Chapitre 21
- Comment va-t-elle ? Demanda Charik en le rejoignant sur le balcon alors qu'il observait le crépuscule, l'esprit ravagé par des centaines de questions encore sans réponses.
- Elle me craint, elle me regarde comme un monstre, mais étrangement, elle semble d'un côté sereine et elle n'a pas essayé de s'enfuir.
- Est-ce censé être de l'humour votre Altesse ? Demanda-t-il avec hésitation.
Le palais était hautement sécurisé mais même en sachant cela, Hadjar craignait ce qui se relevé de l'impossible.
Le seul moment qu'il avait aimé lors de leur dernière conversation c'est le soulagement qu'il avait pu voir briller dans ses yeux lorsqu'il lui avait confirmé que c'était lui à l'origine du meurtre de Robert Westford.
- Je reste sur mes gardes Charik, finit-il par dire en scrutant les dunes à la recherche d'un danger qui n'existait pas.
- Elle finira par accepter d'être ici, déclara-t-il avec sagesse. Vous avez pris la bonne décision en la ramenant ici. Elle était en danger et elle finira par comprendre que vous n'êtes pas le monstre qu'elle pense que vous êtes.
- Pourtant je le suis Charik, et je ne peux pas contrer ce que je suis, répliqua Hadjar avec force sans hausser la voix. Néanmoins je dois faire des efforts car je ne doit pas oublier qu'elle est fragile.
- C'est une bonne décision votre Altesse.
Hadjar ne savait pas s'il s'agissait d'une bonne décision mais il savait que sa nature serait bousculer par cette jeune femme au cœur si pur.
Le contrôle était quelque chose qu'il était parvenu à maîtriser tout au long de cette guerre mais pas suffisamment pour étouffer ce qu'il est.
- Quels sont les ordres pour la suite ?
- Tu sais exactement ce qu'il va se passer, dit-il sombrement en se redressant brusquement. Cependant je veux que ceci reste un secret, du moins pour l'instant.
Hadjar se détourna pour quitter le balcon et rejoignit son bureau pour prendre le parchemin.
- J'ai un avantage, c'est que je suis très précautionneux lorsqu'il s'agit de ma vie privée. Notre peuple apprendra ce qu'il doit apprendre seulement quand j'en aurait donné l'ordre. Pour l'heure, j'invoque la loi que j'ai moi-même établie à mon retour sur le trône de d'Halkhara.
Hadjar tendit le parchemin à Charik et signa à l'encre noire le dernier papier qui était sur le point de tout changer.
Réfléchir ?
Il n'en avait pas eu besoin car sa décision avait été prise depuis qu'il avait découvert l'identité de l'inconnue.
Jane nourrissait en lui quelque chose d'impossible à expliquer et c'est avec détermination qu'il glissa la feuille dans l'enveloppe royale qu'il referma à l'aide de l'emblème du pays avec un peu de cire.
- Ai-je le droit d'être heureux pour vous ?
Hadjar considéra Charik avec une fugace chaleur dans les yeux.
- Je l'ai enlevé Charik et je lui ai pris bien pire que sa pureté.
- Mais vous auriez pu passer un accord avec elle pour la maintenir dans l'ombre à jamais, précisa-t-il doucement. Qu'est-ce qui vous empêche de le faire ? Je sais que les femmes vous rebute alors si vous avez l'impression que votre devoir vous pousse à...
- Elles me rebutent sauf elle, le coupa-t-il gravement. Je la veux Charik, même si cela fait de moi un égoïste.
Charik garda le silence puis s'inclina avant de disparaître.
Une fois seul, il ouvrit la porte qui menait à son couloir privé et ce fut qu'une fois arrivé au bout qu'il ralentit le pas et tourna doucement la poignée de la dernière porte.
La chambre était éclairée par les faisceaux de la lune. Silencieusement il s'approcha du lit qu'il ne quittait pas des yeux depuis qu'il venait d'entrer. Une fois devant le lit, une émotion redoutable lui empoigna la gorge.
Paisible, la jeune femme dormait, la lumière froide de la lune nimbant sur son beau visage.
Il contourna le lit pour se rapprocher avec une frustration désagréable car cette image le renvoyait à cette nuit-là d'été et il se demandait comment il avait pu oublier les pans de ce visage que les éclairs l'avaient aidé pourtant à déceler.
La frustration se transforma en un désir vorace qui ensuite se mêla à une émotion indescriptible lorsqu'il regarda son ventre rond se soulever au rythme de ses respirations apaisées.
Hadjar devait quitter cette chambre mais il ne le fit pas. Au contraire, il se baissa à hauteur du matelas et la contempla.
Puis du bout de l'index, il souleva la mèche blonde qui reposait sur son ventre qu'il effleura avec ses phalanges.
Le risque ?
Il le prit et posa sa main à plat sur cette bosse délicate. Une émotion particulière le saisit et il ne put s'empêcher de la caresser avec prudence. Un élan possessif le poussa à descendre sa main plus bas et il fut arrêter par ce qu'il cherchait désespérément. Un coup assez fort frappa sa paume de main, puis un autre plus vigoureux. Lui qui ne souriait jamais se surprit à en un esquisser un. Il murmura en arabe en levant son regard sur la jeune femme endormie.
Assez, songea-t-il en retirant sa main.
Il remonta les draps sur elle et s'effaça dans la nuit, plus déterminé que jamais.
Quand l'aube apparut, Hadjar se tenait déjà dans la chambre, assis sur le fauteuil en face du lit.
Il s'employait à garder ses distances mais chaque fois il était rattrapé par cette douceur dont il s'était emparé.
La jeune femme se réveilla, mais pas de la façon qu'il avait espéré.
Elle se mit à gémir de douleurs en se tenant le ventre, recroquevillée.
Hadjar bondit précipitamment et la rejoignit.
- Que se passe-t-il ? Vous avez mal ?
Elle respirait fort, la tête baissée.
- Ça va passer, murmura-t-elle d'une voix enrouée.
Hadjar détestait être impuissant et le fit savoir à grognant ses ordres d'une voix si forte qu'elle résonna jusqu'au fond du couloir.
- Parlez-moi Jane ! S'emporta-t-il en passant son bras sous son dos pour la maintenir surélevée.
- C'est juste des contractions.
- Je n'en crois rien !
Jane ouvrit la bouche en grand pour faire passer la douleur mais celle-ci devint plus forte.
Peut-être que c'était lui qui avait raison, songea-t-elle paniquée.
- Vous avez raison, je ne sais pas ce qui se passe, j'ai très mal ! Parvint-elle à dire en appuyant sa main sur son avant-bras qu'elle serra.
Il la souleva dans ses bras, et tout ce passa vite...trop vite.
Elle fut transportée dans l'hôpital le plus proche et prise en charge par des tas de médecins.
Craignant pour la vie de son bébé elle en oublia sa captivité et tout ce qui faisait de Hadjar un monstre.
Parce qu'il était son seul soutient mais aussi le père de son enfant.
- Vous êtes tombée récemment ? Demanda le médecin.
Perfusée, branchée sur des moniteurs, Jane sentit les larmes lui brûler les yeux.
- Non, enfin je crois, balbutia Jane en se rappelant de cette chute dans l'escalier de son immeuble lorsqu'elle avait fui après la découverte de son appartement saccagé. Je...j'ai glissé dans les escaliers mais sans gravité et puis ça remonte à plusieurs jours maintenant.
- Et vous n'avez pas sentie de douleurs ? Seulement maintenant ?
- Dans le dos, mais est-ce que mon bébé va bien ?
Jane évitait de regarder le cheikh car elle devinait aisément la colère qui devait ravager ses yeux cendrés.
- Votre bébé va très bien, en revanche vous n'êtes pas passé loin d'une fissure de la poche des eaux. La douleur que vous avez ressentie n'est pas votre bébé, c'est l'hématome interne que vous avez dû vous faire pendant la chute. Juste ici.
Le médecin présenta un miroir qui refléta une ecchymose sur son flanc gauche.
- Je ne l'ai pas vu, murmura-t-elle d'une voix enrouée de culpabilité. Je ne l'ai même pas senti.
- Parce que vous en avez certainement d'autres douleurs en rapport avec votre grossesse et vous avez pensé que c'était normal.
- Que dois-je faire docteur ? L'attacher ? Lança le cheikh d'une voix à la noirceur inquiétante.
Jane tourna la tête vers lui et aurait voulu ne jamais le faire. Les veines de son cou étaient sur le point d'exploser. Ses traits ciselés n'avaient jamais été aussi prononcé qu'à cet instant.
- Du repos, il lui faut beaucoup de repos, répondit le docteur en se levant. Le terme est pour bientôt et je ne veux pas risquer une fissure de la poche des eaux.
Jane sentit son menton trembler parce qu'elle était la seule à lui démontrer qu'il avait raison. Elle se mettait constamment en danger, et refusait de le dire comme si elle essayait de se prouver qu'elle était capable de gérer sa propre vie sans quémander de l'aide comme elle l'avait fait depuis la mort de ses parents.
Le cheikh lui prit des mains la serviette jetable et essuya le gel sur son ventre. Au contact de ses doigts sur son ventre nu, Jane sentit son cœur s'emballer.
- Que se passe-t-il si elle se fissure avant le terme ? Demanda-t-elle pour tenter d'oublier ces deux mains viriles qui s'affairaient sur son ventre.
- Le bébé ne sera plus protéger contre les bactéries, répondit Hadjar à la place du docteur.
Elle n'osa pas le regarder et il valait mieux qu'elle s'abstienne. À nouveau, elle s'était mise en danger et n'avait rien dit. C'était une habitude qui se répétait trop souvent. Savoir qu'elle avait glissé dans les escaliers le rendait ivre de rage et cette rage atteignit les sommets quand ils furent de retour au palais.
Il l'allongea sur le lit et glissa ses jambes sous les couvertures.
- J'espère que vous vous souvenez du traitement qui est réservé aux femmes enceintes de mon pays parce que c'est à votre tour.
- J'ai seulement glissé parce que je fuyais mon appartement et je...
- Vous auriez dû le dire ! Gronda-t-il entre ses dents serrées.
- À qui ? S'enquit Jane en soutenant son regard balafré. Je pensais que ce n'était rien et je n'avais pas les moyens de consulter en urgence.
Il s'agissait là d'une défense pathétique et le regard mécontent du cheikh amplifia les battements de son cœur.
- Nous ne pouvons pas revenir en arrière, dit-il froidement. Désormais je compte bien éviter d'autres ennuis de santé qui pourrait vous mettre en danger.
- Jusqu'à l'arrivée du bébé ? Osa-t-elle le défier avec amertume. Vous avez peur pour le bébé c'est pour...
- Votre dénie va s'arrêter tôt ou tard, ce n'est qu'une question de temps Jane, la coupa-t-il en plaquant ses poings de chaque côté de sa taille.
Le matelas se creusa, alors qu'il était penché au-dessus d'elle.
De ses yeux jusqu'à sa bouche, le regard de l'homme était perçant et intense.
- Je n'éprouve aucune lassitude à répéter encore et encore, reprit-il d'une voux rauque. Bébé ou pas, je vous veux.
Le cœur battant à vive allure Jane vit son visage se rapprocher du sien.
- Maintenant vous ne quittez plus ce lit jusqu'à nouvel ordre. C'est moi et seulement moi qui décidera si vous pouvez en sortir ou non.
- Ou sinon ? Que se passera-t-il ? Demanda-t-elle alors qu'il était si proche. Vous allez m'enfermer dans une tour ?
- Non mieux que ça, murmura-t-il d'une voix encore plus rauque.
Elle frémit, volontairement prise dans un piège qu'elle avait elle-même créé.
Jane eut l'impression d'étouffer sous la puissance de son regard et son visage frissonna quand il ajouta :
- Vous serez transférée dans mon lit...
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