Chapitre 18 - Un peu de bonheur
Cela fait déjà plusieurs jours que je suis sortie et cela me manque déjà horriblement. Retrouver le contact social m'a fait beaucoup de bien mais a aussi ravivé ce besoin impérieux d'interagir avec d'autres êtres-humains. Je ne sais même pas quand sera ma prochaine sortie et cela est très frustrant...
Pourtant j'ai maintenant un moyen d'évacuer, au moins en partie, mon angoisse et de tromper mon ennui. L'écriture. Moi qui voulait devenir écrivaine mais qui ne trouvait pas le temps d'écrire à cause de ma première scientifique, une magnifique opportunité s'offre aujourd'hui à moi ! C'est assez ironique de voir en ce séjour peu commun une aubaine mais je vais tout de même en profiter. Et pour cause, je suis une littéraire. Je n'aurais jamais dû m'orienter vers les maths, la biologie et la physique-chimie mais mes parents voulaient être sûrs que j'ai un avenir. Aujourd'hui ce n'est plus trop d'actualité et je regrette de n'avoir pas pu faire de philosophie avant de me retrouver ici. Si ça se trouve, je ne lirai jamais Platon ni Socrate... Cela peut paraître dérisoire et pourtant cela m'importe énormément. En effet, cela fait partie de toutes les choses auxquelles je n'aurai peut-être jamais accès et qui me manqueront toute ma vie si je ne parvient pas à rejoindre la Terre.
Bref. Je me penche sur ma feuille vierge, ne sachant pas trop quoi écrire. Au départ, je pensais rédiger un journal intime mais coucher sur papier ma misérable existence me déprimait plus que cela me réconfortait. Finalement, j'ai commencé à faire le portrait de ma famille et de mes quelques amis mais je suis une piètre dessinatrice et ma mémoire a estompé les détails de ces visages qui me sont pourtant si chers. Je me suis tournée vers le genre de la lettre. J'ai composé toute une missive pour ma petite soeur mais j'ai fini par la déchirer en pensant à la douleur qu'elle doit ressentir alors que j'ai disparu de sa vie sans laisser de trace. N'ayant pas la plume d'une poétesse, je suis maintenant immobile, mon crayon en suspension au-dessus du papier blanc, indécise.
Soudain, l'idée me vient de mettre par écrit toutes les informations concernant ma captivité. Cependant, ce ne serait pas un récit contant mes mésaventures mais plutôt un recueil d'informations presque journalistiques sur ce qui m'arrive. Si j'arrive à retranscrire tout ce que je sais sur Exo2507, comme l'appelle monsieur Revi, je pourrai faire passer ces données à l'Aquilon ! Bon, je n'ai pas la science infuse mais apparemment je possède des éléments que cette alliance n'a pas et qui pourrait peut-être permettre l'élaboration d'un plan.
Animée par un nouvel objectif, je commence à noter tout ce qui me passe par la tête. A chaque fois qu'il me semble avoir tout consigné, un nouveau détail me revient. J'écris vite et quand je pose enfin mon crayon, j'ai du mal à me relire. Je ne peux pas livrer ce texte ainsi, c'est illisible. Je m'attelle donc à la tâche répétitive mais assez distrayante de recopier tous les mots ayant pris vite sous ma mine de carbone. J'ai presque retranscrit l'intégralité de mon dialogue avec l'ambassadeur du peuple Primaire car toutes ces paroles sonnent pour moi comme de précieuses révélations. Je décide d'en créer plusieurs exemplaire pour que chaque membre puisse prendre connaissance de ce je sais. Je me demande encore comment je vais le leur donner, surtout si mes Abyssaux ne me sortent qu'une fois tous les six mois, mais je garde espoir. Avoir parlé avec mes semblables me permet de ne pas replonger dans la dépression profonde qui m'a poussée à tenter de me donner la mort.
Alors que je pose mon crayon et me masse le poignet légèrement endolori, je vois un Abyssal entrer dans la pièce et s'approcher de mon vivarium. Il soulève le couvercle et récupère ma gamelle vide, sûrement pour la remplir de bouillie. J'en mange toujours un peu et mon appétit est un peu revenu après ma sortie mais cela me rend encore nauséeuse et je maigris à vue d'oeil. Même en me forçant, ça ne passe pas et quand j'insiste trop, cela refuse de rester dans mon estomac. Pourtant, cette fois, je vois mon maître, le plus grand des trois, mettre quelque chose d'un peu différent dans mon assiette. En effet, quand il remet le plat dans ma maison, la texture de la nourriture semble différente, comme sa couleur d'ailleurs. Je m'approche et je vois des bouts de viande et de légumes découpés et mélangés. Ils ressemblent vraiment à de la nourriture et, surtout, ils ne sont pas écrasés ! Même l'odeur a changé. Cela ne sent pas aussi bon qu'un pot au feu de ma mère mais le fumet me paraît tellement meilleur que celui de la bouillie quand j'en frémis de bonheur. Je me jette sur cette nourriture et la saveur des aliments me font soupirer de satisfaction. Je voudrai savourer ce repas inespéré mais le vide de mon estomac me rappelle à l'ordre et j'engloutis le plat entier ! Quand j'ai fini, je m'assoie, repue, et remercie intérieurement Prolin Revi, qui a tenu sa parole. Mes yeux sont à demi clos alors que la fatigue s'empare de moi.
Pourtant, avant que le sommeil ne m'emmène, j'aperçois un objet dans ma cage que je n'ai jamais vu avant. Prenant sur moi, je me lève, un peu difficilement à cause de mon ventre trop rempli, et m'approche de cet intrus. Il s'agit d'un bac rempli de copeaux de ce que je pense être du bois et je comprends rapidement qu'il s'agit d'une litière ! Je n'aurai jamais cru me réjouir de posséder cela, étant plutôt habituée aux toilettes, mais aujourd'hui, cela finit d'illuminer ma journée déjà bien remplie !
Décidément, il aura vraiment fallu que je tombe au plus bas dans la honte et le désespoir pour que la roue tourne et que le bonheur, même précaire, vienne de nouveau frapper à ma porte !
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