Acte III - Scène 4 : Une vieille bibliothèque
Comme prévu, le vieux jardinier était parti tôt, accompagné du marquis. Il avait posé de nombreuses questions gênantes qu'Andréa avait ouvertement ignorées, prétextant vaguement qu'il ne comprenait pas un mot qui sortait de la bouche du vieillard au patois d'antan. Le boiteux avait été déçu de ne pas voir la domestique. Morgan avait pris soin de rester caché dans sa chambre. Le regard désireux du vieil homme le mettait terriblement mal à l'aise. Il en était même venu à penser que le regard similaire du marquis était moins dérangeant. En repensant à son maître, il se sentit légèrement fébrile. Ses yeux le traversaient, parfois, avec tant d'avidité qu'il se sentait faiblir face à lui. Il frissonna au souvenir de la proximité qu'ils avaient parfois et des mains douces et chaudes du grand homme alors qu'il pansait ses blessures...
En attendant le retour du Margrave, Morgan s'efforçait de recoudre son bas déchiré, il n'avait pas eu le temps de s'en occuper et sortir les jambes nues ne l'enchantait guère. Il regardait distraitement par la fenêtre et observa d'épais nuages sombres qui affluaient à l'horizon. Très vite, ils descendirent de la montagne et le sommet devint invisible. Les arbres aux feuilles vertes devinrent entièrement noirs. Puis, quelques gouttes éparses commencèrent à tomber et vinrent glisser sur les carreaux de sa fenêtre. L'averse drue ne se fit pas attendre. L'eau martelait désormais toute la façade donnant sur le jardin et son chant résonnait tristement dans la demeure. Le jardin allait devoir attendre plus longtemps encore. Morgan songea que ce n'était pas plus mal, il devait négocier une tenue plus appropriée avant de commencer.
À son retour, le marquis était trempé jusqu'aux os et son humeur était maussade. Ses habits collaient tant à sa peau qu'il commanda à son domestique de l'aider à le dénuder. Étonné par cette demande mais ne souhaitant pas entamer l'irritabilité de son maître, Morgan s'exécuta. C'était la première fois qu'il le voyait sous cet angle. Le dos nu et musclé de l'homme le rendait plus imposant que jamais. Morgan se surprit lui-même à laisser sa main plus longtemps que nécessaire au contact de sa peau. Cette peau magistralement blessée. Une profonde entaille courait à sa surface et le jeune homme ne put s'empêcher de la parcourir du bout du doigt. À cette caresse, Andréa se retourna vers lui et un sourire s'étira sur son visage. Sans commentaire, il continua d'ôter ses vêtements gorgés d'eau, se mettant entièrement nu face à sa bonne. Il aurait pu se sentir vulnérable, mais ce n'était pas le cas. En contraire même, il se sentait parfaitement en confiance. Morgan, qui ne s'était pas vraiment attendu à le voir totalement dévêtu, mit un certain temps à détourner son regard gêné. Il était confus d'avoir pu admirer le corps si bien bâti de son maître et il sentit son visage brûler et sa gorge s'assécher. Il parvint à sortir une tenue sèche de l'armoire et rassembla celle, trempée, qui gisait au pied de l'homme nu avant de sortir pour le laisser se rhabiller seul.
La pluie semblait s'éterniser. Le marquis présenta alors une nouvelle pièce à son domestique, jusqu'alors fermée à clé en permanence. Il s'agissait d'une bibliothèque qui aurait fait pâlir d'envie n'importe quel libraire. Et qui, en même temps, l'aurait dépité à un point inimaginable. Les immenses étagères montaient jusqu'au plafond et une échelle permettait d'avoir accès aux derniers ouvrages. Le marquis s'installa confortablement dans un fauteuil devant une petite table où il commença à rédiger ses mémoires tandis qu'un nouveau défi s'offrait à Morgan. Il allait devoir dépoussiérer tous les livres et les reclasser. Il commença par les retirer des étagères courbées sous leur poids. Perché sur l'échelle, il retirait les ouvrages du mieux qu'il pouvait. Le marquis s'amusait beaucoup de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il regardait le jeune homme se débattre près du plafond et appréciait avec délice la vue sur les fines jambes et les dessous apparaissant parfois derrière les jupons. Il se mordit légère la lèvre alors qu'il commençait à se sentir à l'étroit sous la ceinture. Sa bonne lui faisait un effet fou, il allait devoir trouver un moyen de remédier à ça...
Il s'efforçait de reprendre contenance, au cas où l'objet de son désir regarderait dans sa direction et se leva pour faire quelques pas. Il observa du coin de l'oeil Morgan qui tentait de retirer un énorme grimoire du dernier étage. Il vacilla sous le poids du conséquent volume et le lâcha en même temps que l'échelle à laquelle il se tenait. Andréa se précipita non pas pour rattraper le précieux manuscrit mais pour réceptionner son précieux serviteur. Celui-ci atterrit dans les bras puissants de son sauveur dans une position digne des plus belles histoires de princesses. Le coeur battant à cause de sa chute soudaine, Morgan s'agrippa à son maître le temps de retrouver ses esprits. Il était surpris par la facilité qu'avait eu son protecteur à le récupérer. Troublé, son regard perdu croisa les yeux verts aux reflets jaunes de l'homme qui le portait toujours. Ils avaient toujours sembler si froid mais ils reflétaient une légère inquiétude et autre chose. Quelque chose qu'il n'avait vu que chez une personne auparavant. Dans ce nouveau regard, une envie profonde s'était ancrée, la même que celle qu'il avait pu observer dans les yeux de Lucinda lors de leurs nuits d'amour.
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