八 | huit

Comme chaque soir, KyungIl rentrait mais cette fois-ci moins enthousiaste. Après avoir quitté le domicile de Lune, il ne cessait de songer à elle et de se poser des questions sans réponses logiques. À son arrivée au camp, ce dernier évita tout contact visuel avec quiconque et se précipita dans le dortoir. Nine, ayant compris le jeu du garçon, l'attrapa tout de même par les épaules et l'étreignit contre son corps mince. Leurs parfums de mêlèrent entre eux, l'esprit de KyungIl finit par s'apaiser. La jeune femme avait compris que son bien-aimé allait forcément à la rencontre de quelque chose, ou même de quelqu'un chaque jour, ça pouvait être la seule explication à ses changements d'humeur quotidiens.
Elle ne savait pour l'instant pas comment agir pour vérifier correctement ses hypothèses, car malgré l'once de jalousie qui lui montait à la tête sans raisons concrètes, tout cela pouvait s'avérer être une fausse piste.

Les deux êtres continuaient donc à se serrer l'un contre l'autre, tandis que leurs pas les menait à la petite chambre. Leurs souffles s'accéléraient, venant combler le silence, leurs gestes maladroits s'épousèrent durant de longues minutes. La demoiselle était heureuse ainsi, néanmoins elle avait saisi que son conjoint ne l'était pas autant cette fois-ci.
Et c'est au beau milieu de la nuit que Nine, en allant chercher de quoi s'hydrater, tomba sur un mystérieux filament argenté, trouvé au creux du torse du bel homme somnolant. Elle le retira du tissu et l'observa attentivement entre ses doigts minces afin d'en tirer quelques hypothèses inutiles, ou presque; il s'agissait d'un cheveu long et soyeux, qui, en vue de sa couleur et de sa taille ne pouvait appartenir qu'à une autre femme qu'elle.



Le réveil sonnait les six heures; KyungIl l'écrasa lourdement sous son poing de fer, puis il se leva, avec pour seul motivation de trouver un troisième trésor pour Lune, chose dont il avait songé la nuit entière. Nine semblait déjà réveillée en raison de son absence dans les draps voisins, mais il n'y prêta pas réellement attention. Le soldat traîna les pieds vers la salle de bain en attrapant une serviette et un gant dans un tiroir, mais un petit objet qu'il avait pu effleurer le retint. Il s'agissait d'un rouge à lèvres d'une couleur passionnelle, un Bordeaux si intense et profond que l'on pourrait se perdre dans sa texture charnelle. Ce produit cosmétique ne pouvait appartenir qu'à Nine, elle était la seule femme à loger dans ce camp. KyungIl regarda alors discrètement aux environs, la propriétaire semblait absente, il en profita donc pour voler le précieux rouge à lèvres et s'enfuir avec.


Il frappa quatre coups à la porte en bois, puis entra, désormais habitué aux lieux. Lune l'attendait comme toujours, assise dans le même coin de la petite maison, son visage impatient s'éclaircit à l'arrivée du soldat. Ils s'étreignirent un court instant pour se saluer puis la jeune fille braqua son regard avide de découverte dans les yeux sombres du garçon, perdu entre joie et affection profonde.

« Alors Soleil ? Qu'en est-il aujourd'hui ?
— Ça va être nouveau pour toi, j'en suis sûr, affirma-t-il avec confiance. »

Le rouge à lèvres était fourré au fond d'une poche de sa combinaison, Lune semblait le chercher de son regard et s'interroger sur l'expression joueuse de KyungIl, il attendit qu'elle finisse par rester en place pour le lui dévoiler. La demoiselle récupéra avec grande précaution le tube noir, son visage montrait sans tabou la découverte de ce produit. Comme elle ne savait apparemment pas comment ouvrir la chose, le jeune homme l'aida en retirant le bouchon puis en faisant pivoter doucement la craie rouge. La bouche de Lune s'entrouvrit pour laisser s'échapper un petit bruit, puis elle ausculta avec attention l'objet.

« Qu'est-ce que c'est ? Un crayon pour écrire ?
— Pas tout à fait, Lune. C'est un rouge à lèvres.
— Un rouge à lèvres ? Pour dessiner sur ses lèvres ?
— Hum, en quelque sorte oui. »

La jeune fille approcha alors le stick vers sa bouche en tremblant légèrement, peu assurée.

« Tu as peur ? ria KyungIl.
— N-non ... Je ne sais pas comment m'en mettre.
Le garçon soupira.
Tu es une femme et tu ne sais pas te maquiller ?
— Me maquiller ? Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle, surprise. KyungIl soupira à nouveau.
— Laisse-moi faire. »

Perplexe, elle lui tendit doucement l'objet mystérieux, le soldat respira un coup, quelle idée de se vendre comme professionnel du maquillage. Néanmoins, il désirait voir sa petite princesse plus mature, le temps d'une soirée, et ce à l'aide du rouge a lèvres. Il s'approcha donc du visage de la demoiselle, et commença à appliquer avec précaution le produit cosmétique. Étrangement, Lune se détendit, elle ferma ses yeux et sourit au contact de l'étrange pâte qui venait s'accrocher à ses lèvres. La poitrine du jeune homme en revanche ne faisait que de serrer et brûler aussi rapidement qu'un feu d'incendie. KyungIl essaya de rester le plus concentré possible pour ne pas déborder ou gâcher quoi que ce soit de l'œuvre d'art qu'il fignolait désormais.

« Lune, pince doucement tes lèvres maintenant. »

L'adolescente s'exécuta, toujours les paupières closes et un sourire vissé au visage. Elle se décida à ouvrir doucement ses yeux pour pouvoir observer le résultat, mais les écarquilla soudainement de surprise; KyungIl avait pris possession de ses lèvres en ayant attrapé son visage entre ses paumes, il l'embrassait. Lune demeura figée durant quelques secondes, un sentiment nouveau grandissait d'une vitesse folle dans son être. Alors, elle se laissa guider par son beau Soleil, en croquant à son tour dans les croissants de chair de ce dernier. Le jeune homme fut agréablement surpris par ce retour, sa peau rougit davantage et il laissa leurs bouches se mouver lentement. Leurs doigts se frôlèrent pour attraper les mains de l'autre et se blottir contre leur foyer de chaleur commun qui ne cessait d'augmenter de température. Leurs visages s'épousaient dans la pénombre, ils n'avaient besoin de rien, simplement d'eux. Leurs gestes étaient doux, ils semblaient s'écouter sans avoir à utiliser les mots, leurs souffles et leur contact suffisaient à la compréhension.
Ils terminèrent leurs baisers dans le petit coin habituel de la cabane, l'un contre l'autre, silencieux, épanouis et innocents comme deux gamins. Lune leva la tête pour observer le soldat. Il était recouvert de peinture rouge aux couleurs du petit tube, mais ne semblait pas s'en être aperçu. La jeune fille ria doucement puis se reposa de nouveau contre le torse de Soleil, presque endormi. Quel cadeau, songea-t-elle avant de rejoindre le garçon dans les bras de Morphée.

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