Chapitre 16 - Une ville haute en couleur

Je savoure mon humanité retrouvée quand le soigneur me soulève et m'emmène à travers le couloir puis la salle de soin pour enfin rejoindre mes propriétaires dans la salle d'accueil. Les quatre Abyssaux se fixent pendant de longues secondes puis je suis rendue à la famille à qui j'appartiens et le plus petit me replonge dans ma boîte de métal.

Nous retournons à la maison et je réintègre rapidement mon vivarium. Rien n'a changé dans cet étrange bocal, pourtant, j'ai l'impression qu'il est plus grand, plus lumineux. Je m'assoie dans mon coin favori et je suis surprise de voir un tentacule pénétrer dans ma maison. Il tient du papier et des crayons. Beaucoup de papier et de crayons. Il s'agit du plus grand Abyssal et il doit avoir récupéré ce matériel alors que j'étais déjà dans ma petite cage. Il dépose tout cela près de moi et mes yeux s'écarquillent de bonheur. J'ai toujours aimé écrire et avoir de nouveau accès à ce hobby va me faire beaucoup de bien !

Cependant, avant que j'ai pu me jeter dessus pour en profiter, la créature m'extirpe de mon aquarium. Je vais encore avoir le droit à des caresses maladroites qui me mettront mal à l'aise... Cependant, je suis surprise de constater qu'il me pose sur la table et me lâche pour accéder à un placard. Je suis tentée de sauter pour m'échapper mais je suis consciente du regard sombre qui me surveille. Au moindre mouvement de rébellion, je serai de retour dans ma cage. Je vois maintenant l'Abyssal sortir une sorte de corde. Est-ce une laisse ? Mon impression se confirme quand il décide de me l'attacher autour du cou grâce à un noeud que je ne connais pas. Finalement, l'écriture est reléguée au second plan dans mon esprit car je sens que je vais avoir droit à ma première sortie !

En effet, la bête me dépose par terre et s'avance vers la porte tout en tenant fermement la corde. Je le suis à une distance respectable, ce que me permet ma longe, pour ne pas me faire écraser par l'un de ses énormes pieds. Leur forme évasée me surprendra d'ailleurs toujours. Je sens les battements de mon coeur s'accélérer quand la porte s'ouvre et que je peux faire mon premier pas dehors. La première image qui s'impose à moi est celle d'une ville gigantesque mais surtout complètement hétéroclyte. Si l'intérieur de l'animalerie et de la maison de mes propriétaire était comparable : simple, épurée et dans les tons bleu clair, il semblerait qu'il ne s'agisse que d'un parfait hasard. En effet, mes yeux écarquillés se posent tour à tour sur un dôme transparent rose fushia, puis sur une tour gigantesque de couleur sombre pour atterrir sur un assemblage de cubes bigarrés, le tout en passant par un énorme bâtiment oblong et doré. Visiblement, la créativité est plutôt encouragée ici ! Je suis d'autant plus étonnée que les Abyssaux qui s'occupent de moi aient une maison aussi impersonnelle.

Finalement, le seul élément qui semble uni et homogène est la route. Elle est assez large pour laisser passer cinq créatures, complètement lisse et de couleur grisâtre. Sur cette étendue ressemblant à du bitume éclairci, je peux voir glisser quelques énormes ellipsoïdes transparents qui transportent parfois jusqu'à trois Abyssaux. Cela doit être leur version des voitures : c'est plutôt esthétique et surtout extrêmement silencieux. Comme toute la ville en fait car depuis que je suis sortie je n'entends que le bruit sourd des pas lourds de ses habitants. Adepte de calme, cela me plait. Mon émerveillement se poursuit lorsque la créature me tire par ma laisse pour me faire avancer car, plus que l'architecture des plus disparates, ce qui me fait vraiment plaisir, c'est le Soleil ! Enfin, l'étoile qui leur sert de Soleil bien sûr. Je suis agréablement surprise de constater qu'il est d'une taille et d'une couleur semblables à la nôtre. Sentir les rayons chauds de cet astre sur mon visage ébahi me rend véritablement heureuse.

« Hey ! Bonjour ! »

Cette interpellation me pousse à quitter des yeux le ciel, légèrement plus pâle que celui de la Terre, pour poser mes yeux sur... Une être humain !

« Bonjour ! crié-je en réponse. »

J'aurai aimé poursuivre cette interaction sociale, cela m'a tant manqué, mais nous nous faisons tous les deux entraîner dans des directions opposées par nos maîtres respectifs. Je continue donc ma route mais commence à peiner à suivre la créature. Ses longues jambes lui donnent un avantage certain et je suis obligée de trottiner, ne lâchant qu'un rapide bonjour aux humains que je croise. Ils sont étonnamment nombreux et semblent tous comprendre le français. Tout cette situation est vraiment étrange ! En tous cas, je me réjouis d'avoir des vêtements car devant tant de mes semblables, ma nudité aurait été très gênante. Cependant, ma malnutrition m'a affaiblie et je suis vite essoufflée. Je n'ai jamais aimé courir. A bout de souffle, je décide de m'arrêter, quitte à me faire traîner. Cependant, dès qu'il sent une résistance, l'Abyssal s'arrête et se tourne vers moi. Il doit comprendre ma détresse et se remet à marcher tout en ralentissant considérablement. Je le remercie mentalement et continue donc d'avancer.

Au bout d'un moment, je peux voir une sorte de réunion d'Abyssaux dont qui tiennent une laisse attachée à un être humain chacune : un jeune garçon et une femme relativement âgée. Ils semblent discuter et j'aimerais me mêler à eux. Il est assez frustrant de croiser des gens sans pouvoir faire plus que les saluer ! Mon propriétaire semble avoir compris mon envie puisqu'il s'oriente vers ce petit groupe. Autour d'eux, je peux observer une statue d'Abyssal si grande que je la soupçonne d'être une maison ainsi qu'une bulle opaque et verdâtre qui doit en être une autre jouxtée par un troisième bâtiment dodécaédrique. Les Abyssaux ont vraiment beaucoup d'imagination quand il s'agit d'architecture !

Le cercle des créatures s'ouvre légèrement pour permettre à mon maître de se joindre à eux et j'en profite pour me faufiler et me rapprocher de mes semblables.

« Bonjour ! M'exclamé-je joyeusement, tout de même légèrement hésitante »

Leurs regards se tournent vers moi et un sourire illumine leurs visages : je sens que nous allons bien nous entendre !

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