Chapitre 25
Hadjar n'avait pas redouté la réaction de la jeune femme car il l'avait déjà mainte fois imaginée. Elle se recula contre le dossier de la chaise royale, les yeux rivés sur lui, le teint légèrement pâle avant que certaines rougeurs couvrent une partie de ses pommettes.
Ce qui le surprit avant toute chose c'est l'expression qu'elle portait sur son visage.
Elle ne paraissait pas choquée ni même effrayée.
- Ça n'a pas l'air de te surprendre.
Ses prunelles se mirent à briller d'une lueur qui pour la première fois, le déstabilisa.
- Venant d'un homme qui n'a de cesse de répéter à quel point les coutumes de son pays lui sont importantes, en effet je ne suis pas surprise d'apprendre ça, lui dit-elle en baissant le regard. Je savais qu'un enfant né hors mariage ne serait pas envisageable encore moins pour un roi.
Était-elle résignée ?
- Mais je suis désolée, je dois refuser cette alternative, ajouta-t-elle en fuyant son regard.
Hadjar appuya ses avant-bras sur la table, sans la quitter des yeux, fasciné par sa beauté et ses joues pleines qui gardaient les traces de sa récente grossesse.
Bien sûr il savait que son refus n'avait aucune valeur puisqu'elle était déjà sa femme.
Depuis des semaines il devait vivre avec ce secret et n'éprouvait aucun regret de lui avoir caché. Seulement il était temps de lui annoncer.
- C'est trop tard Jane, tu es déjà ma femme.
Au son rauque de sa voix, Jane ne réalisa pas tout de suite le poids de cette phrase prononcée avec sérénité.
Elle releva la tête pour le dévisager, l'air éberlué, divaguant entre la réalité et l'illusion d'avoir crû l'entendre dire ces mots.
- Peux-tu...peux-tu être plus précis ? Parvint-elle à dire avec un rire nerveux.
- Ma vie privée est protégée, suffisamment pour garantir que personne ne saura que notre enfant a été conçu hors mariage. Autrement dit, à mon retour au pays j'ai envoyé plusieurs missives afin que tu me sois mienne aussi vite que possible. Les journalistes ont désormais l'histoire que j'ai écrite et non une narration biaisé.
Il marqua une pause dans laquelle il leva son verre pour boire une gorgée de ce cocktail dont elle raffolait secrètement depuis des semaines.
Pâle, le cœur brûlant, elle remarqua dans la paire d'yeux du cheikh qu'il était pleinement satisfait voire heureux de cette nouvelle qui de son côté était en train de la bouleverser.
- L'histoire initiale raconte comment nous, nous sommes rencontré à Londres un soir de Juillet et à quel point je t'ai immédiatement voulu auprès de moi. Notre mariage a été acté et signé le lendemain de notre rencontre. Ensuite, après notre lune de miel, un bébé à succédé à notre bonheur parfait ce qui expliquera les raisons qui m'ont poussé à rester à Londres. Le temps pour toi de t'occuper de ton départ pour Halkhara.
- Et tu n'as pas jugé bon de m'informer et me demander si j'étais...
- Tu m'aurais dit oui ? La coupa-t-il la mine sombre. Si je t'avais demander d'épouser un barbare sans cœur tu aurais accepté ?
Jane déglutit, voyant clairement que son visage rembrunit était le signe qu'il n'acceptait pas qu'elle s'y oppose.
Bon sang ! S'écria-t-elle intérieurement en peinant à soutenir son regard de glace. Comment était-ce possible ?
Pourquoi voudrait-il se marier ?
- Tu as dit qu'aucune femme était digne de toi, comment devrais-je prendre ce que tu viens de faire ? Pourquoi t'infliger quelque chose que tu ne veux pas ?
- J'ignorais que tu savais lire dans mes pensées, répliqua-t-il sur un ton plus amène. Tu n'es pas en mesure de décider ce que je veux et ce que je ne veux pas.
- Mais toi tu en as le droit ? Répliqua-t-elle en étouffant un rire sans joie.
- Oui, et crois-moi que je veux le mieux pour toi et Naya.
Ce mâle à la peau dure et abîmée par la guerre était d'une honnêteté impitoyable. Jane ignorait si elle aimait ça ou si au contraire elle préférait qu'il soit un peu plus sur la reverse voire totalement fermé à la discussion.
- Dis-moi plutôt les raisons qui te poussent à t'obstiner à refuser la réalité, reprit-il en se carrant dans son fauteuil.
Elle rougit.
- Je suis trop jeune et tu ne sais pas réellement qui je suis, lui dit-elle d'une voix qui trahissait sa nervosité. On ne peut pas se baser uniquement sur cette nuit de Juillet et sur Naya pour prétendre à un mariage.
- Moi ça me suffit, ton âge m'importe peu, et tu ne devrais pas t'inquiéter du mien, au contraire. Quant à ce mariage il n'est pas uniquement basé sur Naya ou sur cette nuit d'orage où je t'ai fait l'amour.
Jane sentit son palpitant s'accélérer en fixant le regard puissant du cheikh qui avait stratégiquement posé ce détail afin de la déstabiliser.
- Tu m'as donné bien plus que cela et je n'ai pas l'intention de renoncer Jane. Tu es ma femme et si ce n'est pas la chemin que j'aurai voulu prendre, si tu n'avais aucune valeur à mes yeux, crois-moi ma décision aurait été plus que radicale.
Jane ne pouvait plus respirer car le dénie s'échappait de son esprit à mesure que son regard intense pénétrait le sien.
- Tu es ma femme désormais, et rien ne pourra m'arrêter. Tu es tout ce qui compte et Naya aussi.
- Et si dans quelques mois tu te rends compte que je ne suis pas celle que tu pensais que j'étais ou si tu te lasses ? Que va-t-il se passer ?
- Aucun risque dans les deux cas que tu viens de me présenter, répondit-il avec un jeu de mâchoires qui la fit rougir. Il n'y a aucun risque tout court car je suis un homme qui ne se trompe jamais. Tu as été mise sur mon chemin à deux reprises et ce n'est pas un hasard. C'est une évidence. L'évidence qu'il fallait que je te retrouve et que je te protège.
Elle ouvrit la bouche pour répliquer mais sa voix posée et puissante s'interposa.
- Ce que tu cherches à fuir Jane, finira tôt ou tard par se produire, et tu le sais.
Le feu coula, plus fort que jamais. La peur se mêla au désir indicible qu'elle ne parvenait pas à effacer.
Les coups de reins féroces du barbare s'imprégnaient à son esprit chaque fois plus fort et impossible à effacer.
Cette nuit-là, dans cette obscurité totale, Jane avait tenté d'imaginer son visage. Seulement l'esquisse qu'elle avait tenté de créer était loin de cette réalité qui l'avait frappé à la découverte de son visage...
Un visage impérieux et balafré, émanant une puissance qu'elle avait ressenti cette nuit-là sans imaginer une seule seconde qu'il puisse être à ce point intimidant.
- Tu es si sûr de toi, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.
- Il me suffit de t'observer, de suivre les rougeurs qui te montent aux joues pour en être persuadé.
Elle se mit à s'agiter sur la chaise, mal à l'aise.
- Tu es...intimidant, mais ça tu le sais déjà.
- C'est bien plus que ça, répliqua-t-il d'une voix rauque.
Le cœur battant à la chamade elle inspira péniblement en remettant une mèche inexistante derrière son oreille.
Il essayait de lui faire avouer ce qu'elle cherchait désespérément à nier.
Mais lui savait.
Il savait mais n'avait pas l'air d'avoir envie de s'en jouer. Il voulait tout simplement lui faire cracher la vérité.
- En tout cas je suis ravi de constater que ce mariage ne te panique pas plus que ça, dit-il en mettant fin à ce moment palpable.
Jane se passa la langue sur les lèvres avant de répondre :
- Parce que si je me mets à crier je doute fort que ça m'aide, quant à la fuite, faudrait-il déjà que je sache comment sortir.
Jane s'était exprimée sur un ton légèrement ironique, mais le cheikh lui, ne semblait pas disposer à se laisser distraire.
- Je te retrouverai, articula-t-il de sa voix rocailleuse.
Un long frisson courut dans son échine et ce fut pire lorsqu'il allongea ses bras sur la table pour en agripper les rebords.
- Ça je n'en doute pas une seule seconde.
- Dans ce cas ne me tente pas, murmura-t-il sombrement.
- Est-il possible que tu es un peu de considération à mon égard et tenter de te mettre à ma place une seconde ?
- Oui, je l'ai fait, répondit-il en la dévisageant longuement. Mais ensuite, après mûres réflexions, j'ai compris que j'avais fait ce que je me devais de faire, et cela m'importe peu de passer pour un monstre. Tant que tu es en sécurité, rien d'autre ne peut m'atteindre.
Sa franchise était aussi tranchante que la lame d'un sabre.
- En sécurité ? Pourquoi tu ne me dis pas ce que j'ignore ?
- Parce que tu n'es pas prête à l'entendre Jane, la discussion est terminée.
Il lui cachait quelque chose et venait de lui confirmer avec une froideur à peine contenue.
- Maintenant il est temps de manger un peu, reprit-il en pointant son assiette du menton. Le médecin a dit qu'il fallait manger pour reprendre des forces.
Son autorité l'empêcha d'effectuer le moindre mouvement et il s'en aperçut.
- Tu finiras par t'habituer, souviens-toi de notre conversation dans mon repaire.
Oh elle n'était pas prête de l'oublier et pouvait encore sentir ses épaules trembler de froid.
Elle se pinça les lèvres et prit la fourchettes pour entamer son repas. L'épais regard du cheikh ne la quittait pas, et le poids de ce regard sur elle la fit frissonner tout au long de la soirée. Plus tard il entama une nouvelle conversation cette fois-ci plus légère car elle concernait Naya.
Au bout du repas, Jane essuya sa bouche et reposa la serviette sur le rebord de la table. Aussitôt tout son être se mit à être dévoré par un feu intense. Elle lui était mariée, et le réalisait peu à peu. Cet homme qui au départ n'était qu'un inconnu dans une luxueuse chambre d'hôtel était devenu en quelques mois, le père de son enfant et maintenant elle était sa femme.
Son cœur se mit battre contre ses tempes et ce fut pire quand il se leva, exposant sa carrure dangereuse.
- Il faudra que l'on parle de notre mariage quand tu seras prête à entendre ce que j'ai à dire, commença-t-il en se retournant pour gagner l'une des grandes fenêtres qu'il ouvrit.
- Je pensais que l'essentiel avait été dit, dit-elle en repoussant sa chaise pour se lever à son tour.
Les jambes en cotons, elle s'appuya sur la table pour gagner en équilibre alors qu'il s'était retourné pour darder sur elle un regard énigmatique.
- Non, il va y avoir des changements mais pour l'heure tu as besoin de quelques jours pour digérer l'information. Ensuite nous parlerons.
- Plus tu restes mystérieux pire c'est Hadjar, s'emporta-t-elle.
C'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom et elle eut l'impression que ses lèvres avaient brûlé.
Lui en revanche s'approcha comme un prédateur qui éprouvait le besoin de dompter sa proie avec cette impassibilité souveraine.
- Tu as besoin de temps, je le décèle et j'ai compris que c'était la meilleure méthode à adopter.
Hadjar était un barbare et s'il s'écoutait, la jeune femme lui serait déjà sienne. Il brûlait de goûter ses lèvres dont il connaissait déjà les saveurs. Parcourir son corps de ses mains abîmées, se perdre en elle avec la même ardeur du passé. Seulement Hadjar était trop conscient pour se comporter comme un rustre sauvage sans pitié. Jane lui avait donné tant qu'il voulait à tout prix ne pas éveiller en elle de mauvais souvenirs.
Il n'avait pas besoin d'être un médium pour déceler que derrière cette peur se cachait un désir timide qu'elle peinait à masquer.
Jane avait besoin de temps pour mieux avaler cette dure réalité et Hadjar avait remarqué que les mystères qu'il laissait volontairement planer dans cette ambiance palpable aidaient la jeune femme à mieux accepter.
Accepter d'être à lui
Plus tard dans la nuit, il caressa son visage endormi, tout en veillant sur leur fille qui dormait paisiblement.
Ce moment créa en lui une redoutable détermination qui l'empêcha presque de respirer. Jane et Naya étaient sa famille désormais.
Une famille qu'il voulait à tout prix protéger.
Peu importe les conséquences...
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