Chapitre 24 - Négociations
Ma migraine persiste et je sens une bosse se former en plein milieu de mon front. J'y suis peut-être allée un peu fort. Heureusement que peu de coups ont suffi à alerter l'Abyssal parce que je vais avoir de besoin de toutes mes capacités cérébrales pour négocier avec Prolin Revi, en espérant qu'il me convoque une nouvelle fois dans son bureau. Si j'étais sûre de moi en me réveillant, je commence maintenant à me faire envahir par l'angoisse. tous les doutes soulevés par Gédéon pour me convaincre qu'il devait prendre ma place me reviennent et je commence à me demander s'il n'avait pas un peu raison.
De toutes façons, il est trop tard pour reculer. Je vois le couvercle de ma boîte se soulever et mon pouls s'accélère quand je croise le regard sombre du soigneur. Il fixe mon maître un moment avant de me saisir et de se diriger vers la salle de soin. Il ne s'y attarde pas, se contentant d'une auscultation sommaire, et nous nous retrouvons rapidement dans le couloir. Je retiens mon souffle, espérant de tout mon coeur qu'il tourne à droite. Je suis tellement stressée que je suis presque surprise qu'il prenne la bonne direction et je m'autorise un soupir de soulagement tout en sachant que le plus dur est à venir.
Quand l'Abyssal me pose au sol, j'étire mes muscles trop contractés et inspire longuement avant de passer la porte en essayant d'afficher un air serein. Malgré mes efforts, je sens mes mains trembler dès que mes yeux se posent sur ceux légèrement allongés de l'Ambassadeur dont les iris jaunes sont fixés sur moi.
« Bonjour jeune fille. »
Sa voix toujours aussi glaciale et teintée d'une pointe d'agacement n'a rien de rassurant et les battements de mon palpitant se font plus irréguliers encore.
« Toujours aussi intimidée à ce que je vois. Déclare-t-il devant mon silence. Vous savez pourtant bien que je ne me nourris pas d'avortons dans votre genre. Cela fait bien longtemps que nous préférons la synthèse de molécules aux abattoirs sanglants. Bref, je diverge. Puisque vous êtes ici, c'est que vous avez une nouvelle fois tenté de vous suicider. Vou vous y attendez sûrement mais je vous pose quand même la question : pourquoi ? »
Bon, il ne semble pas vouloir me tuer. C'est déjà une bonne nouvelle. Je dois maintenant négocier et je me rends compte que je n'ai peut-être pas pris assez de temps pour me préparer à cette épreuve. Je déglutis pourtant bruyamment avant de commencer à parler en tentant de bégayer le moins possible.
« Et bien... Eu... A vrai dire... Voyez-vous... Bafouillé-je pitoyablement.
— Dîtes moi, pensez vous avoir une commotion cérébrale ou un traumatisme crânien ? Vous me semblez vraiment très désorientée, je devrais peut-être vous faire passer un examen.
— Non, non. Assuré-je d'une voix mal assurée. Je vais bien, c'est juste que... j'ai absolument besoin de communiquer avec les Exons2507.
— Certes. Pourriez-vous m'éclairer sur ce qui vous pousse à croire que je vais accepter votre requête ? »
Sa voix auparavant inquiète est maintenant empreinte d'un mépris non dissimulé. J'en viens alors encore une fois à douter de la légitimité de ma demande. Pourtant, bien décidée à ne pas me laisser impressionner par une créature humanoïde à huit pattes de trois mètres de haut, je lui réponds avec plus d'aplomb :
« Parce que vous m'avez déjà accordé ce que je vous avais demandé. »
Je viens de prendre un risque inconsidéré et je maudis pour la millième fois de la journée mes actions irréfléchies.
« Et si vous étiez allée trop loin ? Si vous aviez été trop arrogante ? Si je refusais ? Si je vous tuais ? Que se passerait-il ?
— Rien. Rétorqué-je. j'ai appelé la mort par deux fois et elle m'a ignorée. pensez-vous que la faucheuse me fasse encore peur ? Et puis n'avez-vous pas précisé que mes maîtres s'étaient attachés à moi ? Quel gâchis ce serait s'ils me perdaient maintenant... »
Je secoue doucement la tête avec un air faussement désolé. L'adrénaline a pris le contrôle et je suis maintenant bien plus à l'aise. J'attends d'ailleurs la répartie de Revi avec impatience tout en essayant de ne montrer qu'un apparent détachement.
« Je vois. Mademoiselle se la joue un peu kamikaze. Sache que je ne suis pas dupe et que je sais pertinemment que tu manigance quelque chose. Ne sous-estime jamais mon intelligence. »
La moquerie semble avoir laissé place à l'énervement. J'espère ne pas avoir compromis mes chances en me montrant trop réactive. Je décide alors de me montrer plus servile afin de le mettre dans de meilleures dispositions.
« Écoutez, je me suis peut-être emballée mais si je souhaite pouvoir communiquer avec mes maîtres, c'est parce que je me suis moi aussi attachée à eux. Je vois bien qu'ils font ce qu'ils peuvent pour me rendre heureuse et je leur en suis reconnaissante. Moi même, j'aimais mon lapin et j'étais parfois frustrée de ne pas comprendre ses besoins. Je suis sûre que si nous pouvons dialoguer, ma famille et moi-même ne pourrons être que plus proches. »
Le mot "famille" m'arrache les cordes vocales mais je reste calme pour être plus persuasive. Aux yeux de cet extra-terrestre vert je ne suis qu'un instrument qui permet une meilleure évolution des créatures qu'il élève, je l'ai bien compris. C'est pourquoi j'ai décidé de miser sur le fait de devenir un meilleur outil pour le convaincre. Je pense avoir touché juste quand je vois son regard pensif.
« Certes. Je veux bien tenter cette expérience. Ceci dit, pour que le test soit vraiment utile, je souhaiterais vous voir régulièrement, ainsi que vos propriétaires. »
Je saute intérieurement de joie et retiens un cri d'allégresse : j'ai réussi ! J'hoche la tête en entendant cette condition minime et affiche un sourire sincère.
« Pour ce qui est de la chirurgie... »
Mais... Attendez une seconde, comment ça ? De la chirurgie ? Non mais je ne vais pas me laisser charcuter par ces créatures ! Qui sait ce qu'elles pourraient faire à mon cerveau ? Un raclement de gorge met fin à mes interrogations paniquées et je me rends compte que je n'ai pas du tout écouté la suite du discours de l'Ambassadeur. Oups...
« Vous m'écoutez ? Demande-t-il, un tantinet exaspéré.
— Oui... Tenté-je en grimaçant de gêne.
— Je disais donc qu'il faudrait vous implanter une petite puce dans le cerveau et qu'il vous serait alors possible de traduire ce que disent les Exons 2507. Votre voix sera aussi transformée en ondes qu'ils seront capables de déchiffrer. Pour cela il faudra passer une CAC et accepter l'implant de ce minuscule dispositif.
— Eu... Je peux vous poser deux questions ?
— Pourquoi pas. Répond-il sans animosité.
— Qu'est-ce qu'une CAC ? Et pourrez vous lire mes pensées ? Demandé-je inquiète.
— Une CAC est une Cartographie Approximative du Cerveau qui permettra de placer la puce au bon endroit. Comme l'indique le mot "approximatif", nous ne savons pas encore tout décoder d'un cerveau à cause de sa complexité et de son unicité. Nous serons donc incapable de déterminer ce que vous pensez précisément. De toutes façons, ce n'est pas l'objectif de la puce et ce genre de procédé est interdit par la loi 98 567 sur le respect de l'intimité des créatures intelligentes. Vous êtes à un stade d'évolution ridicule mais qui ne nous permet plus d'espionner votre cerveau comme nous le souhaitons. »
Je soupire de soulagement. Prolin Revi ne m'a jamais menti et il a de toutes façons trop d'emprise sur moi pour en avoir besoin. J'accorde donc assez de confiance en ses affirmations et me sens rassurée. Je n'aime pas l'idée de subir une opération chirurgicale par ces bestioles mais ceci est notre seule solution pour espérer fuir un jour. J'acquiesce donc courageusement et lui exprime mon accord.
« Et bien, tout ceci me semble parfait. Nous nous reverrons dans deux jours d'Exo2507 pour finaliser cela. Ne vous inquiétez pas, nos chirurgiens sont excellents.
— Vous ne demandez pas leur avis à mes maîtres? L'interrogé-je.
— Si, bien sûr. Je vais les convoquer de suite. Cependant, selon les rapports de Therapei, je suis sûr qu'ils seront d'accord. C'est le soigneur. précise-t-il devant mon air perdu. Bon, ce n'est pas tout mais j'ai beaucoup de travail. Therapei va s'occuper de vous pendant que je m'entretiens avec votre famille. Au revoir jeune fille. »
Je le salue à mon tour et m'apprête à sortir. Juste avant de passer la porte, je me retourne et le remercie. Comme lors de ma première rencontre, le soigneur me récupère et rentre dans la pièce. Je reste silencieuse pendant leur échange qui l'est tout autant. Finalement nous sortons et partons prévenir mes maîtres avant qu'il ne m'emmène dans la salle de bain pour me laver.
Je suis un peu inquiète quant à l'implant de cette puce mais je suis aussi aussi très heureuse d'avoir réussi à convaincre Prolin Revi. Grâce à moi, notre destin va peut-être prendre un nouveau tournant.
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Et voici le dessin de Prolin comme promis. Soyez indulgents : je ne dessine pas très bien. C'est juste pour que vous visualisiez mieux à quoi ressemble la créature. (Et oui je sais il ressemble à un personnage de Monstres et compagnie. Que voulez-vous ? On est influencé par ce qui nous entoure et j'adore ce film....)
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