Texte n°386

Doko est dans la tendresse de sa jeunesse. Elle sourit au monde car elle a seize ans, et que ses envies démultipliées lui insufflent de la vivacité et de la curiosité envers chaque chose de son quotidien.

Elle embrasse sa croix chaque matin, avant de prier, sérieuse. Puis elle replace les draps de sorte à laisser une image qui lui plait : une image qui dépeint une nuit d'amour, le froissement du tissu rêche avec deux corps aimants.

Ce n'est jamais le cas, elle n'a pas la tête dans cette réalité. Sa tante hurle, se fâche, maudit. Doko ne s'en moque point, elle écoute, sage et attentive, les paroles qui mêlent au vent la religion et le savoir vivre de notre temps.

Elle se parfume des senteurs s'échappant des flacons oubliés, et emmagasinés secrètement. Elle passe ensuite ses mains sur son visage pour sentir les contours de ses yeux clos, de son nez et de sa bouche. De ses joues rondes et fraîches, de l'intensité de ce moment où elle s'admire pour ce qu'elle est, pour ses imperfections aussi.

Doko n'est finalement complète que lorsqu'elle a aperçu le chat indépendant, El Sanguinaire, à qui il manque un œil et un sens des conventions. Il se montre parfois sur les toits et, immobile, il observe les mouvements de la cohue pendant des heures avant de disparaître, soudainement. Doko l'aime bien ce chat noir et borgne, afin de combattre des superstitions et de faire, elle aussi, partie des détails mystiques qu'elle admire.

En discutant avec le portier de l'hôtel que tient sa tante, elle a découvert les tics des habitués, et ces pans de vie, d'envies, qui la font songer, et rêver.

Elle s'adosse au muret couvert de fissures blanches, au soleil, et elle attend les gens, dans des couleurs pastelles.

Des voyageurs et des locaux, marchant dans Cuba les pieds pollués et pressés. L'ambiance grouille d'escapades, de marches et de tons rouges-orangés. De l'odeur du safran et des tensions politiques qui paraissent loin. Les robes bleues, blanches, vertes changent avec les jours qui filent. Mais toujours un vent léger et incessant caresse les jambes de Doko, et l'emporte marcher dans les ruelles de ses humeurs saisonnières.

Les mobylettes font voler le sable de la ville et mai a amené la chaleur chaude qui s'éteint près de l'océan. Le sel flotte partout, suspendu aux sonorités bruyantes, aux cris et aux klaxonnements.

Sur certains immeubles, des gens ont suspendus leurs draps, et les tissus dansent devant les façades multicolores. Doko s'est rendue jusqu'au marché, où elle espère pouvoir danser. L'école a fermé un mois plutôt, sans raison, et Monika, sa seule amie, passe ses journées à travailler dans un café chic. La jeune fille songe qu'elle devrait y passer, histoire de boire un chocolat chaud en plein mois de mai. Par la suite elle pourrait affirmer, expérience tentée. Mais aujourd'hui n'est pas ce jour. Aujourd'hui Doko va rencontrer Raphaël, mais ça, elle l'ignore encore. Alors en attendant, elle flâne parmi les stands. Il y a les légumes mutants, des chèvres dans un enclos, une boutique de frippes et des jolis garçons. Doko s'amuse de la fébrilité de l'atmosphère, de tous ces gestes taquins et ces rires francs, de cette bonne humeur contagieuse. Mais bientôt elle a fait le tour de la petite place Perseverencia, et se trouve en route pour prendre une large rue passante.

D'après les touristes, c'est une rue magnifique, ils disparaissent dans les nombreuses boutiques de souvenirs, ou prennent des photos de ces portes du paradis 'atypiques'. D'après les habitants c'est un gâteau empoisonné joliment enrobé, car les prix montent haut dans le ciel. Mais d'après Doko, et quelques autres inconnus, cette rue c'est avant tout la librairie de M.Sampe.

Minuscule boutique, coincée entre un immense magasin de vêtements et un immeuble d'habitation, une vieille baraque croulante qui se cache derrière sa façade et ses couches de peinture marron. Cette librairie c'est la beauté de ce qu'il y a à l'intérieur de chacun. De dehors il n'y a rien à dire, c'est moche.

Quand on a passé la porte c'est une toute autre affaire. C'est ici le vrai fantasme, là que certains perdent toute notion du temps, et font des rencontres très personnelles avec les livres. On ne l'explique pas, mais c'est particulier. D'abord il y a cette odeur, celle des anciens ouvrages et des pages jaunies qui les composent. Comme un parfum de confidence qui va nous convertir, et nous rendre adeptes. Car c'est ainsi qu'on vient, comme des drogués, attirés, mordus de savoir et d'histoire. Et Doko n'est pas une exception, Doko passe des

après-midi à lire les mots, ou à réfléchir sur un tabouret neuf, en attendant M. Sampe. Dans ces moments là elle touche le bonheur du doigt.

Ce monsieur n'a que trente ans et pourtant il est très vieux. C'est son regard qui en dit le plus quand aux aventures qu'il a vécues. Et c'est sa voix caverneuse qui veille sur cet endroit que tenait sa mère, et sa grand mère avant elle. C'est peut être parce que M. Sampe est une exception à l'univers exclusivement féminin qu'il est si spécial, c'est peut-être aussi car il ne dira jamais son nom.

Pour Doko c'est une sorte de figure paternelle, altruiste comme elle l'aurait voulu. Et il la fait travailler parfois, ranger en échange de quelques billets, car il sait combien elle aime cela.

Et pour ceci, elle ne l'aime lui que plus encore.

La nuit est tombée, mais la chaleur elle est toujours là. Des enfants jouent dehors sur les terrains de basket, ils jouent devant les cafés encore ouverts. Le quartier de Doko est spécifique d'une population ethnique, comme d'autres dans la ville. Ici, sur les chaises, les sourires se croisent et on parle beaucoup. Les gens se sont réunis devant la télé pour les huitième de final de la coupe du monde.

Ce n'est pas un événement historique, mais ça met en joie. On a même réussi à faire sortir M.Sampe de sa tanière pour une soirée. Car si il y a bien un mot d'ordre ici, c'est la convivialité. On connaît son voisin, et on s'arrête dans la rue, avant d'aller tous au café chic de la rue Aguacate où travaille Monika. Et on salue le patron Monsieur M car il fait partie des trois grands propriétaires du quartier avec la tante de Doko qui tient son hôtel, et Damas le bon blanc qui porte un nom de noir, et qui est dessine des nuages sur les journaux. Son père est un important businessman, et il a laissé à Damas le contrôle immobilier du secteur. Voyant que son fils s'ennuyait, il a fini par lui ôter toute responsabilité. Cependant entre temps Damas est tombé amoureux de Monika, et depuis il passe ses journées dans le café à consommer en faisant le bonheur de Monsieur M.

Monika dit qu'il lui offre une fleur tous les jours, et que c'est une très jolie façon de faire la cour. C'est un idiot charmant, ce qui fait que Doko le trouve profondément gentil.

Ainsi on l'aperçoit à la meilleure table, offrant des tournées de bières tièdes tandis qu'il observe Monika qui travaille ce soir car il y a du monde.

Dehors les enfants jouent, et crient en se filant des coups de pieds en douce parce qu'il y a de la triche. Doko s'est adossée près de la grande baie vitrée, et regarde distraitement l'entrée des joueurs dans le stade. Elle a passé son après-midi dans la librairie, et son esprit est encore brouillé par ces puissantes idylles qui hantent des millions de pages.

Ses yeux sont grands ouverts, et elle fixe le vide, le menton dans le creux de sa paume.

Elle écoute le bruit des chaises que l'on tire, et des vêtements qui claquent sous les saluts cordiaux.

Des femmes se sont réunies à l'arrière, séparées des hommes par leur engouement, et boivent du tchaï.

Doko aimerait bien les rejoindre et écouter leurs critiques qui parfois révèlent bien plus que la description d'un quotidien. Elles montrent les douleurs silencieuses, et les pertes muettes. Parfois elles représentent la complaisance simple qui s'impose tendrement entre amis et amants.

Ces femmes autour de la table, dont parfois les enfants s'endorment dans leurs bras. Ces femmes qui brillent dans les yeux de Doko, ces femmes qu'elle aime tant. Ces femmes ce soir parlent espagnol gravement, et leur peau noire reflète la lumière tamisée des lampions bleus.

À 21h03, Doko écrase un moustique, elle observe son cadavre sur la table en plastique et regrette brièvement.

À 21h24, Doko remarque que la lune est pleine, et que c'est une nuit sans nuages.

À 21h36, le café entre en ébullition, l'adversaire a marqué et l'arbitre est un vendu.

À 21h57, Doko se réveille en sursaut, son assoupissement a été troublé par des cris outrés.

À 22h08, elle s'ennuie fermement et pense à rentrer chez elle.

À 22h13, un enfant attire son attention en rentrant dans le café bruyamment, il pleure et frotte son coude rougi.

À 22h15 il ressort, prêt à repartir jouer, et Doko se lève pour le suivre.

À 22h16, sur le terrain en terre Doko remarque un homme qui joue de la guitare au milieu d'un groupe d'enfant, sa silhouette se découpe sous le réverbère.

À 22h17, au cœur de Cuba, elle rencontre Raphaël et le trouve singulièrement déprimant.

Commentaires :

Lallyhammer
Bonsoir et merci pour ton texte. Peu de choses à dire. Bon niveau de vocabulaire. Des phrases savamment tournées mais on cherche des fois ce que tu veux dire, où tu veux en venir. Une grosse utilisation de que, qui ... 2 ou 3 dans la même phrase, ça rend le texte un peu lourd à lire. Par contre, dans l'histoire, on ne sait pas trop où on va. Doko passe ses journées dans une librairie, ... mais qu'est ce qui me fait continuer la lecture ? J'arrive à la fin du chapitre et je n'ai pas encore d'intrigue. Par contre je trouve que tu fais de belles descriptions de la vie dans la ville.

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Lallyhammer
il ne devrait pas y avoir de point là, il n'y a pas de verbe ! que font ces femmes ??? on ne le sait pas.

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Lallyhammer
et qui dessine (pas : et qui est dessine des nuages...)

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Lallyhammer
Allèger un peu cette phrase... difficile à lire

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Lallyhammer
quanT

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Lallyhammer
enlever le "qui"

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libreetfolles
WoaW! J'adore cette manière poétique d'écrire et cette façon d'utiliser les mots, c'est tout à fait mon univers a moi aussi. C'est peut-être pour ça aussi que j'ai tout de suite été plongée dans l'histoire , mais c'est surtout parce que c'est beau. Je trouve que le prénom du personnage principal est super bien choisi. Peut-être que tu pourrais changer le "Monsieur M", personnellement je trouve que ça casse un peu l'harmonie qu'il n'y ait qu'une lettre à prononcer. J'adore Cuba et j'imagine vraiment bien les lieux, en fait tu m'as fait voyager là-bas (j'étais déjà en vrai:). La fin a un rythme intéressant, et c'est très agréable. J'espère que tu as aussi les idées et la patience pour continuer et finir le récit, parce que c'est parfois ce qui manque :) J'aimerais bien être contactée par l'auteur pour continuer la lecture ^^ Bravo !

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gonna-love-me
J'ai bien aimé ce texte. Il y'a assez de description Lire le début m'a donné envie d'en savoir plus et bien Doko Vers la fin aussi, les paragraphes avec les heures et tout étaient très original à mon avis

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