Acte IV - Scène 4 : Le coeur du marquis
Morgan se réveilla en sursaut. Un bruit de porte fracassée l'avait sortit brusquement de ses rêves désormais flous. Il entendit le marquis dévaler les escaliers et très vite, le bruit de lames s'entrechoquant parvint jusqu'à ses oreilles. Il se leva de son lit avec difficulté. Son corps était encore endolori et légèrement ensommeillé mais son instinct le poussait hors de ses draps. Il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait en bas mais il sentait qu'il devait y être. Il s'arrêta à la porte de sa chambre, la main posée sur la poignée. N'était-il pas encore enfermé ? Il ne se rappelait pas avoir entendu la clé à la dernière visite de son maître. Il tourna doucement et la porte s'ouvrit. Il était libre.
Le jeune homme descendit les marches en s'agrippant à la rampe. Le combat qui avait lieu en bas semblait provenir de l'entrée. Personne ne remarqua sa présence. Un homme immense surplombait Andréa et était sur le point d'abattre son épée sur lui. Morgan se précipita et s'interposa avant l'instant fatidique. Il s'était déplacé sans même en avoir réellement conscience. Il ne pouvait rien faire d'autre que protéger son maître de son corps et il l'avait fait, sans même y songer. Confus, Seth arrêta son mouvement et recula d'un pas. Il avisa les bandages du jeune homme que l'on pouvait voir sous sa chemise entr'ouverte. Il rengaina son arme et s'en alla sans un mot. Il avait prévu d'abattre un homme-loup, pas un gamin blessé, aujourd'hui.
Le marquis, au sol, relevant la tête et croisa le regard inquiet de son sauveur. Il était venu et l'avait protégé de façon tout à fait idiote. Mais ça avait été suffisant pour faire partir le Chevalier. Celui-ci n'était peut-être pas si cruel, finalement ? Il secoua la tête pour reprendre ses esprits, Morgan l'observait toujours et l'aida à se relever. L'homme était davantage blessé que lui, à présent. Le domestique le mena à l'étage alors que l'autre grognait presque à chaque pas. Malgré ses propres blessures, il nettoya et pansa les plaies sanguinolentes du marquis. Étrangement, ce dernier se laissa faire assez calmement.
Andréa admirait le visage doux et l'air concentré de Morgan. Voir ses yeux gris-verts si attentif avait un effet apaisant. Il ne voyait chez le jeune homme que beauté et perfection. Ses cheveux longs tombaient sur ses épaules claires et Morgan les repoussa en arrière, d'un geste, afin de ne pas être gêné. Son visage, bien qu'imberbe, reflétait plus de maturité qu'il n'en avait remarqué jusqu'alors. Il s'était efforcé de voir une femme sur cette peau si lisse pour parfaire sa vision idéale de bonne à tout faire. Mais à y regarder d'aussi près, le jeune éphèbe était véritablement un homme. Un homme tendre et attentionné. Une personne douce et splendide, au coeur d'or... Au coeur inaccessible... Andréa soupira et son regard s'assombrit. Décidément, son désir devenait toujours plus fort et la réalité s'abattait sans cesse sur ses espoirs.
– Vas-t'en...
– Qu... Quoi ? Vous croyez que je vais vous laisser dans cet état ? Et cet homme... Il reviendra finir ce qu'il a commencé !
– Rentre chez toi, Morgan... Tu n'es pas à ta place ici... Entre lui et moi c'est... Quasiment personnel, alors ne lui donne pas une raison de s'en prendre à toi... Je te libère de tes engagements.
– ... Je suis libre, vraiment ? Hors de question que je vous abandonne. Puisque je suis libre d'aller où je veux, je reste.
– ... Tu es vraiment têtu...
Le marquis ferma les yeux en soufflant. Ce garçon était vraiment borné. Morgan sortit pour le laisser se reposer et referma doucement la porte. Andréa aussi était borné, après tout. Il jouait les mâles dominants mais dans son état, il était juste comme un poids mort. Il sourit à la pensée que Morgan avait décidé de rester alors qu'il était libre de partir. Ce n'était peut-être pas si mal d'avoir... Une infirmière à domicile... Le blessé faillit rire alors que son imagination lui présentait son domestique dans un nouvel uniforme de travail, toujours composé de jupe qui laissait voir les fines jambes nues de Morgan. C'est avec cette image en tête qu'il s'endormit. Ses fantasmes le bercèrent délicatement jusqu'à un réveil quelque peu forcé.
Surpris, le marquis se redressa sur son lit avant de grimacer de douleur. Sa plaie se remit à saigner et il s'en voulut de l'avoir oubliée. Morgan était là et venait de poser un plateau à côté du lit. Il s'excusa de l'avoir réveiller en sursaut. Il avait lui-même encore quelques bandages mais avait fait l'immense effort de remettre sa tenue de travail, au plus grand plaisir de son maître. Le jeune homme s'occupa à nouveau des blessures d'Andréa, avec grand soin, comme tout ce qu'il faisait. Le Margrave apprécia chacun de ses gestes ainsi que la douceur de ses mains effilées qui glissaient sur sa peau meurtrie. Morgan s'arrêta un moment, comme troublé. Il repensait à l'imposante cicatrice au dos du marquis. Ce n'était pas le résultat d'un duel à l'épée, il en était convaincu. Il se mordit la lèvre et finit par interroger le marquis, après un long conflit intérieur. Après tout, celui-ci lui avait fait comprendre que leurs engagements ne tenaient plus.
– La cicatrice... Sur votre dos... Comment a-t-elle été faite ?
– Le comte. C'est le comte Ignace qui me la faite.
– Mais... Mais ce n'est pas... Une plaie nette comme celle-ci...
– ... Tu te souviens du loup gris ? Bien sûr que tu t'en souviens, il a voulu te tuer...
Morgan frissonna à l'évocation de ces attaques. Le marquis osait se dévoiler à lui. Enfant, il avait été envoyé en forêt par ses frères qui avaient espéré qu'il n'en revienne jamais. Mais au coeur de ces bois, il avait fait connaissance avec le comte. Et sa vie entière en avait été bouleversée.
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