Chapitre 13 - Retour Case Départ
Un gémissement de douleur m'échappe alors que j’émerge doucement de l'inconscience. La douleur lancinante pulse dans mes tempes. Pour ne rien arranger je me sens légèrement ballottée, comme si le sol tanguait sous moi. Mon crâne déjà mal en point se soulève et cogne régulièrement par-terre, envoyant des ondes de douleur jusqu'au plus profond de mon être. Mes paupières se soulèvent mollement et je m'appuie sur mon coude pour regarder autour de moi. La sensation de mouvement se confirme : je suis dans la boîte en métal qui m'a transportée de la Prison des Poissons jusqu'à ma nouvelle maison.
Un mouvement brusque me fait rapidement glisser et mon dos heurte une paroi du cube. Je serre les dents pour étouffer une plainte. Je me relève avec difficulté et le monde se met à tourner dangereusement autour de moi. Je m'assoie alors rapidement dans un coin, mes bras entourant mes genoux. Je me demande si l'on retourne à l’animalerie. Peut-être que le soigneur pourrait donner des conseils à mes propriétaires ? Je n'en reviens pas d'avoir ce genre de réflexion…
En tous cas, il est clair que j'ai échoué. Je ne suis pas morte et je souffre. L’adrénaline avait étouffé la douleur pendant que ma tête frappait cette vitre. Incessante. Mais maintenant, je ressens chaque coup donné avec une acuité déconcertante. Je porte ma main à mon front pour connaître les dégâts mais je la retire immédiatement en poussant un râle. Je suis gonflée et je suis prête à parier qu'il s'agit d'un hématome aussi bleu que le pelage des Abyssaux. Même de cette manière, je n'ai pas réussi à fuir… J’aimerais m'achever mais je n'ai rien pour le faire et je m'en sens pas la force. De plus, mon accès de colère passé, je n'ai plus le courage de prendre une telle décision. Je soupire donc de lassitude et attends patiemment que l'on me sorte de là.
Je soupçonne ce moment de bientôt arriver car je ne sens plus le vent glacial s'infiltrer sournoisement dans ma boîte : nous devons être entrés dans un bâtiment. Je ne comprends d'ailleurs pas comment des bâtiments de plus de dix mètres de haut aient pu être édifiés sans que personne ne s'en aperçoive… Encore une question sans réponse.
Je sens la lumière vive à laquelle je suis maintenant habituée investir ma cage quand son couvercle est soulevé par un tentacule. Un autre me saisit à la taille et me sort délicatement. En tournant la tête, je reconnais l’Abyssal que j'ai appris à identifier comme un enfant car il est très nettement plus petit que les autres. De même, par anthropomorphisme, j'associe le plus grand au père et la troisième créature, un peu plus menue que celui-ci, comme la mère. Finalement, mon regard se détourne et tombe sur un quatrième Abyssal. Mes yeux se plissent légèrement alors que je l'observe et je ne peux retenir un léger sourire lorsque je reconnais le soigneur qui s'était occupé de moi. Il a la même petite imperfection pileuse, juste sous l'oeil gauche, cet endroit où son pelage et un peu plus éparse et où l'on aperçoit un bout de sa peau translucide. J'avais remarqué ce détail dès les premiers jours où je m'étais réveillée ici mais cela ne m'avait pas paru important sur le moment. Aujourd'hui, je trouve cela rassurant de revoir celui qui a soigné mes blessures. J'ai le pressentiment qu'il comprend mieux mes besoins que mes propriétaires.
D'ailleurs, il tend son tentacule pour m’attraper et me soulève à la hauteur de ses yeux pour m’ausculter. Il soulève mon bras, puis l'autre, les plie, recommence la même opération avec mes jambes. Il penche ma tête à droite, à gauche, en arrière. Il se met à tâter mon hématome et je hurle de douleur mais le bruit n'a pas l'air de l’incommoder. Il n'a aucune réaction et continue à tâter mon front, imperturbable. Je serre les dents mais une larme s’échoue sur ma joue. Je ne pense pas qu'il s'en rende compte mais il est train de me faire souffrir le martyr ! Finalement, il se désintéresse de moi et regarde fixement les trois autres Abyssaux. Je jurerais qu'ils communiquent mais je n'entends rien : c'est horriblement frustrant !
Enfin, le soigneur se retourne et commence à marcher vers une porte que je ne tarde pas à voir s'ouvrir. Nous entrons dans une nouvelle pièce que je reconnais comme la salle de soin. L’Abyssal ouvre un placard qui m'est familier et en sort un rouleau de bandages. Il entreprend alors de m’envelopper pour recouvrir l’hématome. Je pousse une nouvelle plainte quand ses gestes sont un peu trop brusques mais globalement, il se débrouille plutôt bien. Après avoir rangé son matériel, il traverse la pièce et sort du côté du grand couloir. Je m'attends à le voir tourner à gauche, vers la salle des aquariums, mais il oblique à droite.
Il marche jusqu'au fond du couloir où il se penche pour me déposer par terre sans vraiment me lâcher. Je vois alors une porte d'environ trois mètres de haut coulisser devant moi. L’Abyssal est clairement trop grand, si bien que l'on se croirait presque dans Alice au Pays des Merveilles. Il enlève donc son tentacule de ma taille et me pousse sans violence à l'intérieur. Je n'ai pas le temps de me retourner que j'entends le claquement sourd de la porte derrière moi. Je ne peux plus sortir. Résignée, je regarde la pièce qui m'entoure et mon regard s'arrête sur elle.
Elle, c'est une créature de trois mètres de haut environ et qui est… Différente. Si sa taille n’équivaut à aucun point celle des Abyssaux, son apparence est bien plus effrayante surtout pour l’arachnophobe que je suis ! En effet, son torse est posé sur huit pattes qui me font frémir de peur. Mon regard remonte lentement sur son buste habillé d'une chemise et d'une veste noire de costume puis s'arrête sur le visage à la peau lisse. Il est vert prairie et présente des reflets jaunes. Je croise son regard qui me paraît relativement normal malgré une pupille vert vif. Je commence à croire que je suis de nouveau tombée sur une créature muette quand je vois ses lèvres s'ouvrir et que j'entends une voix froide et autoritaire :
« Bonjour, jeune Exon1998. »
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