35.
Dane : 03h15
Tout en mangeant un peu avec les moyens du bord, assisté par les dix-huit autres garçons et leur cheffe, je me sens énormément observé. Ils me regardent comme s'ils n'avaient jamais vu quelqu'un se nourrir.
Les toisant à mon tour, j'ai le temps de remarquer que la femme me jauge un peu trop à mon goût, beaucoup trop. Elle me met vraiment mal à l'aise.
Je ne sais pas comment réagir avec elle. Je ne sais pas si je peux lui donner ma confiance ou si au contraire, elle peut me jeter à la seconde où je lui confierais qui je suis réellement.
Là est toute la question et cela me taraude l'esprit. Il en va peut-être de mon avenir. Pourtant, je sais que dans quelques minutes il va falloir que je lui fasse face.
C'est une guerrière et cela se voit rien qu'à l'œil nu. Elle ne se laissera pas impressionner par mon rang ni par ma déchéance. Elle se fichera bien de ma condition. Pour elle je l'ai bien compris, sois je suis dorénavant un bannis comme eux, sois je suis un allié à la couronne. Elle ne cherchera absolument pas à se laisser prendre par les sentiments.
Alors je cogite, je me demande si je lui dois la vérité ou non. Je m'interroge sur des mensonges plus ou moins plausibles que je pourrais lui sortir. Mais je suis sûre qu'elle serait capable de me délier la langue jusqu'à ce que je crache le morceau. Car oui, et j'en suis certain, elle a un gros doute sur moi, au fond, elle sent que je ne suis pas qu'un homme lambda.
– As-tu bien déjeuné, Dane ? me demande-t-elle, me tirant de mes pensées.
– Très bien, je vous remercie. Il ne fallait pas autant me servir.
Et c'est vrai. Elle a ordonné à ce qu'on me serve le plus de mets possible. J'ai eu le droit à un mélange de petit-déjeuner, de dîner et de repas en même temps. Je me demande où ils ont bien pu trouver toute cette nourriture.
– J'ai voulu faire plaisir à notre invité. J'ai mis les petits plats dans les grands, comme on le dit si bien.
– C'est très généreux de votre part. Merci beaucoup.
– Il n'y a pas de quoi. Appelle-moi Xena, c'est comme ça qu'on me surnomme ici.
– Très bien, acquiescé-je poliment, mais tout aussi gêné par son imposant caractère.
– Alors, Dane, parle-moi un peu de toi. Tout le monde ici s'est présenté, hormis toi. D'où viens-tu ? Dis-nous tout.
Elle lance ces questions comme si cela devait être une présentation banale, or, et je le vois au fond de ses yeux étincelants de malice, elle cherche autre chose qu'une vulgaire discussion pour faire connaissance.
– Je m'appelle Dane. Je fais des études à Culpa. Enfin, des études imposées dans l'horticulture. Ce n'est pas vraiment ce que j'aime, mais je sais que Gloria cherche beaucoup de main d'œuvre dans ce milieu. J'ai eu de la chance, j'ai évité la promo d'agriculture. Autrement, quoi dire d'autre sur moi d'intéressant ? Pas grand-chose. J'essaye de vivre le plus normalement possible.
– Et tes parents ? Ton père ?
– Mon père ?
Les yeux dans le vague, je repense à son dernier sourire, à ce dernier regard compatissant qu'il m'a lancé lorsque j'ai été envoyé pour étudier à Culpa. Cela fait dix ans que je ne l'ai pas vraiment vu. Ravalant mes larmes, je relève les yeux, la tête haute.
– Je ne sais pas ce qu'est devenu mon père. Ça fait longtemps que... je ne l'ai pas vu.
– Mais avant tout cela ?
– Avant... avant le virus ? demandé-je en bégayant, à la fois stressée, mais aussi sur la défensif.
– Bien sur ! De quand voudrais-tu qu'on parle ?
– C'est vrai. Suis-je bête.
– Ne sois pas si gêné. Tout le monde a sa propre histoire ici et elles ne sont pas toutes glorieuses.
– Non, ce n'est pas ça. Peu m'importe que ma vie soit bonne ou mauvaise, je relativise toujours.
– C'est déjà une très bonne qualité.
Comment lui avouer ? Dois-je vraiment lui dire ? En quoi cela la regarde-t-elle au fond ? Mais partir sur une confiance avec un mensonge, c'est trahir son respect. Je suis désemparé.
– Tu n'as donc rien à dire sur toi ?
– Mon existence est palliée de mésaventures, rétorqué-je en haussant les épaules, comme tout à chacun. Je n'ai pas grand-chose à raconter sur moi.
– Même pas sur ta famille ?
– Pourquoi ma famille vous intéresse autant que ça ?
– Probablement parce que tu ressembles beaucoup trop à ta chère mère, mon grand.
– Comment cela ? m'écrié-je soudain, apeuré.
– J'ai connu une femme auparavant. Elle était bonne. Elle avait le plus pure des cœurs. Et puis un beau jour, suite au virus et aux nombreuses crises qu'à traversé notre pays, elle a commencé à changer, radicalement. Et dans le mauvais sens. Elle est devenu aussi cruelle que pouvait l'être Cruella. Tu sais, dans l'histoire. Alors on s'est éloigné. Et je sais à qui appartient ce jolie petit minois qui se tient face à moi. Donc, ne me prend pas pour une écervelée mon petit. J'ai sue qui tu étais à la seconde où j'ai posé les yeux sur toi.
– Comment ça ? Je ne comprends pas où vous voulez en venir, défends-je, la goutte au front.
– Veux-tu que j'éclaire ta petite lanterne, mon petit Dane ?
Elle se lève et se dirige vers un petit meuble à tiroir. Pour des bannis, ils sont plutôt bien lotis. Elle y ressort un livre, mais au fur et à mesure qu'elle revient vers moi et qu'elle se rassoit, je me rends compte que le livre n'est autre qu'un petit album photo.
– Ce sont des photos que je gardais précieusement dans mes poches. C'est tout ce que j'avais et ce qu'il me restait après la rébellion des femmes. Tout a été mis à feu et à sang, si bien que ma vie s'est effondrée. En tout cas, presque, ajoute-t-elle en me montrant son album, ce sont des clichés quand j'étais jeune, avec ma famille et mes amis les plus chers. Tu vois là, me montre Xena de son long doigt, cette femme était ma meilleure amie et je crois que tu l'auras deviné, elle s'appelle Gloria.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top