Chapitre 22




Il s'agissait tout bonnement d'un combat perdu d'avance, mais Jane n'avait pas l'intention d'en rester là. Depuis son rapide séjour à l'hôpital le cheikh ne s'était pas représenté à elle avec une nouvelle slave d'ordres.

Il demeurait introuvable et elle était condamnée à rester dans ce lit. Si au début elle avait apprécié ce repos permanant, désormais elle avait l'impression de tomber folle. Être allongée dans ce lit à longueur de journée ne l'aidait en rien à calmer les angoisses qui l'empêchaient de broyer du noir.

Cependant elle savait qu'elle était en partie responsable de cette situation.

Si elle s'était exprimée plus tôt sur cette chute, le cheikh n'aurait jamais pris cette décision indiscutable de la clouer au lit.

Agacée d'être dans l'ignorance, privée de son téléphone portable et plongée dans une solitude terrifiante, Jane se leva du lit.

- Que faites-vous ?

- Dites-moi où est le cheikh, je veux lui parler.

- Le cheikh n'est pas au palais, depuis quatre jours maintenant, répondit Aïcha.

Jane cilla, de plus en plus angoissée par cette incertitude permanente que personne ne semblait vouloir apaiser.

Alors c'est donc pour ça qu'elle ne l'avait pas revu depuis qu'il l'avait menacé de l'expédier dans son lit en cas de désobéissance, songea-t-elle en fixant Aïcha qui lui servait de gardienne.

- Où est-il parti ?

- C'est une affaire qui regarde uniquement son Altesse, répondit-elle en fuyant son regard. Tout ce que je sais, c'est qu'il devait voir son conseil pour régler deux ou trois détails.

- Des détails dont vous avez connaissance sinon vous ne seriez pas en train de fuir mon regard, précisa Jane en espérant que ses yeux perdus sur le tapis persan lui répondent.

- Personne ici ne trahi les demandes du cheikh, lança une voix rocailleuse à l'autre bout de la chambre.

Jane réprima un soubresaut et tourna la tête vers cette voix qui appartenait au cheikh.

D'abord elle prit une légère expression effrayée quand elle le découvrit en tenue qui penchait plus sur un accoutrement digne pour livrer une guerre, puis se pinça les lèvres, partagée entre deux émotions contradictoires de le revoir enfin.

Son regard était toujours aussi puissant, et ses balafres qui se fondait sur le hâle de son visage la firent frissonner.

- Laissez-nous Aïcha.

Immobile, incapable de bouger, elle détourna le regard quand il s'approcha. Son cœur tambourina si fort qu'elle posa une main sur sa tempe droite.

- Comment tu te sens ? Demanda-t-il à la hâte.

Ce tutoiement la prit de court et ne sut quoi répondre.

- Je suppose que vous le savez déjà, dit-elle en pivotant les talons pour s'asseoir au bord du lit.

- Je sais que tu as assommé Aïcha de questions et que tu as désobéi à quatre reprises.

- Désobéi ! Croassa-t-elle en écarquillant les yeux.

Elle venait de planter son regard dans le sien et de nouveau elle sentit son pouls s'accélérer.

- Ce n'est pas le cas ? S'enquit-il d'une voix gutturale en faisant un pas vers elle.

- Non ! J'ai passé ces quatre derniers jours à tomber folle dans ce lit ! S'emporta-t-elle en lui faisant bien comprendre à quel point elle lui en voulait.

- Pas de tentatives stupides de relier un balcon à un autre ?

Jane pâlit et entrouvrit les lèvres pour mieux les refermer.

- Si Charik ne t'avait pas arrêter qu'est-ce que tu comptais faire ? T'écraser huit mètres plus bas ? Reprit-il d'une voix sévère.

- Charik avait promis de...

- Charik n'est fidèle qu'à une seule personne et c'est moi, la coupa-t-il fermement.

- Je voulais sortir de la chambre, mais comme je suis enfermée, il fallait bien...

- Assez Jane, dit-il tout bas sur un ton menaçant.

Elle savait que son idée avait été stupide, mais qui ne serait pas pris de folie dans un moment aussi pénible ?

Une question et pas n'importe laquelle se raviva maintenant qu'il était devant elle, se dressant comme un maître suprême.

Essayait-elle vraiment de le fuir parce qu'elle avait peur de lui ou peur de continuer à ressentir cette sensation qui n'avait de cesse de courir dans son échine ?

Les deux sans doutes, songea-t-elle en fuyant son regard posé sur elle.

- Ça ne sert à rien d'essayer de fuir, je te retrouverai toujours, ajouta-t-il d'une voix impérieuse en allant écarter les rideaux pour donner un peu plus de clarté à la pièce. Tu mettrais ta vie en danger inutilement.

" Je vous veux "

Ces trois mots qu'il avait déclaré avec force résonnaient sans cesse dans sa tête et ce fut pire en sa présence.

- Où étiez-vous ? Demanda-t-elle en relevant les yeux vers lui ou plutôt sur ses avant-bras virils révélés par ses manches retroussées.

- En voyage un peu partout dans le pays afin de m'assurer que tout était en ordre, dit-il en s'approchant totalement pour lui saisir les bras.

Il l'aida à se lever, la manipulant avec une délicatesse qui ne se conjuguait pas à sa force.

Il souleva la chemise en coton pour examiner son ecchymose. Quand ses doigts touchèrent sa peau tendue, Jane réprima avec peine la chaleur qui la traversait déjà.

- Il commence à disparaître, nota-t-il en saisissant l'emprise qu'il avait sur elle pour glisser sa main au milieu de son ventre. Comment va notre enfant ? Tu le sens bouger ?

Ayant des difficultés à respirer, Jane acquiesça en exhalant un souffle tremblant tant la chaleur de sa main se propageait dans ses chairs si sensibles.

Son odeur était inhabituelle et captivante. Elle baissa les yeux sur ses doigts abîmés qui reposaient sur son ventre.

- Il bouge surtout le soir et la nuit, parvint-elle à dire saisie d'une émotion qu'elle ne sut décrire. Pendant la journée il est très calme.

Elle fixait sa chemise noire, n'osant pas relever les yeux.

- Je l'ai remarqué, dit-il en s'écartant lentement, détachant ses doigts de sa peau si sensible à ce toucher qu'elle connaissait que trop bien.

Elle remit la chemise à la hâte, cachant son ventre avec empressement en le suivant des yeux.

- Comment ça vous l'avez remarqué ?

Il ne répondit pas, laissant encore cet impitoyable mystère devenir maître de la situation.

- Tu as mangé ?

- Pas encore, à vrai dire je n'ai pas très faim.

- Tant mieux car nous dînons dans trente minutes.

Jane croisa les mains sur son ventre l'air agacé alors qu'il s'enfonçait dans la chambre comme s'il était en train de l'inspecter du sol au plafond.

- Pourquoi me poser des questions si vous avez déjà décidé de la réponse ?

Il s'arrêta net et darda sur elle un regard qui la fit frémir et rougir à la fois.

- Parce que tu fais ça pour m'agacer Jane, répondit-il en s'approchant d'un pas menaçant. Je sais que tu as faim, mais tu préfères dire le contraire pour me contrarier est-ce que je me trompe ?

Elle baissa les yeux un instant puis les releva pour affronter son regard mécontent.

- Peut-être, laissa-t-elle tomber en haussant les épaules.

- Bien, désormais je saurais que oui voudra dire non, ainsi l'inverse.

- Arrêtez !

- Dans ce cas cesse de courir dans la mauvaise direction Jane, dit-il d'une voix qui trahissait l'impitoyable corde rêche de son timbre. Je ne suis pas ton ennemi.

- Jusqu'ici ce n'est pas l'impression que j'ai eu ! Répliqua-t-elle avec plus de voix. Je suis enfermée dans cette chambre et personne ne semble décidé à m'informer de ce qui se passe.

Les yeux noirs, les mâchoires serrées il combla les derniers centimètres qui le séparaient pour l'affliger d'une regard sombre.

- Il ne se passe rien que tu ne saches pas déjà Jane, dit-il de sa voix rauque. Quant à cet enfermement il est temporaire. Il faut que tu te reposes. Estime-toi heureuse d'être ici plutôt que dans le harem encore habitable.

- Si vous essayez de me faire...

- Je te fais suffisamment peur comme ça, la coupa-t-il fermement. J'annonce un fait, au moins là-bas, je n'aurais pas besoin de t'expliquer, tu aurais compris que tu appartiens à mon palais et que ce n'est plus discutable.

Jane hoqueta en réalisant qu'il ne plaisantait pas du tout. Décontenancée et troublée, elle baissa les yeux mais il pressa ses doigts sur son menton.

Aussitôt elle se détesta de ressentir cette chaleur qui dévorait déjà son dos. Elle se détestait de se sentir si bien au contact de cet homme dont la froideur était semblable aux fontes des glaces.

- Je regrette d'avoir usé de ces méthodes pour parvenir à mon but final, mais crois-moi, c'est ce qu'il y a de mieux pour toi et notre bébé.

Elle nota une pointe de raideur dans sa voix qui se mêla à une force indicible. Il tenait son menton avec fermeté et douceur à la fois. Son visage balafré n'exprimait rien d'autre qu'une l'ivresse d'une colère en sommeil.

- Maintenant viens, décréta-t-il en lâchant son menton.

Il prit son coude et la fit quitter cette chambre qu'elle ne pouvait plus supporter. Ils traversèrent un couloir assez lumineux puis un autre plus sombre. Ensuite, il l'entraîna dans un dédale d'escaliers qu'ils empruntèrent en silence.

- Pour la tour, je plaisantais, lança-t-elle d'une voix inquiétée quand le couloir devint aussi noir qu'un sous-sol.

Il ne répondit pas et ouvrit une lourde porte en briques noires.

- Bienvenue dans mon repaire.

Jane se pinça les lèvres en jouant nerveusement avec ses doigts. Il s'agissait d'une pièce très froide et sillonné de lampes à pétrole et de bougies qui vacillaient sous les petites brises de vent qui se faufilaient à travers la pierre.

Il n'y avait presque rien, seulement deux bancs et deux anciens tonneaux sur lesquels s'asseoir.

Le sol était poussiéreux et le plafond inexistant. Le cœur battant à la chamade, elle rejeta la tête vers l'arrière pour constater un vide sombre et effrayant au bout duquel on pouvait apercevoir une faible halo.

- Pourquoi...vous...

- Pour en apprendre davantage sur ton ravisseur, lui dit-il en la couvrant d'une couverture noire. C'est ici, dans les sous-sol du palais que j'ai tout appris de la guerre avant même que mon oncle veuille me tuer pour le trône.

Captivée, Jane eut du mal à ne pas céder à cette emprise et cette force qui l'empêchait de réfléchir ou bien même de respirer.

- Je passais la plupart des mes journées ici lorsque j'étais adolescent, reprit-il en l'invitant à s'asseoir sur le banc.

Des plats étaient disposées sur le rondin de bois qui semblait dater de plusieurs années. Malgré elle, Jane était fascinée par cet endroit si sombre mais qui collait parfaitement à la dureté du barbare.

- C'est un endroit assez particulier pour dîner.

- Et c'est exactement pour cette remarque que je t'ai emmené ici Jane, dit-il aussitôt alors que les pierres froides des murs faisaient résonner sa voix en la rendant encore plus sombre.

Jane garda son regard dans le sien, tout en serrant la couverture sur elle.

- Tu as là tout ce qui me représente et ce que je suis, reprit-il toujours aussi sombre. Il a fallu des années avant que Charik réalise que ma nature n'avait pas changé et qu'en réalité il s'agissait de moi, de ce que je suis.

Il détourna les yeux comme si de vieux souvenirs remontaient.

- Il va falloir que tu apprennes à conjuguer avec Jane, car je ne peux pas changer et t'offrir une illusion. À quoi bon jouer un rôle qui ne me sied pas dans l'unique but d'apaiser une peur qui ne te quittera pas hum ?

- N'est-ce pas ce que tu aimes ressentir aussi bien sur tes ennemis que sur tes alliés ?

Hadjar arrima son regard dans ses beaux yeux bleus et fut secrètement ravi qu'elle ose enfin le tutoyer.

- En effet, j'aime savoir qu'ils me craignent tous.

- Je ne veux pas d'une illusion, je veux connaître les raisons qui te poussent à me vouloir moi plutôt qu'une autre, malgré notre enfant auquel nous sommes liés.

- Tu as ce que je n'ai pas Jane, tu as tout ce qu'elles n'ont pas et que je veux.

Hadjar se retint de lui dire toutes les autres raisons qui le poussaient à la vouloir car lui-même peinait à les comprendre mais il les ressentait en lui devenir de plus en plus difficiles à ignorer.

Alors il rajouta d'une voix qu'il aurait voulu moins rauque.

- Tu es tout ce que je ne suis pas...

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