1.La BMS
Il est cinq heures du matin et je suis déjà levée depuis trois bonnes heures. À la BMS, la Brigade de la Magie et du Surnaturel, on ne compte pas ses heures. Ou, plus justement, on oublie de compter, le résultat foutrait la migraine. Mon job fait partie de ceux qu'il faut aimer – vraiment aimer – sans quoi, on se fait vite dézinguer.
Dire que je suis bien réveillée serait un brin optimiste. J'ai passé une nuit trop courte et trop agitée ; cela ne doit pas manquer de se remarquer. Traits tirés, yeux bouffis et cheveux sales, que j'ai tout de même tenté de discipliner dans un chignon strict. Prendre une douche n'aurait pas été du luxe, mais chez nous, on ne gaspille pas son temps en savon parfumé.
Je vérifie encore une fois que mon rutilant Benelli M4 Super 90 est bien chargé et que je dispose d'assez de munitions pour ce qui est à venir. La cartouchière fixée à la ceinture de ma combinaison est si lourde que je pourrais monter un coup d'État à moi toute seule. J'ai de bonnes raisons d'être lestée de plomb : lorsqu'on bosse à la BMS et qu'on côtoie la folie et le meurtre chaque jour, on ne lésine pas sur les moyens. Au risque d'y laisser sa peau. Et son cerveau. Au propre comme au figuré.
À mon poignet, la LED verte incrustée à ma manche est allumée, preuve que le bouclier qui m'enveloppe de sa gangue protectrice et empêche la magie de m'affecter est en marche. Chacun de mes hommes en est équipé. C'est une mesure de sécurité vitale pour les membres de la BMS.
Je porte mes doigts à ma tempe avant d'appuyer sur le bouton de mon oreillette.
— Okay, les gars, récap'. Le suspect est sans doute un IT. Je n'ai donc pas besoin de vous rappeler qu'il est dangereux. Nous n'avons aucune idée de l'étendue de ses pouvoirs donc je ne veux personne qui se la joue Chuck Norris pendant l'intervention, compris ?
Dans l'appareil intra-auriculaire, les voix désincarnées de mes équipes d'intervention grésillent. Les gars ronchonnent leur agrément et tout redevient calme.
Certains diraient « trop », mais j'ai toujours apprécié ces brèves secondes d'accalmie avant la tempête. Elles me recentrent, façonnent ma concentration, tamisent tout ce qui provient de l'extérieur et qui m'est inutile, canalisant mon faisceau intérieur sur ma cible.
Je savoure l'instant d'une profonde inspiration. Je n'ai pas peur. Je suis sereine, c'est mon élément. Je sais que je fais le métier le plus dangereux de ma génération, pourtant, je suis fière d'être là où je suis aujourd'hui. Fière d'être l'un des inspecteurs les plus jeunes et plus prometteurs de mon époque, toutes brigades et tous départements confondus.
Je sens l'adrénaline monter un degré après l'autre, remplir mes veines, bouillir mon sang et faire accélérer mon cœur. Je vendrais mon âme pour une clope. C'est con, j'ai arrêté.
Quelle foutue idée !
À la place, je gobe l'un de ces chewing-gums à la nicotine qui a l'air de me faire autant d'effet que si je voulais me shooter à l'Evian.
D'après nos toutes dernières informations, le suspect s'est réfugié dans ce vieil entrepôt de produits importés chinois, à l'écart de la ville. Au moins, aucun civil ne sera touché. De toute façon, l'assaut aurait pu avoir lieu en plein centre-ville, il n'y aurait pas eu un chat ; les civils ne se frottent pas à la magie. Ils l'évitent comme le choléra ou la peste. Et ils ont raison...
Une légère brise dégage quelques mèches de mon chignon. Je replace dans mon casque celles qui me bouchent la vue et, relâchant mon souffle, je me mets debout.
Le bruit de mes pas est étouffé par le caoutchouc spécial de mes bottines renforcées. Même les flaques d'eau qui crèvent le sol n'émettent qu'un très faible clapotis lorsque moi et les trois autres policiers d'élite de mon détachement marchons dedans.
Ce soir, nous nous sommes séparés en trois groupes de quatre. L'un s'est placé sur la verrière du toit, prêt à en briser la surface, et l'autre prend la porte de service. Mon détachement passera par l'entrée principale.
Nous nous arrêtons devant la porte de hangar. Michael et Lucas se placent de part et d'autre des lourds battants coulissants, mains sur les poignées, tandis que Bérénice, la seule autre femme de l'équipe, couvre mon flanc droit. Je cale mon Benelli contre le kevlar qui protège mon épaule. La prise sur mon fusil est sûre. J'ai fait ça des dizaines de fois.
Je fixe le jeune homme aux yeux pétillants qui tient l'une des poignées. C'est la première intervention de Lucas sur le terrain. Je sens qu'il trépigne dans sa combinaison. Un peu plus et il foncerait tout seul dans l'entrepôt et me ramènerait le suspect entre ses dents comme un chiot joueur et surexcité.
Son aîné, Michael, me sourit puis me lance un clin d'œil. Je lève les yeux au ciel, mais mon sourire en coin ne lui a pas échappé. Ce doit être les seuls gars au monde à aimer les risques liés à leur métier. À courir chaque jour vers une mort certaine et à en redemander. Je n'aurais pu rêver une meilleure équipe.
Je ferme un instant les paupières, et les rouvre. Ma propre détermination se reflète dans les yeux de chacun de mes hommes. Si un regard pouvait faire fondre le métal, je suis certaine que la porte de l'entrepôt aurait déjà été percée par les nôtres.
— Go, murmuré-je pour mon groupe et ceux à l'autre bout de mon oreillette.
Une poignée de secondes plus tard, la verrière de l'entrepôt explose et la première équipe se jette dans le vide à l'aide de filins métalliques.
La deuxième équipe a fait voler la porte arrière. Des coups de feu retentissent.
Merde, déjà !?
L'adrénaline dans mes veines a atteint son apogée. Les tripes nouées, je lance mon équipe d'un mouvement du menton.
Les regards sont durs. Concentrés.
Les portes glissent dans un rugissant éclat de métal rouillé.
À l'intérieur, les balles volent. L'obscurité est déchirée par les flashes des fusils d'assaut. Le bruit est assourdissant.
Des cris. Des râles.
Je ne vois rien, mais j'entends tout. Et ce que j'entends me glace le sang. Je me jette dans la mêlée suivie par Michael, Lucas et Bérénice, qui ferme la marche.
Le feu des automatiques crache comme un 14 juillet.
Pourquoi mes équipes se sont-elles mises à tirer comme dans la scène centrale d'un vieux western ?
Il n'y avait qu'un seul suspect, une balle dans la tête suffisait. Pour ce genre de cas, on abat sans sommation. On ne peut plus rien pour les IT, ceux qui souffrent d'infections en phase terminale
J'appuie sur mon oreillette.
— Équipe Bravo, rapport !
Mais seul le sifflement des balles me répond. Je tente à nouveau :
— Équipe Charlie, combien sont-ils ? Répondez !
Sans succès.
Un jet de magie me frôle le côté de la tête. Je me jette au sol et, dans un roulé-boulé, me relève. Main sur mon casque, je tapote sur un bouton afin d'augmenter la luminosité de ma visière. Rien ne se passe.
Merde...
Le jet a dû griller le système. Tant pis, je vais devoir y aller à l'ancienne. J'avise une pile de lourdes caisses de bois et plonge derrière. Mes semelles craquent sur des dizaines de paquets de nouilles instantanées éventrés.
Mais c'est quoi ce bordel !
Les cris retentissent et se déploient en échos dans le grand espace. J'ignore ce qu'il se passe. J'ai l'impression d'être une gamine qu'on aurait perdue dans une fête foraine. Sauf qu'ici, les manèges sont bien moins divertissants et les stands de tir balancent des plombs de plus gros calibres.
Un coup brusque contre mon épaule m'apprend que l'un de mes hommes vient de s'affaler à mon côté.
Michael grimace en soufflant comme un taureau. De larges perles de sueur gouttent de son casque à visière. Empressé, il défait le clip sous son menton et le jette au sol. Un trou fumant l'a presque entièrement traversé.
— Putain, c'est pas passé loin !
— Remets ton casque, Mika ! lui ordonné-je. Tu vas te faire zigouiller !
Dans un geste machinal, il passe la manche de sa combinaison sur le front. Ses cheveux bruns mêlés de sel sont collés à son crâne par la transpiration.
— Y a un trou gros comme un cul de baleine dedans, je crois que je suis mieux sans.
Je le fusille du regard, mais capitule. À la place, je demande :
— Il se passe quoi, devant ? Je pensais que le suspect était seul ?
Michael hausse les épaules avant de vérifier son chargeur, qu'il replace dans un léger « clic » métallique.
— J'sais pas, cheffe.
— Où sont les autres ? Les communications semblent bloquées. Des nouvelles du QG ?
— Si tu veux mon avis, on est tombés dans un foutu piège.
Une caisse explose au-dessus de nos têtes. On s'aplatit au sol par réflexe avant que l'un de nous deux ne perde une précieuse partie de sa boîte crânienne. Il se met à pleuvoir des nouilles. Mika redresse la tête. Il attrape un agglomérat sur mon épaule et le porte à sa bouche.
— Crevette. Mes préférées, m'indique-t-il avec un sourire.
Je l'ignore. Je n'ai pas le cœur à plaisanter. À vrai dire, l'humour et moi, on n'a jamais vraiment accroché. C'est pas faute d'avoir essayé pourtant.
— On va contourner les caisses, et les prendre à...
Une nouvelle explosion nous écrase sur la dalle. Des éclats de bois entaillent la face de Mika.
— Remets ton casque !
Mais cette fois, mon coéquipier voit rouge. Il grogne, ses épais sourcils froncés, la bouche tordue de contrariété.
— Ils vont pas continuer longtemps à nous canarder comme des dindes à Thanksgiving, c'est moi qui te l'dis.
Et avant que je n'aie le temps de l'attraper par le bras pour le retenir, il contourne notre abri de fortune puis s'élance dans un cri de guerre magistral. Son chargeur se déverse dans l'obscurité de l'entrepôt. Les balles sifflent, hurlent, crachent. S'il y avait des adversaires en face, ils sont désormais aussi troués que des râpes à fromage. Personne ne riposte. Je me redresse, les doigts grippés sur mon fusil comme une vieille chaîne de vélo rouillée.
Sur les lèvres de Mika, un léger sourire.
Puis un éclair. Son corps s'affaisse et percute le sol. La moitié de son visage a fondu. Son œil encore intact se pose sur moi. Je plaque une main contre ma bouche pour ne pas hurler.
Je crois que je n'ai jamais rien vu d'aussi dégueulasse.
Je connais Mika depuis mon entrée dans la brigade. Une tête brûlée de cinquante piges qui carbure un peu trop aux blagues salaces et aux chemises à motifs floraux. Le premier à m'avoir acceptée ; le premier qui n'a pas bronché lorsqu'il a fallu travailler sous les ordres d'une femme.
Je détourne le regard, le visage fondu de Mika en impression 3D sur ma rétine. Mon estomac fait un bond, ma langue goûte la bile. Seule ma volonté empêche mes larmes de dévaler mes joues.
Mika...
L'entrepôt redevient silencieux. Pas le silence d'avant le grand saut, non, un silence pesant, presque palpable, qui sent la mort.
Je me relève, peinant sous le poids de mon équipement. Mes jambes flageolent ; je n'avais jamais perdu un coéquipier auparavant. Ça fait un mal de chien. Un mal qui te donne envie de crever ou de crever l'ordure qui vient de le buter.
Je serre les dents. Mon Benelli bien en main, je sors de ma planque, clairement décidée à vendre ma carcasse à un prix exorbitant.
Devant moi, il n'y a plus que deux silhouettes sombres se détachant sur les ténèbres de l'entrepôt. L'une est enveloppée dans une combinaison de la BMS, l'autre porte une simple tenue de ville : jeans, T-shirt, baskets. Je la mets en joue.
— Inspecteur Defontaine, BMS ! Je vous demande de vous éloigner de mon coéquipier et de placer vos mains sur votre tête ! Dans trois secondes, je tire !
Le fusil-mitrailleur saute brusquement de mes mains. Hors de portée.
Putain de magie !
Je ne me démonte pas et sors un large coutelas du fourreau attaché à ma cuisse. Je fléchis les genoux, lame en avant.
— Où sont vos associés ? Vous n'étiez pas seul.
— Si, je l'étais. Mais vous m'avez sous-estimé. Vous, les types de la Brigade Surnat', vous vous pensez invincibles dans vos belles combinaisons anti-magie. Vous n'êtes pas des super-héros, vous n'êtes qu'une bande de couillons shootés à l'adrénaline.
Une lumière crue illumine soudain l'entrepôt.
Je bats des cils et, lorsque mes yeux réussissent enfin à s'habituer à mon nouvel environnement, je retiens mon souffle. Mes doigts se resserrent convulsivement sur le manche de mon couteau.
Autour de l'IT, les membres de mon équipe sont éparpillés comme des paquets de linge sale. Dix corps sans vie. Leur sang macule le béton brut et continue sa lente progression. Je marche dedans. Un mouvement instinctif me fait reculer hors de la mare de sang. Mon estomac se retourne violemment et je vomis la seule chose que contient mon estomac : du café. Le goût est âcre, amer, mais pas autant que la culpabilité qui déferle brusquement dans ma poitrine.
Marc, mon commissaire, m'avait conseillé d'attendre. Nos infos étaient trop minces. Je lui ai dit de me faire confiance.
« Je sais ce que je fais », lui ai-je rétorqué.
Il m'a suivie, aveuglément, tandis que je menais ses hommes, mes hommes à l'abattoir.
— On a l'estomac fragile ? me lance l'IT, le regard brillant d'humour, tandis que, suspendu à quelques centimètres du sol, au bout de son bras, les yeux terrifiés de Lucas sont fixés sur moi dans une prière muette.
Son visage vire progressivement au cramoisi, mais il est vivant. Je tends mon coutelas vers l'avant, galvanisée par l'idée que l'un des miens soit encore en vie et qu'il me reste une chance de le sauver.
— Lâchez-le !
— À quoi bon ? Sa combinaison est inactive et je l'ai touché. S'il vit, la BMS devra l'exécuter d'ici quelques semaines.
Je baisse les yeux sur la LED au poignet de Lucas. Elle est éteinte.
Merde !
Des larmes coulent sur les joues du jeune homme. Il tremble, gémit et suffoque tout à la fois. Sa terreur m'assèche la bouche.
— Ne crains rien, Lucas, lui lancé-je sur un ton doux, malgré ma gorge sableuse. Je vais te...
Un craquement sinistre retentit dans l'entrepôt, et le corps du jeune policier s'écroule comme une poupée de chiffon.
Je hurle.
— Ne faites pas de promesse que vous ne pouvez pas tenir, répond l'homme en se frottant les mains comme pour les dépoussiérer.
— Espèce de sale pervers dégénéré ! Je vais...
— Relativisez, inspecteur. Dites-vous que je viens de vous ôter une corvée future.
— Vous n'êt...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase ; d'un battement de cils, l'homme a parcouru les quelques mètres qui nous séparent et m'attrape à mon tour par la gorge. Son autre main m'a déjà empoigné l'avant-bras, m'empêchant de lui porter un coup de couteau.
L'air commence à me manquer tandis que je me débats vigoureusement.
Il me sourit. De ce sourire fou, commun à tous ceux touchés et empoisonnés par la magie. Une pression vicieuse me fait lâcher mon coutelas.
— Et si je désactivais votre si utile champ protecteur, hein ? demande-t-il, sirupeux. Si je l'éteignais, vous laissais la vie sauve et vous admirais, petite fleur dégénérescente, faner avant l'heure ? Ne serait-ce pas merveilleux ? Regarder lentement la magie prendre possession de votre corps et de votre esprit ? Vous contempler alors que votre folie tuera ceux que vous protégez depuis des années ? Je m'ennuie tellement, soupire-t-il dans une imitation dramatique d'un Néron sanguinaire et dépressif.
— Vous... êtes... cinglé, je réussis à formuler, le souffle court.
— Ça, ce n'est pas un scoop, inspecteur.
Il penche légèrement la tête sur le côté, semble réfléchir. Son haleine se dépose sur ma bouche. Si la folie possédait une saveur, elle aurait définitivement ce goût-ci.
D'une pichenette, il remonte la visière de mon casque. Son doigt frôle ma joue, mon nez, mes lèvres. Je ne bouge plus, tétanisée par ce qu'il se passerait s'il me touchait. Ma peur doit elle aussi avoir un goût et une odeur pour lui, puisqu'il semble s'en délecter, les yeux à moitié clos comme un junkie déjà en train de planer à la seule idée que son prochain fix est imminent. Puis ses paupières s'ouvrent sur une nouvelle idée.
— Finalement... vous allez mourir.
Sa seconde main rejoint la première sur ma gorge. Une grimace de concentration fronce ses sourcils tandis qu'il s'évertue à me tuer. Ses doigts m'écrasent. Je suffoque. Mes yeux se remplissent de larmes de douleur, ma vision déraille comme un stroboscope défectueux. Ma mort se reflète dans ses yeux fous. On sait tous les deux que, dans une poignée de secondes, il ne restera plus de moi qu'un pantin désarticulé.
Alors que je sens ses doigts se resserrer inéluctablement sur ma trachée, la pression se détend soudain. Ses mains s'ouvrent. Il me lâche et, dans un cri de douleur, recule en titubant. Ses paumes sont plaquées contre ses tempes. Il hurle comme si quelque chose tentait de sortir de ses oreilles. Son nez se met à saigner. Il tombe à genoux à mes pieds.
Sa magie est en train de le tuer.
Alors que je recule en toussant, le bras de l'IT s'élance vers moi et me crochète la cheville, me basculant sur le dos. Ma combinaison et mon casque amortissent le plus gros du choc, mais je suis sonnée. À bout de forces. J'ignore même par quel miracle je suis encore consciente.
— Je ne partirai pas... seul, inspecteur. Vous... tombez avec moi.
Une seconde main empoigne ma cheville. Il la remonte lentement comme une bouée de sauvetage, se tractant de toutes ses forces jusqu'à mes hanches. Ses doigts agrippent ma ceinture.
Je bats des jambes, mais le poids de mon assaillant est trop lourd pour que je puisse me dégager.
Je tente encore de m'échapper. Mes ongles se plantent dans les irrégularités du sol, mais le sang qui le poisse m'empêche d'assurer ma prise. L'homme est maintenant à hauteur de ma poitrine.
— N'ayez pas... peur. Je vais vous donner... le pouvoir. La puissance... Rien... ne pourra pl...plus vous arrêter.
Ma paume se pose sur un objet métallique. Je resserre ma prise dessus. Je n'aurai qu'une chance.
— Vous verrez... le pouvoir... c'est si... grisant ! Personne pour vous d...dicter votre... conduite. Per...personne pour... vous dire... qu...quoi faire...
Dans un râle, je me redresse et lance mon bras. Les yeux de l'IT s'écarquillent de surprise, puis la douleur prend la place. Il tente de fixer le couteau qui s'est fiché dans sa gorge, mais les nerfs de sa nuque sont sectionnés.
Du sang s'échappe de sa bouche tandis qu'il tousse, qu'il essaye de parler. La moindre goutte de sang sur ma peau nue et je deviendrai comme lui.
Le temps semble suspendu. Et enfin, dans un dernier râle, il s'écroule sur moi.
Je reprends de douloureuses goulées d'air vicié par l'odeur du sang et des tripes. J'en ai la nausée. D'une poussée, je me dégage du cadavre, essaye de me relever. Mais je suis trop faible.
À genoux, les mains à plat dans le sang de mes partenaires, de mes amis, je me sens vidée. Je pleurerais bien afin d'expulser le chagrin, le choc, pourtant, les larmes refusent de monter. Mes yeux sont secs.
On doit nettoyer ce merdier avant que la population ne commence à paniquer. On doit brûler tous les corps.
On ne sait jamais. La magie aime vous surprendre aux plus mauvais moments.
J'appuie sur mon oreillette.
— Marc ?
Quoique anormalement rauque, ma voix est calme. Étrange comme le choc peut refouler le plus puissant des raz de marée émotionnels.
— Defontaine ? Putain de merde, qu'est-ce qui se passe ? On a perdu le contact depuis quarante bonnes minutes !
Est-ce que ma vie, ma carrière viennent d'imploser en seulement quarante minutes ?
Ma gorge se serre. Mes yeux se brouillent. Ma lèvre tremble. Être en vie, ça fait si mal.
Ne craque pas, Defontaine. Ne craque pas.
Demain. Je pleurerai demain.
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