Andréa s'écarta lentement du jeune homme qu'il venait d'embrasser. Morgan avait sentit le rouge monter à ses joues et son coeur s'était emballé au contact de leurs lèvres. Il fixa les yeux jaunes du responsable et peinait à reprendre son souffle. Il ne serait jamais attendu à un tel baiser. Et maintenant, il regrettait déjà que le marquis s'éloigne à nouveau de lui. La chaleur qu'il avait ressenti se dissipait peu à peu et il frissonna. Andréa observait la moindre de ses expressions faciales qui défilaient à toute vitesse sur le visage de Morgan avec un petit sourire en coin. Il lui avait fait de l'effet et ça le satisfaisait grandement, du moins, pour l'instant. Il avait toujours en tête un tas d'envies à assouvir et à partager avec le jeune homme. Mais il saurait attendre. Alors qu'il commençait à se lever, Morgan le retint et le tira à lui. Il plaqua ses lèvres sur celles du marquis qu'il savoura avec délice. Il le mordit légèrement et glissa sa langue sur celle de l'autre. Andréa fut surpris d'une telle réaction de la part de Morgan mais prit grand plaisir à partager son souffle avec le sien.

Au bout de plusieurs minutes d'embrassades intenses, les deux hommes éloignèrent leurs bouches l'une de l'autre sans se quitter des yeux. Le marquis était plus que ravi de leur proximité mais commença peu à peu à s'interroger sur les raisons d'un tel acte. Aux dernières nouvelles, Morgan était toujours fiancé. Un doute le saisit et il se mordit la lèvre avant d'en informer l'objet de son désir. Le jeune homme grimaça, le souvenir de sa rupture était encore douloureux pour lui. Non pas qu'il lui reste quelque sentiment pour la blonde mais la trahison qu'il avait subi de la part de deux personnes autrefois importantes pour lui était comme un coup de poignard dans le coeur.

– Lucinda... Elle... Elle n'en avait jamais rien eu à faire de moi, finalement... Je... J'étais seulement le gars sympa et utile à la maison...

– Je... Je suis désolé... Moi aussi je t'ai utilisé...

– C'était un travail payé, ça n'a rien à voir ! Et puis, vous... Enfin, tu... Tu as pris soin de moi, aussi... C'était un peu bizarre au début mais... C'était très agréable...

Le marquis sourit faiblement. Morgan était si touchant. Les âmes gentilles comme lui tombaient bien trop souvent sur de mauvaises personnes. Avait-il le droit de le désirer encore ? Il avait déjà souffert. Tous les deux avaient souffert. Ça prendrait du temps, pour l'un comme pour l'autre d'aller mieux. Pouvaient-ils espérer d'aller mieux, ensemble ? Andréa avait l'air inquiet. Comme si le jeune homme avait lu dans ses pensées, il lui sourit et déposa un chaste baiser sur sa bouche. Tout irait pour le mieux.

Quelques jours plus tard, Morgan retourna en ville. Il remarqua que le corps du comte avait disparu et se demanda brièvement si le marquis l'avait enterré ou si le Solitaire était toujours dans les parages. Une fois à Loiziduc, il croisa Gontran avec qui il discuta. Heureusement qu'il avait remis ses habits ordinaires. Le costaud lui parla d'un étranger qui rôdait dans la région. Il le trouvait un peu bizarre alors il préférait en avertir son ami. Selon Gontran, il avait l'air d'un brigand et lui-même avec sa taille de géant se sentait petit à côté. Au souvenir de sa rencontre avec le chevalier Seth, Morgan eut un léger malaise. En effet, c'était un homme épouvantablement grand. Le jeune homme de tarda pas à Loiziduc. Il préférait prévenir au plus tôt le marquis de la présence du chasseur dans la région.

Dans la cité grise commencèrent à courir des rumeurs. Un célèbre chasseur de prime en avait apparemment après un noble qui était venu se réfugier dans les quartiers les plus pauvres. Au prémices de ces murmures, les habitants avaient d'abord pensé que le noble en question était le marquis, mais il s'était vite avéré qu'il s'agissait en réalité d'un autre homme. Les gens espéraient que l'inconnu ne tarderait pas à attraper son fugitif et qu'il repartirait bien vite. L'hospitalité n'avait jamais été leur point fort. Et la réputation du Chevalier Solitaire était suffisamment connue de tous pour ne pas vouloir l'avoir comme voisin trop longtemps. On disait qu'il avait tendance à ne pas se faire de soucis en terme de dommages collatéraux, qu'il s'agisse de dégats matériels ou de pertes humaines.

Seth, qui avait pour habitude de se prendre pour un ange vengeur, déambulait dans les bas-quartiers dans l'espoir faible de trouver un témoin à la mort du comte Ignace. En effet, il était parvenu à la maison en ruine où celui-ci séjournait depuis quelques temps déjà et avait trouvé la dépouille énorme et odorante d'un loup géant. Ignace était donc mort et ce n'était pas de son fait. La seule autre personne qui aurait été capable d'abattre un monstre de cette taille était soit un autre chasseur de loup-garous, soit un loup-garou comme... Le marquis. Le Margrave de Hlodwig était donc coupable de crime. Le Solitaire hocha la tête. Cette conclusion lui plaisait davantage, il n'aurait aucun remords à l'exécuter à son tour. Quoiqu'il eut hésité à leur dernière rencontre à cause de la présence d'un jeune homme blessé. Il décida de s'occuper avant tout de cette nouvelle fourrure. Après tout, même s'il ne l'avait pas obtenue par lui-même, il ne fallait pas gâcher une si belle occasion de s'enrichir.

Quand il retourna à l'auberge où il avait pris une chambre, il croisa un vieillard boiteux qui parlait très fort dans la salle principale. À l'entendre, il avait travaillé au manoir. C'était peut-être l'occasion d'en savoir d'avantage sur l'invité aux bandages d'Andréa. Il s'installa donc à sa table et lui offrit nombreux verres, l'incitant subtilement à lui dévoiler les fréquentations du marquis. En une soirée, il ne parvint pas à savoir qui était le jeune homme qu'il avait vu mais apprit tout de même que le Margrave vivait seul avec sa bonne. Au moins, Seth se préparait mentalement à devoir s'occuper de deux potentiels témoins. Ce n'était pas tant que ça. Il tordit sa bouche en un étrange et dérangeant sourire comme il en avait l'habitude quand il songeait à ses exploits passés.