Acte I

La mer.

Une petite fille qui s'appelle Laura. Mais peut-être n'est-elle pas si petite. Peut-être a-t-elle quatre-vingt-deux ans, pas un poil sur le caillou et des taches de vieillesse tout le long du parchemin qui lui sert de peau. D'ailleurs, peut-être est-ce un homme. Qui sait ?

Mais pour simplifier, aujourd'hui, ce sera une petite fille nommée Laura.

Il y a Chat, aussi. Je pense que c'est un chat. Ça pourrait être autre chose, un chien, une poupée, un lapin, une petit frère. J'ai décidé que ce serait un gros chat noir qui s'appelle Chat. Pas de discussion.

Laura est sur la plage avec Chat sur ses genoux. Elle lui parle. Peut-être parle--t-elle toute seule. En tout cas elle parle.


Il y a la mer, et puis il y a les hommes.

Je préfère la mer. Elle est plus simple à comprendre. Elle monte deux fois par jour, elle descend aussi deux fois, à heure fixe. Elle ne se pose pas de question. Elle suit la lune, comme un chien suit son maître (non, je sais, un chat ne fait pas ça, c'est beaucoup plus noble, un chat). C'est tranquille. Elle est là, juste.

Et puis il y a les hommes. Ça, par contre, c'est compliqué. Ça va, ça vient, ça vit, ça crie, ça fait du bruit. Tout le monde se plaint des mouettes, mais ce n'est rien en comparaison. Une mouette, ça crie parce qu'elle a faim. Un homme, ça crie. Je ne sais pas. Pourquoi ils crient ?


Elle rit. Elle a un joli rire. Ça dérange Chat, qui s'en va, la queue dressée de tout le mécontentement du peuple félin.


Les chats, eux, ils sont bien tranquilles. Ils ne font rien. Ils passent leur journée à se prélasser au soleil.

J'aimerais bien être un chat.


Chat se retourne, s'assoit et la regarde fixement. Il a l'air sérieux, c'est légèrement flippant.


Là, tu me regardes et tu me juges. C'est méchant. Les chats sont méchants. Laisse, je ne veux plus être un chat. Je ne suis pas méchante. C'est pas vrai.

Et là, tu te dis : qu'est-ce qui est vrai ? Est-ce que la vie est vraie ? Parce que moi, je suis là, j'ai mes pensées, et je pense que tu penses que je pense que tu penses que je pense que tu penses que je suis folle à vouloir être une chat et à me poser des questions bizarres. Mais toi aussi, tu penses ! Tu connais des gens, des chats, que je ne connais pas. Tu as ton propre monde et j'ai le mien. Où est la vérité : dans ton monde ou dans le mien ? Y a-t-il un monde supérieur à l'autre ?

Toi, tu répondras toujours que le monde des chats est supérieur à celui des hommes.

Moi, je boude.


Une voix dans le lointain. Son père, son frère, sa mère, la voisine, un vieux monsieur, un monstre, une licorne ?


Laura, à table !


Elle se lève précipitamment, prend Chat dans ses bras et court vers la voix.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top