Chapitre 41




- Elle n'a rien, tout semble absolument normal.

- Vous en êtes sûr ? Insista Jane en fixant sa fille avec une boule d'angoisse dans la gorge.

- J'en suis certain, affirma le médecin en rangeant son matériel.

Les abdominaux déchirés par la douleur, Jane ravala les larmes de soulagement coincés dans ses yeux et releva la tête pour chercher Hadjar du regard.

Vêtu de son long manteau noir qui lui donnait un air plus aristocrate, il continuait de répondre aux questions des autorités sans se départir de sa superbe impassibilité.

Tabitha avait été blessé, mais pas tué. Hadjar ne tuait pas les femmes sauf en cas de situations extrêmes et impardonnables. Peut-être avait-il jugé l'état de Tabitha comme inquiétant et qui relevait sans doute d'une aide médicale. Jane l'ignorait, mais avait mal au cœur jusqu'à ressentir une nausée persistante bloquée dans sa gorge. Cette femme qu'elle croyait être son amie était et restera à jamais la fille de l'assassin de ses parents.

Elle se leva, laissant Madeleine surveiller Naya et s'approcha de la fenêtre pour constater que des dizaines de caméras étaient braquées sur le manoir.

- Jane ?

Christine Coner, son avocate pressa le pas pour venir l'enlacer dans ses bras.

- J'ai fait au plus vite, comment...comment tu te sens ?

- Comme quelqu'un qui pensais que ce passé était derrière moi, murmura-t-elle d'une voix faible.

- Viens, éloigne-toi de la fenêtre, dit-elle d'une voix troublée par l'intense pression qui régnait autour d'eux. Je vais faire en sorte de te protéger comme...

- C'est trop tard, coupa Jane en se frottant les bras afin de faire disparaître les frissons glacés qui couraient sur sa peau. Certains journalistes ont fini par avoir la main sur mon véritable nom de famille. Ils sont désormais au courant.

Christine Coner poussa un juron tout bas en saisissant son téléphone.

- Je vais essayer de repousser la catastrophe aussi longtemps que je le peux jusqu'à ce que tu partes d'ici.

- C'est trop tard, lança une voix rocailleuse qui aussitôt la rassura malgré l'hécatombe des dernières heures. La presse ne s'arrêtera pas, en tout cas pas ici à Londres.

- Tu veux dire que...

- Je veux dire que la presse de mon pays a déjà l'information mais Charik a déjà pris les devants et il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Personne ne te dérangera une fois que nous serons partis.

Jane exhala un soupir tremblant alors qu'il venait de passer son bras dans son dos pour la ramener contre lui.

- Ça va aller, murmura-t-il d'une voix rassurante.

- Et pour mademoiselle Hewitt ? Demanda son avocate. Dois-je commencer à préparer une défense ? Son procès ne sera pas pour tout de suite, mais il n'est jamais trop tard pour commencer afin d'avoir un coup d'avance.

- Je pense que...qu'elle ira dans un hôpital spécialisé, avança Jane en levant la tête vers le cheikh dont l'apparence sereine cachait une intense colère. Elle est folle et je pense que...

- Elle ne pourra pas plaider la folie, l'interrompit le cheikh. C'est trop tard. Elle sera accusée de tentative de meurtre avec préméditation et meurtre.

Meurtre ?

Christine Coner fronça des sourcils, également interloquée par ce détail.

- Meurtre ? Répéta l'avocate. Mais elle n'a tué personne si ?

Le bel arabe expira par le nez en déviant son regard dans le sien.

- Ses parents adoptifs ne donnaient plus de nouvelle depuis des mois et ils ont été retrouvé il y a seulement deux semaines dans leur maison secondaire à Seattle. Ils ont été assassinés.

- Oh mon dieu, s'exclama Jane avec une douleur dans la voix.

- Les autorités de Seattle ont relevés ses empreintes sur la scène de crime, ils étaient justement à sa recherche.

- Donc...elle va finir en prison quoiqu'il arrive ?

- Oui, il n'y a aucune issu possible pour elle et je vais me contenter de m'en réjouir car je ne l'ai pas tué uniquement parce que je ne tue pas devant femme et enfant sauf si je n'ai pas le choix. Qu'elle s'estime heureuse de vivre à Londres et qu'elle s'estime heureuse que cette sagesse douloureuse qui tremblait dans ta voix m'a poussé à la garder en vie.

Jane glissa sa main sous le pan de son manteau pour poser sa tête contre son torse.

- Merci monsieur Al-Nashrar, déclara l'avocate avec un sourire en coin. Je m'étais trompé à propos de vous.

- J'ai tendance à faire mauvaise impression la première fois.

Elle s'éloigna, les laissant seuls.

Ce qu'ils n'avaient pas pu faire depuis l'arrivé de la police.

- Je suis...

- ....désolée ?

Elle se recula légèrement pour mieux lire dans ses yeux et son nez était plissé, son regard ancré dans le sien.

- Si tu le dis, je te coupe vraiment la langue.

- Au final j'avais tout de même raison, tout est venu de moi, j'ai accusé ton frère à tort.

- Mon frère a couché avec elle et il lui a donné des informations qui lui on permit de te retrouver. Il est tout autant responsable.

Il soupira en prenant ses mains pour l'attirer vers lui.

- Même si je dois reconnaître que je suis soulagé que ça ne soit pas lui derrière tout ça.

Jane baissa la tête mais il la lui releva aussitôt.

- J'aurai dû me méfier de cette fille, toi tu ne pouvais pas savoir car c'était ton amie. C'est un terrible hasard, mais le destin m'a placé sur ta route et c'est tout ce qui compte.

Il fouilla dans ses yeux, l'air inquiet.

- Est-ce que ça va ?

- Je suis encore sous le choc mais ça va aller, je veux juste...que tout ça se termine au plus vite.

- Je vais faire le nécessaire.

Il caressa ses bras, l'air toujours serein en apparence.

- Et toi ? Demanda-t-elle en dévisageant sa paire d'yeux noire.

- J'apprend à me contrôler, à lutter contre mes impulsions, lui confia le cheikh en esquissant un sourire presque forcé.

- Et ça fonctionne ?

Il inspira profondément, l'air hésitant.

- Pas comme je me l'étais imaginé, mais c'est un début.

Cette conversation lui réchauffa le cœur et la fit basculer des mois en arrière. Qui aurait pu imaginer que cette nuit d'orage allait changer sa vie à jamais.

- Tu m'avais pourtant dit que tu ne changerais pas pour moi ni pour personne d'ailleurs.

- Et c'est le cas, mais je dois apprendre à conjuguer avec ma vie de famille désormais. Tuer Tabitha devant toi et notre fille n'aurait probablement servi à rien. Ce n'est pas l'image que je veux que ma fille ait de moi en grandissant.

Il s'interrompit pour prendre son menton dans le creux de ses doigts.

- Même si je sais, que le cours des événements aurait été différent si j'avais été seul avec elle à ce moment-là.

Bien sûr Jane n'en doutait pas et savait que les pleurs répétés de Naya l'avaient poussé à prendre la bonne décision.

- C'est terminé maintenant, ajouta-t-il en posant ses lèvres sur les siennes.

- Pas tout à fait, dit-elle quand il libéra sa bouche. Comment vas-tu expliquer aux journalistes ce qu'il vient de se passer ?

- Je n'aurai rien à faire et Charik s'en occupe. Ils savent comment je suis, mais ils ne connaissent pas ma femme.

- Justement, c'est bien là le problème, lui dit-elle nerveusement. Imagine qu'ils laissent entendre que je t'ai attiré que des ennuis et que par ma faute...

Il couvrit sa bouche de sa large main en lui affligeant un regard mécontent.

- Assez, tu es sans doute encore en état de choc, tu as besoin de te reposer.

Jane posa ses doigts sur les siens pour libérer sa bouche.

- Hormis le village où se trouve Saoud, personne ne m'a réellement vu Hadjar.

- Parce que je voulais te garder pour moi et je n'aime pas partager, lui expliqua le cheikh en ôtant son manteau qu'il jeta sur le bras du fauteuil. C'est égoïste de ma part mais si c'était à refaire, je ne changerai rien. Pendant trop longtemps j'ai donné de ma vie. De plus tu étais en danger et moi trop désireux de te garder comme une prisonnière dont je craignais la fuite.

Il s'approcha de Naya qui s'agitait dans le landau et la prit pour la poser sur son torse.

C'est à ce moment-là qu'elle remarqua qu'ils étaient seuls.

Seul le reflet du gyrophare de la voiture de police caressait les murs de façon systématique.

- Je suis fautif de cette partie de l'histoire et je vais faire en sorte de réparer ça une fois que nous serons rentrés.

- Et s'ils ne m'acceptent pas ?

- Alors je partirai sans aucun regret.

Jane cilla, le cœur battant à un rythme irrégulier.

- Quoi ? Souffla-t-elle en cherchant son regard baissé sur leur fille.

- Tu as très bien entendu, dit-il sur un ton égal. Si mon peuple te rejette alors je quitterais mes fonctions de souverain sans le moindre regret car je ne peux pas vivre sans toi.

Il marcha jusqu'à elle, l'air déterminé.

- Je ne peux me résoudre à vivre sans toi et si mon peuple s'oppose à mon bonheur alors ça sera terminé.

Les yeux larmoyants, Jane secoua imperceptiblement de la tête en essayant de trouver les bons mots pour le raisonner.

Seulement sa bouche remuait sans qu'aucun son ne parvienne à sortir.

- Toute ma vie jusqu'à maintenant j'ai fait passer mon devoir avant tout le reste, poursuivit-il d'une voix gutturale et empreinte d'émotions. Maintenant c'est toi que je choisi.

- Hadjar...

- Ne dis rien, c'est inutile, murmura-t-il en se penchant pour embrasser son front. Aucun de tes mots ne pourra me faire changer d'avis.

Émue, Jane se pinça les lèvres en sanglotant d'émotions et s'avança pour poser son visage contre le dos minuscule de Naya qui s'endormait contre le torse de son père.

Il lui chuchota des mots en arabe en posant son bras libre dans son dos et Jane eut enfin la sensation d'être libérée.

Libérée d'un passé trop douloureux. Libérée d'avoir crains pendant des mois que cet homme au regard sévère ne puisse jamais éprouver des sentiments pour elle alors qu'il venait de lui offrir la plus belle preuve d'amour.

Il était prêt et déterminé à la choisir elle plutôt que le trône d'Halkhara alors qu'il s'était battu jusqu'à sang pour le reprendre des mains de son oncle.

Que pouvait-elle espérer d'autre ?

Rien.

Son bonheur avait été jusqu'ici imparfait mais la confiance mutuelle qui avait été l'obstacle dans leur relation les avait aider à se comprendre l'un l'autre, mais surtout avait aidé à guérir des plaies encore ouvertes.

Mais qui progressivement, commençaient à se panser...

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