Acte I - Scène 3 : La rumeur en ville

Une nouvelle journée commençait paisiblement dans la petite ville de Loiziduc. Enfin, elle ne semblait pas si paisible que ça. Une affiche avait été placardée très tôt au petit matin sur la grand-place. De nombreuses personnes avaient commencé à s'agglutiner autour. Les gens d'ici étaient friands de nouvelles en tout genre. Et cette nouvelle-là était tout bonnement étonnante. Une missive du marquis était parvenue dans la nuit. Beaucoup s'interrogeaient encore sur qui était ce fameux marquis jusqu'à ce qu'une personne de ce petit attroupement fasse la réflexion qu'il devait s'agir du Margrave de Hlodwig, le nouveau monstre de la forêt. Ainsi la rumeur se répandit rapidement partout en ville, jusqu'à atteindre quelques hameaux un peu plus loin. Le marquis était prêt à payer une coquette somme pour quiconque serait capable de s'occuper d'affaires ménagères.

Certains pensèrent tout d'abord qu'il s'agissait d'une blague. Ce fameux marquis, presque personne ne l'avait vu à son arrivée et depuis, seul le vieux gardien l'avait vu. Celui-ci assurait à tout ceux qu'il croisait qu'il n'avait pas rêvé et que le marquis était venu en personne délivrer sa lettre. Une ancienne rumeur rejaillit aux côtés de la nouvelle. Le Margrave bien que privé d'une grande partie de ses terres avait su garder une certaine fortune. C'était donc à peu près sûr qu'il avait bel et bien de quoi payer.

Le travail proposé était tentant. Loiziduc était misérable. Les travailleurs les plus diligents parvenaient avec peine à garder quelques économies à chaque fin de mois. Dans les rues étroites de la cité se mêlaient les odeurs de chien mouillé à celle du graillon des cuisinières. Les pavés au sol étaient souvent fendus et parfois même manquants. Les murs sales des habitations faisaient mal au coeur. Les roches s'effritaient par endroits et le bois pourrissant des poutres de soutien faisait germer une nouvelle verdure sur de nombreuses façades.

C'était encore étonnant de voir des gens vivre ici. Il n'y avait rien à faire, trop de monde pour trop peu d'emplois. La population s'entassait tant dans les rues que l'air était irrespirable aux heures de pointe. Il n'était pas rare qu'une personne fragile s'effondre dans la masse grouillante de la foule. Fort heureusement, les passants avaient tout juste assez de bon sens pour l'éviter et ne pas la piétiner. Mais ils n'allaient jamais jusqu'à s'inquiéter de son état. Ils étaient bien trop occupés à faire leur vie. Qui ne consistait pas à grand chose, mais qui était probablement plus intéressante que de se préoccuper du sort d'autrui.

En plus d'être une ville usée par le temps, les intempéries et autres problèmes extérieurs, Loiziduc était remplie de gens égoïstes qui n'avaient que leur problème d'argent et personnel en tête. En somme, c'était des humains ordinairement moyens. Ils n'étaient sûrement pas mieux que le marquis misanthrope qui vivait dans la forêt non plus. Lui, avait au moins la décence de ne pas se mêler aux autres, montrant par ce simple geste qu'il n'en avait vraiment rien à faire de la société, plutôt que de faire semblant, comme les nombreux hypocrites envahissants la cité.

Au delà de l'aspect fort tentant de l'offre d'emploi, un problème majeur se posait. Le manoir où il leur faudrait aller travailler se trouvait au beau milieu des bois. Personne n'y était jamais allé et tous se demandait si un chemin quelconque y menait. Ensuite, la forêt n'avait jamais eu l'air très accueillante, et avec un risque mortel de s'engager dans un travail pareil, ça en avait refroidi plus d'un. Les candidats devaient se rendre sur place par leur propre moyen pour que leurs capacités soient évaluées. Ils n'étaient même pas sûrs d'être pris ni de pouvoir revenir chez eux en tout sécurité. C'était sûrement l'offre à la fois la plus alléchante et la plus problématique que les demandeurs d'emplois avaient pu voir. Finalement, le travail ne pouvait convenir qu'aux cas les plus désespérés.

Heureusement, des désespérés, Loiziduc en avait à foison. Ils n'avaient tous qu'une idée en tête : partir loin de cette maudite cité. Mais pour cela, ils devaient d'abord s'assurer de pouvoir vivre ailleurs, et donc, d'avoir de l'argent. Seulement, le désespoir ne faisait pas tout, il fallait savoir manier un balais, ce qui n'était pas aisé pour les plus grands maladroits de la ville pauvre. La difficulté résidait surtout dans le fait de savoir cuisiner. Bien sûr, tous ces potentiels candidats n'étaient pas morts de faim, par conséquent il était évident qu'ils avaient su se nourrir. Mais entre se nourrir du premier quignon de pain qui nous passe sous la main et cuisiner pour un marquis, il y avait un écart énorme à franchir. Un véritable gouffre.

Certaines personnes remplissant seulement un des critères requis, avaient tout de même décidé de tenter leur chance. Qui vivra verra, disait-on. Il restait toujours l'incertitude de revenir vivant du manoir, probablement hanté, du marquis. Mais ils chassèrent vite cette sombre pensée de leur esprit et les pauvres malheureux partirent se préparer tout le reste de la journée. Ils espéraient passer une bonne nuit de sommeil avant de frapper aux portes de leur futur, si la chance leur souriait, employeur. Ils continuaient à se baigner d'illusion dans leurs rêves nocturnes évitant soigneusement de penser au passage obligatoire à travers les bois.

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