Acte I - Scène 5 : La dernière chance
Morgan traversa les restes en ruine de ce qui avait autrefois appartenu à Loiziduc. Ces bas quartiers avaient été peu à peu abandonnés à cause de leur proximité avec la forêt et il ne restait que des murs de pierre tenant encore debout avec difficulté. La zone avait été entièrement délaissée au tout début de la construction du mur. Arrivé au dernier muret avant les bois, le jeune homme l'enjamba et longea les arbres en direction du nord. Sur sa route, il croisa une énième victime du marquis qui lui apprit qu'il avait été le dernier et qu'il n'avait croisé personne d'autre. Au bout d'une bonne dizaine de minutes, il aperçut enfin le sentier qu'il guettait. C'était un étroit chemin de terre nullement entretenu. Des touffes d'herbes apparaissaient régulièrement, cachant la trajectoire parfois sur plusieurs mètres. Heureusement, Morgan avait une excellente vue et parvenait sans mal à trouver sa route à travers les broussailles et autres fougères.
Il chemina longuement, évitant soigneusement de glisser sur le sol encore humide de l'averse précédente. Enfin, il déboucha sur ce qui semblait être une clairière. Bien que les arbres soient très écartés les uns des autres, le ciel semblait s'être assombri soudainement. La demeure ancienne semblait s'agiter sous le vent léger et froid. Un frisson parcourut l'échine de Morgan. Cet endroit était... Inquiétant. Si un éclair avait jailli pour fendre le ciel, il n'en aurait même pas été étonné. Il manquait des tuiles sur le toit et le jeune remarqua un mur lisse à l'arrière du manoir. Les branches qui en dépassaient étaient lourdes de fruits. Morgan en conclut qu'un jardin devait se tenir derrière cette ruine. Il était prêt à faire demi-tour mais il resta les yeux figés sur la vieille bâtisse, pensif.
S'il rentrait en ville et disait qu'il n'avait pas réussi à convaincre le marquis, tout le monde le croirait... Mais il détestait les mensonges. Et ce n'était pas non plus son genre de renoncer aussi facilement, surtout aussi près du but. Il ferma les yeux et inspira profondément, tentant de remettre de l'ordre dans son esprit. Cet homme était-il si horrible que ça ? Oui, sans doute... Peut-être même pire encore, tous ceux qui l'avait vu n'en avait eu qu'un aperçu, après tout... Il entendit un son affreusement strident qui le fit grincer des dents. Les sens en alerte, il ouvrit subitement les yeux en grand. Quelque chose avait changé dans ce sombre décor et il ne tarda pas trouver quoi. Une silhouette sombre se détacha sur le perron de la demeure. La porte d'entrée était grande ouverte et une lumière diffuse entourait l'ombre comme une aura mystique. L'homme qui se tenait là lui fit signe de le rejoindre. Morgan déglutit et s'approcha timidement. Il était désormais trop tard pour reculer.
Arrivé devant la porte, l'homme l'invita à entrer et referma la porte derrière lui. Il le conduisit jusqu'à un petit salon où crépitait un feu de cheminée. Le vestibule était encombré et le manque de luminosité n'aida pas Morgan à suivre les grandes enjambées de son hôte. Une fois dans la lumière de la petite pièce, il put observer son hôte. Il lui semblait plus jeune qu'il ne l'aurait cru. Il était bien habillé et des éclairs semblaient jaillir de ses yeux brillants. Confus, Morgan baissa la tête comme s'il n'aurait pas dû le regarder ainsi. Le Margrave de Hlodwig le toisa sans un mot, le détaillant de la tête aux pieds. Son nouveau candidat n'était pas beaucoup plus petit que lui mais son manque de pilosité lui fit penser qu'il était bien trop jeune pour être là. Enfin, il se décida à parler. Il avait été déçu de tous les autres et on sentait la lassitude dans ses phrases qu'il avait répété depuis le petit matin. Sa voix grave et profonde surprit Morgan qui se redressa et se tint plus droit que jamais.
– Bien, commençons rapidement. Voilà de quoi faire le ménage, le coin là-bas n'a pas encore été touché, allez-y, je vous regarde.
Très direct, très strict et très clair. Morgan hocha la tête et attrapa les chiffons avant de s'éloigner vers l'endroit indiqué. En quelques minutes à peine, il avait fait des merveilles. Le sol était reluisant et le meuble présent ne portait plus aucun grain de poussière. Il paraissait même plus neuf qu'il ne l'était à l'origine. Morgan s'essuya rapidement le front et se retourna vers son -possiblement- futur employeur. Il sembla remarquer un léger sourire sur ses lèvres. Mais c'était difficile à dire, la pièce était loin d'être éclairée de façon optimale et envisager que le marquis put sourire était beaucoup trop incroyable. Sans un mot, l'homme sortit de la pièce. Morgan resta planté un certain temps sans savoir ce qu'il était censé comprendre. Le noble déchu passa sa tête à l'encadrement de la porte et lui demanda de le suivre à nouveau.
Ils traversèrent un autre couloir encombré jusqu'à une petite cuisine. C'était donc la deuxième étape. De ce qu'il avait entendu, peu étaient arrivés jusque là, c'était donc bon signe. Le maître de maison lui mit un livre de cuisine ouvert entre les mains et passa à côté de lui. Il traversa la pièce en quelques enjambées et passa sous une basse porte dérobée qui menait à la réserve. Il en ressortit avec un panier rempli de quoi faire un repas et le posa sur la table avant de prendre une chaise et de s'asseoir.
– Vous avez tout ce qu'il faut, vous n'avez qu'à suivre la recette et cuisiner. Si c'est mangeable, il y a une chance pour que je vous engage.
Morgan dut chercher les ustensiles nécessaires à la préparation du plat en ouvrant quasiment tous les placards. L'homme impatient soupira. Il se disait que la cuisine était vraiment une perte de temps. Il songeait presque à laisser le jeune tout préparer et ne revenir qu'à la fin. Mais il fallait bien qu'il l'évalue jusqu'au bout. Il se disait qu'à la moindre erreur, il n'aurait qu'à le chasser dehors et il n'en parlerait plus. Morgan s'appliquait à sa tâche. La recette demandée était loin d'être des plus faciles mais il avait l'habitude de cuisiner depuis tout petit. Sa mère lui avait tout appris bien que son père ne l'ait jamais approuvé. Ça lui avait pourtant bien servi jusqu'ici. Lorsqu'il eut terminé, il servit son hôte d'une main experte. Il n'avait pas fait un faux pas depuis son arrivée et attendait le verdict avec appréhension.
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