~∆La Blague∆~

Il pleuvait à grosse goutte. La pluie tombait sur le trottoir, et s'écoulait le long de celui ci, en un minuscule cours d'eau, telle une petite rivière, pour finir sa route dans les caniveaux, entrainant avec elle toutes les immondices et déchets de la société, qui allaient régaler le peuple des égouts.

Il sortit de la voiture. Foutu temps. Il était déjà trempé. Derrière lui, les lueurs de la ville brillaient de mille feux, donnant l'impression d'un phare éclairant les ténèbres opaques de la nuit, procurant aux immeubles une silhouette mystique dans le noir, comme de titanesques créatures, regroupées autour d'un même point, fournissant les abris nécessaire à une populace en besoin.
Évidemment, ce n'était qu'une bête impression. Quand on connaissait l'endroit, on était tout, sauf rassuré par la ville. Surtout en pleine nuit.

Il avança. Ses chaussures collaient à la boue, rendant la progression pénible. Une sensation d'humidité bien connue se répandit au niveau de ses pieds.
Devant lui, le batîment se dressait avec orgueil, lugubre, une véritable abbération d'un autre temps. Le portail métallique, à pics, rappellait les maisons hantés des vieux films d'horreurs, les manoirs remplis de fantômes, de spectres, de vampires ou de loup-garous, bons à effrayer les enfants. Le pire, c'est que l'endroit était véritablement ça. Un véritable asile pour monstres.
Il poussa la grille, qui grinça de manière peu rassurante. La pluie coulait sur son visage, collait ses cheveux et à sa moustache, et perlait au bout de ses lunettes. L'homme pressa l'allure, passa le seuil de la propriété et courut presque vers l'entrée de la structure, remontant le plus possible son imperméable, pour s'abriter des flots déchainés.

L'intérieur était sec. La réceptionniste, le nez plongé dans un livre ressemblant fortement à un roman d'amour à l'eau de rose, releva la tête, par réflexe, puis revint vite à son bouquin, le jugeant plus intéressant. Il ne releva pas. La courtoisie ici était rare, et l'ambiance loin d'y être chaleureuse. Sans plus attendre, il continua son trajet.
Les couloirs et le sol, blancs, indiquaient bien fortement la nature du lieu, mais les fissures visibles et la peinture s'écaillant témoignaient du peu d'intêret qu'on lui portait, au niveau de l'entretien du moins. La présence de vigiles armés de matraques contrastait toutefois avec les premières impressions, signe que l'endroit était bien plus dangereux qu'il n'y paraissait. Il passa devant les portes métalliques, sans s'attarder sur les lucarnes. Les gardes haussèrent un sourcil, le voyant déambuler devant eux, mais ne dirent rien.

Un petit cri se fit entendre. Puis un grognement féroce. Un bras reptilien monstreux surgit d'un des orifices, tendu vers sa direction. Il n'y prêta aucune attention.
Dans l'une des cellules, un des détenus se roulait en boule, gémissant, chuchotant des paroles incompréhensibles. Dans une autre, un homme défiguré jouait avec une pièce de monnaie. Tous des fous furieux, ou des criminels présentants des troubles mentaux assez prononcés. Mais s'il était là, ce n'était pas pour observer ces malades, mais pour une raison bien précise.
Il arriva au fond du couloir. Deux hommes de la sécurité, armés, gardaient une épaisse porte en acier trempé. Ils le regardèrent. Il sortit sa carte. L'un des vigiles se tourna vers son collègue, qui hocha la tête. Il se tourna, et déverouilla l'entree.

-Vous pouvez entrer. Mais faites attention. C'est le pire de tous.

-Je sais de quoi il est capable, répliqua l'homme.

Et il entra.
La pièce était plongée dans une semi-obscurité. Les murs en béton, d'un gris fade, retransmettaient bien ce petit côté de prison. Il n'y avait qu'une table au centre, éclairée par la seule lampe du plafond, qui diffusait une lumière blafarde. Il s'assit à l'une des extrémités.
Un long silence régna dans la salle, pendant plusieurs minutes. Puis, il parla.

-Alors...? Comment vas tu depuis la dernière fois?

Son interlocuteur, caché dans la pénombre juste en face, ne répondit pas.

-Tu es bien traité? Tu as ce qu'il te faut?

-...

Il ôta ses lunettes, et les nettoya. à l'aide d'un petit chiffon. Dehors, les cloches sonnèrent minuit.
Il y eu du mouvement. Une main, pâle comme recouverte de craie, sortit de l'ombre, l'index pointé vers le haut.

-Ça y est. Le "ding"... Les cloches sonnent... sonnent.. Ding, dong.. , prononça l'homme, toujours camouflé dans les ténèbres de sa cellule.

-Tu as retrouvé ta langue? lâcha le visiteur, remettant ses verres.

-Je ne l'ai jamais perdu. Mais il faut croire que vous savez la délier, en tout cas.

Il gloussa.

-C'est si attentionné de votre part de venir prendre de mes nouvelles... Commissaire, continua t'il. Comment va votre fille...?

Le policier serra les poings. Son interlocuteur poursuivit.

-Une si merveilleuse fille... Si gentille. Si sympathique. Je l'ai apprécié tout de suite, dès notre première rencontre. Elle aussi, visiblement. Elle en est tombée à la renverse...

Un autre gloussement monta de sa gorge.

-La pauvre petite ne tenait plus sur ses jambes!

Et il partit d'un éclat de rire. Un véritable rire d'hystérique, sans pouvoir s'arrêter. Il recula, sa main repartant dans le noir. Il se balançait sur sa chaise, comme ivre, invisible aux yeux de son visiteur.
Le commissaire ferma les yeux, et respira longuement. Il se doutait à l'avance qu'il allait faire ça. Qu'il allait insister sur ce point. Il répondit, tentant de maitriser la colère dans sa voix.

-Elle... va... très bien.

-Vraiment ? demanda la voix du prisonnier. Il faudra que je repasse vous voir alors!

Et le détenu repartit dans sa folie, hilare.
C'en était trop. Il n'allait pas pouvoir continuer. Il se leva brutalement.

-Pour ma part, ce n'est pas que je me soucis de toi... cracha le policier, avec une haine non contenue. Je m'assures juste que tu es vivant, pour que tu profites du reste de ton existence, à moisir ici, comme l'ordure que tu es!

Le rire s'arrêta net.
Il se tourna, et s'apprêta à sortir.

-Une dernière chose, Gordon.

Il se figea. Il ne l'appelait jamais comme ça, d'habitude.

-Si vous LE voyez... Pourriez vous lui transmettre un message?

Le fou se pencha en avant, dévoilant une face blême, un sourire sanglant occupant l'intégralité du bas de son visage.

-Que j'ai des nouvelles blagues... à le faire mourrir de rire.

Il recula à nouveau dans le noir. Et Gordon sortit, à toute allure.
La porte claqua. Il était à nouveau seul. Comme à son habitude. Il leva la tête. Dehors, la petite bête chassait sur les toits de Gotham, traquant chaque nuit la vermine qui sévissait dans les ruelles de la mégalopole. Une lutte dénuée de sens. Exactement comme lui.
Un petit râle monta de sa gorge. Il sortit son paquet de cartes. C'était l'occasion de se faire une petite réussite...
Il se mit à fredonner, battant son jeu, joyeux, son éternel sourire aux lèvres.

"You'll be lost... You'll be lost... Face it, Bat, you'll be lost without me."

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