Acte III

La mer.

Laura, avec les yeux rouges et les cheveux en bataille.

Chat, toujours aussi tranquille.

Une bouteille, une feuille de papier, un stylo bleu.

Des mouettes. Des algues.

Un rayon de soleil.

(et un raton laveur) (ah, non, pardon, pas de raton laveur)


Maman dit qu'il y a deux réponses à chaque question.

Voyons : pourquoi vivre ?


Elle enfile une paire de lunettes. Elles appartiennent à son père. Il va râler. Elle s'en fiche.


Le savant dit : on vit parce qu'on naît. Maman a décidé de te faire sortir de son ventre, alors tu vis. Et un jour, la terre voudra te faire rentrer dans son propre ventre, et tu mourras.


Elle enlève les lunettes. Elle a l'air petite, d'un coup.


Mais c'est nul comme réponse. Maman n'a pas le droit de décider pour moi. C'est pas juste.


Elle cueille une algue par terre, et la respire comme si c'était une fleur.


Le poète dit : on vit parce qu'on est. On vit parce qu'on ne sait pas quoi faire d'autre. C'est comme une passe-temps. Une jour, on s'en lasse et on meurt. Ce n'est pas triste. C'est la fin de quelque chose mais le début d'une autre.


Elle jette la fleur (pardon : l'algue) à terre. Chat la regarde. Il ne dit jamais rien : c'est un chat.


Mais c'est nul aussi, comme réponse. J'aime pas. Je veux pas. C'est nul.


Elle montre la bouteille par terre.


Si je pose la question à la mer, elle va me répondre. Il y a toujours des gens qui envoient des bouteilles à la mer. Pourquoi pas moi ?


Elle soupire.


Mais non, c'est pas ça, la question. Tu comprends jamais rien, toi. Il faut toujours tout expliquer.

La question, c'est "pourquoi vivre ?" Le poète et le savant ont déjà essayé. Ils sont nuls.

La mer, elle est pas nulle. Elle est là.

L'eau entend et comprend.

Pas comme les hommes.

Donc je vais lui écrire.

Tu vas devoir m'aider, je suis nulle en grammaire.

Tu me diras, toi aussi. Tant pis.


Elle cherche un rocher un peu plat. Elle sort une feuille et un stylo bleu de sa poche.


Cher autre...


Elle s'applique en tirant un peu la langue.

Puis elle roule la feuille et la glisse dans la bouteille (une bouteille de jus d'orange) (il y a encore l'étiquette) (mais elle l'a lavée avant), qu'elle rebouche.

Elle dépose la bouteille scellée dans les vagues grises.

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