Chapitre 38
Je vous souhaite à tous une belle année et surtout une bonne santé.
Je vous souhaite le meilleur pour vos projets et je vous souhaite la réussite.
Gros bisous ❤️
Allongée sur le lit depuis maintenant des heures, Jane ne parvenait pas à faire taire son chagrin. Larmes n'avaient de cesse de couler sur l'oreiller tandis que son regard voilé était posé sur Naya endormie tout près d'elle.
Ce qui l'avait blessé le plus c'est qu'il puisse envisager qu'elle serait prête à abandonner sa fille pour regagner sa liberté. Ces lourdes accusations portées contre elle étaient si douloureuses qu'elle avait l'impression qu'on lui avait arraché le cœur.
Hadjar n'avait toujours pas confiance en elle, même après avoir accepté d'être sa femme sans même se rebeller. En vérité cet homme insensible et fermé était encore prisonnier de cette guerre et Jane avait l'impression d'être la seule à l'avoir compris.
Derrière cet homme fort et impitoyable, se cachait un soldat encore blessé.
Le problème ?
C'est que Jane éprouvait des sentiments pour lui. Seulement comment aimer un homme qui semble incapable d'aimer ?
Son ventre se noua, alors qu'elle était tourmentée par le futur à ses côtés. Elle refusait de s'imaginer encore plus longtemps dans cette position atroce et de continuer à voir dans ses yeux noirs cette lueur méfiante.
Pendant des années, elle avait passé la plupart de son temps à combattre ses peurs, à lutter contre les souvenirs terribles de son passé. En échappant à la mort elle s'était sentie coupable d'être encore en vie.
Avec Hadjar, elle avait l'impression d'être plus forte, car en ayant peur de lui, elle s'était surprise à se dépasser. Seulement il n'était plus question de se battre contre ses peurs, mais contre celles du cheikh.
Trahi, abandonné, livré à une guerre sanglante, le cheikh n'était pas sorti indemne de cette bataille et le poids de la culpabilité le rendait méfiant et incapable de lâcher prise. Comme s'il craignait de vivre tout simplement.
Soudain elle sentit sur ses épaules deux mains s'y déposer très lentement. Aussitôt son cœur se mit à s'emballer car elle avait reconnue son odeur de cèdre.
Dos à lui, elle pouvait sentir son souffle chaud dans ses cheveux et ferma les yeux en sentant une dernière larme tracer un sillon sur sa joue.
- Je suis désolé Jane, murmura-t-il d'une voix sincère et presque abattue.
Elle renifla pour lui faire part de son chagrin, mais n'eut pas le choix de se mettre sur le dos quand il fit pression sur ses épaules afin qu'elle le regarde.
Ses traits ciselés se creusèrent dans le remord lorsqu'il vit son visage mouillé et ses yeux gonflés.
- Je suis un monstre, reprit-il en ne le regardant plus. Je n'aurai jamais dû dire ça.
- Tu l'as vraiment pensé ? Demanda-t-elle d'une voix où la douleur persistait.
- Oui, dit-il le visage tiré par le regret.
- Pourquoi tu ne me fais pas confiance ? Murmura-t-elle en retenant difficilement ses larmes.
- Parce que tu n'es pas ici de ton plein gré, répondit le cheikh en déviant enfin son regard dans le sien. Même si je t'ai sauvée, je n'en demeure pas moins mauvais. J'avais prévu de t'enlever quoiqu'il arrive et...chaque seconde de chaque jour je ne peux pas m'empêcher d'imaginer qu'un jour tu veuilles me fuir.
Un rictus aux lèvres, il ajouta :
- Et tu aurais raison de le faire.
- Si j'avais voulu partir, je l'aurai fait depuis longtemps et je suis certaine que tu m'aurais laissé faire.
- C'est là que tu te trompes, répliqua-t-il en secouant légèrement la tête. Je ne t'aurai pas laissé partir et c'est pour cette raison que je suis un monstre sans empathie parce que...
- Parce que tu as tout donné pour ton pays, jusqu'à ton âme et désormais tu ressens le besoin d'être égoïste.
Jane venait de toucher un point sensible et il ne chercha pas à le nier.
- J'ai échangé ma vie contre celles qui font battre mon pays et je n'ai jamais regretté ce que j'ai fait, mais dès que tu es apparue dans ma vie, je m'estimais en droit d'avoir quelque chose moi aussi.
Il s'était exprimé avec une force contenue, les traits empreints de colère.
- Le problème c'est que tu ne me fais pas confiance et tu passes ton temps à...
- Je suis encore dans la guerre, je ne peux me résoudre à la laisser derrière moi, de peur que si jamais je l'efface de mémoire, elle puisse réapparaître et me faire perdre à nouveau des êtres aimés.
Jane se redressa sur le lit l'obligeant à en faire de même.
Le guerrier au cœur froid cédait à l'émotion la plus difficile qu'un homme puisse laisser entrevoir.
La douleur.
- Si je ne contrôle pas tout et tout le monde j'ai l'impression que je vais être trahi et les prédictions de Saoud me poussent à être persuadé que j'ai raison.
- Et quand est-ce que tout cela va s'arrêter ? Quand vas-tu enfin...
- Je regrette amèrement d'avoir pensé cela de toi mais j'ai tellement peur que tu m'échappes que je...
Il serra les mâchoires en lui prenant les joues en coupe.
- Une fois que tout sera fini, je te rendrais ta liberté Jane et tu seras libre de rester ou non à mes côtés.
Jane sentit son cœur se serrer car sa voix rocailleuse avait pris des intonations douloureuses comme s'il souffrait de l'intérieur.
- Toi et Naya vous serez libre de partir, je ferais le nécessaire pour...
- Tout ce que je veux c'est que tu me dises que tu as confiance en moi et que tu cesses de me voir comme une traîtresse et une prisonnière.
Elle baissa les yeux, consciente que le cynisme du cheikh face à l'amour était en partie responsable de cette lutte qu'elle livrait pour faire taire ses sentiments.
- Sinon ça ne sert à rien que...
- Je n'ai jamais pensé cela de toi, tu n'es pas une traîtresse à mes yeux, je t'interdis de dire ça. Si quelqu'un doit se sentir coupable dans cette pièce c'est moi. Si j'avais agi comme un homme normal nous n'en serions pas là.
Il se leva du lit assez brutalement en se passant une main rageuse sur le visage.
Jane prit doucement Naya pour la caler entre deux oreillers afin qu'elle soit en sécurité et le suivit dans le salon.
Il marchait comme un lion en cage, les traits du visage tendus.
- Si j'étais un homme normal je t'aurai dit la vérité à l'instant précis où j'ai su que c'était toi. Nous aurions discuté autour d'un repas et peut-être que tu m'aurais suivi de ton plein gré. Au lieu de ça, avant même que ces hommes apparaissent sur cette route de campagne, j'avais déjà prévu de t'enlever.
- Parce que tu n'es pas un homme comme les autres et j'ai fini par l'accepter, déclara Jane en croisant les bras, sensible à lumière chaude du lustre après avoir tant pleurer.
Il lâcha un rire creux en cessant de marcher.
- J'aurai dû faire les choses différemment.
- Mais ça n'aurait pas été toi.
- En effet, confirma-t-il en la regardant.
Jane s'approcha, les lèvres pincées.
- Tu as besoin de lâcher prise et de...
- Est-ce que tu m'aimes ?
Sa question lui coupa la respiration. La voix de l'homme s'était quelque peu éraillée d'hésitation et cette fois-ci ce n'était plus me soldat qui parlait mais l'homme.
- Qu...quoi ?
- Est-ce tu éprouves des sentiments pour moi ?
Le dire conduirait à obtenir une réponse de sa part.
Une réponse qu'elle redoutait.
Mais à quoi bon lui cacher ?
Elle crut que son cœur allait sortir de sa poitrine alors qu'il avançait vers elle sans jamais cesser de la dévisager comme s'il fouillait son âme à la recherche de la vérité.
- Oui, finit-elle par dire.
Puis elle prit une douloureuse respiration comme si elle cherchait de l'air, refusant de le regarder avec la peur insupportable de lire dans ses yeux le contraire de son aveu.
Cependant elle était suffisamment lucide pour ne pas se faire d'illusion.
Hadjar ne ressentait pas l'amour, et son hostilité envers ces sentiments qu'elle ressentaient là tout de suite ne l'aiderait en rien.
- Alors Aïcha disait vrai, dit-il dans un murmure lointain comme s'il s'adressait à lui-même.
Jane releva la tête.
- Quoi ?
Il regardait au-dessus d'elle, comme si le vide allait lui apporter des réponses et ses épais sourcils noirs froncés la firent frissonner d'inquiétude.
- Aïcha m'a dit que tu m'aimais et je n'ai pas voulu la croire parce que...
Il fit tomber son regard sur elle, alors que son torse se soulevait de respirations brusques.
- Parce que pour moi c'est impossible que tu puisses aimer un monstre tel que moi.
- Et pourtant c'est le cas, murmura-t-elle d'une voix nouée par l'émotion que suscitait cette conversation. Pour être honnête je me suis persuadée que j'éprouvais seulement de la peur mais c'était faux.
La bouche sèche, les larmes qu'elle retenait difficilement finirent par sillonner ses joues.
- En réalité je crois que j'éprouve ça depuis ce soir d'orage où tout a basculé et alors même que je n'espérais plus jamais te revoir.
Cet enchaînement de confidence sur confidence était de loin la plus pénible épreuve qu'elle ait pu passer depuis son arrivée au palais.
Parce que le cheikh, fidèle à lui-même ne laissait rien se déceler sur ses traits ciselés.
- Jane, murmura-t-il en levant sa main pour glisser sa large paume sur sa joue.
Elle ferma les yeux puis les rouvrit.
- Tu n'es pas obligé de me dire quoi que ce soit tu sais, s'empressa-t-elle de lui dire en plongeant son regard dans le sien. Je ne te force pas à m'exprimer ce que tu ressens...
- Je ressens la force dont j'ai besoin, je ressens un bousculement en moi que je peine encore à contrôler parce que tu as bousculé ma vie.
Il marqua une pause dans laquelle il caressa sa joue avec son pouce.
- Tu as chamboulé ma vie et je ne veux pas que tu en sortes. Je m'y prends mal pour te le faire comprendre car je ne connais rien d'autre que ça, ajouta-t-il avec une point d'amertume dans la voix. La violence et seulement ça. J'en suis désolé.
- Est-ce que tu m'aimes ? Demanda-t-elle si maladroitement qu'elle fut prise de regrets.
- À ma manière, murmura-t-il en posant son autre main sur son visage. Mais est-ce que...ça sera...est-ce que ma façon de t'aimer saura te combler ? Es-tu capable d'aimer un homme qui en retour exprime ses sentiments différemment des autres.
Jane nota dans sa voix une peur qu'il refusa de lui cacher et ce fut pour elle la plus belle preuve qu'il puisse lui donner.
- Tu es la seule à le savoir, murmura-t-il sans lâcher son visage qu'il tenait en coupe.
- Oui, répondit Jane en fixant son torse, les yeux larmoyants.
La souffrance affichée sur le visage du cheikh lui serra le cœur. Cet homme ne souffrait pas seulement dans ses chairs mais aussi dans son âme. Trop longtemps resté seul tel un loup solitaire il apprenait lentement à rouvrir son cœur. Le temps. Il fallait du temps.
Il captura sa bouche d'un baiser proche du soulagement et du désespoir mêlés. Cet homme dur et impitoyable avait des failles comme chaque être humain et Jane sentit contre sa bouche qu'il avait un besoin urgent de lui exprimer.
Il relâcha sa bouche pour mieux la reprendre puis la souleva en la prenant par la taille, enroulant ses bras autour de celle-ci.
Jane posa sa joue contre son épaule.
- Pardon habibti, dit-il dans ses cheveux.
Les vibrations dans sa voix rocailleuse lui rappelèrent aussitôt que tout n'était pas encore fini.
Et lui le savait.
L'ennemi qui se cachait dans l'ombre menaçait toujours leur tranquillité.
Et ça, le cheikh ne l'avait pas oublié.
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