Partie 1- Chapitre 2

J'étais donc plongé dans cette eau, au dessous de ce ciel si lent. Je ressentais alors ce vide immense sur tout mon être. Je sentais le temps s'arrêter sur ma peau. Il y avait là quelque chose de doux. Et si je me concentrais assez, je pouvais me sentir atteindre les étoiles. C'était lourd et si calme que je ne pouvais plus sentir mon corps. Il ne restait plus rien à part cette vérité : je me devais d'écrire. Écrire le plus possible, écrire ce qui m'entourait ou plus loin encore. Ce devait être pendant ce temps là que Zyan escaladait le grillage pour aller trouver refuge chez les voisins. Il portait un short noir et un t-shirt vert. Ce t-shirt était particulier, il mêlait deux teintes qui faisaient de grands carrés de tissus volants sur les manches et un soleil était brodé grossièrement sur le centre avec une laine vert clair. C'était son haut préféré et il ne se cachait pas pour le dire. Les cheveux emmêlés flottaient derrière lui et formaient un nid peu à peu, mais il se fichait complètement de cela. À peine habillé, sans prendre le temps de mettre ses chaussettes, il quittait la maison, traversait le jardin. Il se ruait avec passion jusqu'au grillage, là, il posait ses mains avec un calme infini. Il se préparait pour le passage, puis, il levait un pied, nu et mouillé par la rosée. Il serrait alors ses orteils, puis, les étirait, ainsi il les glissait dans le quadrillage du fil vert et dur. Il refermait ses orteils avec force. Il serrait les dents face à cette douleur, au moment où il soulevait son autre pied. Tous ses membres se transformaient en crochet. Il plaçait son pied plus haut, il retirait le premier pied placé, il le faisait passer par dessus ce grillage à moitié plié sous son poids. À cet instant il mettait son dernier pied de l'autre côté. Il se laissait alors tomber en arrière et il se retrouvait chez les voisins. Ses deux pieds nus étaient de nouveau caressés parles brins d'herbes. Il traversait alors le jardin, puis il glissait ses petits doigts d'enfant sur le rebord de la baie vitrée, qu'il ouvrait alors et il pénétrait dans la bâtisse laissant sur son passage de petits pas mouillés. Il frottait ses pieds sur le tapis blanc, ce qui créait de grandes traces vertes. Il entendait déjà la voix de Maria qui criait doucement sur lui. Ce n'était pas comme les cris de sa mère qui, eux, étaient hargneux et stridents. Maria avait de l'amour et de la douceur dans la voix ; et quand elle avait fini, elle souriait toujours, elle attrapait la boîte ronde cabossée à certains endroits, elle l'ouvrait et tendait un bonbon. Puis elle rangeait cette boîte tout en haut. C'était une des raisons pour lesquelles Zyan venait ici : c'était un refuge de douceur et d'amour. Un peu spécial tout de même, car dans ce refuge ils ne parlaient pas français. Ni Zyan, ni les occupants de la demeure. C'était une langue avec plus d'amour, on pouvait y entendre le sang couleur avec sagesse dans le corps. On pouvait y entendre le soleil scintiller puis glisser pour se décrocher de la grande toile du ciel. Il trouvait cette langue belle. Peut-être parce qu'elle n'était pas souillée par la tristesse et le malheur comme le français. Peut-être parce qu'il se sentait transporté et héros dans ces moments. Peut-être aussi qu'il pouvait se sentir un peu plus libre. Ici, il avait le droit de rire comme un feu qui crépite. C'était tous ces moments là-bas, qui le rendaient un peu plus humain, un peu plus vivant, même s'il lui semblait mourir à chaque fois que ses pieds se posaient de l'autre côté de la barrière. À cet instant précis il quittait le monde pour mieux se protéger, pour mieux abriter la vie plus tard. Mais dans cette vie où la joie avait un accent particulier, un accent que les autres nommaient slave, lui, il ne voulait pas donner de nom au bonheur parce qu'il ne voulait pas le voir partir comme cela c'était déjà produit trop de fois. Il acceptait donc qu'on le nomme. Il acceptait donc qu'on le nomme, parce qu'il ne voulait pas être le bonheur de quelqu'un , et, parce que cela lui donnait le droit de partir. Cela lui offrait la possibilité d'essuyer ses pieds sur le tapis et puis de s'enfuir un jour, n'importe lequel et de ne jamais revenir. Ce n'était pas comme en français, dans lequel il était coincé à jamais. Dans cette langue, il avait un autre nom, on l'appelait : Jaskołka. Ce mot, enfin son nom était doux et il lui offrait, dans son sens, dans sa définition, un moyen de fuir, la liberté en tout petit, la liberté en saison, la liberté en noir et blanc. C'était un excès de bonheur gravé à jamais sur sa peau.


 Souvent, ils dormaient encore, alors il s'installait dans la cuisine avec un bol de céréales. La première fois qu'il avait fait cela, il se sentait comme un intru dans la demeure qu'il connaissait pourtant par cœur. Maria lui avait dit la veille qu'il pouvait se servir. Ce qu'il tenta de faire. Mais avec sa petite taille, il ne trouva pas les bols, ni les cuillères. Il prit donc ce qu'il attrapa : ce fut un saladier et une louche. C'est attablé avec un saladier de céréales que Maria découvrit Zyan dans sa cuisine ce matin là. Et tous rirent de bon cœur face à cette anecdote. 

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