym, l'œil pétillant.

– Ils copulent ? Je ne sais pas ce que c'est, mais là, on dirait qu'ils se battent ! Et même que la dame crie, elle doit perdre !

Seraphym aurait dû fondre devant tant d'innocence, mais il se contenta de froncer le nez et d'ébouriffer les longs et doux cheveux de son camarade. Il n'avait jamais compris l'intérêt d'un tel geste, mais il voyait souvent le père d'Eden l'accomplir. Et puis, lorsqu'il l'effleurait, les paupières d'Eden papillonnaient et ses joues se coloraient toujours d'un joli rose. Seraphym trouvait ces réactions aussi intrigantes qu'énigmatiques.

– Tu es tellement innocent ! Ils copulent, ça veut dire qu'ils font l'amour. Je crois que les adultes font ça parce que c'est agréable... Et je ne crois pas que la dame soit en train de perdre !

– Oh, fit le gamin. Mais comment tu sais tout ça ?

– N'oublie pas qui est ma mère. Et puis, elle et ton père le font souvent, tu sais ? Presque chaque fois qu'ils pensent être tout seul à la maison...

– Tu... les vois faire ça ?

– Bah non, ils se cachent, mais ils font les mêmes bruits ! Et puis, je les ai aperçus tous nus dans la salle de bain une fois, mais ils ont vite fermé la porte...

– Ils sont amoureux ?

– J'en sais rien, pourquoi ?

– Et bien, faire l'amour, ça devrait être pour les amoureux, non ?

Perplexe, Seraphym scruta le bambin. Celui-ci semblait très sérieux et patientait, avide d'obtenir une explication. Sauf que lui-même ne saisissait absolument pas le lien entre faire l'amour et être amoureux. En réalité, le concept même de passion sentimentale lui échappait. Incapable de répondre à la question, il préféra glisser son index le long de la joue satinée, puis sous le menton pointu qu'il releva.

– Parfois, ils s'embrassent aussi... sur la bouche. Tu veux que je te montre comment qu'on fait ?

– Hey, j'en ai déjà vu de ça, protesta le bambin. Ça s'appelle même des bisous !

– Des baisers ! Et puis, tu ne l'as jamais fait, si ?

– Non, parce que je n'ai pas d'amoureux et...

Le jeune dieu elfe n'eut pas le loisir d'achever sa phrase que les lèvres de son ami le bâillonnaient. Figé pendant quelques secondes, Eden finit par réagir et se dégager en douceur. Il recula d'un pas et serra ses mains tremblantes contre son torse fin.

– Seraphym, tu ne peux pas faire ça !

– Mais pourquoi ? C'était chouette pourtant ! s'étonna Seraphym.

– Je te l'ai dit, parce que c'est que les amoureux qui doivent faire ça !

Son incompréhension atteignit son apogée lorsqu'il découvrit la mine fripée d'Eden. Les yeux plissés et larmoyants, la bouche pincée, les narines frémissantes, son ami lui semblait... contrarié ? Son expression ressemblait, en tout cas, à celle qu'arborait sa mère un peu plus tôt dans la journée.

– Tu es fâché Eden ? Pourquoi ça ?

– Parce que tu ne m'as pas demandé mon avis ! Je n'étais pas d'accord !

– Tu n'as pas aimé ?

Les joues rouge vif, l'intéressé détourna le regard et se passionna pour les luxueuses babouches qui chaussaient ses pieds menus.

– Si. Mais pourquoi tu m'as fait ce bisou ?

– Ben, parce que j'en avais envie ?

– C'est tout ?

– Euh... oui.

– Et si tu avais été avec quelqu'un d'autre ?

Un soupir souleva la cage thoracique de Seraphym, et, sans qu'il ne pût les contrôler, ses doigts s'agitèrent avec frénésie sur la peau tendre devant son oreille gauche. Il ne voyait absolument pas où son ami voulait en venir.

– Ben, je suis pas avec quelqu'un d'autre là, et puis je joue avec personne d'autre, tu sais ? Les autres ne sont jamais d'accord.

La tête penchée sur le côté, il dévisagea Eden.

– Mais s'ils voulaient, tu jouerais avec eux ?

– Bah oui.

– Et pour le bisou ? Tu en aurais fait un à quelqu'un d'autre ?

– Bah oui, pourquoi ?

À ces mots, le garçonnet blêmit.

– Mais pourquoi tu fais cette tête ? s'enquit Seraphym, de plus en plus perdu.

– C'est pas très gentil de dire que moi ou un autre ce serait pareil. Parce que c'est ça que tu dis, non ?

– Euh. C'est pas la même chose pour toi ? Je veux dire, tu es mon ami parce que personne veut jouer avec toi aussi, non ?

– Non. Moi, je suis ton ami parce que je... t'aime bien. Les autres, ils m'aiment bien, c'est toi qu'ils aiment pas, ils te trouvent bizarre... Ils disent que tu n'aimes personne. Mais que tu détestes personne non plus. Ils disent que c'est pas normal, que les gens ont toujours des préférences. Et que leurs amis, ce sont les gens qu'ils aiment le plus...

Les élucubrations de son ami n'avaient aucun sens pour l'enfant. Il avait beau tourner et retourner la chose de toutes les manières possibles, cette histoire de préférence le dépassait...

Commentaires :

Lilimnt
Bonjour, #candidat Alors dans l'ensemble, je n'ai pas remarqué de fautes d'orthographe, la plume est fluide même si parfois les phrases sont un peu longues. La seule chose que j'aurais voulu, c'est de découvrir par la suite qui était l'enfant touché par la malédiction (parce qu'ici tu nous le dit tout de suite), et du coup ça enlève une part de mystère, d'attraction/addiction pour ton histoire. Sinon j'avais une toute petite remarque. Au début, tu utilises très souvent le pronom "il" pour désigné le dieu, tu aurais pu comme pour les garçons utiliser d'autres moyens pour le désigner. Pour finir, je trouve que tes dialogues en général, manque un peu de vie, de sens. Peu directs, ou assez vagues, on ne comprend pas bien ce qu'il faut retenir. Bonne continuation cependant !

--------

Lilimnt
où*

--------

omegaleo
Bonjour, Alors je n'ai pas grand chose à redire si ce n'est que dans le prologue, au sixième , septième et huitième paragraphe, il y a plusieurs phrases très longues. On en perd le fils il faudrait donc relire pour scinder en deux, ou plus, parties ces phrases. Bonne continuation

-------- 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top