Chapitre 32



- Nulle part, répondit-elle avec un rire qui la trahissait déjà.

Bien sûr il ne mit pas longtemps à la percer à jour, lui exprimant son impatience d'un seul regard limpide.

Devait-elle continuer à mentir ou au contraire lui dire la vérité ?

- Jane, dit-il d'une voix calme mais qui dissimulait son impatience.

- Je voulais parcourir ton palais pour...

- Notre palais.

Cette rectification la toucha, mais elle fit en sorte qu'il ne puisse pas le déceler, car il avait déjà percé tant d'émotions en elle.

- Chercher un téléphone ? Reprit-il en posant ses deux mains sur les portes.

- Comme...comment, qu'est-ce qui te fait croire ça ?

- Ton insatiable envie de connaître la vérité.

Il ne semblait pas mécontent et encore moins surpris. Elle dévisagea les éclats qui courraient dans ses yeux en avalant difficilement sa salive.

- J'ai surtout besoin d'appeler n'importe qui pour me reconnecter à l'extérieur et au monde.

Cette fois-ci, sa réponse suffit à rembrunir ses traits durs.

- Tu ne seras pas enfermée toute ta vie Jane, si c'est ça que tu veux savoir. Et je te rappelle que nous sommes sortis hier soir.

- Et si tu me disais ce qu'il se passe réellement au lieu de continuer à me laisser penser que je suis une prisonnière ? Lança-t-elle en croisant les bras avec bravade. Me protéger ainsi ne fera que creuser un fossé entre nous.

Il ne répondit pas.

Son silence assourdissant était tout aussi pénible que son impénétrable regard.

- Tu veux vraiment téléphoner ? Ça te ferais vraiment plaisir ? Dit-il enfin en se dirigeant vers le salon, l'obligeant à le suivre.

- Jacob et Madeleine sont des personnes qui compte beaucoup pour moi. Ils doivent être fous d'inquiétude pour moi.

- Il n'en est rien, car je leur donne des nouvelles aussi souvent que possible, répliqua-t-il en se servant un verre d'eau.

Il le but rapidement puis reposa le verre sur la table avec une lenteur délibéré tout en dardant son profond regard sur elle.

Enfin, il se dirigea vers la longue commode et sortit de l'un des tiroirs son téléphone.

Jane inspira imperceptiblement, voyant là une petite victoire s'accomplir.

- Je veux te protéger, peu m'importe si à tes yeux je ressemble à un homme de Neandertal ou attaché à une époque plus ancienne. Je veux seulement te protéger.

Il s'avança jusqu'à elle et prit son poignet afin qu'elle renverse sa paume pour poser son téléphone dans sa main.

- Mais si ça peut te rendre heureuse alors je te le redonne.

- Merci Hadjar, murmura-t-elle d'une voix enrouée par l'émotion de pouvoir enfin appeler ses proches.

- Je te retrouve dans une heure, ce qui te laisse le temps de contacter qui tu désires.

Jane ressentait dans sa voix qu'il ne l'avait pas fait de gaieté de cœur mais forcé de le faire. Son mécontentement était clairement affiché sur ses traits balafrés et quand il lui donna un baiser assez froid elle comprit qu'il était profondément en désaccord avec ce choix de la reconnecter au monde extérieur.

Une heure plus tard, Jane se forçait à manger pour faire honneur aux cuisiniers du palais, mais le cœur n'y était pas. Jacob et Madeleine l'avaient inondé de joie et elle s'était sentie heureuse d'entendre enfin leur voix. En revanche son appel avec le docteur Chapman ne s'était pas du tout passé comme elle l'avait espéré.

Cet appel l'avait mentalement affaiblie et brisé car elle n'était clairement pas ravie de cette situation. Elle n'avait pas caché son hostilité envers le cheikh et n'avait pas hésité à l'accuser d'être un tortionnaire manipulateur qui tôt ou tard fera d'elle une seconde épouse humiliée. Elle l'avait accusé d'être naïve et d'avoir gâché tout leur travail. À ses yeux Hadjar était le pire homme né sur cette terre et elle lui avait prédit un destin misérable à ses côtés.

Jane avait fondu en larmes et se retenait pour ne pas recommencer.

L'esprit désormais torturé de questions, Jane commençait à douter de ses choix récents.

" Tu finiras comme les esclaves du passées dans ce pays, dans un harem avec les autres, seule tes enfants intéressent ce barbare "

Jane frissonna, la respiration sifflante et douloureuse.

- Je m'étais préparé à regretter mon choix. Ton visage peiné et apeuré me prouve que j'ai raison.

Jane releva la tête péniblement, n'osant plus le regarder dans les yeux sous peine que les dires du docteur Chapman deviennent une réalités.

- Je peux savoir à qui tu as téléphoné ?

- Jacob et Madeleine.

- Qui d'autre ? S'enquit-il d'une voix autoritaire.

Jane se redressa difficilement et osa enfin plonger son regard dans celui du barbare.

- Le docteur Chapman, murmura-t-elle en reposant la fourchette dans l'assiette.

Il la gratifia d'un regard sévère puis jeta la serviette sur la table.

- Laisse-moi deviner, elle a tenté de te retourner contre moi ? Essayant de me faire passer pour un terrible geôlier qui finira tôt ou tard par te fouetter devant la foule.

Jane déglutit sous le regard sombre de son mari et acquiesça furtivement.

- C'est à peu près ça en effet, parvint-elle à lui dire en baissant les yeux.

- Et tu la crois ?

- N...non je suis juste...

- En plein doute ?

Une foule de pensées obscures l'empêcha de respirer.

- Voilà la raison pour laquelle je ne voulais pas que tu aies le contrôle sur ce téléphone.

- Pourquoi ? S'enquit Jane en redressant la tête pour l'affronter. Tu as quelque chose à te reprocher ?

Impassible, il semblait manifestement déçu mais pas en colère qu'elle lui pose cette question.

- Tu n'as pas totalement confiance en moi alors il est normal que tu te sentes plus en confiance avec celle qui s'occupe de ta santé mentale depuis des années.

Il abordait la situation avec beaucoup trop calme et de sérénité malgré l'orageux regard posé sur elle.

- Il est vrai que le docteur Chapman m'a beaucoup aidé pendant de très longues années.

- Alors tu penses qu'elle est plus en mesure d'être digne de confiance plutôt que moi ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Je veux juste...je suis perdue Hadjar et tu ne m'aides pas.

Jane réprima un sanglot en dévisageant le cheikh avec des larmes menaçantes aux coins des yeux.

- C'est parce que tu as confiance en cette femme que je voulais te préserver le plus longtemps possible, commença-t-il d'une voix grave mais posée. Je suis parti rendre visite à cette femme parce que je voulais savoir ou du moins je voulais avoir la confirmation que tu savais depuis le départ qui j'étais. Notre rencontre a été fortement houleuse et il est clair qu'elle a vu mon arrivée dans ta vie comme une menace.

Jane opta pour un silence profond car le cheikh présentait des signes d'hésitations quant à la décision de poursuivre ou non la révélation de ce secret.

Car Jane en était désormais persuadée, il s'agissait du secret qu'il refusait de lui révéler jusqu'à maintenant.

- Je l'ai menacé, puis je suis parti pour te retrouver à la sortie de la clinique.

- Le jour où tu m'as enlevé.

- Oui, le jour où je t'ai emmené avec moi car les hommes qui ont tenté de nous attaquer n'étaient pas complices de Tabitha Hewitt mais les complices du docteur Chapman.

- Qu...quoi ? Mais ça n'a pas de sens.

- Pour moi aussi ça n'en avait pas jusqu'à ce que mes recherches finissent par me conduire à la terrible vérité.

Sa voix s'était durcie et son regard ombragé la fit frémir.

- Laisse-moi deviner, cette chère madame Chapman t'a conseillé de donner cet enfant ? Elle t'a dit que ce n'était pas le moment pour toi d'avoir un bébé et puis tout en douceur elle allait dans ton sens pour que tu aies l'impression qu'elle te soutenait dans ta décision de garder ce bébé.

Jane balaya la table d'un regard perdu en essayant de fouiller dans sa mémoire. Son sang quitta son visage lorsqu'elle se souvint des brochures qu'elle lui avait conseillé de lire sur les adoptions. Puis ce ton qu'elle avait pris en essayant de la persuader que ce n'était pas le bon moment pour garder cet enfant alors qu'elle essayait en vain de se reconstruire. Jane pâlit ensuite, les yeux rivés sur le cheikh qui n'abordait aucun expression susceptible de l'aider à mieux comprendre.

Puis ensuite, lors de leur dernière séance, elle s'était comportée de façon étrange, jusqu'à la féliciter des projets qu'elle avait en tête pour elle et son bébé.

- Est-ce que tu comprends maintenant habibti ?

Jane secoua la tête, en détresse et la nausée lui monta à la gorge.

- Je...je ne comprends pas, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

- J'ai fouillé dans sa vie Jane et j'ai trouvé sur elle des choses intéressantes, notamment le fait qu'elle ne peut pas avoir d'enfants et que ses demandes d'adoptions ont toutes été rejetées à cause d'une plainte enregistrée par son ex-mari l'accusant d'avoir été violente avec sa fille de neuf ans à l'époque née de sa première union.

Jane agrippa les rebords de la table pour tenter de se lever mais il l'en empêcha en levant sa main avec autorité.

- Reste assise s'il te plaît et écoute jusqu'au bout, dit-il en se levant pour la rejoindre.

Il tira une chaise jusqu'à elle et s'installa à ses côtés, les coudes posés sur ses cuisses musclées.

- Elle a été renvoyé à deux reprises à ses postes de directrice générale pour vol de médicaments dans le Tennessee et à Los Angeles. Je ne remets pas en doute ses compétences et je suis persuadé qu'elle t'a aidé au mieux mais la terrible vérité c'est qu'elle voulait se servir de ta fragilité et ta situation inadaptée pour recevoir un enfant pour te le prendre. Ce qui m'a fait tout comprendre c'est quand j'ai vu dans ton dossier qu'elle avait noté une clinique privée et que par pure bonté d'âme elle t'avait déjà réservé une place pour y accoucher.

- Mais comment...enfin...je veux dire...

Hadjar ne voulait pas poursuivre mais il était malheureusement trop tard pour reculer. La jeune femme était bouleversée et ses respirations désordonnées montraient des signes d'une crise de panique en train d'émerger.

Il lui prit la main pour lui montrer qu'il était là et qu'il demeurait à jamais son protecteur.

- Elle est amie avec l'une des gynécologues de cette clinique et je pense avec certitude que le plan était de te faire croire que ton bébé n'avait pas survécu à l'accouchement.

Hadjar parlait aussi doucement que possible mais tout ce qu'il avait redouté était en train de se produire.

- Mon arrivée a gâché ses plans et ces hommes que j'ai tué avaient pour ordre de te prendre et de sans doute se débarrasser de moi.

Elle posa ses doigts tremblants sur sa bouche et il n'eut que le temps d'attraper la carafe en cuivre et de retenir ses cheveux en arrière. Hadjar se leva pour ramener ses cheveux dans son poing et lui caressa le dos, les mâchoires serrées.

Quand elle eut fini, il essuya sa bouche alors qu'elle paraissait honteuse, les larmes aux yeux.

Sa tristesse était incomparable à ce qu'il avait pu voir jusqu'à présent.

- Je suis désolée, murmura-t-elle le front humide, les larmes roulant sur ses joues pâles.

Hadjar la souleva dans ses bras pour l'emmener jusqu'au lit.

- C'est moi qui suis désolé, murmura-t-il d'une voix qui trahissait la rage menaçante dans le fond de sa gorge. Je n'aurais pas du te dire la vérité, j'aurai dû continuer à...

- Je veux Naya.

Il la déposa sur le lit et s'empressa d'aller chercher Naya pour mettre dans le creux de son bras.

- Je suis profondément désolé.

Il lui caressa la joue en peinant à soutenir plus longtemps son regard triste et abattu. Jane avait mal au ventre, comme s'il était rongé de l'intérieur. Elle avait l'impression d'être trahie et son estomac se retourna quand Naya bougea au creux de son bras. Une angoisse qu'elle croyait disparu à jamais l'empêcha de respirer.

Dans un bref instant de lucidité elle vit le cheikh qui s'activait autour d'elle et s'entendit lui demander de l'aide pour qu'il trouve un moyen d'arrêter cette effroyable torture qui était en train de la ramener dans les bois, dans ce froid humide et terrifiant.

Dans le gouffre des ténèbres elle sentit quelque chose sur son bras et une main chaude se poser sur son front.

Puis peu à peu elle sentit son corps s'affaisser doucement et son cœur se mit à ralentir tandis que ses paupières tombaient lourdement...jusqu'à ce qu'elle se sente enfin en paix.

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