Texte n°382
Neslim arpentait le couloir à pas de loup. Non pas qu'elle ait eu peur se faire surprendre, mais c'était sa façon naturelle de se mouvoir. Son corps svelte respirait l'agilité, chacun de ses mouvements étaient gracieux et précis. Une énergie féline émanait d'elle.
Elle s'éloigna du Palais et de son faste envoûtant, pour s'enfoncer dans la Nuit. Elle était chez elle. Elle courait dans l'obscurité, s'enfonçant dans l'espace sauvage. Elle esquivait les branches et les racines qui cherchaient à freiner sa progression, sautait par-dessus les nids-de-poule et les ornières, évitait les épines assassines des ronces et autres épineux. Elle virevoltait, et semblait entraîner la forêt entière dans sa danse. Les ténèbres l'enveloppaient et semblaient s'animer autour d'elle. Sa course était une ode à la vie, à sa liberté.
Elle s'arrêta enfin, éreintée mais heureuse, victorieuse de son affrontement contre la nature elle-même. Du haut de la colline où elle se trouvait, elle pouvait voir au loin des chemins se former, qui partaient en étoile de la ville des Hommes.
Destan entrouvrit la fenêtre de sa chambre. Il inspira un grand coup l'air frais du dehors, et en profita pour observer l'extérieur. Au-delà des lumières marquant les limites de la ville, s'étendait un vaste espace sauvage, synonyme de dangers et de mystère. La jungle surplombait la ville, l'écrasant de son immensité, impénétrable. La nuit dominait ce territoire interdit, dont les vaines lumières de la ville ne pouvaient repousser l'obscurité. Le jeune homme fut interrompu dans sa contemplation par la voix réprobatrice et inquiète de sa mère, et referma à regret la fenêtre de sa petite chambre.
Être fasciné par la nuit n'était pas normal, mais Destan ne pouvait s'empêcher d'être captivé par ces mystères, aussi inappropriés fussent-ils.
Autrefois il fut un temps où les Hommes ne se souciaient pas de la course du soleil, où la nuit ne signifiait rien pour eux. Mais les dangereux djinns étaient descendus sur terre, et avaient fait de la Nuit leur domaine, des ténèbres leur pouvoir. Et les Hommes s'étaient cloîtrés dans leur ville, ne quittant son enceinte qu'en présence de l'astre solaire. Le simple fait d'évoquer la vie nocturne était tabou. On apprenait aux plus jeunes enfants à craindre l'obscurité, à travers les contes relatant les mésaventures des pauvres humains affrontant de terribles djinns.
Mais Destan avait cessé d'être un enfant impressionnable. Les histoires de son enfance le fascinaient plus qu'elles ne l'effrayaient. Sa vision du monde évoluait doucement, s'éloignant de celle de ses aînés. Il ressentait de plus en plus le besoin de voir par lui-même, avait une soif de comprendre et de ressentir les choses qui n'était plus assouvi par les réponses toutes faites des adultes.
Il s'allongea dans son lit et attendit que les bruits de la maison se tarissent. Cela faisait plusieurs semaines déjà qu'il avait cessé d'avoir systématiquement des nuits complètes. Il sortait de chez lui, s'évadait presque, et bravait l'interdit en arpentant les rues désertes. Il fit de même cette nuit-là. Sa fenêtre, bien qu'étroite, permettait de rejoindre facilement la rue, à condition de se suspendre au rebord. Il atterrit avec souplesse sur le sol battu, marquant ainsi le début de son escapade nocturne. Les ruelles prenaient un tout autre aspect, lorsqu'elles étaient désertées de leurs occupants par l'obscurité. Bien entendu cette dernière n'était pas totale, de petites lanternes la perçaient à intervalles réguliers, mais ce n'était en rien comparable à la lumière du jour. Les bâtiments si communs et austères en pleine journée se paraient alors de mystères et de secrets. Pour l'instant il se contentait des rues de la ville, n'osait pas franchir ses limites. Même en pleine journée, les fois où cela était arrivé pouvaient certainement se compter sur les doigts d'une main, et jamais en dehors des sentiers battus.
Dire que personne ne sortait la nuit aurait été faux, bien qu'on ait voulu le lui faire croire. Le jeune homme savait à présent que certains quartiers étaient même très animés. Ils regorgeaient d'activités florissantes et rarement légales. Cela allait du troquet, aux établissements de femmes de petite vertu, en passant par les paris de toutes sorte. Il était resté à l'écart de ces quartiers, préférant le calme des rues désertes, et aussi, même si cela était dur à s'avouer, craignant un peu la faune particulière qui peuplait ces lieux à cette heure de la nuit.
Il finit par regagner sa chambre, en veillant à ne pas faire le moindre bruit. Il ne lui restait plus qu'à espérer que les heures de sommeil qu'il avait manqué ne seraient pas trop visibles au petit matin sous ses yeux.
Neslim rebroussait chemin à regret. Sa liberté qu'elle chérissait tant, restait bridée, elle finissait toujours par devoir revenir au Palais, telle tenue en laisse par un lien invisible. Elle lança un regard sombre aux tourelles qui dépassaient de la cime des arbres, comme si elle tenait le bâtiment lui-même pour responsable de sa frustration.
Elle emprunta la petite porte par laquelle elle était passée à l'aller. Elle marchait rapidement, sans accorder un seul regard au jeu de miroir mettant en valeur les riches tapisseries ornementant les corridors. Elle coupa par les jardins, respirant l'odeur entêtante de ses buissons de roses. Des allées de fin gravier blanc encerclaient les bassins et leurs fontaines, d'où provenait un doux clapotis. De beaux arbres fruitiers soigneusement taillés complétaient ce tableau raffiné. Ce n'était pourtant aux yeux de Neslim qu'un pâle reflet de la beauté qu'offrait la Nature sauvage, la vraie.
Elle regagna enfin ses appartements. Sa tante semblait l'attendre, lui ôtant tout espoir de finir tranquillement la nuit.
-Encore sortie vadrouiller dehors ? Tu ne t'assagiras donc jamais ? Dépêche-toi d'enfiler une tenue convenable, tu sais pertinemment que nous sommes attendues.
Neslim soupira. Elle se vêtit à contrecœur des étoffes de soie richement brodée qui seyaient à son rang.
-Allons-y. Tâche d'être une djinn présentable qui ne fera pas honte à sa Famille.
La djinn en question eu un discret sourire narquois. Comme s'il restait une Famille à qui faire honte. Mis à part sa tante Vadjia et elle-même, il ne restait que quelques membres encore en vie. Vadjia se raccrochait désespérément à leur grandeur passée, refusant d'affronter la réalité de leur déchéance. Déchéance qui s'était concrétisée à la mort de ses parents. Sa tante, un grand-oncle presque sénile, et un cousin éloigné étaient les seuls autres parents qu'elle possédait encore. Ce qui signifiait que c'était à elle d'assurer la lignée. Responsabilité dont elle se serait volontiers passée.
Elle emboîtât le pas à sa tante, se préparant mentalement à subir une autre réception au cérémonial aussi étouffant que les sourires factices.
Commentaires:
omegaleo
Bon texte au niveau du vocabulaire et fluidité du texte. La seule remarque que j'ai à faire c'est qu'au début d'un paragraphe tu mets ''autrefois il fut un temps'' autrefois et il fut un temps ayant le même sens, il faudrait peut être en supprimé un. Ton idée est plutôt originale au demeurant. Continue comme ça.
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Lallyhammer
bonjour et merci pour ton texte. J'ai fais quelques remarques tout au long de la lecture, mais je n'ai rien relevé de choquant. Orthographe ok, bon niveau de vocabulaire. concordance des temps ok. Je n'aurai qu'un seul mot à dire : continue comme ça. Sur le fond, pas mal cette idée de djinn... depuis Iznogood je n'en avais pas entendu parler !! bravo
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Lallyhammer
très beau paragraphe
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Lallyhammer
qui n'étaient plus assouvies
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Lallyhammer
semblait et semblaient
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Lallyhammer
répétition : s'enfoncer et s'enfonçant les épines et autres épineux
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-?-
Suite et fin Et particulièrement les videos sur l'emploi des verbes et le creuset du style...et pour bannir les adverbes, le livre de VincentHauy , comment ecrire un roman qui se lit. Son premier article donne d'excellent conseils pour s'en passer. Voilou, c'est assez général mais tu peux encore dynamiser ton texte en l'affinant. Bosse bien, tu es bien partie. Travaillé bien ton univers et n'hésite pas à utiliser tous les sens pour obtenir une atmosphère pleine de charme....le but la c'est le mystère, le côté obscur et l'exotisme...parle d'odeur....encens, épices, parfum des roses, tu parles d'arbres fruitiers, odeur de la foret...est ce qu'il a fait chaud dans la journée?...à la nuit ils peuvent encore sentir la chaleur émaner des pierres ou de la terre. Pose toi dans un lieu et ferme les yeux, apprend à utiliser tes autres sens et les retranscrire par l'écriture... Voilou...continue de t'amuser , tu es très bien partie pour moi.
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-?-
Suite Pour la forme Sabre dans les adverbes et les participes présents, certains ne sont d'ailleurs pas utile et la construction en participes présent, il ne faut pas en abuser. Le gros défaut de ton texte pour moi, ce sont tes nombreuses répétitions...je t'encourage vraiment à le reprendre avec un dico de synonymes. Pour t'aider à les repérer parce qu'à force on ne les voit plus, c'est de relire ton texte à voix haute. Tu sais déjà l'importance des verbes riches mais tu peux aller encore plus loin au vu de tes capacités, donc tu as des auxiliaires encore en pagaille que tu peux remplacer. En fait des conseils pas très difficile à mettre en place. Pour se débarrasser des adverbes, trouver le bon verbe qui se suffit à lui même J'ai l'exemple de ta phrase ou il a cesse depuis des semaines d'avoir systématiquement des nuits complètes....on est dans un récit fantastique avec une connotation de merveilleux....non seulement ton adverbe n'est pas indispensable mais niveau lexical( ca fait très scientifique) il jure avec l'histoire. Relis ta phrase sans l'adverbe, tu verras qu'elle est bien plus jolie. Le contexte, la notion de temps, nous montre la récurrence. Pas besoin d'en rajouter. Un autre soucis est la place de tes coi et cod dans la phrase....attention pour la compréhension ou la musicalité c'est important. Par exemple elle pouvait voir au loin dès chemin se former....elle pouvait voir des chemins se former au loin ou dans le lointain... Les quelques heures....ne serait pas, au petit matin , visible sous ses yeux....ou visibles sous ses yeux au petit matin...mais en l'état dans ton texte la phrase apparaît bizarre. Attention à l'utilisation des verbes d'état....sembler est un faux ami, hyper lourd, alors si en plus tu l'utilises à deux phrases d'intervalle ça plombe ton récit. Pour améliorer encore ton style et comme tu as les capacités de mettre ces conseils la en pratique, n'hésite pas aller voir la chaîne YouTube, une bouffé d'écriture, des éditions de la reine
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-?-
Bonjour l'auteur. Un texte très intéressant, de par le fond et la forme à qui il ne faut pas grand chose pour devenir un peu plus digeste. Une belle découverte et une revisite de la mythologie ou théologie orientale, ca change . Pour le fond. Mon seul bémol sera le traitement de deux histoires en parallèle pour présenter tes héros. Vraiment tu as de la matière pour faire deux segment différents...même si le thème traité est le même entre les deux....la liberté...mais je pense sincèrement que tu devrais consacrer un segment à chacun en montrant plus que tu ne racontes surtout pour Destan.....la tu ne fais qu'évoquer les choses alors qu'avec Neslim on vit son évasion dans la foret et qu'on est avec elle . J'aurais bien aimé faire un tour dans les rues désertes de la ville, observer de loin les quartiers animés avec un melange de fascination et une crainte au ventre....ce qui aurait aussi permis de décrire la ville ou du moins certains quartiers...j'aurais même vu la chose commencer par sa sortie par sa fenêtre. Garde à l'esprit que vivre les choses en même temps que ton héros plutôt que de les raconter sera plus vivant et bien plus passionnant. Cette technique c'est le show dont tell.....montre, ne raconte pas.
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Juliettelem
Bonjour, Une belle écriture un vocabulaire riche de belles formulations, Il y a du travail sérieux dans ce texte et une belle créativité avec un univers très intéressant et des personnages déjà bien dessinés. Une bonne surprise en fantasy. Cependant, quelques travers qu'il est important de corriger : Trop de participes présents, adverbes en ment, phrases trop longues qui nuisent au rythme et à la fluidité Dommage cette débauche de "elle" au démarrage, pour désigner le perso féminin parce que l'écriture est prometteuse, petit manque d'alternative... " Autrefois il fut un temps "redondant : l'un ou l'autre... " relatant les mésaventures des pauvres humains affrontant de terribles djinns. " attention à l'usage abusif du participe présent , deux dans la même phrase... cela alourdit déjà avec un seul. " évoluait doucement, s'éloignant " association à éviter... " Il ressentait de plus en plus le besoin de voir par lui-même, avait une soif de comprendre et de ressentir les choses qui n'était plus assouvi par les réponses toutes faites des adultes. " cette phrase aurait besoin d'être scindée. " Il était resté à l'écart de ces quartiers, préférant le calme des rues désertes, et aussi, même si cela était dur à s'avouer, craignant un peu la faune particulière qui peuplait ces lieux à cette heure de la nuit. " trop longues, participes présents... et formulation lourde, à revoir , couper la phrase en plusieurs... Merci pour ce texte, je lirai volontiers la version remaniée. Bonne continuation.
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