Chapitre 27
Ses lèvres paraissaient plus marquées de son empreinte que dans ses souvenirs. Étourdie de questions, Jane posa la naissance de ses doigts sur ses lèvres le regard rivé sur son reflet. Elle savait que ce soir était crucial pour elle car tout chargerait de nouveau.
Remettant un peu de l'ordre dans ses cheveux elle quitta la salle de bains pour rejoindre Naya qui dormait paisiblement et eut la frissonnante surprise de découvrir Hadjar près du berceau.
Son ventre se mit aussitôt à palpiter, son cœur frappa ses tempes et lui, resta muet, le visage infranchissable.
Leur baiser quelques heures plus tôt remonta alors jusqu'à ses lèvres et elle eut l'impression de sentir sa bouche contre la sienne.
En dépit des sensations qui couraient en elle, Jane était assez lucide pour déceler qu'il se passait quelque chose.
Aïcha était là, juste derrière lui et semblait attendre des ordres.
- Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle en marchant avec hâte jusqu'à sa fille endormie.
- Rien de grave, répondit-il aussitôt. Aïcha est chargée de transférer Naya dans sa nouvelle chambre, mais il était préférable de t'attendre avant d'exécuter quoique ce soit au risque de te faire paniquer inutilement.
Transférer ?
- Où ça ? S'enquit Jane en relevant la tête pour les regarder tour à tour.
- Dans mes appartements privés, là où est sa place tout comme la tienne.
Il s'exprimait avec une fermeté légère et posée. Sans doute pour ne pas la faire paniquer.
Hélas c'était déjà trop tard.
- Nous allons discuter du reste en privé, ajouta-t-il en désignant le berceau du menton. Prend-là Jane et suis-moi.
Jane était trop tentée de se rebiffer, mais elle était aussi tentée de connaître enfin ce qu'il lui cachait.
Alors elle prit sa fille dans ses bras et passa devant le lit en remarquant que ses affaires n'étaient plus là.
Elle manqua de peu de s'arrêter mais ne le fit pas.
Hadjar était peut-être un barbare mais elle savait au fond d'elle qu'il était incapable de lui faire du mal.
Au bout du long couloir qui conduisait à ses appartements, Jane sentait un étau se resserrer autant dans son cœur que dans son ventre.
L'appartement du cheikh était tentaculaire et vaste. Jusqu'ici elle n'avait vu que le salon dans lequel ils avaient déjà dîner. Il ouvrit une porte qui débouchait sur un autre somptueux salon qu'elle traversa en peinant à réprimer sa fascination. Ensuite, son visage se désintégra dans une chaleur inqualifiable tant elle était dévastatrice.
Les deux autres portes qu'il venait d'ouvrir montraient une chambre.
Sa chambre.
Un endroit majestueux autant que dans la forme architecturale quand dans les décors méticuleux. Le lit se dressait comme l'élément dominant de cette pièce tant par sa grandeur que dans son aspect plus ou moins souveraine.
Jane fit mine de regarder sa fille en remerciant le ciel qu'il soit dos à elle, marchant cependant avec une profonde satisfaction qui se lisait dans chacun de ses pas.
La satisfaction d'avoir gagné.
Et il ne fallait surtout pas qu'il décèle ses pensées au risque de se confirmer à lui-même ce qu'elle tentait en vain de réprimer.
Enfin, il fit coulisser deux battants en bois majestueux et s'écarta pour la laisser découvrir par elle-même la chambre de Naya.
Son regard se déporta instantanément sur le lit, qui ressemblait à quelques détails près au berceau qu'il avait monté pour elle à Londres.
Il y avait un fauteuil à bascule, un canapé en velours rouge, des jouets sur un tapis d'éveil, un lit plus grand pour les années à venir.
Les murs étaient décorés de belles fresques autour desquelles la couleur nacré dominait la chambre pour donner une belle luminosité.
La chambre de Naya était au-delà de ses rêves les plus fous. Une émotion se coinça dans sa gorge et elle dut se retenir pour ne pas pleurer.
- Elle est magnifique, dit-elle en se retournant.
Il n'avait pas bougé, se tenant au seuil de la chambre les mains dans les poches. Aïcha n'était plus là et il n'en fallut pas plus pour que Jane comprenne qu'elle avait été convié au cas où elle se serait rebellé à l'idée de le suivre.
Car Hadjar le savait, Aïcha était la seule qui parvenait à la rassurer et qui avait déjà obtenu sa confiance.
- Tu aimes vraiment ? Demanda-t-il avec une hésitation dans la voix qui le rendait plus humain.
- Oui, elle est somptueuse, lui dit-elle sans éprouver la moindre envie de lui mentir délibérément.
- Naya sera toujours sous surveillance ici, Aïcha sera la seule à pouvoir accéder à sa chambre en cas de besoin, expliqua-t-il en s'approchant pour lui prendre Naya qu'il porta dans les creux de ses mains.
Jane ne pouvait pas non plus mentir sur la force de son regard chaque fois qu'il regardait sa fille. Et lorsqu'il déposa un baiser sur son front, Jane sentit son cœur exploser. Le cheikh Al-Nashrar était un homme où la douceur n'existait pas en lui...du moins il ne la maîtrisait pas d'une main de maître car il n'avait pas pris le temps où n'avait pas désiré l'intégrer à sa vie de guerrier.
Mais lorsqu'il tenait sa fille, Jane était sensible à la délicatesse dont il faisait preuve. Il la déposa dans son lit puis se retourna pour darder son regard sur elle.
- Viens, suis-moi, dit-il tout bas en la dépassant.
Quand il ferma les portes coulissantes avec délicatesse, Jane sentit son pouls s'accélérer.
- Ne t'inquiète pas, j'ai de quoi être tenu en alerte si jamais elle se réveille, précisa le cheikh en glissant une main dans son dos.
Quand ils furent dans le petit salon adjacent elle eut l'impression que l'atmosphère devenait peu à peu très lourd.
- Si tu as transféré Naya ici c'est que ce n'est pas un hasard ?
- En effet, il est temps que tu me rejoignes là où est ta place, c'est-à-dire ici auprès de moi.
Jane n'était pas surprise mais légèrement apeurée.
- Et ensuite ?
Il revint vers elle avec une coupe de ce cocktail qu'elle appréciait en secret et lui tendit sans détacher son regard épais du sien.
Leurs doigts s'effleurèrent et comme une évidence elle frissonna.
Un frisson quelque peu agréable.
- Je ne prévois pas le futur Jane, et tu devrais arrêter d'y songer comme des étapes à franchir.
- Alors que suis-je censé faire ? Attendre de savoir quel ordre tu vas me donner et m'exécuter sans un mot ?
- Jusqu'ici habibti tu as apprécié chacun d'entre eux, répliqua-t-il en s'approchant plus près, les mâchoires tendues.
Cherchant à refouler la chaleur qui se répandait dans ses veines, Jane secoua imperceptiblement de la tête.
- Ah oui ?
- Tu ne peux pas me tromper, j'ai fait beaucoup d'études pendant ma jeunesse toutes reliées à la médecine et la science du comportement. J'étais très doué, un atout qui m'a été indispensables pour reconnaître les traitres.
Jane déglutit quand il posa ses mains sur ses avant-bras.
- La seule fois où j'ai été trompé c'est lorsque j'étais trop absorbé à l'idée de te retrouver sans réaliser que tu étais devant moi, ajouta-t-il avec du remords.
Jane n'arrivait plus à parler, captivée malgré elle par la beauté mâle de cet homme si énigmatique.
- Tu es ma femme Jane, ta place n'est pas ailleurs elle est ici. Ta réponse à mon baiser me suffit pour savoir ce que je dois savoir.
- Mais tu me prives de réponses, tu me prives de...
- Tu auras toutes les réponses que tu désires quand je serais certain que tu es prête à la entendre.
Un éclat sombre passa furtivement dans ses yeux.
- Je suis prête à les entendre, insista Jane en soutenant son regard.
- Non, murmura-t-il en prenant délicatement son menton entre ses doigts.
Jane soutint son regard au prix d'un effort surhumain. Ses doigts chauds lui prodiguaient des frissons partout sur son corps.
- Tu me demandes de te faire confiance, tu me dis que je ne suis pas captive et pourtant...
- Peu m'importe si tu te vois captive ou bien même si tu n'as pas encore confiance en moi. Je suis insensible à ça parce que je sais que je fais le bon choix.
Il déploya ses longs doigts pour agripper son visage qu'il tenait au creux de sa main.
- Je dois te protéger peu importe les conséquences de mes choix, articula-t-il fermement.
Sans crier gare il captura sa bouche qu'il relâcha aussitôt.
- À partir de maintenant le cours des événements est sur le point de changer, annonça-t-il en s'éloignant. J'ai fait venir toutes tes affaires et d'autres te seront livrées. Le climat est différent ici, tes vêtements ne sont pas adaptés.
Encore sous le feu de son baiser Jane cligna des yeux pour se ressaisir et vite !
- Mes vêtements sont très bien.
- Oui, mais inadaptés, rétorqua-t-il en se dirigeant vers un grand meuble.
- Tu es la femme d'un roi, certaines choses doivent changées.
- Et si je ne le veux pas ? Osa-t-elle lancer en reposant la coupe sur la petite table.
Il pivota seulement la tête pour lui montrer à quel point ça lui était indifférent.
- Je n'ai pas décidé de te changer toi Jane, juste deux ou trois détails.
Consciente qu'elle se perdait dans ses propres réflexions elle posa ses deux mains sur son ventre et inspira profondément.
- Tu désires vraiment que je sois ta femme ?
- Tu l'es déjà, lui fit-il remarquer en revenant jusqu'à elle avec un vêtement.
- Pour moi ça n'a pas de sens.
- Si Jane, seulement tu as bien trop peur pour te l'avouer.
Sa façon impitoyable d'être franc lui retourna l'estomac.
- Je ne suis pas faites pour être reine.
- Tu n'as même pas essayé, répliqua-t-il en dressant un épais sourcil noir.
Jane serra les poings de frustration alors que ses lèvres ombragées de sa barbe semblaient retenir un sourire.
- Continu Jane, je suis préparé à la riposte à chacune de tes prétextes même les plus risibles.
Il déplia le vêtement long et lui donna.
- Je ne renoncerai pas, murmura-t-il d'une sombre voix.
- Tu es l'homme le plus étrange et le plus impitoyable de cette terre.
- C'est un compliment qui m'honore, dit-il en inclinant profondément la tête.
- Bon sang tu es...
En colère, Jane ne savait pas réellement contre qui cette colère était tournée mais la détermination inébranlable du cheikh suffisait à la rendre totalement vulnérable et dans l'incertitude permanente.
- Je suis ?
Le cheikh Al-Nashrar n'était pas réputé pour être un homme enjoué et qui se laissait facilement distraire. Cependant la belle Jane possédait le pouvoir de le détourner de son impassibilité naturelle.
- Nous ne pouvons pas dormir ensemble, dit-elle précipitamment.
- Nous l'avons déjà fait...
Hadjar retint ce sourire qui aurait pu révéler la blancheur de ses dents tant Jane le passionnait. Rouge écarlate, sa belle captive cherchait en vain des excuses pour lui échapper. Pendant un moment il trouva ce moment amusant avant de se rappeler que la jeune femme n'avait pas totalement sa confiance et lui n'avait pas la sienne.
À tout instant, elle pouvait lui échapper et se mettre en danger.
Hadjar brûlait de lui dire la vérité mais chaque fois, il était ramené à la narration de son avocate sur la petite fille couverte de sang, blessée et seule, fuyant l'assassin de ses parents.
Il craignait tant que la vérité efface les efforts qu'elle avait fourni pour se libérer de cette peur.
Que fallait-il faire ?
Hadjar fronça des sourcils en ayant peut-être trouvée la personne qui pourrait l'aider.
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