2. Léa
Soupirant, Léa se tourna une fois de plus dans son lit. Elle ferma les yeux, espérant enfin réussir à s'endormir. En vain. Sans bruit, la jeune fille alla récupérer dans son sac l'étrange cahier. De retour sur son matelas, elle s'installa sous sa couverture et alluma sa lampe de poche. Elle relu une nouvelle fois les quelques lignes déjà inscrites avant de le feuilleter entièrement. Hormis cette première page, il était entièrement vide.
La jeune fille hésita un instant. Après tout, pourquoi suivrait-elle ces quelques règles? Si elle ne le faisait pas. Si elle gardait simplement ce cahier pour elle, personne n'en saurait rien. Mais à quoi lui servirait-il? Des cahiers vides, sa chambre en regorgeait. Elle pourrait aussi très bien le remettre là où elle l'avait trouvé, sans rien écrire dedans.
En réalité, elle avait déjà pris sa décision. Elle avait envie de jouer le jeu. Peut-être que le cahier lui reviendrait un jour. Peut-être serait-ce un moyen de communiquer avec quelqu'un d'autre? Ils s'échangeraient ainsi des messages, sans que personne n'en sache rien. Se serait tellement romantique...
Léa grimaça tandis que l'imagine d'un vieux pervers s'imposait à elle. Non. C'était une mauvaise idée que d'attendre quelque chose de plus de ce cahier. Mais l'idée de laisser une trace d'elle-même, qui serait lu lui plaisait. Alors, secouant la tête, elle récupéra son stylo plume et commença à écrire.
15 Avril 2020-Nice
Léa. Treize ans. Encore un an et un mois et demi a passé dans ce collège, avec elles. Plus les jours passent, plus cela devient difficile. Je ne comprends pas pourquoi elles s'en prennent à moi comme ça? Pourquoi sont-elles si méchantes? Qu'est-ce que je leur ai fait? Parce que, j'ai forcément fait quelque chose de mal. Sinon, elles me laisseraient tranquille.
Aujourd'hui, elles ont profité de la pluie pour noyer mes affaires de classe. Je vais encore devoir passer mon week-end a recopier tout les cours. J'ai dis à mes parents que j'étais tombée. Encore. Et ils m'ont crue. Heureusement d'ailleurs. J'ai bien trop peur de leur dire ce qu'il se passe. Mais d'un autre côté, je ne sais pas, savoir qu'ils n'ont pas su déceler mon mensonge me fait du mal. Peut-être qu'ils ne m'aiment plus autant qu'avant? De toute façon, avec l'arrivée prochaine de ma petite sœur,je suis presque invisible à la maison.
Samedi, nous partons une semaine chez mes grands parents à Ploërmel, en Bretagne. J'ai hâte d'y être et de retrouver Erwan et Marine, mes cousins. Même si Erwan et moi avons le même âge, je m'entends mieux avec Marine. En même temps, Erwan c'est un garçon quoi! Enfin, je veux dire, il est gentil et tout, mais il est un peu bête quand même. Un peu comme David. Sauf que David lui, il ne m'embête jamais.
David, c'est mon meilleur ami. A l'école, les profs nous appellent les inséparables.C'est complètement faux. Des inséparables sont amoureux. Alors que David et moi, on est juste des amis. Les meilleurs amis du monde entier. Mais quitte à choisir, je préfère que l'on nous désigne comme ça plutôt que de l'autre façon. Les élèves de notre classe ne sont pas très gentils.
Bien sûr, ils ne s'en prennent pas à David. Lui, il est plutôt apprécié. Mais pas quand il est avec moi. J'ai déjà entendu Marie raconter à qui voulait bien l'écouter que David et moi avions...C'est tellement dégouttant! Comment peuvent-ils la croire? On a que treize ans. Je ne m'imagine déjà pas l'embrasser, alors le faire...
Et les profs? On ne peut pas compter sur eux de toute manière. Ils ne voient jamais rien. L'autre jour, David est allé se plaindre au surveillant. Il lui a dit que Marie avait jeté ma trousse dans les toilettes. Elle, elle a dit que c'était faux. Que j'étais tellement étourdie que j'avais renversé mon sac en voulant le retirer. Il a préféré la croire.
C'est vrai que je suis étourdie aussi. Plusieurs fois, j'ai failli tomber dans les escaliers en loupant une marche. Mais il faut dire aussi que ce n'est pas facile de porter dix kilos sur le dos toute la journée. Le surveillant en question m'avait rattrapé de justesse. Il n'y a eu qu'une fois où l'un des surveillant a été témoin de la méchanceté de Marie. Il l'a envoyé voir le CPE. Elle en est ressorti au bout de dix minutes avec un simple rappel à l'ordre.
J'ai vraiment hâte de quitter ce collège.
Entendant du bruit, Léa referma rapidement le cahier qu'elle cacha sous son oreiller et éteignit sa lampe. Quelques minutes plus tard, la tête de sa mère passa par l'entrebâille de la porte. Voyant sa fille dormir à poings fermés, elle retourna rejoindre son mari dans le salon.
La semaine suivante, alors qu'ils étaient arrivés en Bretagne depuis deux jours, Léa profita d'une balade dans Ploërmel pour aller déposer le cahier dans la boîte à livres. Elle y trouva un vieux roman usé qu'elle décida de ramener jusqu'à Nice.
Le roman racontait une histoire d'amour qui n'était certainement pas de son âge, mais cela lui importait peu. Il était hors de question pour elle de faire le voyage de retour sans pouvoir s'évader dans les effluves d'un bon roman papier. Le livre rejoignit ainsi le fond de sa valise jusqu'au dernier jour, où elle le cala dans son sac à main entre son classeur de mathématique et son cahier de français.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top